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fragments

Il n’est pas d’humeur à donner des leçons. Il déteste cela. Il ne se voit pas comme la voix de la raison. Il ne s’imagine pas comme la personne détenant tous les secrets du monde. Il ne se sent pas légitime dans le rôle du moralisateur. Pourtant, il se doit de l’être. Il se doit de montrer le bon chemin. Il se doit de faire comprendre à Snow que créer du verglas sous les pieds d’une personne est mal. Atrocement mal. Et douloureux. Lui même a fait des erreurs dans son adolescence. Lui même a failli tuer des gens. Il a retiré des enseignements de ses erreurs. Il a tout fait pour que ça ne se reproduise plus. Alors, qu’est-ce qu’elle attend ? Elle a trop peur d’elle. De sa mutation. La peur paralyse toutes les volontés. La peur interdit tout contrôle. Elle doit travailler son sang-froid. Ce n’est pas gagné. S’il ne peut pas l’aider avec ses pouvoirs, il pourra au moins le faire avec ses émotions. L’endurcir. La pousser dans ses retranchements. Lui construire une carapace. C’est ce qu’il faisait avant. Il finit par déballer son burger. Il a faim et il a fini avec sa leçon. Une chance que l’accident ne lui ait pas coupé l’appétit. Il n’aurait pas eu le coeur de gâcher un sandwich aussi gras. Il le détaille un instant. A la recherche de la meilleure technique pour croquer dedans. D’un côté, la rondelle de tomate est prête à sauter. De l’autre, le fromage se fait la malle. Il opte pour le côté de la tomate. Le silence se fait. Il n’attend pas la réaction de Snow. Il sait qu’il y en aura une. Il faut juste lui laisser le temps de digérer ses paroles. Il se contente de manger son burger. Il pioche dans ses frites. Il apprécie presque le toucher gras de son repas. Il a troqué les six couverts d’un restaurant gastronomique pour les doigts dans un fast food. Un bel échange. “Tu ne peux pas continuer..” Il a le nez dans son burger. Mais, il lève les yeux au ciel. Elle le fatigue, littéralement. Elle use ses nerfs. Elle met sa patience à rude épreuve. C’est toujours la même chose avec elle. Elle cherche son approbation. Elle cherche son affection. Et après, elle le repousse. Elle finit toujours par le repousser. Et où est-ce que ça les mène ? Nulle part. Il ne l’écoute pas. Il ne le veut pas. Il regrette presque d’être dehors. Il aurait aimé se plonger dans la conversation de la table voisine. Au lieu de cela, il n’y a que le silence à écouter. Que Snow qui parle. “Je suis un danger pour l’Institut, la paranoïa qui va naître des conflits n’est pas faite pour faciliter les choses. Vous ne pouvez pas me laisser mettre votre paix en danger.” Cette conversation est fatigante. Éreintante. Elle revient toujours sur le tapis. Snow a un vrai problème d’assurance et de légitimité. Elle a un vrai problème d’acceptation. Elle se pense rejetée. Elle se pense dangereuse. Elle se pense mal aimée. Elle ne voit pas l’inquiétude des professeurs. Elle ne voit pas les attentions de ses camarades. Elle ne voit même pas qu’Aneliese l’apprécie, dans le fond.

Il en a assez de l’écouter se remettre en question. Il en a assez de l’entendre abandonner. Il se concentre sur son burger. Il se concentre sur ce steak qui ne veut pas rester en place. Il ne croise même pas le regard de Snow. A quoi bon ? Il verra la douleur dans ses prunelles. Il lira la détresse dans ses yeux. Il la connaît d’avance. Il sait à quoi ils ressemblent. “Je suis fatiguée et tu es malheureux..” Il retient un soupir. Il faut toujours qu’elle l’intègre dans la conversation. Comme si elle le faisait pour lui. Comme si elle voulait s’éloigner de lui. Depuis le temps, elle ne l’a pas fait. Elle ne le fera pas. Pour les mêmes raisons qu’il n’arrive pas à s’éloigner d’elle. Parce qu’ils ont besoin de voir l’autre, de s’assurer qu’il va bien. Ils ont besoin de cette proximité. Parfois, ils se laissent un peu trop envahir par ce besoin. Parfois, ils en oublient la décence  et finissent dans les bras l'un de l'autre, indéfiniment. “Pourquoi est-ce que tu me laisses empiéter sur ta vie de la sorte ?” Il quitte la tomate des yeux pour les poser sur Snow. Elle voit leur relation ainsi. Elle croit être une gêne dans sa vie. Elle croit être un poids qu’il traîne par obligation. Elle est vraiment désespérante. A chercher son affection, elle devient un poids. Oh que oui ! Elle dévient pénible de ne pas réaliser sa vraie valeur. Mais uniquement dans ces moments là. Lorsqu’ils ont des conversations. Lorsqu’ils passent des moments ensemble. Lorsqu’ils mangent ensemble. Là, elle n’est pas un poids. Elle est une amie. Une amie qui galère avec son burger, visiblement. Elle passe du sérieux à l’amusement. Elle rit. C’est presque agréable de l’entendre rire, maintenant. Presque une douce mélodie pour chasser sa crise existentielle. “Tu retournes le quart d’heure de torture contre moi, avoue !” Il hausse les épaules. Il esquisse un sourire en coin. Okay, il y a une certaine satisfaction de la voir se battre avec un burger. Un simple plat à la base de l’alimentation de la majorité des Américains. Où a-t-elle grandi, bordel ? Même dans son manoir, elle a dû avoir le droit de sortir avec ses amis ! “Je ne vais pas le nier.” Il aurait été aussi maladroit avec des escargots que Snow avec son burger. Pour le coup, ce n’est pas lui qui est en panique. Alors, il ne va pas se priver pour s’en amuser. “Je suis tout de suite beaucoup moins classe, avec ton truc, hein.” Cela est presque étonnant. Sa chère mère n’a pas enseigné à sa fille comment être classe en toutes circonstances ? Bobby est presque déçu des Rosebury. “.. Je ne voulais pas le blesser.. j’ai senti sa peau et je déteste qu’on me touche.” Réaction typique des personnes qui ne sont pas à l’aise en public. Il avale le dernier morceau de son hamburger. Il prend le temps de le mâcher. Le temps de réfléchir par où commencer. Snow est un puzzle à elle toute seule. Il faut savoir emboîter correctement les morceaux pour que le discours ait un impact. Il essuie ses doigts sur la serviette. “Tu devrais le prendre dans l’autre sens.” Il lui fait signe de tourner son hamburger. “Là, voilà. Et ne l’écrase pas comme ça, tu fais sortir toute la garniture !” Ça, c’est pour le cours. La partie amusante de la conversation. Maintenant, il faut passer aux choses sérieuses. “Je sais que ce n’était qu’un accident. C’est déjà un miracle que tu ne l’ais pas tué.” Il le pense. Volontairement ou pas, elle aurait pu le tuer. Elle aurait pu lui rompre la nuque sur le sol. Que cela réveille de mauvais souvenirs chez Snow, il s’en fiche. Elle doit prendre conscience que la survie des autres dépend d’elle. Que ce n’est pas en fuyant qu’elle va aider mais, plutôt en se contrôlant. En se maîtrisant. La fuite ne la fera jamais avancer. Elle reculera. Elle ne fera que ça.

Il attrape une frite dans son tas. Il la pointe dans la direction de Snow. Elle tombe lamentablement, mais il s’en fout. Il a le regard rivé sur la jeune femme. “On en revient toujours à la même conversation, Snow : tu te sens indigne de ma confiance, de toute l’attention qu'on te porte à l’Institut. Tu ne t’y sens pas à ta place. Tout cela, je l’ai entendu des centaines de fois. Ça ne change rien : tu reviens avec moi. Il n’y a pas d’autres alternatives.” Il enfourne la frite. Si pour cela, il doit la traîner de force, il le fera. Si il est obligé d’appeler les X-Men en renfort, il n’hésitera pas. Elle a besoin d’eux. Bien plus qu’elle ne le croit. Elle ne peut pas aller se perdre ailleurs. Il veut lui répondre. Il veut lui expliquer pourquoi il l’accepte toujours dans sa vie. Pourquoi il est toujours aussi attaché à elle. Mais, il n’a pas la réponse. Seulement des semblants de raisons. Des lambeaux de réflexions. Des pistes éventuelles. “Je t’ai acceptée dans ma vie le jour où on t’a retrouvée près de l’Institut. Je ne pensais pas qu’on en viendrait à manger dans un fast food, à San Francisco." Il marque une pause. A la recherche de ses mots. “Je ne sais pas pourquoi je t’apprécie toujours. Ce sont des émotions, ça ne s’explique pas. Tu es amie, ça, j'en suis sûr. Je ne vais pas te laisser tomber parce que tu commets des erreurs.” Il n’arrive pas à mettre des mots sur leur amitié. Il n’arrive même pas à la décrire. Elle est complexe. Il y a parfois de la haine. Une haine motivée par un désir de protection de l’autre. Il y a souvent des marques d’affection. De l’affection pour prouver son amour à l’autre. Une relation de "je t’aime moi non plus". Snow fait toujours partie de sa vie parce qu’elle y est depuis tellement longtemps. Elle y est depuis une éternité. Il ne conçoit plus son quotidien sans une catastrophe signée Snow. Elle a intégré sa routine. Une journée sans Snow est une mauvaise journée. Une journée sans parler avec elle est une journée non achevée.

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Fragments.
Iceberg ✧ Snow
« And it's hard looking back Knowing what I could've done. I’m never going back, I’m always on the run And you never really find The pieces that you leave behind. All I got from this place is fragments. »
- Jaymes Young, Fragments

« Tu devrais le prendre dans l’autre sens. Là, voilà. Et ne l’écrase pas comme ça, tu fais sortir toute la garniture ! » A croire qu’il y avait une science du hamburger, un savoir sur la manière dont il faut qu’il soit gras pour être bon et sur le sens dans lequel il faut le manger. Effectivement, ça lui échappe moins des mains. « Merci.. » souffle-t-elle, réalisant qu’il ne s’agissait en rien d’un plat qui avait orné son enfance. C’est plutôt bon, mais suffisamment calorique pour combler une journée complète par rapport à ce qu’elle mange généralement - presque trop sain si vous voulez l’avis de ses camarades. « Je sais que ce n’était qu’un accident. C’est déjà un miracle que tu ne l’ais pas tué. » Un miracle aussi qu’elle n’ait pas voulu le tuer. Ce sentiment d’insécurité ne cessait de grandir à mesure qu’elle se rétablissait. Elle devrait être morte avec les autres, parmi ces corps inertes sur le sol goudronné. Elle devrait être six pieds sous terre. Quelque chose lui fait l’effet d’une compression contre son thorax ; les pensées l’angoissent, rendent son souffle un peu moins régulier mais elle fait ce qu’elle peut pour garder un minimum de contrôle sur la hantise qui rode. Et la frite détourne son attention - elle regarde à nouveau Bobby, sans toutefois croiser ses yeux clairs.

« tu reviens avec moi. Il n’y a pas d’autres alternatives. » Il ne changera pas d’avis. Elle espérait que l’agacement dans sa voix signifiait qu’il allait lui laisser le choix, ou au moins l’envisager mais non, rien. Il exigeait son retour. « Je t’ai acceptée dans ma vie le jour où on t’a retrouvée près de l’Institut. » L’enveloppe charnelle glacée qu’elle était, s’effondrant trop proche de l’objectif et pourtant incapable d’aligner un pas de plus. Elle ne se souvient toujours pas vraiment de cet évènement, il est placé dans sa mémoire comme une reconstitution faite des récits rapportés. Beaucoup d’évènements subissaient le même sort. « Ce sont des émotions, ça ne s’explique pas. Tu es une amie, ça, j'en suis sûr. » Les billes rencontrent les siennes, timidement. Comment était-elle passée d’ennemie à amie ? Comment avaient-ils pu basculer d’un extrême à l’autre ? Aucun des deux n’avait la réponse. « .. Je déteste les émotions, c’est irrationnel. » Le psychologue savait qu’elle les ressentait avec une violence sans doute plus grande que beaucoup, les sens toujours à fleur de peau, le coeur souvent au bord des lèvres et la peur comme un bijou noir accrochée à chacun de ses pas. Elle détestait les émotions, à raison, puisqu’elle n’arrivait pas à les stabiliser - autrefois, lui a-t-on dit, elle y parvenait.

« Je ne vais pas te laisser tomber parce que tu commets des erreurs. » Elle est lentement venue à bout de ce fichu burger et, après avoir essuyé ses mains avec une serviette, elle consent à reprendre la parole. « Je t’aime aussi, sans aucune raison valable. » Un peu d’humour. C’est trop complexe à extérioriser sans. Elle n’est pas certaine d’avoir vraiment de frontière pour ce sentiment - aimer, ça voulait tout et rien dire. « Et n’imagine pas une seconde chercher à me faire avaler quoique ce soit de plus. » Qui pouvait manger ces choses grasses et des frites avec ? Au moins le soda aiderait à oublier le poids d’un tel repas. Snow n’était qu’un oisillon, à table. Ca lui permettait également d’y rester peu de temps, quand elle était à l’institut.

« Tu sais qu’il y a le manoir ici. Ca n’est pas comme si j’étais à la rue.. » Le mystère sur l’état de la demeure était toujours complet, avec tout ça. Elle n’avait pas eu ni l’envie ni l’esprit à réfléchir au sujet, elle n’était toujours pas sûre de vouloir glisser sur cette pente mais il faudrait le faire, tôt ou tard. « .. Même si je ne devrais pas en avoir l’héritage. C’est comme si on en avait oublié les soupçons sur le meurtre de mes parents.. enfin meurtre, si tant est que quelqu’un puisse encore associer hypothermie et meurtre depuis le temps. » Si Snow avait été rapidement qualifiée de mutante, elle ne se souvenait pas d’avoir dévoilé l’étendue de sa mutation en s’effaçant du cocon familial figé dans le froid. Il y avait un blanc de plus entre le regard éteint de sa mère et le reste. Sentiment de terreur et de liberté dont la saveur était gravée à jamais dans son passé. « .. Tu n’es pas sorti manger depuis combien d’années, Bobby ? Tu savoures comme un ado puni depuis des siècles ! » Ca la fait sourire, de le voir prendre tant de plaisir avec un steak coincé entre deux pains et de simples frites. Son existence serait bien triste sans le minois de son psychologue. Terriblement monotone et grise.
 
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Manger proprement un burger est tout un art. Il faut déployer une stratégie précise et minutieuse. Tout cela, dans le seul but de ne pas faire tomber les aliments. Ou d’attaquer la personne en face de vous avec un bout de tomate. Il va falloir qu’elle s’entraîne si elle compte manger de nouveaux hamburgers. Sinon, elle risque de voir le pain se vider entièrement sur le plateau. Ce n’est pas vraiment le but recherché. Et puis, il serait dommage qu’un bout de cornichon soit gelé en cours de route, par Bobby. Alors, mieux vaut que Snow apprenne à manger correctement son hamburger. Il aurait peut-être dû demander des couverts. Le genre en plastique qu’ils servent avec les salades. Elle lui fait presque de la peine, à manipuler son sandwich délicatement. Il a déjà terminé le sien, alors qu’elle n’en ait qu’à la moitié. Il ne serait pas étonné que demain, elle se plaigne de maux de ventre. Peut-être que son estomac n’est pas habitué à manger aussi gras. Ce serait la meilleure ! Il aurait pu finir dans le même état qu’elle, après avoir mangé trop bon et trop cher. Il aurait mis des jours à s’en remettre. Il croise les doigts pour que ce restaurant soit le seul programmé ce week-end. Sinon, son coeur risque de le lâcher. Quant à son corps, il pourrait se consumer en une seconde. “.. Je déteste les émotions, c’est irrationnel.” Il ne la contredit pas. Ce qu’elle dit est vrai. Les émotions sont incontrôlables. Les émotions ne se définissent pas. Les émotions ne sont que des influences. Comment être sûr que ce que l’on ressent est du bonheur ? Comment être sûr que ce que l’on ressent est de la colère ? Seulement en s’écoutant. Seulement en ayant confiance en son instinct. Snow a besoin de contrôler. Sauf que les émotions ne sont pas le genre de chose que l’on prend et que l’on enferme dans une boîte. Elles sont là et il faut faire avec. Snow doit s’habituer. Elle qui est si sensible n’y parvient pas. “Je t’aime aussi, sans aucune raison valable.” Il esquisse un sourire. Un léger sourire. Il a le sentiment qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’est l’amour. Il n’y a qu’à voir comment elle a remis en question son couple. Il n’y a qu’à voir comment elle prend à coeur son bonheur, en l’emmenant en voyage et en lui payant un restaurant gastronomique. Elle a de l'amour, ou alors, elle ne sait pas à quoi cela ressemble. En tout cas, elle essaye. Elle fait un effort. Il ne peut pas dire le contraire. Des efforts, elle en fait plein. Mais, elle ne sait pas ce qu’est l’amour. Elle ne le saura que lorsqu’elle le rencontrera. “Et n’imagine pas une seconde chercher à me faire avaler quoique ce soit de plus.” Il prend un air offusqué. Ben voyons ! Qu’elle aille dire que le repas est infect. Qu’ingurgiter trois frites est impossible, tellement cela la dégoûte. “Ne me dis pas que le repas t’a déplut !” A vingt-quatre ans, il était temps qu’elle mange son premier hamburger de fast food. Certes, en tenue de soirée, mais quand même ! Ça compte.

Il récupère le paquet de frites de Snow. On ne va pas gâcher ! Il a faim. Encore. Comme s’il n’avait pas mangé des jours. Ce qui est un peu la vérité. Les repas sont plus rapides. Les repas sont plus courts. Voire inexistants, certaines fois. Plus loin il est de Malicia, mieux c’est. La croiser est trop douloureux. Alors, ce fast food, à l’autre bout du continent, est une délivrance. “Tu sais qu’il y a le manoir ici. Ca n’est pas comme si j’étais à la rue..” Il hausse un sourcil, en enfournant une frite. Alors, que venait faire cette affiche “A vendre” ? Il y a donc encore une personne. Un membre du clan Rosebury. Il n’espère pas qu’elle songe réellement à venir s’installer ici. Elle serait seule. Elle ne chercherait même pas à sortir, il en est certain. “Même si je ne devrais pas en avoir l’héritage. C’est comme si on en avait oublié les soupçons sur le meurtre de mes parents.. enfin meurtre, si tant est que quelqu’un puisse encore associer hypothermie et meurtre depuis le temps.” Qui lui en voudrait de ne pas se sentir légitime dans la maison où elle a tué ses parents ? Personne. Même Bobby ne comprend pas pourquoi elle souhaite y vivre. Trop de souvenirs. Trop de risques. Trop de tout. Elle n’y serait pas à son aise. En plus, elle n’aurait personne pour la sortir de son quotidien. Elle finirait vieille fille, avec dix chats. L’idée n’est pas très réjouissante. Il est certain que ce n’est pas ce qu’elle veut. Snow a forcément plus d’ambitions. Une meilleure image d’elle-même. “... Tu n’es pas sorti manger depuis combien d’années, Bobby ? Tu savoures comme un ado puni depuis des siècles !” L’idée le fait rire. En dehors de l’encadrement des sorties, il a rarement la possibilité de sortir. Il est plus utile à l’Institut qu’à se promener dans New-York. La X-Mansion est devenue sa maison. Il s’y sent bien. Il ne voit pas l’intérêt de sortir. Casanier à outrance ? Peut-être. “Mon dernier hamburger remonte à une éternité ! J’ai eu l’occasion de sortir avec…” Malicia. Son prénom se bloque dans sa gorge. Il pensait avoir vaincu la douleur. Il pensait avoir dépassé ce stade. Mais non. Son sourire lui revient en pleine face. Son visage danse de nouveau dans son esprit. Elle est encore là. Il prend une inspiration. Il se concentre. Il doit faire le deuil de son couple. “... Malicia. Mais, on allait dans de petits restaurants.” Il plonge sa main dans les frites. Il en extirpe une nouvelle. Il n’arrive pas à se défaire de l’image de Malicia. Elle le hante. Elle le poursuit. Quand ils ne se croisent pas physiquement dans les couloirs, c’est dans ses pensées. Lui qui imaginait qu’au bout d’un mois, il aurait oublié. Naïveté. Il évacue sa frustration en arrachant la tête imaginaire d’une frite. “Le manoir ne sera pas toujours là, Snow.” Il reporte son attention sur elle. Beaucoup plus facile. Il émet la vérité d’une voix posée. Douce. Ne pas la brusquer. Elle doit déjà s’en douter. Elle a vu la pancarte, tout comme lui. Elle n’aura bientôt plus de chez elle. De manoir.

Si ça se trouve, le manoir est déjà vendu. Si ça se trouve, une équipe de déménageurs débarquera demain. Elle ne sait pas. Elle ne peut pas éternellement se reposer dessus. Et visiblement, elle n’est pas la bienvenue. Elle n’est pas attendue. Le nier serait prouver qu’elle est dans un univers parallèle. Il pioche la dernière frite. Il essuie ses doigts gras sur une serviette. “On y va ?” Ils ont assez mangé ici. Ils se sont assez fait remarquer, aussi. Ils sont les seuls à manger dehors. Trop froid pour les habitants du coin. Agréable pour eux deux. Il se lève et attend que Snow en fasse de même. Il a le ventre plein. Il pourrait rouler jusqu’au manoir, s’il le pouvait. Il fait un mouvement. Il se rappelle qu’il est coincé dans une chemise. Vivement qu’il la retire ! Comment est-ce que Snow a pu penser qu’il serait confortable dans un truc pareil ? D’ailleurs… “Comment tu as su ma taille, au fait ? J’ai l’impression que ces vêtements tombent parfaitement.” Au final, il ose poser la question. Parce qu’il le faut bien. S’il doit apprendre à mieux fermer la porte de sa chambre, il doit le savoir. Si il doit s’inquiéter de savoir que quelqu’un entre dans sa chambre en son absence et fouille dans ses affaires, il doit aussi le savoir. Cette idée est flippante. Snow ne ferait jamais ça. Elle a peut-être juste… regardé l’étiquette de son pull pendant un câlin ? N'est-ce pas ?

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Iceberg ✧ Snow
« And it's hard looking back Knowing what I could've done. I’m never going back, I’m always on the run And you never really find The pieces that you leave behind. All I got from this place is fragments. »
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Malicia. Le prénom est resté douloureusement coincé au fond de la gorge de Bobby, elle a perçu la déchirure avec une violence qui l’a rendue silencieuse. Snow s’est déconnectée, momentanément, noyée dans les yeux clairs du psychologue en souffrance. Elle a même compris qu’il abordait le sujet du manoir pour s’échapper, comme elle savait si bien le faire, et pour toute réponse, seulement son regard ancré dans le sien. « On y va ? » Un simple hochement de tête tandis qu’elle prend le temps de ranger - elle se fiche pas mal du concept de « fast » dans fast-food, elle rassemble, jette les déchets et pose le plateau à l’intérieur. L’éducation a la peau dure, que voulez-vous. L’ado idiot est assis à une table, dans un coin, avec ses potes, il va bien, elle peut donc partir tranquille, rejoindre l’homme qui l’attend dehors.

« Comment tu as su ma taille, au fait ? J’ai l’impression que ces vêtements tombent parfaitement. » Ils ont repris la route quand elle reprend la parole, un sourire en coin : « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as peur que je fasse une fixette sur mon psy ? Un fantasme malsain de mauvais film de charme ? » Ca ne peut que la faire rire. Franchement, elle s’en voulait déjà assez pour ne même pas songer à aller lui emprunter des vêtements, dans son dos, en s’introduisant une nouvelle fois dans sa chambre. « Tu fais quoi, approximativement 1m80 ? Sportif. Je n’ai pas eu besoin d’être intrusive pour des vêtements. » Sportif coulait de source. Les X-Men n’avaient pas le loisir de s’enrober durablement, surtout pas par les temps qui couraient. Elle avait suivi l’instinct, sans réellement être sûre de la manière dont elle avait deviné ce genre d’information. Snow n’a rien ajouté durant plusieurs minutes, admirant les lumières nocturnes de la ville, de vieux souvenirs qui se réactivaient doucement dans sa mémoire, des sorties en famille dans les rues, accrochée à la main de papa, des courses dans la neige avec Temperance qui détestait ça. « Je suppose que j’ai eu des hommes dans ma vie.. » C’est tombé avec autant de légèreté qu’un flocon sur des feuilles, quelque chose de feutré. Des. Parce que le thermokinésiste ne lui semble pas un choix durable. Être seulement la maîtresse, est-ce envisageable sur du long terme ? L'avait-elle envisagé, réellement ?

Esquive. Celui-ci ne l’a pas bousculée, le nez rivé sur son téléphone, mais le réflexe n’a pas été très.. normal. Elle a stoppé le geste de contre-attaque juste à temps pour qu’il ne se rende compte de rien mais Bobby, lui, n’a pas dû en louper une miette - et ça, ça ne sortait pas des entraînements de l’Institut. Moins une et le mari pressé rentrait avec le coeur littéralement gelé. Quant au coeur de la blonde, il a accéléré, brutalement. La glace au bout de ses doigts s’efface et elle reprend le chemin, d’abord sans commentaire, avec une certaine raideur puis doucement : « Tu crois que Malicia va nous en vouloir d’être partis ensemble ? » Chacun sa question difficile, et ça détournait plutôt bien l’attention.

Un, deux, trois, quatre. Un, deux, trois, quatre. Elle récite mentalement les chiffres pour forcer son esprit à relâcher le mode défensif, comme elle le fait chaque soir pour s’endormir, d’interminables séries de chiffres pour s’empêcher d’angoisser - avec un succès mitigé. « Je sais que le manoir ne sera pas toujours là mais pour l’heure, il n’a pas passé le stade de la mise en vente. » A eux, pour quelques jours. Assez, elle l’espère, pour régler les problèmes, pour déterrer le passé, au sens figuré - il n’y a pas de corps dans le jardin, hein ?

Le taxi s’arrête, elle laisse Bobby monter d’un côté et grimpe de l’autre puis donne l’adresse. Retour à ce qui fait office d’hôtel. Ca n’est qu’après dix minutes de trajet qu’elle aborde le sujet contrariant, se rapprochant de lui afin de pouvoir murmurer sans trop attirer l’attention du chauffeur - elle n’a pas envie qu’il entende, quitte à devoir poser sa tête contre l’épaule masculine pour faire moins suspect : « Est-ce que.. tu crois que ça peut venir de l’accident.. ? C’est pas que j’ai un problème à me la jouer Confrériste sur mode automatique mais.. » Oui, pas besoin de compléter : ça devient inquiétant, il doit le penser suffisamment fort pour deviner.
 
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Ce qu’il y a de plus dur avec la rupture n’est pas le rejet. Ce n’est pas le manque d’amour. C’est oublier. Tourner la page. Poursuivre son chemin, seul. C’est réapprendre à être indépendant. C’est se dégager d’une autre personnalité. C’est prendre son envol. Douloureux, mais nécessaire. Douloureux mais laborieux. Il y arrivera. Pas pour l’instant. Il butte toujours sur son prénom. Il évite toujours de la croiser. Il fuit toujours son regard. Mais, ça ira mieux. Il faut l’espérer. En attendant, il a besoin de fuir. Il a besoin de partir. Il propose à Snow de s’en aller. Partir et laisser le souvenir de Malicia dans ce fast food. A chacun ses démons. Snow y fait face. Lui les fuit. Cela dit, elle a eu le temps de les digérer. Elle a eu le temps de se motiver à les affronter. Il observe Snow ranger leur plateau. Il l’a oublié, ce plateau. Il l’a oublié dans son empressement à partir. Alors, il suit bêtement son amie. Il la suit jusqu’à l’intérieur où elle dépose le plateau. Puis, jusqu’à l’extérieur où ils entament une promenade. Il fait toujours aussi bon dehors. Bon est subjectif. Bon est relatif. Pour eux deux, ça l’est. Pour les autres, ce serait presque trop frais. Le mois de janvier n’épargne personne, même sur la côte ouest. “Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as peur que je fasse une fixette sur mon psy ? Un fantasme malsain de mauvais film de charme ?” Pourtant cela est plus facile que de penser à Malicia. Alors oui, il se met à réfléchir un peu trop. A réfléchir un peu de travers. Il laisse ses pensées partir dans tous les sens. Il se laisse devenir paranoïaque. Ses hypothèses sont légitimes. Avec Snow, il a une relation particulière. Une relation à base de disputes, de confessions, de câlins et de bisous. Ce n’est pas pour rien que Aneliese a imaginé qu’il se passait quelque chose entre eux. Ce n’est pas pour rien que Malicia a été jalouse. Ce n’est pas un hasard. Ce ne serait pas étonnant que Snow ait la même vision. Mais, à l’écoute de sa réponse, il semblerait qu’elle soit loin du compte. Comme lui. Ils sont tellement loin d’imaginer quoi que ce soit entre eux. “Tu fais quoi, approximativement 1m80 ? Sportif. Je n’ai pas eu besoin d’être intrusive pour des vêtements.” Il hausse un sourcil. Sportif. Est-ce que l’on peut réellement le décrire ainsi ? Il n’a jamais eu l’impression de l’être. Il n’a jamais fait partie des sportifs du lycée. Il n’a jamais fait des dizaines d’heures de sport par semaine. Il se tient en forme pour assurer en tant que X-Men. Sinon… hé bien, sinon, il reste sagement dans son bureau à muscler son cerveau. Supposons qu’elle ait raison, même en admettant qu’il est sportif et en connaissant sa taille, il est difficile de deviner la taille des vêtements. Il n’y croit pas. Ou alors, elle est vraiment douée. “Je suppose que j’ai eu des hommes dans ma vie..” Cette idée le surprend toujours. Qu’elle puisse avoir été en couple. Elle, la fille de bonne famille. Elle, la femme qui a remis en question son couple. Elle, l’émotive qui veut contrôler les émotions. Étrange. Cette explication est plus plausible. Elle explique mieux pourquoi elle a su quels habits prendre. L’expérience. L’habitude.

Ils marchent tranquillement dans la rue. A cette heure, les gens vont et viennent. En groupe ou en solitaire. Ils ont tous un quotidien qui les appelle. Et il y a cet homme. Il a le regard baissé sur l’écran de son smartphone. Rien d’autre n'existe dans son univers. Seulement le téléphone. Il ne fait même pas attention à eux, alors qu’il leur fonce dessus. Bobby fait un pas de côté. C’est comme une chorégraphie. On marche. On fait un pas chassé de côté. On reprend la ligne initiale. On marche. Si il a pris naturellement cette interruption, ce n’est pas le cas de Snow. Elle a débuté un geste qu’elle a stoppé. Un geste avec du givre. Il doit être plus vigilant. L’aider à se contrôler. L’aider à éviter les problèmes. “Tu crois que Malicia va nous en vouloir d’être partis ensemble ?” Il a envie de lui répondre qu’il s’en fiche. Peu importe ce qu’elle pense. Peu importe ce qu’elle dit. Il ne doit pas s’en préoccuper. Parce qu’elle lui a demandé de mener sa vie. De vivre des expériences. Pourtant, il s’en inquiète. Il s’en soucie. Il a conscience que Malicia désapprouverait. Elle se ferait du souci. Elle se demanderait ce qu’ils font aussi loin de l’Institut. Elle est jalouse. Cela n’a jamais été un secret pour personne. Avec ce séjour, sa jalousie a de quoi s'occuper. “Elle nous en voudra. Mais, c’est son problème.” Pas le leur. Hors de question qu’il ressente des remords. Hors de question qu’il prenne le premier avion pour rentrer. Elle a voulu cette rupture. Elle en assume les conséquences. Si il avait été encore avec Malicia, les choses auraient été différentes. Il ne sait même pas si il aurait accepté de partir. Mes les choses étant ce qu’elles sont, il ne peut pas s’en vouloir. Il a besoin de le dire. Il a besoin de rendre cette réflexion réelle. En l’articulant, il s’en convainc lui-même. Il s’assure qu’il va essayer de faire au mieux. “Je sais que le manoir ne sera pas toujours là mais pour l’heure, il n’a pas passé le stade de la mise en vente.” Il baisse les yeux vers elle. Est-ce qu’elle en est seulement certaine ? Elle ne lui donne pas le temps de poser la question. Elle lève la main en direction d’un taxi libre. Il imagine que le premier leur refusera la course. Mais non, il s’arrête. Ils entrent à l’intérieur. Retrouvent la chaleur étouffante des voitures surchauffées. Ils s’enfoncent dans le silence. Un silence réconfortant. Un silence reposant. Les effets du décalage horaire lui tombe soudain dessus. Trois petites heures. Trois heures qui lui semblent énormes. Il se perd dans la contemplation des rues. New-York est fascinant par son dynamisme et son architecture moderne. San Francisco est à part. Pourtant, on ressent la même énergie. Celle d’avancer. De profiter de la vie. Délicatement, la tête de Snow vient peser sur son épaule. Il tourne la tête de son côté. Elle est contre lui. Une frêle âme qui a besoin de réconfort. La fatigue aidant, il laisse sa tête se poser au sommet des cheveux blonds. Être juste là. Sans se poser de question. C’est reposant. “Est-ce que.. tu crois que ça peut venir de l’accident.. ? C’est pas que j’ai un problème à me la jouer Confrériste sur mode automatique mais..” Ses pertes de contrôle l’effrayent. L’inquiètent. Un point positif. Se rendre compte est le premier pas vers la guérison. Assumer. Énoncer la vérité. Un concept simple utilisé même pour les alcooliques ou les drogués. “Ça peut venir de tout : de l’accident, de ton passé, de ce que tu as vécu ce matin... L’accident est le plus probable. Tu as frôlé la mort. Ce n’est pas un traumatisme dont on sort facilement indemne.” Il répond aussi doucement qu’elle. Aussi discrètement. Ils ont besoin de cette douceur. Pour ne pas briser le moment. La sérénité. Pour ne pas que le chauffeur de taxi les interrompt. “Tu t’en sortiras, Snow.” Il tourne la tête. Son nez s’emmêle dans les cheveux de Snow. Peu importe. Il dépose un baiser sur son crâne. Il revient en position initiale. Elle s’en sortira. Il sera là pour lui tenir la main. Il sera là pour la serrer dans ses bras. Il sera là pour l’écouter. Il sera là. Le silence revient. Le paysage urbain continue de défiler par la fenêtre. Insensible à leur fatigue.

Le taxi s’arrête. Le manoir est plongé dans le noir. Il est impressionnant. Majestueux. Imposant. Si Bobby a eu du mal à accepter d'entrer dans la demeure familiale de Snow, il a encore plus de difficultés avec l'idée de vivre dans un manoir pareil. Malgré le confort du lit, il risque de ne pas trouver le sommeil. Il sort de son état semi-conscient. Il a le ventre plein. La fatigue débordante. Cette équation a raison de lui. Il redresse la tête. Nuque raide. Il se fait l’effet d’un vieux. “Vous êtes arrivés, les amoureux.” La phrase a l’avantage de le réveiller. Bobby se sent rougir. Il sent la gêne monter. Un couple. Non, toujours non. Il y a toujours cette proximité qui trompe tout le monde. Il y a toujours cette complicité qui fausse les idées. Il croise le regard du chauffeur. Entre le maître d’hôtel et lui, Bobby n’est pas aidé. Il peut définitivement faire le deuil de la solidarité masculine. “Nous ne sommes pas… amoureux.” Il se contorsionne pour récupérer son portefeuille. Pour oublier le moment de gêne qu’il vient de vivre. Il n’ose pas regarder dans la direction de Snow. Il paye la course, sans plus attendre. Il ouvre la portière, trop heureux de sortir de là. De fuir le regard du chauffeur. A eux l’air frais de l’extérieur. Il s’éclaircit la gorge. La soirée est terminée. Il aurait aimé que la soirée dure plus longtemps. Ils étaient libres de leurs mouvements et de leurs paroles, loin de l’Institut. Ils étaient comme des gens normaux. Cette soirée a eu un goût de liberté. “Je crois que je n’ai pas été aussi détendu depuis longtemps, alors merci.” Depuis longtemps. Il se rappelle depuis quand. Mais il ne doit pas y penser. Il se l’est interdit. Il esquisse un sourire dans le noir. Finalement, ce voyage n’est pas une si mauvaise idée. Il est presque heureux. “Je sais que l’on est venu pour toi mais, je trouverai un moyen de te remercier pour tout ça.” Son attention, le voyage, le logement, la nourriture. Il trouvera. Être présent ne lui semble pas suffisant. Trop peu. Pas assez par rapport à la générosité dont elle fait preuve. Pourquoi elle agit ainsi, il n’en sait rien. Il s'en fiche. Il trouvera simplement comment la remercier. Un cadeau à la hauteur des siens.

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Elle ne se souvient pas avoir ressenti ça auparavant, une sorte de douceur paisible, la tête contre son épaule. Elle a perçu le rapprochement, sans se sentir ni agressée, ni en danger. Pas comme avec l’idiot du fast-food, pas comme avec le passant pressé, pas comme avec .. le prénom ne vient pas ; le flash est si vif qu’il ne s’imprime pas sur la rétine, elle efface aussitôt le détail en fermant les yeux tandis que le psychologue la rassure. Il a raison, le traumatisme peut venir de tout, et elle a frôlé la mort. Elle n’est pas sûre d’avoir vraiment intégré l’idée, d’avoir vraiment compris les conséquences. Et sous ce baiser sur le crâne, dans la senteur citronnée de ses cheveux blonds, elle oublie de répondre. Au moment où la voix du chauffeur s’élève dans l’espace confiné, elle réalise qu’elle s’est presque endormie, elle qui souffre des insomnies chroniques, des angoisses nocturnes, du somnambulisme. Elle n’a pas le temps d’empêcher Bobby de payer, il rougit, tend l’argent et s’échappe. Les amoureux. C’est presque flatteur qu’on la pense à la hauteur mais elle sait, elle, qu’elle ne vaut pas la beauté dangereuse de Malicia. « Nous ne sommes pas… amoureux. » a-t-il tenu à corriger, visiblement gêné, Snow s’est contentée de confirmer vaguement d’un sourire navré - quelle déception pour lui ! Elle se sentirait presque obligée de s’excuser, comme avec Aneliese, parce que rien de passionnel ne se cache derrière le grand manoir.

« Je crois que je n’ai pas été aussi détendu depuis longtemps, alors merci. » La porte s’est ouverte, la lumière s’est allumée. Elle l’a invité à rentrer, parce qu’il semble toujours embarrassé, parce qu’elle l’est un peu aussi, elle ne sait pas comme l’on est sensé terminer une soirée pareille avec un psychologue. « Je sais que l’on est venu pour toi mais, je trouverai un moyen de te remercier pour tout ça. » Snow pose son sac sur la commode puis se baisse vers le pot ne contenant plus de fleur pour récupérer une clef, un sourire en coin au bord des lèvres : « Ce qui est sûr, c’est que la personne qui cherche à vendre n’est pas le fantôme de ma soeur. » Fermer à clef et la laisser dans la serrure, pour plus de sécurité. Là. Désormais, la soirée était à eux, il y avait même du bois pour une cheminée dont aucun d’eux n’avait besoin. Il n’y avait plus d’agitation, plus de bruit, plus de regards. Juste ce grand espace de liberté, trop hanté, mais la présence du compagnon de voyage la rassurait.

« Tu n’as pas à me remercier. Je n’ai besoin de rien. Juste de toi. » Les billes trop bleues croisent les siennes. Elle a besoin de quelqu’un qui l’empêche de tomber, de craquer, de perdre la raison. Elle a besoin qu’il l’apaise, qu’il réprime les réflexes meurtriers, parce que ça se lit au fond de ses iris : elle a encore peur de ce dont elle est capable. « Reste là, je reviens. » Le son des escarpins s’éloigne, se perd entre les pièces et disparaît. Elle est descendue à la cave, voir l’état, voir si rien n’avait été pillé ou vendu. A sa grande surprise, presque tout était là (les toiles d’araignées en plus). Le vin. Le précieux vin de son père. Comme il n’y a plus de lumière dans cette zone, elle remonte, récupère et craque une allumette, promenant son attention sur les années des bouteilles. Que disait père, déjà ? Fruité ? Elle pioche un vin rouge, se souvenant qu’il valait aussi cher que ceux du menu du restaurant. Son préféré.

Quand elle arrive dans le salon, il s’est écoulé dix minutes, elle a récupéré les verres à pied dans le bar de bois sombre, a vérifié que la bouteille n’avait pas été altérée et a versé le liquide rouge comme si elle avait fait cela toute son enfance. Une autre allumette craquée. Elle a placé deux buches dans la cheminée, pour la forme, et s’est perdue dans la contemplation des flammes. « Les créations de Pyro me fascinaient. » Elle le sait. Elle l’a revu faire, depuis l’oubli, depuis que tout était devenu noir. « C’est tellement plus impressionnant et fluide que la glace. » La blonde se retourne, prend les verres et en apporte un à Bobby. Il a dû entendre la bruit spécifique du crépitement, il a dû venir voir - elle ne l’a pas entendu arriver, elle a juste senti sa présence, à retardement. Son regard dans son dos. « Le favori des Rosebury. » Le vin. Ils avaient vraiment de l’argent, pour le noyer dans le vin.
 
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Il a le sentiment que rentrer dans le manoir signe la fin de la soirée. Il n’a pas envie. Il a passé un bon moment. Il en passe encore un. Entre la gêne du restaurant et celle du taxi, la douleur de la rupture, la satisfaction de passer un instant agréable arrive à poindre. Il ne veut pas gâcher cette évolution. Il ne veut pas gâcher cette étincelle d’espoir. Maintenant qu’ils sont devant les Rosebury, il n’a pas le choix. Il ne peut pas embarquer Snow dans une promenade à pas d’heure. Ce ne serait pas raisonnable. Au lieu de cela, il la suit jusqu’au manoir. Sur le perron, elle déverrouille la porte. Comme si c’était chez elle. Comme si elle n’avait jamais quitté sa demeure familiale. Des années se sont écoulées. Des évènements se sont déroulés. Elle y revient, malgré tout. Sa force de caractère impose le respect. Elle a le courage de faire face à ses démons. Elle a la volonté d’avancer. Elle se remet en question. Elle n’a pas peur. Enfin, si, mais elle y va quand même. Dangereuse, sensible, mais forte. Elle ne se laisse pas abattre. Il a déjà eu l’occasion de s’en apercevoir. C’est ce qu’il a remarqué la première fois qu’il l’a rencontrée. Sa détermination. Elle est toujours là, en Snow. Toujours aussi persistante. Aujourd’hui, ce ne sont pas des Hommes que sa détermination cherche à écraser. Ce sont ses cauchemars. Ce sont ses souvenirs. Ce sont ses démons. Et Bobby n’arrive même pas à se dépêtrer dans la souffrance de la rupture. Il a des choses à apprendre de Snow. Bien plus qu’il en a à lui enseigner. Le verrou cède sous la clé. Elle se pousse, les laissant entrer. La lumière se déverse. Il va enfin pouvoir se libérer de ces vêtements. Il va enfin mettre des habits dignes de ce nom. Des habits confortables. Des habits qui lui ressemblent. Des habits dans lesquels il pourra glisser librement. Glisser. Ca lui manque de ne pas pouvoir créer son toboggan. Sa planche de glace à lui. Le moyen le plus accommodant de se déplacer, pour lui. Le plus naturel. Et ça ne fait qu’une journée qu’ils sont partis.  “Ce qui est sûr, c’est que la personne qui cherche à vendre n’est pas le fantôme de ma soeur.” Une petite plaisanterie pour faire bien. Il fait quelques pas dans l’entrée. Qui peut être cette personne ? Il a déjà retourné la question à plusieurs reprises. Il ne voit pas. La proche famille de Snow a disparu. Il n’y a plus qu’elle. Peut-être des parents plus éloignés ? Mais, elle ne semble pas croire cette possibilité. Quelqu’un doit bien vouloir se débarrasser de ce manoir. Quelqu’un doit bien en prendre soin. Il n’y a qu’à voir les meubles. Pas de poussières. Pas de toiles d’araignée. La maison semble avoir quitté l’espace temps. Elle s’est arrêtée de vieillir. Elle s’est arrêtée de vivre. Ce n’est pas probable. “Reste là, je reviens.” Il fait un pas dans sa direction. Il ouvre de grands yeux. Comment ça, reste là ? Il est hors de question qu’il reste ici tout seul. Elle s’en fiche. Elle a déjà disparu. Il n’ose pas la poursuivre. Il risquerait de se perdre. Alors, il reste dans l’entrée allumée. Le silence s’installe. Il inspire. Il est vraiment ridicule d’avoir peur d’un manoir. C’est grand, d’accord. C’est immense, okay. Mais, ce n’est qu’une maison. Il n’est pas dans un film d’horreur. En attendant Snow, il tourne en rond. Il s’intéresse aux portraits présents dans l’entrée. Il y découvre une famille propre sur elle. Une famille parfaite. En se rapprochant, il réalise que les visages n’expriment pas de sentiments. Les sourires sont des façades. Les poses sont trop droites. Elles sont loin des photos spontanées que les Drake ont pu prendre à une époque. Les Rosebury semblent sérieux. Les Drake sont… vivants. Il est même rare qu’ils aient pris des photos tous ensemble. Il doit y en avoir une ou deux. Quand ils étaient petits. Encore assez dociles pour accepter ce genre de traditions.

Il détaille les visages. Il reconnaît Snow sur certaines d’entre elles. Une gentille gamine, aux grands yeux, des cheveux aussi blonds qu’aujourd’hui. Rien dans sa posture ne traduit une personnalité. Elle n’en avait pas, à cette époque. Trop enfermée dans le rôle que ses parents lui donnaient. Pas étonnant qu’elle se soit défoulée plus tard. Au bout de plusieurs minutes à détailler chaque photo, il entend de nouveau les talons de Snow. Ils résonnent. Il ne sait pas très si elle se situe loin ou dans quelle pièce. Il hésite à aller la retrouver. Il serait capable de se perdre dans les méandres du manoir. Alors, il attend. Il attend que les pas se rapprochent. Il essaye de les localiser. Ils semblent s’arrêter. Il passe dans plusieurs pièces avant de trouver le salon. Snow y est. Il la trouve en train de s’affairer. Deux verres de vin sont remplis. Deux bûches brûlent dans l'âtre de la cheminée. Cette scène a l’air tout droit sortie d’un film romantique. La réflexion lui saute aux yeux. Il n’ose pas faire un pas de plus dans la pièce. Y entrer serait prendre part à l’histoire. Y entrer serait accepter cette ambiance intimiste qu’elle a créée. “Les créations de Pyro me fascinaient.” Les bûches n’ont plus de charme. Le vin n’est qu’une boisson parmi tant d’autres. Le décor romantique qu’il voyait a disparu. Il n’y a plus que le prénom de Pyro. Il fronce. Il n’a pas envie de parler de John. Parfois, il oublie que Snow a évolué au sein de la Confrérie. Qu’elle a côtoyé Pyro. Qu’elle a pu discuter avec lui. Le hasard fait bien les choses. Pyro les a connus tous les deux. La glace et le feu sont amis. Malgré les groupes. Malgré les valeurs. Maintenant, la glace n’existe plus à la Confrérie. Il n’y a plus que le feu. L’incendiaire psychopathe. “C’est tellement plus impressionnant et fluide que la glace.” Plus fluide, peut-être. Mais surtout, plus meurtrier. Plus dangereux. Plus incontrôlable. Il ne l’a jamais envié. Au contraire. Il le trouvait instable. Colérique. Pyro a semé la mort sur son passage. Il s’est pensé supérieur. Bobby n’a jamais réussi à comprendre pourquoi il laissait parler sa haine. Enfin, si. Il l’a compris. Peu importe, maintenant. Il plonge son regard dans la cheminée. Oui, le feu a quelque chose de fascinant. Il est hypnotisant. Il ne faut pas se laisser impressionner par les apparences. Le feu semble puissant. Mais, il est faible face à la glace. Le feu semble indomptable. Pourtant, il se plie au désir de la glace. Le feu n’est pas si incroyable. Il peut l’être quand on ne le maîtrise pas. “Le favori des Rosebury.” Il prend le verre qu’elle lui tend. Quel est le prix de ce vin ? Il paraît que l’alcool se bonifie avec le temps. Si cette bouteille est là depuis une dizaine d’années, cela veut dire qu’il doit être excessivement bon. Et excessivement cher. Il n’est pas sûr de mériter un traitement pareil. Il n’est même pas sûr d’être capable de profiter pleinement du goût de ce breuvage. Il n’ose pas poser le verre quelque part. Il pourrait tâcher le meuble. Mieux vaut éviter. Les parents Rosebury se retourneraient dans leur tombe. “Le feu est surtout indomptable. Alors que la glace est poétique. Elle peut être sculptée selon nos désirs. On peut choisir de l’utiliser pour tuer ou pour protéger. Le feu ne laisse pas ce choix.” Même en glaçant la personne, celle-ci peut survivre. La cryogénisation a déjà fait ses preuves par le passé. Il n’y a qu’à voir Captain America. Quand on gèle, il est possible de laisser vivre la personne. A moins que l’on s’en prenne aux cellules, comme en est capable Snow. Et encore, elle peut arrêter la morsure du froid. A contrario, le feu brûle. Il ne laisse aucune chance de s’en sortir sain et sauf. Il marque. Il blesse. Le feu n’est pas aussi clément que la glace.

Il va s’asseoir devant la cheminée. Puisque c’est leur sujet de conversation, autant s’en approcher. En un claquement de doigts, il pourrait geler le feu. En un claquement de doigts, il pourrait anéantir ce feu. Le figer à jamais dans la glace. Il en a eu peur, étant enfant. Il en a eu peur quand il a affronté Pyro. Et puis, il a découvert que la glace peut être plus forte que le feu. Il a découvert que le froid annule le chaud. “La glace est aussi impressionnante que le feu.” Un glaçon lancé dans la cheminée n’aurait aucune chance. Il fondrait en quelques secondes. Mais, un seau de glace éteindrait le feu. Tout est une question de force. Tout est une question d’intensité. “Est-ce que tu as peur du feu ?” Il ne connaît pas ses antécédents avec Pyro. Ce n’est pas le genre d’hommes à faire attention aux autres. La seule personne importante est lui-même. Il cause des dommages autour de lui. Il n’a pas de pitié. Il n’aurait pas hésité à blesser Snow, si elle s’était avérée encombrante. Cependant, la fascination naît de la peur. Le fascination naît de l’inconnu. La fascination naît du danger. Encore plus, dans leur cas. Le feu est le contraire de la glace. Il peut être la raison de leur mort. Si Bobby a trouvé un moyen d’y survivre. Si Bobby ne le craint plus. Ce n’est peut-être pas le cas de Snow.

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« Est-ce que tu as peur du feu ? » Elle a détourné le visage, légèrement. Est-ce que Snow avait peur du feu ? Aurait-on posé la question à un chaton au sujet d’un loup ? Le verre a été porté à ses lèvres avant qu’elle ne consente à répondre. Elle a pris le temps de s’asseoir à côté de Bobby, sans trop trouver les mots justes. Bien sûr qu’elle avait peur du feu. Une peur terrible. De ces phobies qui poussent à se tenir loin de l’objet de la terreur, loin de ce sentiment d’angoisse extrême. « Pyro m’a.. prouvé plus d’une fois que la glace fond sous les ravages du feu. » C’était un jeu de chat et de souris, un jeu dangereux qu’elle avait pourtant apprécié, par moments. Il avait de la répartie, un caractère bien trempé, un sourire charmeur aussi. Un mutant comme Magneto avait su en forger, un petit quelque chose de rebelle en plus. « Tu y résistes sans difficulté quand la moindre source de chaleur est une souffrance pour moi. Il savait.. me faire reculer en ouvrant son briquet. Et pourtant un oiseau de flammes savait m’émerveiller aussi vite. » Elle ne croit pas l’avoir vu s’émouvoir une seule fois d’une quelconque création venant des autres éléments, que ce soit la foudre, le vent ou le sable. Insensible au monde, riant à la douleur et savourant les destructions.

Comment les deux hommes avaient-ils pu être amis ? Ils n’avaient rien en commun. Absolument rien. Si ce n’était peut-être le coin de cette bouche un brin craquante - et encore, pas dans le même genre. Son père lui disait souvent que sans chaleur il ne pouvait y avoir de fraicheur, sans été pas d’hiver.. mais sa mère murmurait, le nez dans un livre, que la mort n’avait aucun amour à donner. Le verre s’est vidé de moitié à cette seule pensée. Le froid ne réchauffe personne et s’il brûle, on ne lui reconnait pas la beauté chaleureuse d’un feu de cheminée. « Oui, j’ai peur du feu. » Concède-t-elle, à voix basse. « .. comme j’ai peur de ne pas savoir aimer. » Temperance le lui avait dit, un jour, peu avant que Snow ne décide de leur faire payer chaque petite remarque blessante, chaque intolérance : l’hiver meurt quand fleurit le printemps. L’hiver meurt quand vient la vie et le temps des amours.

« J’aurais dû geler Pyro d’un baiser, ça lui aurait donné une leçon, tiens. » L’idée la fait sourire. Imaginer les yeux flamboyant s’écarquiller de surprise était largement plus amusant que ressasser ces vieux souvenirs cauchemardesques qui la hantaient entre les phases d’amnésie. « .. Si j’avais su le faire. » Parce qu’à 17 ans, la mutante n’en était pas à ce stade de maîtrise, même si glacer les cellules fut vite à sa portée, le faire dans la douceur ou du bout des lèvres n’était venu que bien plus tard. Et elle avait oublié la suite. Elle ne savait pas ce qu’elle avait vécu ensuite auprès du pyrokinésiste, pas plus qu’elle n’était réellement sûre d’avoir gardé l’essentiel de ce qu’avait été Mystique pour elle. Il n’y avait que la bataille d’Alcatraz et un grand vide jusqu’au vague souvenir d’un thermokinésiste au visage flou.

Calée contre le dossier du canapé, elle a cessé de parler, observant les reflets dorés dans l’âtre. La mutation influençait-elle le caractère ? John avait l’audace et l’aspect imprévisiblement destructeur de sa faculté, Raven était aussi fourbe que ses métamorphoses, Malicia s’était refermée avec sa malédiction.. Snow était froide. Froide comme la glace. Pourtant, tout près, Bobby reflétait toute la beauté de la neige, tout le charme d’un Noël chaleureux sous l’hiver blanc ; et ce même si, des deux, c’était elle qui faisait danser les flocons, lui se limitant à l’aspect dur et transparent. Parfois, la blonde se disait qu’ils n’étaient qu’une pièce, que deux faces indissociables.

« Je vais te laisser tranquille. Tu as besoin de repos. Fais comme chez toi. » glisse-t-elle dans un murmure. Elle ne sait plus très bien par quel enchainement de maladresses c’est arrivé mais le baiser s’est posé trop près, contre le coin des lèvres. L’élan de recul lui a fait lâcher le verre qui s’est brisé sur la table basse, et les leçons de son père ont créé un réflexe inattendu : le bois s’est couvert d’une nappe de glace aux rebords incurvés pour retenir le vin - on n’abime pas les matières nobles. Si la fuite est habituellement sa solution de repli, elle n’en a pas eu le coeur, figée sur ce canapé, rose de honte et craignant de figer la pièce toute entière. « Quelle conne ! » Le vocabulaire ! aurait affirmé l’ombre d’un grand-père parti trop tôt. En effet, Snow n’était pas coutumière de ce type de phrases, mais trop.. c’est trop, comme on dit. « Je t’assure j’ai pas.. j’ai pas fait exprès.. je-veux-pas-que-tu-crois.. » Oh, doucement ! Elle a parlé si vite que la fin de sa phrase en fut presque avalée avec l’air d’une respiration vive. « .. Je vais aller m’enterrer dans le jardin, si tu permets. » Conclusion charmante tandis qu’elle baisse la tête, dissimulant mal son embarras.
 
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Le feu. Il s’anime. Il danse. Il hypnotise. En fonction du souffle, des mouvements, il fluctue. Mais toujours, il reste debout. Il continue de brûler tant qu’il y a de l'oxygène. De la vie. Il continue de brûler. Il n’y a que le froid pour l’anéantir. Le piétiner. Le rendre inoffensif. Il n’y a que ça pour le tuer. Le feu est l’une des premières peurs. Dès le plus jeune âge, les parents apprennent à leur progéniture à ne pas s’approcher de la plaque de cuisson ou du feu. De ne pas toucher les objets chauds. Parce que ça brûle. La peur initiale vient de là. Après, il y a les accidents de la vie. Les incendies. Les expériences. Les traumatismes. Bobby a compris qu’on ne peut compter que sur soi-même pour tuer ce qui nous fait peur. Il a compris qu’il pouvait en être capable. Le feu ne lui fait plus peur. Il ne le craint plus. Les flammes se reflètent dans son regard trop clair. Les flammes dansent dans ses prunelles. Il se laisse hypnotiser. Il se laisse prendre au jeu. Mais il sait qu’il peut l’arrêter à tout moment. Il sait qu’il peut y mettre fin. Peu importe quand D’un simple geste. D’une simple flexion de la main. “Pyro m’a.. prouvé plus d’une fois que la glace fond sous les ravages du feu.” Donc, elle a peur. Elle est effrayée. Elle craint le feu à cause d’une personne. Pyro. Il faut dire qu’il ne porte pas la chaleur des flammes. Il n’est que l’expression de la morsure de l’incendie. Il n’est que l’interprétation du danger du feu. Il n’est rien d’autre. Pyro ne sait pas être un ami. Il ne sait que se venger. Bobby l’a vu agir. Il l’a vu lancer des boules de feu sans vergogne. Il l’a vu brûler vif des inconnus. Il a vu les ravages de sa mutation. Il peut comprendre la crainte de Snow. Cependant, il ne comprend pas pourquoi elle en a peur. Elle est son opposée. Le froid est l’opposé du chaud. La glace est l’opposée du feu. Elle plus que n’importe qui peut neutraliser Pyro. Elle a bien plus de chances. Elle doit juste y croire. Il ne détourne pas le regard de la cheminée. Pyro serait heureux de savoir l’emprise qu’il a sur Snow. Il l’utiliserait pour lui marcher dessus. Pyro a failli faire la même chose avec Bobby. Il le croyait trop gentil. Trop inoffensif. Finalement, c’est Bobby qui a pris le dessus. “Tu y résistes sans difficulté quand la moindre source de chaleur est une souffrance pour moi. Il savait.. me faire reculer en ouvrant son briquet. Et pourtant un oiseau de flammes savait m’émerveiller aussi vite.” Ça y est. Son regard s’arrache. Se libère de la contemplation des flammes. Il le pose sur Snow. Il réalise la différence qu’il y a entre eux. Là où il a réussi à affronter Pyro, Snow a faibli. Elle qui semblait pourtant forte et déterminée. Elle qui semblait ne jamais s’effrayer. Elle a courbé l’échine face à Pyro. On ne peut pas le lui reprocher. Bien des personnes ont fait la même chose. Le font encore, probablement. Il se rappelle l’avoir aperçu, à New-York, le jour de l’évasion de Magneto. Il l’a vu au loin. Son seul souhait était de l’affronter. De l’arrêter. Mais, il n’a pas pu. Le devoir l’a appelé ailleurs.

Oui, j’ai peur du feu… comme j’ai peur de ne pas savoir aimer.” Depuis longtemps, il a compris que les sentiments étaient un problème pour elle. Trop instables. Pas assez constants. Incontrôlables. Ils ne sont pas un truc qu’elle maîtrise. Encore moins que ses pouvoirs. Elle ne comprend pas les subtilités. Alors, cette peur. Celle de ne savoir aimer. Elle est normale. Elle est logique. Pourtant, elle ne voit pas ce qu’il y a juste devant son nez. Elle aime. Ou en tout cas, elle apprécie. Pourquoi l’emmener dans un restaurant ? Pourquoi lui payer les billets d’avion ? Pourquoi lui acheter des vêtements ? Pas par honte de son apparence. Pas par volonté de l’emmener avec lui. Non. Il le sait très bien. Il est le seul à le voir. Avec tout l’institut, même s’ils se perdent dans les suppositions. Elle aime comme une amie. Cette peur est irrationnelle. Encore plus que celle du feu. Elle aime mais, elle ne le sait pas. Elle aime mais, elle est incapable de le voir. Il va devoir lui ouvrir les yeux. Il va devoir trouver les mots justes. Il va devoir faire le ménage dans son coeur brisé pour lui expliquer ce qu’est l’amour. Pour qu’elle comprenne. Elle doit saisir l’importance de l’amour. Elle doit réaliser ce que c’est. Sinon, elle passera à côté de l’amour. Elle passera à côté de la personne qui pourrait la rendre heureuse. Elle passera à côté des amis qui tiennent à elle. “J’aurais dû geler Pyro d’un baiser, ça lui aurait donné une leçon, tiens.” Il esquisse un sourire. Ses dents luisent à la lumière des flammes. Il ne peut pas dire le contraire. Il est le premier à vouloir frapper Pyro. Quoique l’idée qu’il puisse exister une quelconque relation sentimentale entre Snow et Pyro lui déplaise. Elle mérite mieux. Beaucoup mieux qu’une torche humaine qui ne pense qu’à ses propres besoins. “.. Si j’avais su le faire.” Les occasions ne manqueront pas pour le recroiser. Elles ne manqueront pas pour qu’elle l’embrasse et lui scelle les lèvres avec un baiser. Pyro le mérite bien, après tout. Une frayeur pour tous les malheurs qu’il a semés. Une peur pour tous les morts qu’il a faits. C’est peu cher payé. Bobby repose son regard sur la cheminée. Le silence revient. Les confessions sont terminées. Il va pouvoir ajouter à son carnet de notes deux nouvelles craintes : le feu et l’amour. Il y a quelque chose de similaire. Ne parle-t-on pas du feu de la passion ? Du feu de l’amour ? Elle a peur de deux choses qui s’assimilent. De deux choses qu’elle ne peut pas contrôler, mais qu’elle peut anéantir. Il se laisse bercer par le crépitement des flammes. Dommage que la glace ne puisse pas s’animer de la même manière. Il adore le craquement du verglas sous les pas. Cela pourrait rendre un son magnifique dans une cheminée. Il ne touche pas au contenu de son verre. Il ne peut pas gâcher un jus pareil. Il ne peut pas non plus le boire et faire semblant d’en comprendre les saveurs. Ce n'est pas son monde. Ils ont eu deux éducations diamétralement opposées. Elle a été élevée au vin. Il l’a été à la bière. Elle a grandi dans un château, il a fait ses premiers pas dans une maison où il avait tout juste sa propre chambre. Deux vies différentes et pourtant, les voilà qui partagent des points communs.

Je vais te laisser tranquille. Tu as besoin de repos. Fais comme chez toi.” Il réagit. Il tourne la tête vers elle. Un peu trop vite. Un peu trop près. Il sent les lèvres de Snow effleurer le coin de sa bouche. Il se fige légèrement. Il se raidit. Puis, il relâche la pression. Une erreur. Ça arrive. Ce n’est qu’une erreur. Snow n’a pas la même réaction. Comme brûlée, elle semble vouloir reculer. Elle en lâche son verre. Il se brise en mille morceaux. Le vin se répand sur la table basse. Elle a le réflexe de tout geler. Et dire qu’il a craint de faire une tâche en posant son verre. Il lève les yeux vers elle. Il ne comprend pas ce qui vient de se passer. Sa réaction. Son recul. Il ne voit qu’une maladresse. Une erreur. Elle y voit un faux pas impardonnable. “Quelle conne !” Il réalise que son silence n’aide pas Snow à reprendre le dessus. Elle doit croire qu’il lui en veut. Elle doit croire qu’il est gêné. Oui, il l’est. Mais ce n’est qu’une erreur. Qu’un dérapage. Il a bougé le visage. Elle s’est approchée. Un malheureux concours de circonstances. Il lève la main, en signe d’apaisement. “Snow, ce n’est rien…” “Je t’assure j’ai pas.. j’ai pas fait exprès.. je-veux-pas-que-tu-crois..” Il baisse sa main. Elle en devient attendrissante. Comme une femme qui se découvre des gestes d’affection. Comme une enfant qui aurait fait une bêtise. Son air paniqué. Ses mots enchaînés rapidement. Elle est affolée. Elle regrette ce baiser qui n’en est pas un. Ils ont chacun leur moment de gêne, ce soir. Il en oublie ses inquiétudes. Il en oublie ses suppositions sur les motivations de Snow. Elle n’imagine rien entre eux. Il n’y a que lui pour se faire des idées. Et tout l’Institut. Il se penche vers la table basse. Il y pose son propre verre. Enfin. Sa main libre en coupe. Il y dépose les morceaux de verre. Précautionneusement. Ils n’ont pas encore l’aptitude à se régénérer. En tout cas, pas Snow. Il attrape un morceau. “Je t’assure j’ai pas.. j’ai pas fait exprès.. je-veux-pas-que-tu-crois..” Il manque de s'entailler avec le débris de verre. Il est secoué par un rire. Il finit par l'étouffer avant que Snow ne s’en rende compte. Il se redresse. Il lâche les morceaux sur la table basse, au milieu du vin gelé. Il se retourne vers la jeune femme. Elle a toujours cet air effrayé. Il a un sourire qui s’étend sur ses lèvres. Bien sûr que c’est gênant, un baiser amical qui se termine au coin des lèvres. Mais cela arrive. “S’il te plaît, ne va pas t’enterrer, comment je ferais pour m’en sortir dans ce labyrinthe sinon ?” Il est soulagé que cette tentative ne soit pas une demande en mariage masquée. Il est soulagé qu’elle n’ait pas tenté de l’embrasser pleinement. Il est soulagé que toutes ses hypothèses ne soient que le fruit de son imagination. Il reprend son sérieux. Il réalise que l’humour n’est pas idéal. Elle est encore figée par l’évènement. Il revient s’adosser au canapé. Il tourne le visage dans sa direction. “Je t’en prie, Snow, ne t’en veux pas. Je n’ai pas eu l’impression que tu essayais de m’embrasser. Ne t’inquiète pas pour ça, c’est ridicule.” Sa sensibilité est parfois difficile à gérer. Parfois trop surprenante. Parfois trop compliquée. Pour gérer ce genre de situations, il faut être sérieux. Patient. Il récupère les derniers débris de verre. Il les dépose doucement sur la table basse. Il est tard. Ils s’occuperont du vin demain. Quoique l’humidité du gel risque d’abîmer encore plus que le vin. Ils aviseront demain.

Il tend une main vers Snow. “Je crois qu’il est l’heure d’aller se coucher pour tous les deux.” Il dessine un nouveau sourire. Il a besoin de sa guide pour l’aider à retrouver le chemin de sa chambre. Il serait capable de confondre la porte du placard à balais avec la porte de sa chambre. Ce serait dommage de dormir, coincé entre un seau et un manche. Il ne pourrait pas non plus dormir tranquillement, en la sachant écrasée par la culpabilité d’un baiser trop près des lèvres, dans le salon. Il espère pouvoir se reposer. Pouvoir se remettre du décalage horaire. Se remettre en forme pour le lendemain. Ils retournent à l’étage. Ils se séparent pour la nuit. Une bouffée d’oxygène après plusieurs heures à gérer uniquement les émotions de Snow. S’occuper d’elle à l’Institut n’est pas comme voyager avec elle. Pas comme partager un repas ou même un verre de vin. Cela demande une concentration de tous les instants. Il lâche un “Bonne nuit.” avant de s’engouffrer dans sa chambre. Las et heureux de se changer. Il retire la chemise. Il prend soin de bien la plier, même si elle est déjà froissée et qu’il faudra la laver. Le pantalon subit le même traitement. Il se glisse dans le lit. Bon sang. Il n’a pas réalisé que le lit était aussi grand. Il peut rouler plusieurs fois avant d’atteindre l’autre bout. Il peut dormir en étoile. De travers. En plein milieu. Ce lit est immense. Bien plus que ce dont il a l’habitude à la X-Mansion. Il préfère rester sur le côté. Par mesure de précaution. Se perdre dans un lit serait la plus ridicule des choses. A peine sa tête se pose-t-elle contre l’oreiller que ses yeux se ferment.

xXx

Et puis, le bruit. Ce bruit. Il se réveille en sursaut. Il a les yeux qui piquent. Il les garde mi-clos. Il est fatigué. Comme s’il n’avait pas dormi plus de trois heures. Il passe une main dans ses cheveux. Il a mal à la tête. Pas l’alcool. Il n’en a pas bu. Plutôt la fatigue. Il fronce. Il referme les paupières. Rien y fait. Son coeur bat rapidement. Son corps est en éveil. Impossible de se rendormir. Il se lève doucement. Il trouve le chemin jusqu’à la sortie du lit. Il pose ses coudes sur ses genoux. Place sa tête entre ses mains. Quel mal de crâne. Un camion lui est passé dessus. De nouveau, le bruit. Un craquement. Le plancher. Il relève la tête. Il y a quelqu’un dans le manoir. Un fantôme ? Un inconnu ? Snow ? Il entrouvre doucement la porte de sa chambre. Elle grince. Évidemment. Tout grince dans un manoir pareil. Il attend. Il surveille le prochain son. Le prochain grincement. Prêt à geler la moindre menace. La porte voisine s'ouvre. Grince. Il sursaute. Il se prend le chambranle de la porte sur l'épaule. “Merde, Snow, tu m'as fait peur.” il murmure. Il ronchonne. Aucune réponse. Pourtant, c'est bien la silhouette de Snow qu'il voit. C'est bien elle.

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Iceberg ✧ Snow
« And it's hard looking back Knowing what I could've done. I’m never going back, I’m always on the run And you never really find The pieces that you leave behind. All I got from this place is fragments. »
- Jaymes Young, Fragments

Il l’a ramenée vers les chambres. Il a tout fait pour la rassurer mais elle est restée raide. La marque de ce semi-baiser raté est s’est gravée sur le bout de ses lèvres sans qu’elle ne puisse rien faire pour effacer ou réparer. Elle a repris une douche, trop chaude, a détaché ses cheveux et enfilé une nuisette blanche. S’endormir a été difficile. Elle a tourné, plusieurs fois, dans le lit trop grand et trop froid, elle s’est demandée ce qui ne tournait pas rond chez elle. Elle s’est interrogée sur la possibilité d’un acte manqué, elle a tenté d’envisager ses sentiments sous un autre angle, sans vraiment y parvenir. Quelle était la frontière d’une émotion ? Elle a essayé de comprendre.. puis elle a sombré.

La glace envahit la chambre. Le sol se cristallise sous ses pas. Sur la nuisette, cette sorte de robe de chambre toute en transparence, toute en dentelle. Un véritable fantôme qui bouge. La porte s’ouvre. La température du manoir est clairement en train de chuter, rapidement, trop. Il est des aspects de sa mutation qui ne se manifestent que lorsque la conscience relâche sa prise, que lorsque les blocages disparaissent - celui-ci en fait partie. « Merde, Snow, tu m'as fait peur. » Pas de réponse. Snow ne le voit pas. Elle est très loin de sa présence. Tic, tac. Une vieille horloge dont seul le silence révèle la présence. Tic, tac. Et le craquement de la glace derrière Bobby, une première silhouette qui se forme. Clone glacé et tellement plus jeune de cette somnambule un peu étrange qui erre entre les murs de cette maison hantée. Elle a laissé son adolescence se matérialiser. Une pensée qui se change en sculpture. Juste une pensée qui créer le spectre et qui s’effondre dans le craquement caractéristique de leur élément. Trop fine, trop fragile, pas assez palpable.

Elle a descendu les escaliers, faisant des marches une véritable patinoire. Imperturbable. Si Bobby lui a parlé, elle n’en sait rien. Le ciel aurait pu s’effondrer qu’elle aurait poursuivi sa route, jusqu’à la cuisine. Depuis leur arrivée, elle a contourné la pièce. Elle a tout fait, sans le voir, pour ne jamais avoir à y passer : le salon plutôt que cette pièce, le vin plutôt que l’eau, aller à l’étage plutôt que rester en bas. Et là, elle fait le premier pas, lentement. Une hésitation palpable. Encore un jeu d’esquisses, et trois silhouettes au sol. Une femme, une homme, une autre adolescente, en trois dimensions, trop réalistes. Les traits ressemblent nettement à ceux des photos. Le psychologue vient d’obtenir une clef : chaque nuit, elle rejoue inlassablement cette scène, mais hors des murs du manoir, rien ne peut prendre consistance, rien ne rassemble les souvenirs. Tic, tac. Crac. La séparation est franche, dure, aussi dure que ce qu’il est capable de faire. L’épaisseur reflète sans mal les années de mutisme.

Et aucun son ne s’en suit. Les minutes s’étirent. Combien ? Elle ne saurait le dire. Elle émerge difficilement quand elle comprend qu’elle est prisonnière. L’adrénaline secoue ses sens quand elle aperçoit le mauvais film d’horreur qui se déroule. Et si elle l’avait figé, lui aussi ? Et si elle l’avait tué ? Et si il était à l’agonie, à l’étage ? Snow a froid, à nouveau. Elle a froid et elle a peur. Couchée sur le côté, contre le réfrigérateur, elle tente de se redresser, se défaisant de la pellicule de givre qui orne sa peau - qu’est-ce qu’elle avait encore fait ? « Bobby.. » Elle tremble. De peur ou à cause de l’atmosphère, elle n’en sait rien ; ça lui importe peu. En se redressant, elle plaque ses mains contre la surface dure. « Bobby .. dis-moi que t’es vivant.. s’il te plait.. » Les cadavres-sculptures lui figent le coeur. Finalement, elle aurait peut-être dû rester contre son compagnon de voyage. Elle aurait dû rester accrochée à son cou.

On dit terreurs nocturnes. On dit crises de somnambulisme. On dit attaques de panique. Et ça, c’était quoi ? La tête entre les mains, elle se souvient pourquoi elle ne devait pas courir après le passé. Les larmes cristallisées s’écrasent sur le sol, au bord de ses lèvres, contre l’épiderme. Elle respire trop vite, ça n’a rien de raisonnable, ça n’est pas ce qu’on lui a appris, mais elle, elle ne sait gérer le danger qu’en mission, elle ne sait stopper la peur qu’en combat, pas.. face à ça. Ce sont ses démons qui la terrifient. « .. J’suis désolée.. je sais pas.. je.. » Ces visages lui font l’effet de mauvaises poupées de porcelaine, qui font souvent peur aux enfants chez les grands-mère, qui angoissent ceux qui ont la sensation d’être suivis des yeux. Boum, boum, boum. Le sang bat dans ses tempes. Elle respire mal, rien n’est plus régulé, ni l’environnement, ni la température, la fatigue l’écrase et la culpabilité l’étouffe. A dix-sept ans, elle avait plongé la demeure dans un hiver virulent, sans une once de sentiments.. mais elle n’avait pas vu les corps, elle était partie alors qu’ils s’endormaient ; elle n’a pas laissé des cadavres, elle a laissé une punition. Ca ne l’avait rongée que plus tard. Dans ce laps de temps oublié, en recroisant les billes inquisitrices de sa soeur.

Le mur de glace a sauté. Elle ne sait pas comment mais il a sauté. Snow n’a pas cherché à comprendre, elle s’est échappée. Elle a retrouvé les bras de Bobby comme si toute sa vie dépendait de lui. Elle s’y est accrochée comme s’il ne restait que lui. Elle est en hypothermie. Ca ne la tuera pas, parce que sa mutation la protège, mais c’est bien trop froid pour ne pas présenter un risque, pour ne pas laisser de traces - ses cils sont ornés de flocons de neige, délicats, et ses lèvres ont pris un reflet bleuté. « Me laisse pas.. je veux pas.. » Il n’y a plus rien de rationnel. Ca tourne. Son souffle ne s’apaise pas. « J’ai cru que t’étais mort et.. » Le nez contre son cou. Les phrases ne s’articulent pas alors elle se tait, elle noie la frayeur contre lui, parce qu’elle se sent en sécurité, parce qu’elle ne veut rien d’autre que cette sécurité tendre et apaisante que n’est pas la triste demeure Rosebury.
 
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Il n’a jamais aimé les films d’horreur. Ridicules. Irréalistes. Insensés. Il reste insensible à ce genre de films. Pourtant, il a l’impression d’être plongé dans l’un d’entre eux. Il s’attend presque à ce qu’un homme déboule avec un masque et un couteau dans la main.  Il en vient presque à regretter de ne pas en avoir vus. Quoique, ce n’est pas plus mal. Au moins, son esprit n’est pas nourri de l’imaginatif de scénaristes dérangés. Il n’a pas besoin de ça, alors que Snow semble… perdue. Elle ne répond pas. Elle est là, sur le palier. Frêle silhouette blanche. Silhouette fantomatique. Il a la vague impression d’avoir déjà vécu ça. La vague impression que cette scène se répète. Mais différemment. Comme l’autre soir lorsqu’elle est entrée dans sa chambre. Lorsqu’elle fait une crise, plus rien ne l’arrête. Il l’appelle. Il prononce son prénom. Un murmure. Puis, des appels francs. Clairs. Forts. Aucune réponse. Elle avance. Attirée par une force inconnue. Il fronce les sourcils. Il se redresse. Elle fait une nouvelle crise de somnambulisme. Il sent déjà que la nuit va être longue. Très longue. Il jette un regard désespéré au lit défait. Ce ne sera pas pour cette nuit, désolé mon vieux. Il s’apprête à sortir. Mais, il entend un nouveau craquement. Pas le bois du sol. Non. Le bruit de la glace qui se forme derrière lui. Il pivote de nouveau. Il y découvre une silhouette gelée. Un corps matérialisé par le froid. Il s’en approche. Elle a les traits de Snow. De la Snow présente sur les portraits de famille. Elle s’effondre. D’un seul coup. En fait, ce qu’il se passe est pire qu’un film d’horreur. Il fait demi-tour. Il sort dans le couloir. Il sent la douce caresse du froid. Ses bras. Son torse. Ses jambes. Toutes ses parties nues. Il se couvre entièrement de cette sensation agréable. Il pourrait l’attirer contre lui, telle une couverture. Bien que confortable, cette température n’est pas normale. Elle est trop basse pour être la conséquence d’une mauvaise isolation. Elle n’est pas naturelle. Snow en est la cause. Il a du retard. Elle a déjà recouvert les escaliers d’une couche de gel. Même lui ne peut pas sérieusement envisager d’y marcher. A moins de vouloir se rompre le cou. A moins de vouloir se casser une jambe. Alors, il laisse sa main délivrer la glace qui sommeille en lui. Il se crée une piste glacée. La piste qui lui manquait tellement. Il saute dessus et se fait descendre. Quelques secondes suffisent. Ses pieds touchent de nouveau le sol. Il fait froid. De plus en plus. Son regard cherche aux alentours. Il cherche Snow. Il voit un bout de sa nuisette briller dans l’obscurité. Disparaître derrière un pan de mur. Il ne réfléchit pas. Il y va. Il a tout juste le temps de voir un bout de carrelage. Tout juste le temps de réaliser qu’il s’agit de la cuisine. Avant qu’un mur de glace ne se dresse entre lui et Snow. Un rempart pour la protéger de son passé. Un rempart pour l’écarter. Il s’énerve. Il râle. Il ne comprend pas pourquoi elle le laisse de côté, endormie ou pas. Pourquoi elle l’écarte. “Snow ! SNOW, LAISSE-MOI ENTRER !” Il tambourine. Il frappe. Ses poings se rougissent. La glace ne faiblit pas. Il frappe encore. Plus que de la colère, c’est de la peur. Il ne veut pas la laisser seule là-dedans. Elle ne peut pas affronter son passé toute seule. Qui sait ce qu’elle serait capable de se faire ? Il sent un élan de peur l’envahir. Il doit faire quelque chose.

Bobby…” Il l’entend. Elle est de nouveau là. De nouveau réveillée. Il entend son appel. Il frappe de nouveau contre le mur. Oui, il est juste là. Juste ici. Derrière vingt centimètres de glace. A travers le mur, il voit une silhouette sombre s’approcher du mur. Snow. Elle est définitivement réveillée. “Bobby .. dis-moi que t’es vivant.. s’il te plait..” La détresse dans sa voix. La peur dans ses mots. Il a la gorge qui se serre. Il n’a pas idée de ce qu’elle craint. Il n’a pas idée de ce qu’il se passe derrière ce mur. Elle est peut-être en danger. Elle est peut-être blessée. Elle n’est peut-être pas seule. Il a le devoir de la rassurer. “Je suis là. Je vais bien.” Il fait un pas en arrière. Respirer. Réfléchir. Il faut être logique. Ce n’est que de la glace. Uniquement de la glace. Il peut le gérer. Il peut le détruire. Il revient près du mur. Il pose ses deux mains à plat. La matière se dilate sous ses doigts. Elle se déplace. Elle se creuse. Elle s’effrite. La glace cède. Le mur disparaît. Il se retrouve plongé dans une scène étrange. Glauque. Elle lui arrache un frisson. Il reste figé, à l’entrée de la cuisine. Ses yeux se promènent dans la cuisine. Le manteau blanc qui recouvre les meubles. Le gel. La pièce est transformée. Encore plus froide qu’un congélateur. Encore plus blanche d’un décor, une nuit d’hiver. Trois corps gelés par terre. Comme s’ils étaient vraiment là. Comme s’ils venaient tout juste d’arrêter de respirer. Snow vient se réfugier dans ses bras. Il a du mal à s’arracher de la scène. Mécaniquement, il referme les bras sur elle. La réalité le rattrape. Les tremblements l’attirent. La respiration rapide l’inquiète. Il baisse les yeux sur la blondeur de Snow. Il raffermit sa prise autour d’elle. Quitte à trop serrer. Il est là. Elle ne risque plus rien. C’est tout ce qui compte, maintenant. Peu importe la signification de cette scène. Peu importe les anciens cauchemars et les futurs. Il est là. Elle n’a pas à s’en faire. Et elle va bien. Elle est tremblante. Elle est blême. Elle est froide. Mais elle va bien. La seule personne qui veut du mal à Snow est elle-même. “Me laisse pas.. je veux pas..” “Je vais nulle part.” Petit bout de femme effrayée. Petit être brisé par les remords et le passé. Elle n’a plus rien de la mutante impressionnante de la Confrérie. Elle n’est plus que la femme humaine. La femme qui ressent des émotions. Elle est froide. Atrocement froide. Il aimerait pouvoir la réchauffer. Il ne peut rien faire. Si ce n’est augmenter sa propre température. Se la jouer radiateur. Il passe une main dans les cheveux blonds. Il la perd dans sa nuque. Il est là. “J’ai cru que t’étais mort et.. ” “Je vais bien, Snow, je vais bien.” Il le répète. Douce berceuse pour la rassurer. Pour calmer sa frayeur. Un cauchemar d’enfants qui l’a fait se réveiller en sursaut. Une peur des monstres cachés dans le placard. Sauf que ses monstres à elle sont vivants. Ils sont dans fantômes du passé. Trop d’émotions. Trop de culpabilités. Il craint que Snow n’en sorte pas indemne. Il craint qu’elle se referme. Il craint qu’elle se brise davantage. Elle est froide. Dangereusement froide. Tremblante. Presque bleutée. Il passe un bras sous ses jambes. Il la soulève. Facilement. Délicatement. Il l’emprisonne dans ses bras. Il l’emmène.

Il ne sait pas comment il fait. Il ne sait pas comment il retrouve le chemin du salon. Mais, il le retrouve. Comme quoi, le manoir n’est pas si grand. Comme quoi, il est capable de s’orienter. Il s'assoit dans le canapé. En douceur. Il la garde contre lui. Ici, la température est moins froide. Ici, la température est plus agréable. Ici, elle est loin des trois silhouettes congelées par terre. Probablement la scène qu’elle refoulait. Ce jour où elle a tué sa famille. La raison de toutes ses crises. De toutes ses peurs de blesser les autres. “Ce n’est qu’un cauchemar. Ça va aller maintenant, c’est terminé.” Il la berce. Il murmure des paroles réconfortantes. Des paroles d’un parent à son enfant. Des paroles d’un ami à un autre. Il n’y a plus de psychologue qui tienne. Tout cela dépasse le cadre de la psychologie. Des règles établies. Elle a besoin de bien plus que ce qu’un spécialiste peut lui offrir. Bien plus que ce dont il a l’habitude. Ce qu’il s’est passé n’est pas un cauchemar. C’est la représentation d’un souvenir. C’est l’expression de remords. Ce qu’il s’est passé n’est pas anodin. Il lui en parlera le lendemain. Ils en discuteront quand elle se sera remise. En attendant, le plus important est qu’elle est en sécurité. “Je reste avec toi, tu peux te rendormir.” Il reste là. A veiller sur son sommeil. A veiller sur sa température. A veiller sur elle. Elle ne risque rien. Il est là, maintenant. Il la tient entre ses bras. Il la réchauffe. Il la protégera de ses crises. Elle peut se laisser aller au sommeil.

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« Je vais bien, Snow, je vais bien. » Il va bien. Il est palpable, là, sous ses doigts. Les émotions sont trop vives pour êtres conscientisées alors elle subit, elle saisit au vol les flux et reflux de son coeur mortifié. Il va bien. Elle ne lui a pas fait de mal. Il n’est pas blessé. Emprisonnée entre ses bras, elle parait relâcher un peu la pression. Son regard trop bleu est vide, figé sur un point invisible de l’espace, mais elle respire - mal, certes, ne soyons pas trop exigeants. Elle imagine malgré elle une vie sans lui, une existence loin de ses doux sourires et de ses billes désapprobatrices. Une existence avec sa mort sur la conscience et ça lui met le myocarde en morceaux, en toutes petites pièces. On dit que dans les yeux des victimes d’une Reine des Neiges, il y a un éclat de miroir qui offre une vision noire de chaque chose ; alors elle est sa propre victime, dans ce canapé, presque inerte. « Ce n’est qu’un cauchemar. Ça va aller maintenant, c’est terminé. » Elle perçoit sa voix, de loin. Snow sait très bien que ça ne fait que commencer, elle ne trouve simplement pas le courage de l’exprimer, alors elle cale sa tête contre lui. Il n’y a plus rien à faire. A ce rythme, elle allait mourir dans ce piège glacé avant la fin du week-end. Une mort lente, douloureuse, une sorte de suicide involontaire. « Je reste avec toi, tu peux te rendormir. »

Il reste là. Ca la rassure. Il lui faut plusieurs minutes pour se rendre compte qu’elle dessinait du bout des doigts des formes invisibles, de la tendresse sur un bout de peau, sur son épaule. Elle redresse le nez. Sa température remonte, difficilement mais elle recommence sa stabilisation, comme s’il était son ancre. « J’ai peur.. » Un murmure, à peine. Bien sûr qu’elle a peur. Elle a peur de le blesser, elle a peur de changer une nouvelle pièce en congélateur. Elle a peur des fantômes, de ses démons. Elle a peur d’échouer. Elle a peur d’elle-même. « .. Ils sont morts parce que j’ai cru qu’ils méritaient une leçon.. » La fatigue l’écrase et la sensation de froid refuse de réellement s’envoler. Elle est moins froide, oui. Moins ne voulant pas dire ‘plus du tout’. Et c’est peut-être la première fois qu’elle croise son regard de cette façon, sans en décrocher, sans le fuir. Elle a l’air de s’émerveiller de ces iris clairs, comme s’ils entraient tout juste dans son univers. « .. Promets-moi que tu ne me laisseras jamais te tuer.. »

Elle se fiche de son état, de sa santé, de ce qui aurait pu lui arriver derrière le mur glacé, tout ce qui lui importe, c’est ce garçon trop gentil qu’elle a trop longtemps voulu réduire en poussières. Beaucoup trop longtemps. « Pyro s’est trompé. T’es ni faible ni stupide. » Ca n’a pas vraiment de logique. Elle joue de ses doigts sur sa peau de la même manière qu’elle avait joué distraitement avec le pull - excepté le manque de tissu, mais cette façon d’agir comme si rien d’autre n’existait était identique. C’est vrai qu’il manque du tissu. Elle n’a pas encore vu. Ses paupières se ferment, trop lourdes. Ca ne dure pas, à peine deux ou trois minutes. Elle n’est pas tranquille. Si elle le couvrait de givre ? Malicia ne lui pardonnerait jamais. Un frisson court le long de sa colonne vertébrale. Peut-être qu’elle ne respirerait pas beaucoup plus longtemps, s’il mourrait de ses doigts.

La lutte est difficile. Pourquoi Morphée est-il si pressé ? Elle ne veut pas dormir, elle refuse de céder. Alors c’est à tout autre chose qu’elle cède. Du bout des lèvres. Sans doute le lendemain aurait-elle oublié. Sans doute ne sait-elle même pas ce qu’elle fait. Juste un souffle frais sur le bout des lèvres. Court. On dit baiser volé mais il n’est pas vraiment volé. Il est déposé. Sa peau s’est réchauffée. Son souffle s’est apaisé. Si des heures plus tôt elle avait agi avec excès, avec cette impression d’avoir été brûlée, il n’y a aucune panique, là, pas même une hésitation, seulement un doux cocon qui se referme. Et reposant sa tête sur l’épaule, elle s’est endormie, sans un mot de plus.

…*…

Deux heures. Elle a dormi deux heures avant de s’éveiller en sursaut, arrachée à un repos paisible avec une violence déboussolante. Qu’est-ce que ? Elle ne sait plus ni où elle est ni pourquoi. Un réflexe la pousse à scruter l’obscurité, à refermer sa main sur la première chose à portée. Elle ne s’est pas vraiment noyée. C’était juste un mauvais rêve, oui, juste ça. Un mauvais rêve. Est-ce qu’elle est encore à l’Institut ?
 
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Il va bien. Seulement une frayeur. Seulement de l’inquiétude. Seulement une panique. Maintenant qu’elle est là, contre lui, il va bien. Il va mieux. Il est rassuré. Elle n’est pas blessée. Elle n’est pas à deux doigts de se tuer. Elle est brisée. Mais moins que lorsqu’il la récupérée et l’a emmenée à l’institut. Moins que lorsqu’elle a poussé ses pouvoirs à bout. C’est une autre fêlure qui se dévoile. Celle du passé. On ne peut plus parler de fêlure. Plutôt de cratère. Un cratère douloureux. Effrayant. Un cratère qui l’attire. Qui embarque Bobby avec elle. Il va bien. Mais, il n’est pas totalement serein. Elle est bien plus fragile. Bien plus hantée par son passé. Il ne pensait pas qu’elle en était à ce point. Il le voit, maintenant. Il la garde auprès de lui. Contre lui. Il la protège contre le froid du manoir. Contre ses démons. Il la veut nulle part ailleurs. Ainsi, il peut veiller sur elle. Ainsi, il peut s’assurer qu’elle ne se blesse pas. Ainsi, il peut vérifier qu’elle va bien. Nulle part ailleurs. Il est là. Il est là pour elle. Pour l’aider à démêler ses souvenirs. Pour l’aider à gérer ses souvenirs. A les affronter. Car on parle davantage d’un combat. Une bataille qui a lieu lorsque le soleil disparaît. Lorsque l’obscurité est maîtresse. Lorsque les défenses sont au plus bas. Un combat fatiguant, de longue haleine. Un combat qui ne la laissera pas tranquille. Pas avant plusieurs jours. Il la serre dans ses bras. Il la berce doucement. Il la balance d’un côté, puis de l’autre. Il apaise ses inquiétudes. Il calme ses peurs. Il réchauffe son pauvre corps gelé. “J’ai peur..” Il ne répond pas. Il se contente de serrer davantage. D’accentuer sa présence auprès d’elle. De lui montrer qu’il est là. Encore. Il ne la lâche pas. Il ne l’abandonne pas. Il ne part pas. Il reste là jusqu’à ce que le soleil se lève. Aussi longtemps qu’il le faudra. Ils seront deux à affronter ses peurs. “. Ils sont morts parce que j’ai cru qu’ils méritaient une leçon.. ” Il arrête de la bercer. Ce grand enfant qu’il tient n’a pas besoin de dormir. Seulement de s’armer contre les remords. Seulement de se battre contre son histoire. Elle le fixe. D’une étrange manière. Il se perd dans le bleu de ses prunelles. Il se noie. Il oublie. Quelques secondes. Il oublie qu’elle vient de revivre la mort de sa famille. Et puis, il cille. Le charme est rompu. Retour à la réalité. “.. Promets-moi que tu ne me laisseras jamais te tuer.. ” Il ouvre la bouche pour répondre. Mais que répondre ? Il ne compte pas mourir de ses mains. Il ne compte pas mourir des mains de qui que ce soit. Mourir de vieillesse semble le mieux. Il reprend le bercement. “Ca n’arrivera pas.” Il chuchote. Oui, ça n’arrivera pas. Parce qu’il sait comment lui survivre. Parce qu’il a confiance en elle. Parce qu’elle ne le fera pas. Même pendant une crise de somnambulisme. Son subconscient le protégera. On protège ceux qu’on aime. Instinctivement. Elle n’en a pas conscience. Pas encore. Elle l’apprendra plus tard. Elle le comprendra. Elle est encore jeune. Vingt-quatre ans. Pourtant, elle a vécu bien des expériences. Elle a vécu plusieurs vies. Mais la maturité de ses expériences a disparu en même temps que sa mémoire.

Pyro s’est trompé. T’es ni faible ni stupide.” Dans un autre contexte, il serait heureux de l’apprendre. il n’aurait pas été étonné que Pyro dise ça de lui. Il aurait surenchéri en critiquant Pyro. Dans un autre contexte, il ne s’en foutrait pas. Mais là, si. Il s’en fiche. Il a bien plus important à faire. Pyro est un problème qu’il a depuis longtemps. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il se réglera. Ni demain. Peut-être même jamais. Par contre, Snow a besoin de lui. Maintenant. Le silence retombe. Il reprend le dessus dans l’obscurité du salon. Il les recouvre. Les englobe. Les pousse vers le sommeil. Mais Bobby résiste. Il restera éveillé jusqu’à ce que Snow s’endorme. Il lui a promis d’être là. Il a la tête en arrière. Posée contre le dossier. Il se perd dans la contemplation du plafond obscurci. Il attend que les secondes s’égrènent. Que Snow plonge dans un sommeil sans cauchemars, sans rêves. Elle bouge. Il redresse la tête. Il attend qu’elle parle. Comme toujours. Seul le silence lui répond. Lui susurre à l’oreille. Lui souffle le vide. Et d’un coup, elle se redresse. Leurs lèvres se touchent. Une seconde. Peut-être moins. Peut-être plus. Elles se touchent. Trop rapidement pour que Bobby puisse réagir. Trop rapidement pour qu’il comprenne. Dans ses bras, Snow se referme. Elle s’apaise. Elle se laisse aller. Elle s’endort. Il fronce les sourcils. Il hésite entre la folie et son imagination. Il hésite entre la réalité et le rêve. Mais il sent encore ce contact. Marqué. Imprégné. Il ne sait plus quoi penser. Comment agir. Il ne sait pas ce que représente ce baiser. Il ne s’agit pas d’une embrassade ratée. Ce baiser était trop précis. Trop voulu. Il n’est pas le signe d’un amour. Elle lui a dit ne pas se faire d’idée sur eux. Alors quoi ? La question tourne dans sa tête. Elle virevolte. Elle cherche une réponse. Rien. Absolument rien. Il ne sait pas quoi comprendre. Il ne sait pas quoi faire. Il entend seulement la respiration lente de Snow. De doux soupirs. Elle s’est endormie. Elle l’a embrassé et elle s’est endormie. Le délire total. On n’a pas idée d’embrasser les gens, puis de s’endormir. Elle aurait au moins pu expliquer. Lui donner une raison. Non, elle s’est endormie. Comme on enlèverait ses lunettes avant de se coucher. Comme on éteindrait la lumière avant de s’endormir. Un rituel du soir. Il n’a pas une grande connaissance des baisers. Quelques uns, furtifs, rapides, dangereux, échangés avec Malicia. D’autres faits à une autre époque. Quand il n’était qu’un adolescent. Quand embrasser n’était pas un privilège, mais une norme. Il n’a pas beaucoup d’expériences. Mais ce baiser, ça en était un. Il en est certain. La question revient. Alors quoi ? Elle continue à tourner. A fureter. A creuser. Les questions l’épuisent. Le vident de son énergie. Il s’endort. Doucement. Difficilement.

xXx

Il se réveille. En sursaut. Le rêve dans lequel il était plongé s’évanouit. Disparaît dans les méandres de sa mémoire. Il se rappelle seulement d’un baiser. Un baiser rapide. Volé. Il papillonne des paupières. Ce n’est pas la lumière qui le gêne. Il n’y en a pas. Mais le retour au moment présent. Le baiser n’est pas un rêve. Il a réellement eu lieu. Bobby a oublié que Snow est toujours sur lui. Dans ses bras. Soudain, cette proximité lui semble étrange. Ambiguë. Le baiser, les câlins, le restaurant. Après quoi ? Il se redresse difficilement. Il retire un bras. Les fourmis le mangent. Le dévorent. Le piquent. Il remue les doigts. C’est ce qu’elle attrape. Sa main. Les doigts de Bobby se faufilent entre ceux de Snow. Ils se tiennent. Se referment l’un sur l’autre. Il se laisse surprendre par ce contact. Il laisse passer quelques secondes. Il se dit que ce n’est pas si mal. Que c’est presque agréable. De pouvoir toucher quelqu’un. De pouvoir toucher Snow. Finalement, il retire ses doigts. Délicatement. Il ne veut pas la blesser. Il ne veut pas la repousser. Il ne veut pas lui donner le sentiment de la rejeter. Il est là. Il le sera toujours. Il ne sait pas comment. En tant que quoi. Psychologue, ami… amant ? Il ne sait plus. Il ne sait pas. Mais il sera là. Est-ce qu’il veut seulement avoir plus qu’une relation amicale avec Snow ? Telle est la question. Le coeur du problème. Elle comme lui sont trop brisés. Ils sont trop instables pour former un couple. Et puis, il ne sait même pas si ce baiser est une envie particulière. Ou juste un baiser. Il n’en sait rien. Toutes ces questions deviennent gênantes. Au final, il se resaisit. Il reprend les rênes de son esprit. Il ne doit pas laisser ces interrogations sans fondements prendre le dessus. Il ne doit pas perdre à l’esprit qu’elle est une patiente. Quoi que les autres envisagent. Quoi que Snow ou lui désire, rien ne peut se passer. Il repasse son bras autour d’elle. “Je suis toujours là.” Ses paroles légères s’envolent dans la pièce sombre. Un léger murmure pour la rassurer de nouveau. Il ne peut pas imaginer ce qu’elle a en tête. Des cauchemars. Des peurs. De l’anxiosité. En tout cas, ça lui gâche son sommeil. Elle ne semble plus aussi froide qu’avant. Plus aussi gelée. Même si elle le reste. Snow est une source de rafraîchissement. Un flocon de neige à temps plein. “Snow, j’ai besoin de savoir...” Il fait une pause. Il hésite. Il ne pourra pas continuer sans avoir la réponse à sa question. Il est obligé de la poser. Mais il y a de meilleurs moments que là, maintenant, alors qu’elle est dans ses bras. Il doit la poser, quand même. Il doit savoir. Parce que son comportement pourrait changer. Il pourrait mettre de la distance. Il pourrait limiter les câlins au strict minimum. Il pourrait la veiller, sans être corps contre corps. “Le baiser, ce n’était qu’un baiser, n’est-ce pas ?” Il n’ose pas la regarder. Ses yeux se perdent dans l’obscurité de la pièce. Ne pas regarder pour mieux affronter. Il apprend à Snow à ne pas fuir. Il fait exactement le contraire. Il est incapable de croiser ses prunelles. Il aurait été capable de retourner dans sa chambre, si elle n’avait pas été sur lui. Si elle lui répond que ce n’est qu’un baiser, il craint de ressentir de la déception. Si elle lui répond que c’est bien plus que cela, il a peur de devoir s’éloigner d’elle. Il a le coeur trop brisé pour comprendre ses propres émotions. Le coeur encore sous l’emprise de Malicia. Il est incapable de dire s’il a des sentiments pour Snow. S’il l’a voit autrement que comme une patiente, devenue une amie. Il ignore tout de cela. Il nage dans une piscine d’émotions. Sans savoir à quelle bouée émotionnelle il doit se raccrocher. La réponse de Snow l’éclairera peut-être. L’aidera peut-être. Il faut espérer. Il garde le regard obstinément levé dans le vide. Obstinément braqué vers son coeur en miettes.


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Fragments.
Iceberg ✧ Snow
« And it's hard looking back Knowing what I could've done. I’m never going back, I’m always on the run And you never really find The pieces that you leave behind. All I got from this place is fragments. »
- Jaymes Young, Fragments

« Je suis toujours là. » La voix l’apaise autant que ces doigts qui se mêlent aux siens puis, lentement, les éléments se rassemblent : elle n’est pas à l’institut, elle est dans le salon du manoir, entre les bras de Bobby, protégée, plus en sécurité que jamais. Les muscles se relâchent même si l’homme choisit de libérer sa main. Elle ne le prend pas mal, d’autant qu’elle est plongée dans le brouillard. Il y a encore le frisson de la peur dans son coeur, la mort qui rôde dans son esprit et le baiser sur ses lèvres. Il lui revient au moment où le bras retrouve sa place autour d’elle. Snow tente de digérer toutes les informations qui lui parviennent ; il y a de la glace en train de fondre non loin, des particules en souffrance. Il y a deux formes humaines dans la cuisine. Elle ne peut pas percevoir la large flaque. Tous les sens sont en éveil. Une rampe glissante sur les escaliers, bien rigide. La respiration de Bobby qui perce doucement le silence. « Snow, j’ai besoin de savoir… » « Mh ? » Sa peau est froide. Son cerveau analyse tous les détails, dans ce noir qui les entoure : il n’y a pas de vêtements pour couvrir le haut, elle sent le torse contre son bras, elle sent cette température très légèrement plus basse que la moyenne. Une seconde, elle s’interroge sur la manière dont elle est capable de déterminer cela. « Le baiser, ce n’était qu’un baiser, n’est-ce pas ? » La question lui fait l’effet d’un crissement sur l’autoroute. Ses préoccupations s’effacent pour ne laisser qu’un grand vide et le myocarde loupe un battement.

N’est-ce pas ?, la formulation est une demande autant qu’une supplique et pourtant elle est persuadée qu’aucune réponse ne lui conviendra, que quoiqu’elle dise, il ne pourra y avoir que déception ou rejet. Le baiser. Elle a porté ses doigts à ses lèvres, un brin perturbée. Elle ne sait que dire. Le silence s’étire un long moment. Elle est en train de trier les émotions, elle classe mentalement les éléments logiques, les pensées irrationnelles, les sentiments, comme une équation insoluble. « Le professeur Aneesh m’a dit qu’il n’a jamais éprouvé une aussi grande paix qu’auprès d’une immortelle.. » Elle ne dit pas Doe, parce que c’est trop générique, elle refuse de laisser place à trop de confusion dans son explication déjà suffisamment complexe. Perdue, Snow avait intégré les paroles de son aîné de plusieurs siècles et si elle n’avait pas perçu, sur le coup, le lien entre le sujet de leur conversation et ce détail évoqué, elle venait d’être éclairée. L’obscurité aide à gérer la situation. « Ne t’en fais pas. Je ne te demande rien. Je n’attends rien.. seulement, enfermée là-dedans, j’ai cru que tu étais mort. J’ai cru que je t’avais perdu. » Est-ce qu’il imagine une seule seconde l’intensité de cette frayeur ? Plus grande que lorsqu’elle était passée sous la voiture. Ca lui avait fait mal, profondément, sans qu’elle ne puisse lutter contre cette invasion, contre ce pincement violent au coeur. Ca lui avait percé l’estomac avec une virulence sans précédent. « .. Il a affirmé que tout pourrait se finir demain. Il a raison, Bobby. Je n’ai peut-être pas longtemps à vivre et si partir loin de tout pour recommencer à zéro n’est pas forcément la solution.. » Elle hésite, un instant, elle cherche les mots. « .. Je ne voulais pas mourir sans t’avoir montré, à défaut de savoir dire. »

Le raisonnement est poussé, cette fois. Ce ne sont pas les réflexions aléatoires de ces séances enfermés dans le bureau à chercher ce qui cloche, à râler, à s’engueuler. Ce ne sont pas ces tentatives méthodologiques pour trouver les failles, les souvenirs. La construction de la pensée n’a jamais été aussi claire, ainsi forgée d’une réalité palpable pour chacun d’eux. « Quand je suis passée sous cette voiture, j’ai déjà ressenti ça. » Dans une moindre mesure, parce que c’était une première brèche, parce que la peur de mourir n’était pas au premier plan, parce qu’il y avait d’autres personnes dans cette galère. Là, il n’y avait qu’eux. Il n’y avait qu’un piège infernal et le désert de glace. Snow a laissé planer un temps, pour qu’il intègre, il est psychologue après tout, c’est sûrement dans sa nature de chercher des significations dans les formulations, les gestes, les méandres de l’esprit. « Pardon de m’être endormie. » Il y a encore l’image des corps imprimée sur sa rétine. Il y a la crainte infinie de se perdre encore. Il y a l’épuisement des nuits d’insomnie. Il y a ce cauchemar qui persiste, accroché à son ventre. Elle trouve pourtant encore la volonté de lutter, la volonté de s’arracher à la torpeur. « Je.. je dois aller noter. Il faut.. tu peux rester réfléchir ou me rejoindre. Ca n’engagera jamais à rien. » Parce qu’elle n’espère rien. Elle sait qu’elle a eu tort, elle sait que ce ne sont pas des choses qui se font et elle est parfaitement consciente d’être contradictoire mais en toute honnêteté, avant le semi-baiser loupé, elle n’avait jamais envisagé leur relation sous un angle différent de l’amitié. Doucement, elle se défait de lui, de sa peau, de sa tendresse pour se redresser. Engourdie. « Promis, tu n’auras plus à craindre que je te vole quoique ce soit que tu ne veilles offrir. »

Ses pas la mènent vers les escaliers. Malgré elle, elle a accéléré en passant devant la cuisine. Elle s’est sentie pétrifiée, elle a perçu les larmes au bord de ses yeux, son pouls qui s’emballait. La glace et la neige, sur son chemin, ont laissé place au sol, à une normalité presque dérangeante. Elle a supprimé ses propres dégâts, en dehors du vin sur la table basse, de même en montant les escaliers, presque en courant, terrifiée à l’idée que des yeux puissent se poser dans son dos, qu’un fantôme ne puisse - irrationnellement - se manifester. Sur son lit, elle a étalé les 4 carnets de cuir aux couleurs différentes, piochant le violine pour y noter en vrac les informations à ne pas oublier. Il y avait chaque fait important de chaque journée depuis les trois dernières années. Et cette annotation compulsive ne fut jamais réellement dévoilée à Bobby. Oui, elle avait avoué noter, parfois, par peur de ne pas se rappeler. En réalité, ça lui est aussi nécessaire que boire ou manger.
 
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Chamboulé n’est pas le mot. Désorienté. Perdu. Noyé. Des adjectifs plus justes. Des adjectifs plus en phases avec ce qu’il ressent. Snow n’est pas réputée pour exprimer facilement ses émotions. Elle n’est pas non plus connue pour avoir des comportements des plus logiques. Ce baiser dont elle lui a fait cadeau. Ce simple effleurement. Il peut signifier n’importe quoi pour elle. N’importe quoi. Une simple baiser entre amis. Une simple marque d’affection. Pour lui, ce baiser a bien plus d’importance. Les baisers sont les seules choses qu’il a pu échanger avec Malicia. Les lèvres sont la seule partie du corps qu’il a pu toucher directement. Les baisers sont les seules marques d’amour. Les seuls contacts poussés qu’ils ont eus. Ils se l’autorisaient. A de rares occasions. Lorsque la frustration était trop grande. Lorsque les émotions étaient trop vives. Et Snow le lui prend. Elle le lui vole. Elle ne se rend pas compte de l’importance de cet échange. Elle ne se rend pas compte comme un simple effleurement de leurs lèvres peut avoir de l’importance. Il se perd. Il se noie dans les suppositions. Il se débat avec son imagination et sa conscience. Il se doute que Snow ne réalise pas ce qu’elle a fait. Il sait très bien qu’elle ne pensait pas à mal. Mais les lèvres sont les seules parties du corps qu’il a pu toucher. Qu’il a goûté. Embrasser Snow… c’est être au même point qu’avec Malicia. Après dix ans de couple. Ce baiser a bien plus d’impact. Elle y voit probablement une simple marque d’affection. Lui voit une potentielle avancée dans leur relation. Une avancée qu’il n’imaginait pas. Alors, la question est nécessaire. Vitale. Elle est toujours tout contre lui. Elle ne fuit pas. Elle reste là. De toute manière, il l’aurait poursuivie jusqu’à obtenir la réponse. Il doit savoir. Snow a peut-être oublié tout son passé sentimental, mais pas Bobby. Il a à peine quelques histoires d’adolescents et un couple anormale comme bagages. Il est novice dans le domaine. Un débutant perdu. Un débutant qui doit encore tâtonner. “Le professeur Aneesh m’a dit qu’il n’a jamais éprouvé une aussi grande paix qu’auprès d’une immortelle..” Aneesh. Ce vieux philosophe qui a vécu des centaines de vies. Ce philosophe qui s’amuse à détruire tout le travail que le psychologue fait. Bobby ne l’apprécie pas. Pour lui, ce n’est qu’un vieux fou. Un vieux prétentieux, blasé par la vie, à la limite de la dépression. Un homme antipathique qu’il préfère éviter. Mais la réponse de Snow fait écho. Elle trouve un sens. Deux immortels peuvent s’offrir une paix commune. C’est ce que Snow vient chercher auprès de lui. Deux glaçons. Il comprend mieux pourquoi elle est devenue si dépendante. Si attachée à lui. A force d’écouter les ramassis de bêtises d’un ancêtre, on fait n’importe quoi. Il repose la tête contre le canapé. Il est agacé. Pas contre Snow. Elle cherche seulement des réponses à ses questions. Elle veut seulement être rassurée. Mais contre Aneesh qui lui sert des conneries comme si c’était la vérité. Ils vont devoir parler, tous les deux. “Ne t’en fais pas. Je ne te demande rien. Je n’attends rien.. seulement, enfermée là-dedans, j’ai cru que tu étais mort. J’ai cru que je t’avais perdu.” Alors, ce baiser n’est que le besoin d’exprimer son soulagement. Son attachement. Il est rassuré. Pas besoin de l’éloigner. Pas besoin de lui briser le coeur. Pas besoin de se détacher d’elle. Il n’aurait pas pu fuir une personne de plus, à l’Institut. Il n’aurait pas pu s’éloigner de Snow. Elle a besoin de lui, probablement autant qu’il a besoin d’elle.

. Il a affirmé que tout pourrait se finir demain. Il a raison, Bobby. Je n’ai peut-être pas longtemps à vivre et si partir loin de tout pour recommencer à zéro n’est pas forcément la solution..” Elle porte bien trop d’importance aux dires de ce croûton. Bien trop de crédit à tout ce qu’il raconte. A choisir entre la philosophie et la psychologie, pourquoi ne pas choisir ce qui est prouvable ? La philosophie n’est que des réflexions écrites par des gens qui s’ennuient. La psychologie repose sur des faits, sur des études du comportement. Il n’y a rien de plus solide que la science du cerveau. “... Je ne voulais pas mourir sans t’avoir montré, à défaut de savoir dire.” Ca en est trop. Bien plus qu’il ne peut entendre. Il se raidit. Il canalise son agacement. Sa colère. Il a envie de frapper ce crétin d’Aneesh. Il a réussi à transmettre ses pensées morbides à Snow. Il a réussi à la contaminer avec sa dépression. Il a réussi à insuffler l’inquiétude de la mort. A vingt-quatre ans, elle a encore la vie devant elle. Elle a encore de quoi s’amuser, découvrir, voyager, expérimenter. Elle ne peut pas penser à la mort. Pas déjà. Pas comme ça. Il a envie de partir. De l’empêcher de lui montrer tout ce qu’elle veut avant de mourir. Pour lui prouver que la mort peut attendre. Qu’elle a le temps pour tout lui expliquer. Mais c’est trop tard. Elle a déjà rejoué la scène de la mort de ses parents. “Quand je suis passée sous cette voiture, j’ai déjà ressenti ça.” Cette peur dont elle parlait, tout à l’heure. Transperçante. Violente. Douloureuse. Il l’a ressentie ce jour-là. Son visage s’est décomposé lorsqu’on lui a appris pour Snow. Lorsqu’il a découvert qu’elle était blessée. Qu’elle avait failli mourir. Il se rappelle encore de la douleur. Comme un couteau enfoncé dans son estomac. Alors oui, elle a eu peur de mourir. Elle a craint de ne pas voir le lendemain. Mais elle est encore là. Elle doit profiter de chaque jour. Elle doit repousser l’idée qu’elle va mourir. Elle doit vivre chaque instant pleinement. Ne pas se pourrir l’esprit avec les déblatérations d’un sénile. “Pardon de m’être endormie.” Il soupire. Il s’en fiche. Qu’elle s’endorme, c’était le but. Certes, il aurait préféré avoir quelques explications. Il aurait souhaité qu’elle ne s’endorme pas deux secondes après son baiser. C’est fait. Rien ne sert de regretter les gestes passés. “C’est normal, tu étais fatiguée.” Elle l’est encore. Comme lui. Ils ont besoin d’une nuit de sommeil. De plus de huit heures. Une nuit dont ils se réveilleraient en forme. Ce ne sera pas pour ce soir, visiblement. “Je.. je dois aller noter. Il faut.. tu peux rester réfléchir ou me rejoindre. Ca n’engagera jamais à rien.” Il fronce les sourcils. Qu’est-ce qu’elle raconte ? Noter quoi ? Noter où ? Il y a encore des choses qu’il doit apprendre d’elle. Encore des secrets qu’il doit découvrir. Elle est pire que tous ces génies qui retranscrivent leurs pensées dans des codex, en les cryptant. Pire que toutes les énigmes. Snow n’est pas une seule énigme. Elle en est des milliers. Une seule est résolue que dix autres apparaissent. Elle s’écarte. Elle prend ses distances. Elle laisse un vide froid à la place. Un vide creux. Un vide presque triste. Un vide qui l’envahit. “Promis, tu n’auras plus à craindre que je te vole quoique ce soit que tu ne veilles offrir.” Quelque part, il a le sentiment qu’elle l’a mal pris. Qu’elle est vexée par son inquiétude. Il aimerait la retenir. Lui dire que ce n’est pas une question de vol. De vouloir ou pas. Il n’y arrive pas. Son regard la suit pendant qu’elle s’éloigne. Qu’elle quitte le salon. Bientôt, il n’y a plus aucun son.

Il se passe les mains sur le visage. Chasser la fatigue. La faire fuir. La nuit sera encore plus longue. Encore plus fatiguante. Il se lève finalement. Il revient sur ses pas. Il s’arrête quelques instants devant la cuisine. Le temps de contempler. D’étudier les lieux de loin. Il ne peut pas prendre part à cette scène. Seulement l’analyser. La comprendre. Quoiqu’il se soit passé. Quoiqu’elle est fait. Elle le regrette maintenant. Et c’est le plus important. Il rejoint les escaliers. Il y découvre avec joie que le verglas a disparu. Il avale les marches deux par deux. L’information fait doucement son chemin. Snow note. Elle note des faits. Des souvenirs, peut-être. Ses pensées. Ses découvertes. Peu importe, elle note. A sa manière, elle explore les méandres de son cerveau pour mieux se comprendre. Se connaître. Dans le couloir, encore une hésitation. Toquer à sa porte et la rejoindre pour découvrir ses notes. Retourner dans sa propre chambre et lui laisser ce secret, cette intimité. Un secret qu’elle a gardé pendant trois ans. Il choisit de lui donner quelques minutes. Quelques minutes pour écrire ce qu’elle a en tête. Pour rédiger ce qui semble si important. En attendant, il retourne dans sa chambre. Il y trouve un tee-shirt qu’il enfile. Le contact du coton chasse le froid laissé par la disparition de Snow. Il retourne dans le couloir. Il toque doucement contre la porte. Il n’attend pas l’invitation. Il l’est déjà. Il a pris sa décision. Elle l’a laissé choisir entre les réflexions et l’action. Entre la possibilité d’une relation ou rien d’autre. Il a décidé. Il entre dans la chambre. Il trouve Snow penchée sur un carnet, entourée pas trois autres exemplaires. Elle en a déjà rempli plusieurs, sans qu’il le sache. Il patiente. Il l’observe noircir les pages de son écriture. Finalement, il fait un pas. Puis deux. Il contourne le lit. Il vient s’y asseoir. Il en prend un. Il passe le doigt sur la tranche. Il ne l’ouvre pas. Ce sont des morceaux d’elle. Des parties de sa vie. Des fragments de ses émotions. Des extraits de ses réflexions. Il les voit comme des journaux intimes. Des journaux que l’on ne veut voir personne lire. Il n’imaginait pas Snow se livrer de cette manière. Il a encore trop l’image des adolescentes qui rédigent tout et n’importe quoi. Pourtant, le journal intime peut être un vrai réceptacle. Un vrai exutoire. Elle a eu l’idée sans lui. Elle est peut-être plus réceptive à la psychologie qu’elle ne le montre. “Quand est-ce que tu as commencé ?” Peut-être est-ce une pratique qu’elle a depuis des années. Des décennies. Peut-être que ses parents lui ont offert son premier journal intime, un carnet fermé d’un cadenas. Ou peut-être que ce besoin d’écrire cache une peur profonde. Un traumatisme. Une peur de tout perdre. Il la dévisage. Il la découvre toujours plus. Chaque jour, elle se dévoile. Elle montre un pan de sa vie ou de sa personnalité. Elle lui a parlé de sa peur du feu. Mais pas de sa peur de perdre la mémoire. Il repose le carnet avec les autres. Encore des pensées négatives. Encore cette peur de ne pas contrôler. Il ne serait pas mieux s’il avait oublié plusieurs années de sa vie. Si demain, il se réveillait en étant convaincu d’être un adolescent normal. Si demain, il redécouvrait ses pouvoirs comme le premier jour. “Peu importe ce que tu notes sur la mort de tes parents, précise bien que tu as changé depuis et que tu regrettes.” Il sait qu’elle s’en veut. Il ressent sa culpabilité. Il mesure ses remords. Mais elle était jeune. Elle était nourrie par une volonté d’émancipation. Elle était perturbée par son rejet. Les choses ont changé depuis. Elle s’est assagie. Elle est devenue une personne douce et attentionnée. Elle est devenue une version gentille. Elle est devenue Snow. Elle ne peut pas s’en vouloir éternellement. Tuer ses parents est atroce. Les assassiner par la glace. Elle a des raisons de culpabiliser. Mais elle ne peut pas le faire éternellement. Elle doit comprendre que ce n’est pas réellement elle. Que c’est une autre personne. Elle doit l’assimiler. Sinon, les remords risquent de la ronger toute sa vie.

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