Je n'avais répondu à aucune de ses réponses. Au final, elles n'étaient que sarcasmes et obstination. Je pouvais rien faire de ça et je ne voulais pas envenimer les choses me défendant d'une façon ou d'une autre. Je ne faisais que feinter de m'imaginer en gogo-dancer. J'avais jamais fait ça. Enfin pas en public. Faudrait que je pense à continuer comme ça. Et puis quelque chose se passait de son côté et il baissait le regard. Je pouvais voir que ce n'était pas juste pour revenir à son dessins non, il détournait le regard. Ça cogitait dans son crâne, je pouvais pas le rater, mais j'étais incapable de savoir à quel sujet, alors je laissais courir, je le regardais dessiner tout en continuant. J'étais peut être une bête de foire, mais je n'étais pas seul à l'être et si la majorité l'est alors l'est-elle vraiment? Je me penchais sensiblement en avant pour tenter de voir ce qu'il gribouillait tout en posant ma question mais sans rien voir je me contenter de saisir ma bière pour boire une gorgée supplémentaire.
C'était... moi? J'esquissais un sourire mais en réalité mes pensées étaient toujours rivées sur ses mots précédents, avant que je le rappelle au dessin et qu'il ne s'apaise. Était-il vexé d'avoir été sauvé? Sauvé par un mutant? Ou aurait-il préféré mourir par choix? Cette dernière option était bien inquiétante et je ne savais pas trop comment revenir dessus sans déchaîner sa colère. J'arrivais à voir entre ses mains et ce que le crayon gravait dans le carton. C'était la scène, la voiture, moi, enfin je supposais. - Tu aurais préféré mourir? Pourtant tu me semblais bien vouloir la garder ta vie quand tu as fuis la ruelle. - S'il avait voulu mourir il m'aurait attaqué de front pour me provoquer. - C'est quoi alors l'autre option? Mourir plutôt que quoi? Etre sauvé par moi? Etre sauvé tout court? - Quand on a pas de moyen subtil d'y venir autant y sauter dedans.
On se connaissait pas, j'étais sa cible, il était mon... agresseur? Mais l'inverse était vrai aussi? Je ne connaissais pas son nom, il ne connaissait pas le mien ou en tout cas il n'avait rien dit. Je savais seulement qu'il était curieux de choses bien spécifiques et qu'il en savait plus qu'il ne paraissait. Qu'il était plus capable que ce qu'on pouvait supposer. Qu'il y avait quelque chose chez lui qui clochait, quelque chose qui n'allait pas. Pas de bizarrerie ou de chose louche, c'était lui avec lui-même. Je n'avais pas besoin de chercher bien loin pour ça après qu'il ait dit avoir préféré que je le laisse là-bas. J'étais curieux, peut être. Je l'avais toujours été mais je n'étais pas du genre à passer mon chemin lorsque je croisais ce genre de... risque. Peut être ne voulait-il pas être sauvé mais il m'avait remercié sur le trottoir. - Pourtant t'étais plutôt content de pas être mort out à l'heure, non? Qu'est-ce qui a changé?
L'homme ne lâche rien, mais alors rien du tout. Qu'est-ce qu'il est ? Psy ou bien ? Il voit pas que je cherche à éviter ce sujet et que je n'ai aucune envie de lui parler de ça ? Et ce n'était pas comme s'il était mon meilleur pote à la fin. Non franchement quel besoin avait-il de me sauver la vie, d'en savoir plus sur moi ou sur ma vie hein ? J'étais celui qui était censé en apprendre plus sur lui. Mais non à la place, je me suis fait grillé, poursuivi et amené dans un bar pour apparemment subir un interrogatoire poussé. Je n'avais pas plus envie d'être ici que de répondre à ses questions. Mais bon, ce gars-là venait de me sauver la vie. Quel genre de mec je serais si je ne lui en devais pas une ? Il faut au moins que je lui fasse la discussion vu que visiblement il avait envie de parler. Peut être avait il envie d'en savoir plus sur mon organisation et pourquoi on le poursuivait lui. Sûrement. Ca viendrait peut être. Mais il n'était pas prêt d'en savoir plus à ce propos. Du moins pas venant de moi. Bien que quelque part, j'en avais plus vraiment rien à faire si les Watchers avaient des problèmes. Le seul problème c'est que toute ma fratrie en faisait partie. Et encore une fois, j'ai bien peur que ce soit à cause de moi... Alors je soupire vaguement mais finis par lui répondre :
- Tout aurait été plus simple c'est tout... Je ne veux pas mourir mais je ne veux pas tellement vivre non plus. Au moins tu aurais décidé à ma place, c'est pas plus mal...
Pour une fois, je m'arrache à mon dessin et me saisis de cette chope à laquelle je bois une gorgée puis une deuxième avant de la reposer sur la table. Ce n'était pas la première fois que je buvais de la bière mais j'avais encore du mal à me faire à ce goût un peu amère. Mais au moins, cela me permettait d'oublier. D'oublier ce dilemme auquel je faisais face. Si je continuais à vivre, je finirais par merder : la peur d'utiliser mon pouvoir et mon dégoût d'être un mutant va me déglinguer, je le sais. Mon pouvoir va m'échapper et je ferais sans doute une énorme bêtise. Ca remontra d'une manière ou d'une autre à mon frère et il me tuera. Ou je me tue mais dans ce cas, je causerai la plus grande peine à Sarah et Lewis. Et l'air de rien, j'aime vivre et je suis encore trop jeune pour partir. Mais tout m'échappe alors peut être que cela aurait été mieux qu'un simple accident de voiture m'ait effacé de la planète. Personne n'y aurait rien pu et tout le monde aurait oublié que je suis un petit mutant affreux. Je le regarde doucement dans les yeux, sincère cette fois. Quel intérêt de mentir là-dessus ?
- Je n'ai que deux options : mourir ou mourir plus tard. Tu ne m'as pas vraiment sauvé, tu as juste repousser l'échéance. Tôt ou tard mon frère le saura...
Cette dernière phrase a été prononcée à mi-voix. Plus pour moi que pour lui. Peut être n'avait il pas entendu d'ailleurs, ça m'était égal. Ma tête se rabaissa sur un soupir puis ma main dessina distraitement un briquet qui projetait une lumière douce sur le visage d'un passant. Un briquet qui semblait lumineux. Je dessinais avec soin les contours du dessin et doucement on pouvait voir la scène avec plus de clarté. J'étais plutôt fier de moi même si techniquement mon oeil repérait tout un tas d'imperfections qui m'auraient fait jeter ce dessin à la poubelle si ça avait été un travail pour mon université. Mais bon, c'était simplement pour me détendre alors je préférais continuer. Et puis sur un dessous de verre, j'étais plutôt satisfait du résultat en fait. Puis mon stylo se posa à nouveau et mon regard examina un peu mon interlocuteur. Son visage se faisait plus précis de plus près. Bien mieux que dans la ruelle. Il était plutôt pas mal, ouais bon carrément sexy, mais mutant. Il avait définitivement pas une tête à s'appeler Dayle. Ce qui me faisait penser que je ne connaissais même pas son vrai nom. Ca craignait, le gars venait de me sauver la vie. Alors je bois une gorgée de bière avant de froncer les sourcils.
- Comment tu t'appelles au fait...? Que je sache à qui je dois un service...
Ce n'est pas à moi de choisir si tu dois vivre ou mourir. - Bon ok, j'avais choisi de le sauver, donc pour lui de vivre, mais la question était sur l'autre morceau de la phrase, sur le "mourir". Personne ne pouvait décider à sa place de sa vie ou de sa mort. C'est bien pour ça qu'on avait inventé le mot meurtrier, non? Que deux options hein? Mourir maintenant ou mourir plus tard? J'étais familier avec ce genre de dilemme, malheureusement. Je mettais de côté la mention de son frère. Je sentais bien qu'il rechignait à répondre à mes questions alors se concentrer sur la base était le plus important finalement. - Il y a quelques années j'ai eu à faire à ce même choix. Mourir dans la rue, mourir dans une cellule ou mourir exécuté. - Ou en tout cas, avec un peu de perspective quand à mon passé, c'était le cas. Je me penchais sensiblement vers lui sans lâcher mon verre. - Je suis toujours en vie. - Fausse confession de l'évidente vérité, j'étais là en face de lui. Je me ré-adossais à la banquette. - Il n'appartient qu'à toi de décider de comment vivre ta vie et finalement le vrai choix qu'on te donne c'est de savoir si tu vas la vivre pour mourir ou si au contraire tu vas la vivre vraiment, pour toi et comme tu l'entends.
Je levais mon verre et buvais une longue gorgée. Sa question au sujet de mon nom me fit sourire. Sérieusement, je lui lançais un sourire presque malicieux avant de répondre. - Je m'appelle Dayle. Et quel est le nom de mon détracteur? - J'attendais qu'il réponde avant d'ajouter... - Enfin honnêtement, commence par arrêter de me suivre dans la rue et t'aura déjà payé une partie de cette dette. - Et je souriais à nouveau avant de boire une autre gorgée. Oui, j'avais mis en déroute quelques russes avec ma décente en matière d'alcool. D'ailleurs, en parlant de russe, je me penchais sur le côté et captais le regard du barman avant de lui parler à nouveau en russe. - Comment c'est dehors? - « Il pleut toujours mais il n'y a pas grand monde qui se mouille. » - Je me réinstallais correctement face au gamin et faisais le relais parce que je doutais grandement qu'il parle russe. - Ça à l'air de s'être calmé dehors. - Soit le groupe s'était dissipé, soit il s'était déplacé, dans tout les cas les abords du bar semblaient plus calmes mais pas moins humides.
Quoi qu'il en soit je ne comptais pas bouger avant d'avoir fini ma bière. - Il en est ou ce dessin? Je dois contacter un avocat pour les droits à l'image ou comment ça se passe?
Je ne m'attendais pas réellement à une réponse de sa part. C'était plutôt une réflexion que je m'étais faite à moi-même tout en le disant à voix haute. Je sais vraiment pas pourquoi je déballe tout ça devant un pur inconnu. Devant une cible qui plus est. Si ma famille me voyait à cet instant, ils me renieraient tous sur le champs. C'est aller à l'encontre d'une bonne dizaine de nos principes. Mais je ne sais plus vraiment ce que je dois suivre ou ne pas suivre comme principe. Un coup on me dit qu'il faut faire ça, un coup qu'il ne faut plus le faire. Et moi je suis perdu. Je commence à me dire que personne ne sait rien et qu'il faut que je fasse le travail tout seul. Peut être faut il que je commence à suivre mes propres principes, qui sait? Ou alors je ne suis qu'un jeune petit con qui fait juste sa crise d'adolescence. Je ne sais plus et ça me fatigue de plus en plus. Tous ces trucs d'adultes sont si compliqués. Cela aurait été tellement plus facile si j'étais né sans être mutant et dans une famille à peu près normale. Mais je suppose que je ne le saurais jamais. Je hausse intérieurement des épaules, ouais bien sûr que ça se fait, c'est moi qui raconte alors je dis si ça se fait ou pas.
- Hum...
Finalement il n'est pas si bête monsieur gravité. J'ai du mal à voir que le monsieur en face de moi ait jamais été dans une situation semblable à la mienne. Il semble presque invincible, et il l'est peut être à vrai dire. Je n'ai pas vraiment encore trouver la moindre faiblesse à son pouvoir. Il faudrait que je pense à réfléchir à la question si un jour ma route croise la sienne à nouveau. En tout cas il me laisse à réfléchir. Il n'appartient qu'à moi de vivre ma vie comme je l'entends. Oui, enfin ça semble beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Je suis tellement engagé dans déjà tellement de choses. C'est impossible de faire marche arrière comme ça ! Je le regarde vaguement avec un brouillard devant mes yeux comme perdu dans mes réflexions. Par pure imitation, je suppose, je porte ma chope à mes lèvres moi aussi puis je bois quelques longues gorgées distraitement avant de la reposer auprès de mon dessin que j'ai totalement délaissé depuis quelques minutes. Je le regarde à nouveau puis finit par dire tout simplement :
- Je suppose que tu as raison... Vivre pour moi... Pas pour les autres. Mais ça a l'air plus facile à dire qu'à faire. C'était comme si j'essayais de me convaincre à force de le dire, mais ce n'était pas très efficace. Finalement, je continuais à lui parler, enfin à lui demander conseil. Après tout, s'il avait vraiment été dans la même situation que moi, peut être pouvait il vraiment m'aider...? - Toi aussi tu as été dans un dilemme pareil ? Être piégé et engagé auprès de tellement de personnes qu'il te semble impossible de faire marche arrière sans y laisser la peau...? Tu arrives à vivre comme tu l'entends ? Tu as fait comment...? Bon ok, ça fait peut être un peu beaucoup de questions. Bah. Il n'avait qu'à pas me redonner de l'espoir aussi, c'est sa faute. Il aurait pu me laisser déprimer dans mon coin tout seul et voilà. Maintenant je suis intéressé, c'est entièrement sa faute. J'attends ma réponse et bizarrement cette enchaînement de questions me fait prendre à nouveau une gorgée de bière. Peut être est-ce l'alcool qui me rend si curieux et bavard après tout. Saouler un gosse, ah c'est du propre monsieur gravité !
Puis je perçois son sourire malicieux et je fronce le nez. C'est louche cette affaire. Je m'attends à tous les coups à ce qu'il me sorte une connerie et je le vois qu'il me répond qu'il s'appelle Dayle. Aussitôt je fais une grimace. Ouais je suis déçu. Peut être me serais-je attendu à plus de franchise après des révélations que j'estimais personnelle de mon coté. Mais après tout, je ne pouvais pas trop le blâmer. N'étais je pas celui qui l'avait suivi jusque dans une ruelle sombre pour en savoir plus à son propos ? Mais c'était lui qui avait sonné les hostilités, pas moi. Alors, têtu, je suis bien décidé à lui rendre la monnaie de sa pièce. J'imite son sourire avant de lui répondre : "Moi c'est Alex." Pourquoi Alex ? Aucune idée, le premier prénom qui me soit arrivé dans l'esprit. Ou bien suis-je inconsciemment fan de Grey's Anatomy ? Bah qui sait ? Au moins, je ne lui ai pas dit que je m'appelais docteur mamour. Cela dit, ça aurait été drôle. Puis, je me mets à rire à sa remarque. Quelque part, je l'avais un peu chercher celle la. Mais je ne peux pas m'empêcher de lui répondre sous le ton du défi, un sourire éclairant mes lèvres:
- Qui sait...? Peut être que je vais finir par aimer ça. Me faire sauver, tout ça, je pourrais prendre mon pied.
Je rigole quelques secondes avant de boire à nouveau dans ma chope tout en le regardant. Puis il se mit à parler à nouveau à son copain russe et comme je ne pigeais rien du tout, je me suis re-concentré sur le dessin que j'avais quelque peu abandonné. Il ne me restait plus grand chose à dessiner finalement. Il ne restait plus que moi. Mais je ne savais pas vraiment dans quelles circonstances me représenter. Réfléchissant quelques secondes, je finis par décider de moi-même et c'est donc un Aaron, les yeux fixés vers la bougie qui s'esquissa sur le dessous de verre. Petit à petit, c'est la bougie qui devenait l'élément central de tout le dessin. Distraitement, j'acquiesce lorsque Kayden me dit que les choses se calment petit à petit dehors puis je souris à nouveau, les yeux toujours rivés sur le dessin lorsqu'il me parle de son droit d'image. Je rigole doucement avant de lui répondre, concentré : "Ne sois pas si impatient... J'ai... Presque... Fini..." Il ne me reste en effet plus qu'un petit coup de crayon pour que j'estime que mon dessin soit bel et bien terminé. Je le regarde d'un oeil d'expert puis, plus ou moins satisfait, je le glisse sur la table jusqu'à "Dayle" pour le lui montrer. Inquiet de son jugement, je le regarde doucement avant de me cacher légèrement derrière ma chope de bière, buvant quelques gorgées pour me donner contenance...
Réponse et question, pensée pour une autre, si l'alcool déliait sa langue, la mienne s'animait par instinct. Ce gamin m'avait suivit et attaqué et pourtant je parlais avec lui de choses que j'essayais d'enfouir. Je n'entrais pas dans les détails c'est sûr, je ne voulais me replonger dans ces souvenirs et je ne voulais pas trop en dire, mais je prenais cette base, je la prenais sans vraiment y réfléchir. Pourtant je ne m'attendais pas à ce qu'il me suive. Je m'attendais à une réponse évasive, un truc bateau pour me faire plaisir et avoir la paix. Ses questions m'avaient surpris en réalité et j'avais eu besoin d'une seconde pour y réfléchir. Il voulait des informations sur moi, dés le départ, et je ne voulais pas lui en donner mais je savais aussi qu'il n'avait pas simulé ce qui s'était passé sur la rue. Dilemme. - Plusieurs fois. Encore aujourd'hui. - Comment développer sans développer maintenant? La voilà la vrai question.
Au départ ça semblait bien, en général mais aussi pour moi, jusqu'à ce que je puisse voir que ce n'était qu'une façade. - Croyez bien que lorsqu'on vous colle le canon d'un fusil sur la nuque, vous comprenez que cette organisation que vous idéalisiez n'est en fait qu'une autre façade criminelle pour laquelle vous n'êtes qu'un produit. - J'ai fuis mais ça n'a pas réglé le problème pour autant. Il ne s'agit pas vraiment de fuir finalement, il s'agit de pouvoir partir sans casseroles à traîner. - Lorsque j'avais fuis HYDRA, je l'avais fais en hâte, par peur, par colère et sans réfléchir. Les conséquences qui en avaient découlé n'avaient pu être évitées. J'étais mort, traqué, forcé de rejoindre les bas fonds russes. - Tu dois pouvoir t'en aller tout en assurant tes arrières. Je ne connais pas ton histoire, je ne sais pas avec qui tu es engagés mais si tu tiens vraiment à ta vie et à pouvoir en faire ce que tu souhaites alors tu dois être capable de faire tout ce qui est nécessaire. Incitation au meurtre? Correction. - Par exemple si tu peux forcer ces gens à te laisser tranquille. Il suffit de trouver quelque chose pour les faire plier et ça devient une histoire de chantage et d'acquisition d'information. - Je portais la bière à mes lèvres avant d'ajouter... - C'est quand même moins bordélique que... N'importe quelle autre solution.
Moi j'en étais à ce stade. La recherche d'informations, la recherche de la faille dans laquelle je pourrais m’immiscer sous couvert d'une manipulation grandeur natures de gangs adverses pour générer une guerre criminelle suffisante. Je devais atteindre Ivan, l'atteindre et le faire plier, lui faire cracher ce que je voulais savoir avant de détruire son organisation. Mais ce soir n'était pas à mon sujet et je prenais le dessous de verre que Alex me faisait glisser avant de l'observer attentivement. Il avait un talent certain, même plus et ça s’appelait l'université mais ça je n'en savais rien. Je regardais le dessin, posais mon regard sur Alex et finissais par placer l'image à côté de mon visage. - Rien à voir. Le mec sur le dessin est bien mieux. - Avais-je dis avant de reposer le carré cartonné. Noter la bougie n'était pas compliqué, en comprendre le sens en revanche était une autre histoire et là, comme ça, je ne cherchais pas à comprendre. Rien ne me poussais à m'interroger. - Je serais pas toujours là pour sauver tes fesses, ou alors faudra prendre rendez-vous.
Dayle se lance dans son explication et moi je reste coi à l'écouter patiemment. A boire ses paroles surtout. A vrai dire, je n'étais même plus dans la traque ou l'espionnage, cela faisait belle lurette que cela ne me préoccupait plus. Pour moi, ce mutant ne correspondait pas aux critères de dangerosité de notre famille. Il avait choisi de sauver ma vie bordel ! Il avait réussi à passer le test bien que ça n'en était pas vraiment un. Alors peu importe le code des Reagans, j'avais besoin d'aide sur ma propre vie. Et à vrai dire, ce qu'il me disait n'était pas con et il me donnait même son expérience personnelle sur la chose ce qui était toujours utile. Evitons de reproduire les erreurs de ses aînés pas vrai...? Visiblement, il en avait bien bavé auparavant et peut être qu'il en bavait encore maintenant. Cela me rendait presque triste de le voir dans cette situation. Peut être que je commençais déjà à avoir de la sympathie pour lui. Pff, n'importe quoi. Ce n'est qu'un sale mutant. Il mérite ce qui lui arrive. Bon peut être pas. Oh et puis merde, on s'en fiche... J'aurais voulu creuser plus loin, lui demander plus de détails, pouvoir peut être le comprendre mieux, mais je savais déjà très bien qu'il ne voudrait pas le révéler. Encore moins à l'ado qui était venu l'embêter en plein milieu de la rue.
Alors j'acquiesce simplement de la tête, le remerciant pour son conseil. Ca me fait réfléchir sur ma propre situation même si j'ai encore du mal à l'adapter. C'est de mon frère que l'on parle, alors le zigouiller... Comprenez que j'ai un peu du mal à me faire à l'idée. Même le mettre en prison me semble injuste et cruel envers lui. C'est mon frère et je l'aime quand même. Puis il évoque le chantage et je réfléchis vaguement. Ca pourrait peut être marcher mais je n'en suis absolument pas persuadé. Je suis plutôt sûr du contraire en fait. Ce n'est pas tant le fait que je puisse le piéger qui pourrait arranger les choses car sa haine pour les mutants, et pour moi par la même occasion, sera bien trop forte pour l'arrêter. Non la seule raison que je pourrais entrevoir dans cette issue serait la mort de l'un de nous deux, cette solution que Dayle tentait en vain de me cacher. C'était presque mignon qu'il tente de conserver une innocence qui avait foutu le camp depuis longtemps. La mort je connais, je l'ai déjà donnée... Mais bien sûr ça il ne pouvait pas le deviner...
- Que la mort quoi... Question de point de vue.
Je souris brièvement puis j'hausse des épaules. Après tout, l'avenir nous le dira bien que je pense que je sais déjà la réponse à mon problème. Puis vint un autre problème: celui du dessin. L'angoisse de la critique, le cauchemar de tout artiste. Le public aime ou n'aime pas ? Je ne parvenais pas à déchiffrer vraiment ce qu'il en pensait pour le coup. Il ne semblait ni réellement content ni mécontent. C'est peut être bon signe vous me direz. Il met le dessin à hauteur de visage et s'estime moins beau que son alter ego dessiné. Il est plutôt gentil en fait. C'était un compliment que je me mis à accepter avec un petit sourire. "Non, je ne trouve pas... Mais merci !" Ensuite, je me mis à vider ma chope d'une traite. Il était temps pour moi de le laisser un peu tranquille, vu que la situation dehors s'était calmée. Cela faisait déjà bien trop longtemps que je le monopolisais alors que je lui avais un peu gâché la vie. Mais maintenant on pouvait partir chacun de son côté et je sentais d'ailleurs que la discussion touchait à sa fin. Je me levais alors avant de lui répondre à nouveau:
- Un rendez-vous ce sera donc ! Je t'ai bien trouvé cette fois-ci, je te retrouverai sûrement une prochaine fois...
Puis d'un geste de tête pour lui désigner le dessin, je continuai : "Tu n'as qu'à le garder, tu as l'air de l'aimer." Enfin, mal à l'aise, je rougis très légèrement, pour aucune raison d'ailleurs c'était très bizarre, avant d'ajouter: "Et merci pour euh... Tout quoi. La voiture, la bière, tout ça." Puis ce fut le signal du départ. Je ne pouvais pas m'éterniser ici dans un bar rempli de russes que je ne comprenais pas. Il était surtout temps que je fasse mon petit rapport. Mais quelque chose me disait qu'il serait gentil envers ce Dayle... Pour l'instant. Alors avec un dernier sourire en sa direction, je sortis du bar avant de disparaître dans la rue, sous un rideau de pluie qui s'abattit sur moi.
Effectivement, la conversation touchait à sa fin. Tout ce moment dans le bar n'avait été qu'un bonus. Une tentative d'obtenir plus d'informations mais bizarrement pas dans un objectif de survie. Pas après la voiture. Plus maintenant. Alex se levait après avoir vidé sa bière d'un trait et j'avais lâché un rire en le voyant faire. Si jeune et déjà une telle descente. Il partait. Je m'y attendais. En l'informant que ça s'était calmé dehors je lui avais offert l'opportunité de partir, je l'avais fais exprès pour lui laisser ce choix. Il n'était pas en prison ici et il avait bien réagit à l'information: la preuve, il n'était pas parti immédiatement. Je portais ma bière à mes lèvres et avalait une courte gorgée tout en fixant le dessous de verre devant moi alors qu'il me disait de le garder. J'allais le garder, c'est pas tout les jours qu'on me tirait le portrait.
« Et merci pour euh... Tout quoi. La voiture, la bière, tout ça. » - La prochaine fois tu payes ta tournée. - Lui avais-je dis pendant qu'il s'éloignait vers la porte. Une prochaine fois. Pourquoi y aurait-il une prochaine fois? Appelez ça l'intuition féminine. Je le voyais finalement quitter le bar et la porte se refermer derrière lui pendant que je finissais ma bière. J'étais toujours trempé mais au moins cette histoire c'était mieux terminé que ce que j'aurais pu imaginer. Seul bémol: j'étais certain que Alex ne s’appelait pas Alex. Pourquoi alors est-ce que je fixais sa chope vide en face de moi? L'ADN. Je me demandais si je devais ou non prendre ce verre et le faire analyser. Il y avait un risque, ce gamin ne m'avait pas suivis pour rien, mais il ne m'avait rien fait de plus, à vrai dire c'était tout le contraire. Je pouvais aussi lui laisser une chance de dire la vérité. Il ne me m'avait pas semblé manipulateur ou fermé, pas avec moi à ce moment en tout cas, peut être qu'il y viendrait.
Non, je lui laissais une chance. Je faisais conscience à mon instinct. Je me levais et laissais sur la table les deux verres avant de me diriger vers la sortie. Un mot en russe au barman pour dire au revoir, parce que j'étais poli, et je sortais. Il pleuvait toujours, toujours aussi fort, et je balayais la zone du regard sans voir une trace du gamin. Ça allait être une longue route pour rentrer, parce que oui j'allais faire un détour pour éviter d'être suivis à nouveau - faut pas déconner - mais à l'arrivée une douche chaude m'attendait. Une bonne, longue et putain de douche chaude. Et puis un film, ou deux, et du whisky, et une autre douche. Et mon lit. Et manger aussi, mais j'avais pas encore décidé quoi. Comment? Je dis n'importe quoi? je comble le vide, qu'est-ce tu vas faire.
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Jeu 31 Mar - 2:13
