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Kayden T. Jefferson
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Je claquais la porte dans un son sec et bruyant. Un son que Warren avait très certainement entendu parce qu'il se trouvait derrière, dans le salon, là où je l'avais laissé. J'aimais cet imbécile, il était ce que j'avais de plus précieux, mon frère d'un autre sang, mais même moi, mon amour et ma patience, nous avions nos limites. Des semaines que je m'occupais de lui, que je tentais de le soutenir, de rendre cette sale période un peu moins compliquée. Des semaines... Que je subissais son mal comme un fardeau que je choisissais de porter. Des semaines aussi que je lui consacrais tout mon temps. Ma seule erreur au final avait simplement été d'avoir attendu aussi longtemps pour m'isoler et récupérer. J'aurais dû sortir avant, faire quelque chose pour moi. Je ne voulais pas le laisser seul mais même en étant dans la même pièce que lui, il était seul. Je n'aurais pas dû attendre de perdre patience et de craquer, je n'aurais pas dû claquer cette porte. Je l'avais regretté presque instantanément mais je ne voulais pas rentrer de suite quoi qu'il en soit. Je m'excuserais plus tard. Pour le moment j'avais besoin d'un peu de temps. J'avais besoin de quelques heures. Juste avec moi-même. Quelques heures à ne penser à rien.

Je traversais le couloir et rejoignais l'ascenseur qui me mènerait dans les rues de Tribeca. Octobre était déjà bien avancé et sa fraîcheur me revigorait. Je n'avais jamais aimé les hautes températures et généralement en été je me cloîtrais alors pouvoir reporter ma veste en cuir me faisait un bien fou. J'inspirais l'air odorant. J'aimais bien ce quartier, il était vivant, c'était New York dans toute sa splendeur. Pourtant Brooklyn me manquait parfois, c'est d'ailleurs pour ça que je hélais un taxi qui m'emmenait au delà du Brooklyn bridge et me laissait en plein cœur de mon ancien quartier. C'était plus calme ici. Agréable aussi, seulement différent, et surtout j'y avais mes habitudes. J'évitais de prendre la route de mon ancien appartement pour éviter de penser à Marishka. J'évitais aussi de me tourner vers les docks pour éviter de penser à la bataille qui y avait fait rage. Je me tournais vers l'est, vers une rue en particulier, vers un bar en particulier. Ce bar était toujours fréquenté, il y avait toujours du monde. Ambiance moderne, musique un peu forte, lumière tamisée dans les bleus et les violets. C'était un bâtiment de brique comme tant d'autres mais reconverti en un espèce d'hybride entre bar et boite de nuit. J'appréciais notamment l'arche de brique qui courait au dessus de la salle et qui séparait l'ensemble en deux grandes parties: le bar et la danse. Quoi que le bar se poursuivait aussi dans cette autre zone plus animée mais ce n'était pas la question.

En arrivant je voyais la file d'attente à l'extérieur mais comme je le disais, j'avais mes habitudes. Le videur à la porte était un mutant, un mutant à qui j'avais évité de se faire attraper par la police une nuit. Depuis j'étais son meilleur ami, enfin façon de parler. Toujours est-il que je lui lançais un sourire en arrivant, qu'il m'enlaçait un peu brutalement - faut dire que vu sa carrure... - et il me laissait entrer. Je me fichais bien des regards des gens qui attendaient, j'avais mérité mon entrée VIP. Je laissais au vestiaire ma veste en cuir et entrais dans le bar. Ma tenue était plus que normale. Pas de chemise, pas de vêtements neufs ni fraîchement sortis du placard pour l'occasion. Je n'étais clairement pas comme tout ces types autour de moi, bien coiffés, bien parfumé, prêt à chasser la donzelle de la nuit. Moi je portais un jean usé, je portais un t-shirt noir moulant à manche courte, je portais des chaussures tout ce qu'il y a de plus banal, je portais la gourmette de Warren à mon poignet droit et mes cheveux faisaient un peu ce qu'ils voulaient. Et vous savez quoi? J'en avais rien à foutre. La musique, constellée de basses et d'électronique, berçait mes pas et j'allais m'appuyer au comptoir, captant l'un des barman du regard. J'avais besoin d'un verre autant que de cette soirée en paix.

Je commandais un whisky soda, les bouteilles et pas un verre, et finissais par aller mêler quelques minutes à la presque foule dans la "partie boite" pour me trouver une banquette. Les gens qui dansent ils s’assoient pas. Je me servais puis buvais une longue gorgée et posais le verre sur la petite table devant moi déjà jonchée d'autres bouteilles et verres vides, étendant mes bras le long du dossier de la banquette. Mes jambes s'écartaient naturellement et je rattrapais mon verre que je vidais d'une nouvelle gorgée avant de retendre mon bras, le verre toujours en main. Mon regard balayait les fêtards puis montait observer le DJ et ses platines avant de revenir aux danseurs. Qu'est-ce que je pouvais bien faire pour l'aider? Pour l'aider plus? Bon dieu que pouvais-je faire? Pouvais-je y faire quelque chose d'ailleurs? Ça me rendait malade. Une nouvelle gorgée et je penchais ma tête en arrière, fixant le plafond presque invisible entre pénombre et rayons lumineux. Ça me rendait vraiment malade. Je tournais la tête vers la droite, toujours en arrière posée sur le dossier, et posais mon regard sur le petit élément de métal à mon poignet sur lequel je pouvais lire entre deux reflets un W et un A. Qu'est-ce qu'il pouvait me manquer...


Dernière édition par Kayden T. Jefferson le Ven 26 Aoû - 22:07, édité 1 fois
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Une journée passée au commissariat a fini de me convaincre qu'ils n'en ont rien à foutre. J'ai préparé des tas de documents, dont une déclaration signée de la voisine de mon frère qui parle de cet étrange bonhomme qui est venu lui parler, ce fameux locataire qu'elle n'a plus jamais revu. J'ai essayé de retrouver la trace du Pasteur qui avait été là à peu près en même temps mais ils sont si nombreux, et elle ne se souvient pas de son nom. Je suis obligé d'aller à leur rencontre, prendre des photos de leur tronche en faisant mine de lire un message impoliment, ou je cherche leur photo sur internet. Ça prend beaucoup du temps mais j'en ai, et de la patience. Je sais en avoir quand c'est nécessaire. La journée passée à attendre qu'on veuille bien s'occuper de moi a fini d'achever ce qui me restait d'espoir dans les forces de l'ordre. Je n'ai même pas vu la personne qui m'avait filé un coup de main la dernière fois. La compagnie de taxi chez qui la carte de crédit de mon frère avait été utilisée n'a pas pu me donner plus d'indications non-plus. J'ai patienté sagement dans l'entrée, voyant un nombre incalculables d'entrées et de sorties. J'ai les mains jointes entre mes genoux.

Je les observe. Entre temps, je retourne voir le bonhomme de l'entrée qui me dit de me rasseoir et que quelqu'un va venir s'occuper de moi. Faut sortir un flingue pour être entendu ici ? J'attends, sans avoir la haine ou quoi. Tout simplement, comme un gosse perdu dans un supermarché et qui attend sagement qu'on vienne le récupérer. J'ai d'autres pistes que je n'ai pas encore explorées, comme les coups de fils qui ont été passés chez lui deux semaines avant son enlèvement ; le même numéro ayant appelé aussi ma petite sœur, près du même bar. J'imagine que le gars doit être un habitué. Qu'avait-il à leur raconter pour appeler avec insistance ? Quelqu'un qui voulait les prévenir de ne pas faire de conneries ? Non parce qu'à partir de la soixante-troisième fois où on m'a dit qu'il n'y avait aucun doute possible, je me suis dit que c'était tous des menteurs. Il paraît qu'il y a des vidéos, je n'ai pas pu les visionner.

Tant qu'on me montre rien, ce sont des menteurs. Une bande de menteurs qui, en plus, s'amuse bien de foutre la famille des « criminels » dans la merde. Mes parents ont des dettes, et en plus ils veulent que je vienne les voir. « Travaille pas trop » qu'ils me disent. Oui... c'est pas chez Oscorp que je vais me ruiner la santé en tout cas. Si on omet ma consommation excessive de brownies. Heureusement que personne n'est encore mort pendant qu'on glande, attendant que ça se termine. Des fois, il m'arrive quand même de faire des rondes, histoire de maintenir les apparences. Et dans les films d'action, les pauvres cons qui gardent le parking sont toujours les premiers à crever. On leur donne un papier bidon et le temps qu'ils disent « vous ne pouvez pas... » bam, ils se sont pris une balle dans la caboche. Alors que les cons qui voudront piquer un truc fassent gaffe, j'ai... ouais une matraque et un gaz lacrimo périmé. Et je n'hésiterai pas à m'en servir !

En attendant de sauver l'humanité d'une nouvelle menace, j'ai besoin de m'en aller ou je risque de mourir d'ennui. Je ne suis pas un accro au sexe, loin de là. Mais je me taperais bien un inconnu, histoire de m'oublier un peu. Alors que je quitte le commissariat, je regarde si j'ai reçu une proposition pour sortir mais rien ce soir. Les amis que j'ai connus avant de perdre mon travail et mon appartement, de ceux qui sont restés, j'essaie de les voir en journée plutôt. Je n'aimerais pas croiser une ancienne connaissance, un client quand je suis avec l'un d'entre eux. Et la journée, je suis à moitié endormi, je suis presque sociable. Mais des fois, certains s'entêtent à ce qu'on sorte, « comme avant » qu'ils disent. Je ne vis pas dans avant, je vis dans maintenant. Quand j'y regarde à deux fois, j'imagine qu'il y a pire. J'ai de quoi bouffer, j'éponge le manque à gagner de mon père qui n'a pas encore pu reprendre une activité professionnelle normale. On nous parlait de huit mois « d'enquête approfondie. » Moi j'en ai vu des choses profondes et l'enquête l'est pas. Je prends le bus, je fais chier personne, un écouteur glissé dans l'oreille et déjà prêt à descendre. Je fais une halte chez moi, histoire de me changer. J'enfile un jean noir et un t-shirt blanc, je prends quand même une veste, histoire de pas me prendre une saucée avant d'aller boire un coup. Je ne prends jamais mes papiers sur moi, au cas où je me ferais arrêté même si forcément, mes empreintes sont fichées depuis un moment. Que de l'argent dans mon portefeuille et la photo de notre fratrie pliée en quatre. Je me parfume, parce que ce n'est pas parce qu'on est une pute qu'on ne doit pas sentir bon, et je repars en direction du bar...

Je descends devant l'établissement. Jay y a ses entrées, nous y sommes souvent venus ensemble et même si ça me fait chier de l'y croiser parfois, j'aime bien venir ici. Je passe à côté de la file d'attente, serre la main au videur puis entre sans plus de blabla. Ce n'est pas vraiment comme si on était amis lui et moi. J'abandonne ma veste puis jette un œil aux alentours. Rien de bien intéressant. Ce n'est pas parce que j'ai parfois envie de me changer les idées que je vais sauter sur tout ce qui bouge. Il vaut mieux une bonne soirée tout seul qu'un lendemain chargé de remords. Je me prends un whisky-coca, le verre et pas les bouteilles et me pose près de l'arche de briques. Soudain, je crois apercevoir un visage familier. Je porte le verre à mes lèvres puis esquisse un sourire mauvais en repensant à cette déculottée que j'avais prise. Forcé de constater que je devrais parfois considérer mes atouts et mes faiblesses avant de me lancer à corps perdu dans un affrontement... perdu d'avance justement. C'est juste que quand je les avais vu traîner dans le coin avec leur bombe peinture verte... je les aurai plus tard, c'est pas grave. Toujours est-il que n'ayant pas d'assurance, je n'avais pas voulu aller à l'hôpital et avais demandé au bonhomme de me ramener chez moi ; et je l'avais congédié bien aimablement, comme je sais si bien le faire, avant qu'il ne s'incruste ou ne se croit obligé de me faire la conversation. Je prends une courte inspiration, efface la douleur de mes côtes fêlées, de ma gueule en confettis et mon estomac en pop-corn. Je m'approche de l'homme assis et prends finalement place à côté de lui. Je pose mon verre sur le bord de la table, lui faisant une place en bougeant quelques autres vides. Je tourne le visage dans sa direction puis lui dis, assez fort pour qu'il entende : « Tu attends quelqu'un ? » Ne lui laissant pas vraiment le temps de répondre, et parce qu'il n'a pas la tête du mec qui attend ses amis, je rajoute, passant la main devant mon visage : « Désolé tu ne me reconnais sans doute pas, j'avais le visage un peu enflé la dernière fois qu'on s'est vus. Je te paie un verre ? » La question est polie, quand je vois qu'il a déjà ce qu'il faut, mais s'il est venu pour boire seul, il ne sera pas à un verre près j'imagine. J'appuie mon coude sur le dos de la banquette puis cale ma tête contre ma main en lui souriant.
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A fixer la gourmette, je me demandais s'il n'était peut être pas temps de diviser le travail. Je m'occuper de Warren depuis tout ce temps pour deux raisons: je le faisais de bon cœur, et il ne voulait voir personne. En théorie j'aurais fais parti de ces gens, mais je savais. J'avais été présent. Il était coincé avec moi... et moi avec lui? Peut être était-il temps que je lui force un peu la main. Peut être commencer par sa mère. Je redressais ma tête et portais le verre à mes lèvres, buvant une gorgée, longue. J'étais déjà arrivé aux trois quart du verre et je venais tout juste de m'asseoir: soit j'étais fatigué, soit j'en avais besoin. Dommage que ça ne fonctionne plus aussi simplement qu'avant. Je passais ma langue sur mes lèvres, y sentant le gout légèrement sucré du liquide, lorsqu'une silhouette s'asseyait. - « Tu attends quelqu'un ? » - Je resserrais machinalement ma prise sur mon verre, vieux réflexe des soirées en pleine foule, et le fixais une seconde. Par réflexe j'aurais dû lui dire que oui, m'en débarrasser parce que je n'avais pas forcément envie de socialiser, mais entre lumière vive et pénombre je forçais sur mon regard pour parcourir les traits de son visage. Familier. C'est seulement lorsqu'il reprenait la parole que je comprenais. - Oh il est vivant!

Surprise? A moitié. Faut dire que quand j'étais parti, ou plutôt qu'il m'avait foutu sèchement dehors sans le moindre merci véritable, il avait un tronche enflée et difforme, un œil gonflé, du sang partout... Enfin bref c'était pas joli à voir. Je ne parlerais pas de ses côtés. J'avais dû le soutenir jusqu'à son appartement en utilisant discrètement mon pouvoir pour qu'il puisse marche correctement. Je désignais les bouteilles sur la table. - Ou alors "je" te paie un verre. - Je pouvais bien boire cette bouteille entière, cul-sec, sur le champ, que je ne serais pas inquiété. Enfin si, je serais malade, la brûlure de l'alcool d'un coup me ferait certainement rendre, mais pas d'ivresse, pas d'amusement, pas de chaleur ni de léger tournis. Je repliais une jambe sous l'autre pour pouvoir m'asseoir face à lui et répondre à son sourire. - T'es quand même mieux sans tout ce sang. - Simple observation objective. Même si d'un point de vu subjectif aussi. Qui est mieux avec du sang sur la face? A part les fétichistes du sang peut être... et encore. J'étais content, de façon neutre, de le savoir en bon état. Je ne savais pas qu'est-ce qui avait causé cette bagarre, je savais seulement que je l'avais trouvé dans la rue complètement refait. Pas d’hôpital, stupide, ramené chez lui directement. J'avais encore en travers la façon dont il m'avait congédié mais j'étais pas là pour l'envoyer chier... Ni lui ni personne d'ailleurs.

A scruter son visage je me souvenais de nos rencontres. Cette première fois au centre commercial après l'attentat. Cette seconde fois dans ce bar. Cette troisième fois avec le taxi. Cette dernière fois dans cette rue avec tout ce sang. Je l'avais dis, je me l'étais dit. C'était bizarre et si je le revoyais encore, je chercherais à comprendre. Quand on passe des années à craindre pour sa vie et celles de ses proches, on développe un esprit quelque peu paranoïaque et autant son état lamentable du mois précédent pouvait attirer ma pitié, autant ça ne pouvait être qu'un subterfuge... Un peu poussé, mais quand même. - On arrête pas de tomber l'un sur l'autre, c'est fou. - Entrée en matière ridicule? Non, début d'interrogatoire. J'étais juste plus fin que ces abrutis du SHIELD, oui je pense à toi Wilson! Je le fixais, un sourire sur les lèvres. - Tu me suis? - Dis sur le ton de l'humour, ça passe. Tout était sous contrôle. En tout cas, encore à ce moment-là.
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Ah oui, je vois pas pourquoi je n'aurais pas survécu. Si j'avais été pour crever, j'aurais craché ma rate ou vomi mon estomac avant même de tomber sur ce drôle d'oiseau. Ah oui, à y repenser que je crois que je ne lui ai même pas dit merci. Bah ce n'est pas bien grave, ce n'est pas comme s'il attendait une couronne de fleurs, les confettis, les applaudissements d'un public en liesse. Parfois je pense avoir compris la leçon, et en fait pas du tout. Tant pis, il paraît que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Je ne suis pas sûr que mon nez soit ressorti plus fort de cette rencontre. D'ailleurs, l'effet gueule cassée n'a pas été bien vendeur. Autant mon patron chez Oscorp a fait la tronche en me voyant arriver – après mes dix jours de congés sans soldes à bouffer de la purée – mais les clients étaient moins ravis. Sauf quelques-uns. Bah forcément de dos, la différence n'était pas flagrante, si ce n'est que j'avais évité de trop pousser ; à cause de la douleur.

Mais oui, je suis toujours vivant ! J'esquisse un sourire amusé à sa question, comme s'il ne s’agissait que d'une plaisanterie. Je ne suis pas du genre à appesantir des jours durant sur ce qui s'est passé précédemment, encore plus si ce sont de mauvaises expériences. Autant je m'en suis mal sorti, autant ce n'est pas pour ça que je compte la jouer âme en détresse. Ce n'est pas mon style, ce ne le sera jamais. Décidant que je dois bien lui donner un peu le change, je lui lance simplement « Et toi ? » Aucun sens. Comme la question qu'il m'a posée, après tout.

Il me montre les bouteilles et à un moment donné, je me demande si ce pauvre type tout seul n'est pas là simplement pour se bourrer la gueule. Ce ne serait pas incohérent, parce que justement il est seul, perdu dans ses petites bouteilles et que s'il a pris le temps de me ramasser la dernière fois, c'est que concrètement il n'avait rien de mieux à faire ? Est-ce que moi, je me serais arrêté ? Sans doute que non. Pas mes affaires, je ne vois pas pourquoi j'irai aider un mec que je ne connais pas et qui a sans doute mérité ce qui lui tombe sur le coin de la gueule. À un moment donné, on récolte bien ce qu'on mérite, c'est comme ça. Inutile de pleurer sur son sort, il faut faire avec les cartes tirées et prendre son mal en patience. C'est comme ça. Je passe la main sur mon visage à sa remarque, effaçant quelque part cette dernière vision qu'il avait manifestement de moi. Moi, je me souvenais bien de lui, de l'avoir croisé dans un bar alors que je partais avec un client. Il m'avait demandé des nouvelles de ma famille, je m'étais souvenu l'avoir croisé au centre commercial. Je l'avais joué comme « oui, ils n'y étaient pas finalement » ; brandissant le poing en mode « on a eu de la chance. » Sauf que quand j'avais cru bon de pousser l'enquête pour savoir si des chauffeurs de taxi avaient conduit mon frère avant l'attaque, où, quand, combien de fois, j'avais aperçu son visage sur la banquette arrière.

Son visage fin, ses yeux pénétrants – fais une blague là-dessus et tu vas regretter ce sourire que tu as aux lèvres – et cette assurance qu'il semblait dégager, j'ai bien aimé. Je ne le quitte pas des yeux et réponds à sa remarque – ou son compliment j'en sais trop rien – : « Je suis quand même mieux à quel point ? » Non pas que j'aime qu'on me lance des fleurs, enfin si j'aime bien, mais j'ai envie de jouer un peu avec lui ce soir. Les compliments, ce ne sont que des mots, et on sait bien que les mots c'est du vent. Je n'espère plus vraiment des promesses qu'on peut me faire, des paroles donnés, des serments clamés. Je me concentre sur le présent parce que le passé est révolu, que le futur est peut-être déjà scellé. Donc j'aime bien les compliments, mais je ne me laisse pas aveugler. Quelque part, c'est soit un jeu, soit ça me laisse quelque chose et j'essaie de me convaincre que je m'en fous. Bref.

Quand il mentionne nos précédentes rencontres, je lève les yeux au ciel, faisant mine de vouloir me les rappeler. Puis je claque des doigts et m'exclame : « Mais c'est bien sur, tu es le mec du bar. » Mon sourire s'agrandit sur mes lèvres puis je me rapproche subtilement de lui, faisant mine de simplement changer de position sur la banquette. Je me penche vers lui puis tends finalement le bras pour attraper mon verre dans lequel je bois une gorgée avant de lui demander, presque sérieusement : « Pourquoi, tu mérites d'être suivi ? Tu crois que j'ai tant de temps libre que ça pour le perdre à suivre tes fesses dans toute la ville ? »
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Sa réponse me tirait un sourire. Faut dire que c'était cher payé ce genre de soir. J'étais venu pour quoi? Boire? Socialiser? Non. j'étais venu pour enterrer mes pensées sous des tonnes de son , de foule et d'alcool. En temps normal en tout cas, maintenant l'alcool c'était un peu compromis. D'un autre côté j'avais commencé à apprendre durant l'été, principalement en Australie avec Warren, à moduler cette résistance. A tempérer l'immunité pour ressentir des choses. Les les affres de l'alcool inhiber mon corps. - « Je suis quand même mieux à quel point ? » - Je le fixais un instant, scrutant son visage, ses yeux bleus si clairs, ses lèvres fines, sa mâchoire carrée. Je bloquais une seconde, une seule, avant de placer un index entre nous deux, signe de "attend une seconde". Je posais alors mon verre sur la table pour y verser quelques doses de whisky et de soda, de quoi remettre le récipient à flot, avant de le porter à mes lèvres. J'arrêtais à demi-gorgée. - Ça va paraître bizarre, donc... juste fait avec. - J'avais pas envie de laisser mon esprit morne dominer cette soirée. J'aimais Warren, vraiment. je n'avais jamais eu d'ami aussi proche, jamais de frère que tout défi, mais là, j'avais juste envie de m'endormir, de placer mes songes dans une boite au fond de mon esprit et de disparaitre.

Alors me voilà, vidant le verre d'un trait, faisant fit des recommandations, envoyant chier cette "modération" tant prisée. Je vidais le verre et échappait avec chance à la nausée immédiate. Je fixais le vide, je fixais les danseurs sans vraiment les regarder. J'imaginais la scène, j'imaginais ma sobriété forcée, j'imaginais le sérieux et la perfection, je l'imaginais et je la reniais. je l'envoyais bouler. Au diable la perfection. Je fixais le vide durant quelques longues secondes avant que mes tempes ne commencent à chauffer. Cet été avec Warren j'avais commencé à toucher du doigt le moyen de moduler mon immunité et même si j'avais encore du travail, je commençais à comprendre comment m'y prendre. La chaleur prenait mon visage puis mon corps. Mon crâne sentait la pression, ma mâchoire sentait les frissons. Je délaissais mon esprit d'un voile infime et me perdait dans les pensées d'un homme ivre. Il m'en faudrait plus, certainement, mais j'obligeais mon corps à ressentir l'ivresse. Pas de tournis, juste un léger déséquilibre. Je posais mon verre vide et le fixais encore. Sa barbe naissante, ses traits fins, ses cheveux presque mal coiffés, son nez court, son regard. - T'es quand même vraiment mieux. Mais.. vraiment!

Et je continuais à le scruter indélicatement, observant sa beauté, voyant sa peau en relief courir jusque sous son t-shirt blanc. - Ouais, je suis le mec du bar. Le soir où tu m'as "un peu" menti. - Je balayais pas subtilement du regard la zone et finissais par le poser sur mon verre vide. - ... vilain. - Et me voilà, le remplissant à nouveau. J'étais loin d'être de ceux qui s'écroulent, de ceux qui vomissent ou de ceux qui perdent tout moyens. J'étais tout juste alcoolisé, tout juste détourné. Je sentais les effets de l'alcool à leur stade le plus amusant, presque le plus faible. Je perdais le lien avec mes problèmes et mon Warren et j'entrais dans l'aisance et le jeu. Lorsqu'il bougeait pour changer de position, je lâchais mon verre du regard pour le plonger dans le sien, le laissant approcher sans prendre la peine de me reculer, le laissant simplement venir et repartir, me fichant bien de la proximité de nos visages, le picotement de mes lèvres ou la fébrilité de ma nuque. Ce que je ne pouvais ignorer en revanche c'est la chaleur. Cette chaleur qui me prenait, qui me saisissait. La chaleur artificielle du whisky qui m'enlaçait et m'étouffait. C'était une de ces boites où la limite du normal était éloignée, la limite du convenable était étirée. je buvais une gorgée et posais le verre avant de retirer, maladroitement, mon t-shirt. L'air pouvait bien être chaud, sur ma peau légèrement humide il n'était que brise légère et mon attitude en était inchangée. Il était temps de répondre à ses questions, de toute façon c'était plus vraiment dans mes cordes de m'inquiéter. Avais-je bien fait de délier l'immunité? - Je sais pas... Peut être que tu me veux du mal? - Et paye ton sourire provocateur. J'aurais pas dû laisser l'alcool m'éprendre. Trop tard.
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Paraître bizarre, bah, qu'est-ce qui est vraiment bizarre ? Des mecs habillés aux couleurs du drapeau couraient dans la rue, pensant sauver le monde, d'autres à mi-chemin entre l'homme et la machine pensent sans doute sauver leur conscience ou leur karma, les monstres détruisent tout puis se baladent en ville, les hommes supérieurs prétendent être l'avenir de l'humanité. Bah, je pense pas qu'on puisse encore entendre des choses vraiment bizarres.

Juste, fais, avec. Je n'aime pas faire avec comme il dit si bien. Je suis du genre têtu parfois, je suis du genre profondément chiant, tout le temps. J'aurais pu attaquer les choses sérieuses tout de suite, j'aurais pu venir glisser mes lèvres autour de son index qu'il brandissait entre nous mais j'attends, je veux voir où cette petite conversation va nous mener. Parce que le temps ne nous est pas compté, qu'il ne compte pas son argent, parce qu'il n'y a que lui et moi, et le temps qu'on peut se plaire à tuer en toute impunité. Il s'est resservi, et bien resservi. Il va se noyer entre ses bouteilles, mais ça ne me dérange pas. Je n'ai pas prévu de lui faire découvrir mon intérieur, enfin l'intérieur de mon appartement plutôt. Donc il pourra bien aller vomir dehors plus tard, qu'est-ce que ça changerait pour moi ? Rien, vraiment rien.

Il a reposé son verre, maintenant vidé de son contenu. J'essaie de suivre son regard mais il s'est perdu un instant dans le vide. Puis sur moi, nos regards se croisent. Ça me fait sourire, cette façon qu'il a de me détailler sans gêne. Cela ne me dérange pas. Mais vraiment, vraiment ? Merde, je ne me souviens pas du visage que j'avais, sans doute pas eu le cœur à me regarder dans les petits bouts du miroir contre lequel j'avais jeté cette assiette. L'inconvénient d'avoir toutes les pièces si proches, enfin « toutes »... Son regard descend contre mon torse, je le laisse faire restant appuyé contre la banquette, sans m'offusquer. Il me répond sans plus me regarder dans les yeux, un mensonge qu'est-ce que c'est ? Après tout, à qui dois-je vraiment un peu de vérité ? Mes amis, ma famille, moi-même ? Non, absolument personne. Parfois, j'en viens à me demander ce que je veux vraiment. Sortir de cette situation ? Plus vraiment. Au début, je me suis dit que ce serait provisoire, une situation exceptionnelle, une sorte d'état d'urgence. Mais j'ai prolongé, je suis devenu bon à ces petits jeux. Vilain, dit-il. Sans doute, si c'est ça qu'il veut, je peux même être très vilain... d'une voix langoureuse, je le lui dis d'ailleurs : « Oh oui, je suis un menteur... ça te plaît ? »

Un menteur, un mec qui boit, je suis un aviateur, je pourrais dire n'importe quoi. Le ton est donné, les mots sont des artifices, c'est tout. Il se sert un nouveau verre. Hé doucement, j'ai pas envie que tu me vomisses sur les pieds ! Je me replace, me rapproche. Il reprend une gorgée avant de retirer son t-shirt, à mon tour donc de le détailler un peu plus... Mes yeux grignotent la silhouette, perdue dans le bleu des lumières artificielles, révélée par le violet impertinent. Il sourit, je copie son expression. C'est alors que ma main vient glisser doucement contre sa cuisse pour venir s'y caler. Je serre sensiblement ma prise, pas suffisamment pour lui faire mal ou le gêner, mais assez pour qu'il ne puisse pas oublier que je suis là, près de lui. Mon visage vient contre le sien, ma bouche frôlant le lobe de son oreille : « Peut-être que je te veux du mal, peut-être que je te veux du bien. » Je respire doucement, remonte doucement le long de sa cuisse, profitant des jeux de lumière pour avoir l'impression d'être à la fois invincible et invisible. Je fais rencontrer mes lèvres et le côté de sa mâchoire. J'écarte mon visage du sien et me lève de la banquette. Je fais un pas en arrière, regarde derrière moi pour ne pas percuter d'autres clients. Et un autre pas en arrière. Je lui fais signe de me suivre, jusqu'à ce que d'autres personnes entrent dans mon champ de vision et me fasse disparaître du sien....


Dernière édition par Alan T. Underwood le Dim 21 Aoû - 4:23, édité 1 fois
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« Oh oui, je suis un menteur... ça te plaît ? » - Mon sourire s'élargissait. Si au départ je jouais un peu entre inquiétude et amusement, maintenant l'inquiétude était perdue. Ensevelie sous les décombres du whisky. Non je n'aimais pas les menteurs, mais le ton qu'il employait... Peu importe qu'il me mente ou non, nous n'en étions plus là. Le ton donnait justement le ton de la conversation et il posait sa main sur ma cuisse. Entre gorgée et peau nue je ne réagissais pas. Volontairement ou presque. Je ne faisais que poser mon regard sur lui, sans jamais le poser sur sa main sur moi, ne faisant que ressentir son contact remontant doucement le long de ma jambe, frôlant, touchant doucement ma cuisse. Je le défiais de remonter plus haut encore, mon regard de quittant pas le siens. Il remontait, touchait, doucement, approchait dangereusement ses lèvres de ma joue et nos barbes se confrontaient comme un frisson agréable et enivrant jusqu'à ce qu'il ne se retire, se levant même, sous mon regard intrigué. Peut être me voulait-il du bien, peut être me voulait-il du mal. Il pouvait bien me vouloir ce qu'il voulait. Je le voyais s'éloigner d'un pas, puis d'un autre. Je le fixais, je ne le lâchais pas du regard. Il passais derrière une fille, derrière un groupe qui lui passait devant. Nos regards étaient divisés, pourtant à la moindre occasion, ils se joignaient à nouveau.

Me lever? Le rejoindre? Lui offrir mes lèvres brûlantes? Ça ne serait pas aussi simple. Je profitais d'une pause dans le passage entre nous pour me lever. La lumière de la nuit habillait ma peau nue et je portais mon verre à mes lèvres, buvant quelques gorgées, laissant involontairement, ou non peut être, une goutte s'écouler le long de mon menton, tomber, chuter, se rattraper sur mon torse et rouler sur ma peau, traverser ma poitrine, un frisson se diffusant. Je passais ma langue sur mes lèvres et posais le verre. Le rejoindre? Oui, peut être. Mais pas encore. Mon regard changeait, il se muait, il perdait son envie pour se changer en provocation. Une pure réplique sans mot. Un regard de braise, un regard qui invitait. Je restais là quelques secondes à le fixer, nos regards croisés, indivisibles, mon torse nu et humide, le v du bas de mon ventre se camouflant sous le tissus croisé de mon jeans abîmé. J'étais debout, entre cette banquette et cette petite table, fausse table, et je posais le verre dessus. Je soutenais son regard, je le faisais bouillir et je reculais. Un pas, un autre. m'invitait-il? Peut être. Se croyait-il seul à connaitre "ce" regard? J'allais lui apprendre que non.

Je reculais d'un pas. La lumière laser revêtant mon torse. Je reculais d'un pas, une goutte de transpiration longeant sans gène la sculpture de mes pectoraux. Je reculais encore d'un pas, descendant une marche, l'ombre du jeans dessinant quelques veines en relief. Je reculais, encore et encore, sans jamais délier nos regards. Ses yeux bleus m'accaparaient et je me fondais doucement dans la foule. Je délaissais ma douce banquette, siège de mes songes et mon peurs, contre l'aisance de la danse. Des hommes, des femmes se frottaient, dansaient contre moi, volontairement ou involontairement, et je les laissais faire. Je les laissais approcher. Mon corps à moitié nu frôlant leurs vêtements et leurs mains venant toucher ma peau. Je les laissais m'imprimer de leurs corps mais mon regard lui... Mon regard ne se détournait pas. Jamais. Comme un défi. Comme une provocation. La chaleur de mon corps, la chaleur de mon regard. Il se projetait sur lui. Je ne connais pas son nom, je ne savais que peu de choses de lui. Je ne savais rien et pourtant. Mon esprit était ailleurs, il était flou, il était fugace et mouvant, chaud et rapide. Il était prit et épris. L'alcool, le besoin de se perdre, de se détendre. De se libérer. Je me laissais avaler par les danseurs, je me laisser absorber par le mouvement. Je laissais ses doigts courir sur mon torse. Qu'il vienne. Qu'il vienne le réclamer s'il le voulait. Qu'il le mérite.
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Il veut jouer, tant mieux je sais jouer. Je recule doucement, ma vue entrecoupée par d'autres clients de l'établissement. Je m'efface dans les lumières, fouetté par les furtives obscurités. Il se met aussi debout, me sourit, je lève les sourcils, l'invite à me rejoindre mais il prend une toute autre direction. Je reste immobile, les bras le long de mon corps, ce corps que je bouge au ralenti, comme hors du temps, loin de tous ces gens qui dansent, loin des musiques qui nous font siffler les oreilles. Puis je me déplace sur le côté, pour ne pas totalement le perdre de vue. Je vois des femmes, des hommes, qui entreprennent de danser avec lui, pour lui et contre lui. Je penche doucement la tête sur le côté, l'invitation silencieuse lui parvenant à n'en pas douter. Je me décale sur le côté, ma trajectoire dessinant un arc de cercle et me permettant de rester aussi loin de lui que je l'étais déjà. Je ne risque rien, rien de plus qu'un contact dont j'ai besoin. J'ai besoin d'envie, d'une envie réciproque, de ne plus être produit pendant ce temps. J'ai envie de sentir sa peau contre ma peau et quand je capture son regard entre deux rayons artificiels, je meurs d'envie de le rejoindre.

S'il s'échappe, ce ne sera qu'une rencontre furtive de plus. Peut-il être écrit qu'on ne doit que se croiser sans jamais pouvoir aller plus loin ? Il me connaît maintenant comme un menteur, c'est tout ce qu'il a besoin de savoir. Je n'ai pas envie de m'ouvrir à un inconnu, j'ai simplement envie de m'oublier, envie de l'utiliser pour ça, comme il m'utilisera pour oublier ce qui le rend si seul ce soir. Ce n'est pas grave, c'est ainsi que nous fonctionnons. Je suis une tête de con alors est-ce que je suis prêt à le laisser filer parce que je veux que ce soit lui qui vienne vers moi ? Bien sur. Si nous nous éloignons comme ça, s'il échappe à un moment donné de mon champ de vision, ce n'est pas bien grave, on se reverra sans doute. J'entrouvre la bouche, comme pour respirer plus facilement. Mon index glisse contre ma mâchoire, ma main couvre ma bouche et je serre les dents. Je bouge lentement, cherchant sans cesse son regard. Et finalement, le fixant ainsi, j'esquisse un sourire. Cette distance m'amuse autant qu'elle m'excite, le jeu me plaît, pour l'instant. Mais je ne suis pas très patient. En dépit de ce qu'il pourrait croire, mais il n'y pense pas, je ne suis pas ce genre d'homme. Je ne l'étais pas. Pour moi, le sexe n'avait jamais été un échappatoire. Il m'est devenu difficile, voir impossible, de dormir platoniquement dans les bras de quelqu'un. Ça me serre le cœur de me dire que ce ne sont que des passants dans ma vie, qu'ils vont disparaître. Mon cœur s'emballe.

Je pourrais faire volte-face, le perdre de vue. Qu'est-ce qu'il se passerait ? J'amène mes deux mains contre la racine de mes cheveux, m'étends au possible, le laissant deviner mon corps que je lui offre insidieusement. Allez viens, rejoins-moi maintenant. Et je reprends contact avec la réalité. Et je reprends contact avec son regard. « Peut-être que je te veux du mal » lui dis-je d'une voix noyée dans la musique, les cris des autres qui essaient d'échanger sur des sujets qui ne nous concernent pas. Non, bien entendu. Je fais ma vie de mon côté, je n'ai jamais voulu faire de mal à personne. Je n'ai jamais voulu causer de tort qu'à ceux qui m'en avaient fait. C'est plutôt légitime je trouve... Mes mains se posent contre mes hanches, glissent contre mes cuisses alors que je le fixe toujours. « Peut-être que je te veux du bien. » lui redis-je maintenant, me disant que d'ici, il ne pourra sans doute lire sur mes lèvres. Et puis qui lit vraiment sur les lèvres maintenant, à part les sourds ? Je fais un pas dans sa direction, un seul pas. Je lui fais un signe de la tête de me rejoindre. Je n'ai qu'une envie, l'attraper, l'étreindre violemment et me retrouver seul avec lui. Avec son regard de braise, avec sa peau brûlante. J'ai envie de suivre le trajet de cette goutte qui a dévalé son torse pour se perdre plus bas. « Allez, viens maintenant... » Maintenant...
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Mon corps se perdait dans la danse. Ma conscience se diluait dans les vapeurs ambrées. Mon regard ne déviait pas et je laissais ces mains inconnues venir parcourir mon torse brillant. Ce n'était qu'un jeu, un jeu d'image et d'apparence. Un jeu du regard. Un jeu d'effets. Je le voyais bouillir, je le voyais m'attiser et résister. Je sentais la chaleur m'envahir à chacun de ses mouvements et contrôlais les affres de l'alcool pour ne pas sombrer. Je voulais être conscient. Je voulais le ressentir. Le sentir. Je voulais me souvenir. Il étendant les bras, laissant deviner la base de son torse en dessous de ce fichu t-shirt blanc et je relevais le regard jusqu'à son visage. - « Peut-être que je te veux du mal » - Je lisais ses lèvres, ces lèvres que je désirais. Je ne le montrais pas, je ne faisais que continuer à bouger, à danser comme si le monde ne tournait plus autour de moi. - « Peut-être que je te veux du bien. » -  Du bien, du mal... Quel alignement devrais-je choisir pour vaincre et grandir. Ses mains glissaient le long de ses cuisses et je passais un bout de langue sur mes lèvres. Il faisait un pas, un seul pas. - « Allez, viens maintenant... » - Je disparaissais.

Comme évaporé, comme estompé. Je me fondais dans la foule en un clignement d’œil. Comme dans ces films où le héro s'efface derrière un passant. Je quittais son regard, je quittais son champs de vision. Il me perdait quelques secondes mais je réapparaissais bien vite. Je réapparaissais plus proche. Assez pour le surprendre, pas assez pour l'effrayer. Pas de magie, pas de pouvoirs cosmiques, juste une habitude et une technique. Je traversais les quelques pas qui nous séparaient sans jamais délier nos regards et lorsque seulement deux pas manquaient, il se posait sur ses lèvres. Je me rapprochais sans un mot, je rapprochais jusqu'à ce que nos souffles s'enlacent, jusqu'à ce que ma peau sente ses vêtements. Je me rapprochais et fixais un instant ses lèvres comme le fruit défendu qu'il était et relevais mon regard à ses yeux désireux. Mes lèvres frôlaient sa joue pour aller rejoindre son oreille et ma voix y pénétrait. - Tu peux bien me vouloir ce que tu veux... - Et alors mon corps le piégeait. Et alors ma joue rencontrait sa joue. Et alors mes lèvres longeait sa mâchoire dessinée. Et alors elles rencontraient les siennes et lorsque ma main l'attirait par une boucle de ceinture trop serrée je l'embrassais. Deux doigts s'infiltraient sous son jean pour mieux le saisir et touchaient une peau chaude et jusque là couverte pendant que que mon autre main passait sous son t-shirt et se perdait dans son dos. Je redoublais d'effort et dans un rythme lent sur une musique forte nos corps se mouvaient.

Personne ne se formalisait. Personne ne faisait attention. Ils étaient tous à s'amuser, à crier et rire, à danser jusqu'à s'effondrer. A faire pire peut être. Je m'en fichais. Je n'y pensais même pas. Je ne pensais qu'à nos lèvres se liants, qu'à la chaleur de nos souffles, qu'à ces deux doigts intimement disposés. Je ne pensais qu'à son corps chaud. Je devais bien avouer que cette soirée prenait une tournure bien différente et que si je ne m'y attendais certainement pas, je l'acceptais volontiers. Je rompais le lien. Ou peut être était-ce lui? Je sentais encore son souffle et ne voulait qu'un chose, y retourner. Nos bassins accolés, nos regards croisés, mes mains toujours à l'aventure. Et quelle aventure. J'avais perdu tout but, toute conscience. Je vendais mon âme au diable encore une fois. Je ne voyais que ses yeux et son regards, son sang pulsant aussi vite que le miens. Je ne voyais que cet instant. Cet instant qui viendrait. Cet instant où j’arracherais ses vêtements. Ou je les laisserais joncher le sol pendant que je dessinerais ses traits de mes lèvres. Pas de passion, juste un désir dévorant et l'air chaud qui se faisait étouffant. Il pouvait bien me vouloir ce qu'il voulait. Il pouvait bien me faire ce qu'il souhaitait. Ce soir ça n'avait pas d'importance. Cette nuit, son corps était miens.
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Il s'efface, perdu hors de mon champ de vision. Je lance une œillade sur le côté. À droite, à gauche, dans cette jungle de chair, de tissus, dans cet univers d'ombres et de bruits. Il n'est plus là, ce n'est pas grave. Un jour, il est entré quand je sortais. La proximité dans l'embrasure de la porte ne m'a rien fait, la furtivité de la rencontre ne m'a pas laissé sur ma faim. Quelques politesses, une question à laquelle on ne souhaite pas vraiment de réponse. Est-ce qu'il va bien ? Peu m'importe en réalité, à cet instant. Je pivote sur le côté, le cherche du regard parmi la foule, écartant un couple d'un ample geste du bras. J'ignore leurs protestations, qu'ils abandonnent bien vite, reprenant leur danse. Je fronce les sourcils. Il n'est plus là, ce n'est pas grave... Mais où il est alors ?

Soudain, il refait surface, un peu plus près. Je l'attends, les pouces enfoncés dans mes poches de jean, bougeant doucement le dessin de gauche à droite comme une invitation. Il se fige. J'ai l'impression que ça dure, s'étend dans le temps... Son regard se lève et s'élève, se prend dans les filets du mien. Il me rejoint, il n'y a plus que nous. Plus que nous en ces lieux, plus que nous à cet instant qui vient de rester prisonnier de son regard enragé. Il me rejoint, enfin je sais ce qu'il a dans le ventre et maintenant, je veux en apprendre plus. Je veux le découvrir sans mots, ils sont parfaits sans mots. Ils sont parfaits avant d'ouvrir la bouche.

Le bruit se cristallise, se pétrifie et explose autour de nous. Seuls ses mots se tracent un chemin jusqu'au creux de mon oreille, seule sa voix fait vibrer le creux de mes reins. Son visage vient glisser contre le mien, son corps tombe vers lui alors qu'une main indiscrète me saisit par la ceinture. Pendant que sa main impudente me rencontre, je viens solidement caler mes mains contre ses hanches. Je me plaque contre moi, me perdant dans ce baiser, mon corps aussi s'égarant entre ses lèvres brûlantes. Mes mains remontent contre lui et j'en viens enfin à visiter son corps du bout des doigts, après l'avoir possédé de mon regard curieux. Nous ne sommes plus qu'une bête unique, perdue entre les flashs lumineux. J'interrompe brutalement le baiser, levant la tête et jetant une œillade autour de nous. Pas que je me soucis des gens autour, je n'en ai rien à faire. Franchement, quand on s'est déjà vomi dessus, endormi sur le trottoir ou pissé devant une école, ce n'est pas comme si la gêne était vraiment de rigueur. Je ne m'en vante pas, j'ai été une merde. C'est sans doute ce qui me permet de relativiser ma situation actuelle et de mieux la supporter. Abandonnant l'homme sur la piste, je rejoins ses bouteilles et les verres. Je prends le mien, le finis d'une traite et me saisis de son t-shirt que je fous sur mon épaule. Je rejoins le gars sur la piste, à mon tour je le saisis par la ceinture avant de me tourner vers lui et de lui dire parmi le chahut des danseurs : « Suis-moi. » Quoique je ne lui en laisse pas vraiment le choix. Je le garde ainsi maintenu, glissant de temps à autres un sourire amusé dans sa direction, guettant ses réactions. De mon bras droit, j'écarte sans brutalité ceux qui obstruent mon passage. J'emprunte un couloir, nous passons devant les toilettes. Allez, je vais lui éviter ça. Au moins cette fois. Oublie ta veste pour l'instant. Oublie tout.

Au bout de ce couloir, une porte de sortie de secours, elle-même simplement surveillé d'un vigile. Il est de toutes façons plus prestigieux de rentrer par la grande porte après des heures d'attente que de se faufiler à l'intérieur par la petite porte. Je pousse la porte, laissant une rasade d'air frais m'arracher un frisson. Je force le mouvement, le temps de le faire passer de l'embrasure de la porte à l'extérieur. La porte claque derrière nous et je l'y plaque. Je m'agrippe à son bassin que je viens plaquer contre le mien. Ses mains s'enfoncent contre sa peau qui frissonne, son visage heurte le sien quand mes lèvres se confondent aux siennes. Je lui donne un coup de bassin et écarte brutalement ma bouche. Je passe ma langue contre ma lèvre inférieure, un air de défi dans le regard.
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Il rompait le lien, nos lèvres se décollaient, son regard me quittait pour balayer la foule autour de nous. Mes lèvres brûlaient encore des siennes et j'en redemandais mais mon regard observait le sien, attendant une réaction. Il me laissait là. Ma main dans son dos, mes doigts sous sa ceinture, elles n'y étaient plus. Il s'éloignait et je restais planté là, immobile, pivotant seulement pour le suivre de mes yeux jusqu'à la banquette que nous avions abandonné. Il ramassait mon t-shirt et dans mon esprit embrumé je me demandais bien à quoi il pouvait bien jouer. Il revenait, l'air décidé, mon t-shirt sur son épaule, et saisissait à son tour ma ceinture pour me rapprocher. - « Suis-moi. » - C'était donc ça. Pas le temps de réagir, pas le temps de contester, ou certainement d'obtempérer, il m’entraînait. Il ouvrait le chemin et je restais proche de lui pour éviter qu'il ne se torde le bras. Ou qu'on nous voit. Ou peu importe, je restais proche de lui. Lorsqu'il bifurquait je posais mon regard sur la sortie, me demandant bien où nous allions et je dois dire que lorsque l'on s'était approché des toilettes j'avais tiqué. Ça n'aurait pas été la première fois, mais nous ne faisions que passer devant. Il nous emmenait vers une sortie de secours, discrète, gardée par un videur qui faisait mine de ne pas nous voir. Il nous avait vu, il savait quel chemin on emprunté, il n'était pas stupide.

Il poussait la porte et me forçait à sortir en tirant un peu plus fort avant de me plaquer contre le battant de métal qui claquait dans mon dos. Son bassin rencontrait le mien, ses mains courant sur ma peau nue. Je sentais la fraîcheur de la nuit mais tout ce que je percevais c'était la chaleur. La chaleur de ses doigts, de son souffle, de son visage lorsqu'il venait sauvagement m'embrasser. La chaleur qui montait en moi. Je réchauffais même le métal contre mon dos. Il rompait à nouveau le lien et son coup de bassin me faisait frapper la porte à nouveau. N'aurait-il jamais fini de me repousser. Une lèvre perverse venait humidifier sa lèvre inférieure et je mordais la mienne. Son regard appelait le défi. Le miens appelait tout. J'attrapais sa nuque et inversais nos positions, le plaquant à son tour contre la porte sans ménagement, venait immédiatement embrasser son cou. Je l'embrassais, je remontais sur le côté puis revenait au creux de sa gorge, comme si j'allais mordre, comme si j'allais brûler. Mes mains ne le tenaient pas, elles couraient sur sa peau, elles couraient sous son vêtement et sentaient chaque relief, chaque poil, chaque pore vibrant.

Il bougeait mais cette fois je le retenais, mes deux mains à plat sur sa poitrine, nos ventres collés l'un à l'autre. Mes lèvres descendaient sur son cou et plus en bas, rencontrant son col que mes mains saisissaient et étiraient. Je le déchirais. Je l'arrachais. Je divisais ce frêle tissu retenant ma chaleur. Sa chaleur. Je l'anéantissais sauvagement et sans même prendre la peine de le lui retirer j'y retournais. Mes lèvres revenaient à l'assaut de sa gorge puis descendaient, encore, entre ses pectoraux, découvraient son corps au rythme de ses mouvements, pendant que mes mains s'agrippaient à son jeans. Je tirais comme si je voulais l'engloutir. Je tirais pour le garder contre moi lorsque j'en avais fini je remontais à sa bouche et à ses lèvres, recollant nos bassins, les plaquant jusqu'à la rupture. Je le sentais au travers du tissus tendu et continuais de l'attiser. Je continuais de frôler. De toucher. Je pouvais bien manquer d'air, je pouvais bien me perdre. Mes bras venaient s'appuyer sur la porte au dessus de nos têtes et je le piégeais, nos torses entiers ne faisant plus qu'un. Ces vêtements étaient une prison. Il me tuait.
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Je demeure immobile quelques instants, lui laissant un peu de répit, le temps de réagir. Ses doigts viennent se plaquer contre ma nuque et il me fait basculer pour que ce soit moi qui me retrouve dos à la porte. Je pose les paumes de mes mains contre cette dernière, lui laissant tout loisirs pour visiter mon corps de ses mains chaudes. Quand je fais pour me pencher sur lui, il vient caler ses mains contre mon torse, me laissant un peu interrogatif. Mais peu importe, j'aime ceux qui prennent des initiatives alors je le laisse faire. Je le laisse approcher ses doigts contre mon cou, bien qu'un peu méfiant tout de même. Je reste prêt, au besoin, à glisser mes avant-bras entre les siens pour dégager ses mains... Je plonge dans son regard, cherchant à savoir ce qu'il compte faire et c'est le bruit du tissu déchiré qui me répond. Je l'aimais bien, ce t-shirt... J'en fais d'ailleurs tomber le sien qui vient glisser de mon épaule pour se retrouver à nos pieds. Son visage vient rencontrer son torse, un sourire de plaisir se loge sur les traits de mon visage, je pose une main contre sa joue ,j'aime sentir les mouvements de son visage alors que ses lèvres me rencontrent, j'ai le souffle court.

Ma main libre revient contre la porte, à plat, alors que de la seconde, je caresse son visage, j'en lis les traits, les expressions. J'essaie de deviner les émotions dissimulées derrière ses traits si durs, son visage qui se cherche entre le désir et une sorte de fatigue. Je n'ai pas froid à cet instant, il demeure plaqué contre moi. Puis je mets mes mains contre ses épaules pour le repousser en arrière. Je baisse le regard sur les lambeaux de mon t-shirt. On va avoir l'air de quoi à se balader tous les deux torses poil maintenant ? J'esquisse un sourire et retire ce qu'il restait de mon t-shirt avant de le balancer plus loin. Quand son souffle soulève sa poitrine, j'ai simplement envie de le sentir en moi. Je lance une œillade autour de nous, simplement pour être sûr qu'il n'y a pas de regards indiscrets. Quant à la porte... Personne pour ainsi dire ne sort par là, j'ose espérer qu'on aura quand même quelques sec... enfin quelques minutes de tranquillité quand même.

Je repose mon regard contre le gars, le laisse descendre. Je franchis la courte distance qui nous sépare, me saisis sans douceur de son visage. Nos lèvres se percutent quand je viens reprendre le goût de sa bouche et de sa langue contre la mienne. Je glisse une main dans son dos et l'étreins jusqu'à amener mes doigts sur sa taille, vers son bouton de jean que je défais de mes deux mains. Je fais descendre la fermeture de sa braguette puis relève le visage vers lui. C'est étrange, à croire que nous ne sommes pas destinés à nous voir tout entiers, de jour, en pleine lumière et sans artifices. Un jour, son visage couvert de poussières, perdus entre le chaos et le boucan d'une catastrophe, à la va-vite par ici, par là, avec la gueule qui ressemble à un coloriage de gamins, et maintenant. Obligés de se gueuler dessus pour essayer de s'entendre un peu, et maintenant perdus dans une nuit qui se promet de ne pas finir immédiatement. Je plonge ma main contre son visage, mon pouce creusant l'une de ses joues, mes autres doigts sur l'autre. Je garde son visage appuyé contre le mien, manquerais de lui mordre la lèvre. Finalement, je lui chuchote – les basses du bar résonnent derrière la porte sans couvrir le son de ma voix – avec l'air faussement navré : « C'est tout ce dont tu es capable ? »

Ma main s’immisce maintenant au-delà de son jean défait qui glisse le long de ses cuisses, ses genoux pour lui atterrir sur les chevilles. Je sens un feu s'emparer de mon entrejambe. Finalement, je passe ma main dans son boxer et viens me saisir de son sexe. Je dépose un baiser sur sa bouche...
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Je perdais le contact de ses lèvres alors qu'il me repoussait. Il retirait les lambeaux que j'avais fait de son t-shirt et je pouvais enfin voir en entier ce torse si parfait. Ce torse que j'avais arpenté de mes lèvres. Je le couvrais de mes mains, je le dessinais de mes doigts. Le tissus était une prison que je subissais et cette bosse grandissante ne faisait que l'étirer. Oui nous étions torses nus, oui son t-shirt était foutu, oui le mien jonchait le sol. Il pourrait le prendre, je l'avais retiré volontairement à l'intérieur. Personne ne ferait la différence. Ma lèvre était toujours pincée de désir face à ce corps si parfait et je regardais avec envie la jointure de son boxer sur le bas de son ventre. Ça aussi je voulais l'arracher. Mon cœur palpitait, ma respiration s'emportait, je brûlais. Il bougeait alors, bougeait vers moi et m'embrassait à nouveau, ses mains courant dans mon dos et descendant, un frisson parcourant mon échine alors que nos langues s'entrelaçaient. Un frisson mais de froid. Un frisson de plaisir. Ses doigts venaient déboucler ma ceinture, déboutonner mon jean et baisser la fermeture éclair qui verrouillait l'ensemble. Je ne disais rien, je ne résistais pas, c'était tout ce que je voulais alors pourquoi le ferais-je. Il relevait son visage vers moi et je le fixais, incrédule, attendant la suite.

Sa main venait alors saisir mon visage, son pouce s'enfonçant si fort que je sentais le gout métallique dans ma bouche d'une joue bafouée. - « C'est tout ce dont tu es capable ? » - Sa main descendait alors, elle descendait encore. Mon jean s'effondrait sous son propre poids et jonchait mes chevilles alors que sa main passait sous mon boxer. Il y entrait, insidieuse, intruse chaleur qui venait saisir mon sexe déjà si ferme et d'un violent frisson m'éveillait. Mon regard avait changé, une excitation débordante, une nouvelle flamme qui changeait désir en animalité. Je le voulais. Je le voulais là, de suite. Je le voulais dans l'instant. Une pulsions de plaisir éprenait sa proie et je le retournais. Je n'utilisais pas mes pouvoirs non, faire ça de mes mains étaient bien mieux. Mes mains, elles allaient rompre cette résistance, elles allaient défaire la ceinture, elles allaient déboutonner ces boutons, elles allaient forcer la chute du pantalon et tirer ce boxer par le bas.

Mon corps se plaquait contre le sien et pour la première fois depuis ces longues minutes je sentais sa chaleur dans son entier. Mon torse se collait à son dos, ma verge se faufilait entre ses fesses mais jamais n'entrait, jamais ne pénétrait, trop occupée à aller et venir, frôlant l'entrée sans jamais la forcer. Je le plaquais et l'épuisais. Pendant que mon bras gauche enlaçait son torse pour le garder prêt de moi, ma main droite allait jouer avec son pénis, jouer et l'éprouver. Mes lèvres quand à elles embrassaient sa nuque, embrassaient son cou. Mon souffle prenait à ses oreilles, réchauffait sa peau. Je frottais mon front à l'arrière de mon crâne sans jamais cesser les mouvements de mes reins. Je sentais la fraîcheur de l'air oui, uniquement parce que mon corps, lui, était bouillant. Ma respiration était saccadée, je perdais mon souffle, une asphyxie que je subissais et que j'appréciais. Que je voulais. Ma main délaissais la chaleur de son entrejambe et venais saisir sa mâchoire pour pousser sa tête en arrière rapprochant ses lèvres des miennes sans jamais vraiment les rejoindre. Je voulais sentir son souffle, entendre sa respiration. Je voulais sentir son souffle court et entendre le son des saccades de sa respiration. Je voulais être en lui. Ma main gauche relâchait son étreinte pour aller se poser plus bas sur la chaleur érigée et reprendre ce jeu au-quelle l'autre s'était adonnée. Je sentais son corps trembler, ou peut être était-ce le miens. Trembler de désir, de plaisir, de gourmandise. Trembler d'en vouloir plus. Trembler d'une luxure que je voulais voler. Dieu, ne pouvions-nous pas seulement n'être qu'un.
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Dès lors que je l'ai pris en main, réellement pris en main, il a compris. Il a compris qu'on arrête de faire semblant, et qu'on commence maintenant. Je commence déjà à le posséder, m'emparer réellement de son corps. Ma provocation n'en est pas vraiment une, l'insulte n'en est pas du tout une, l'invitation si. Il n'y a pas de sous-entendus, pas de quiproquos, juste deux corps qui veulent se fondre l'un d'entre l'autre. Alors que je serre son visage dans ma main, j'ai la sensation qu'à cet instant, il n'y a plus que nous deux. Ce qui s'est passé hier disparaît, ce qui adviendra demain disparaît et je redeviens un homme, uniquement pour lui. Je redeviens humain, pour ressentir un peu de plaisir dans la fraîcheur de la nuit bleutée. Mes doigts caressent sa peau, encourage encore son érection et il vient me toucher pour me retourner contre la porte. Je me laisse faire, contraint d'abandonner son sexe quelques instants. Je le laisse m'entourer de ses bras, je le laisse se battre avec mon jean sans l'aider à quelque moment, aimant sentir la résistance du bouton, aimant baisser le regard sur ses doigts qui jouent avec la fermeture éclair. Je promène l'extrémité de mes doigts contre ses poignets et sur ses avant-bras, le pressant sans dire quoi que ce soit...

Me voilà enfin sans le bas et je le sens qui vient se coller contre moi. Enfin. Je me nourris de ses caresses et je peux profiter de la brûlante étreinte. Qu'il est bon, d'être vraiment là, tout contre lui. Je n'ai pas à m'évader, pas à me dire que ce jouet qu'on profane n'est pas moi pour pouvoir supporter le moindre contact. Je ne ressens pas ses mains sur moi comme une offense, comme un déni de ma liberté, je n'ai pas la sensation qu'il me tue un peu plus à chaque seconde. Au contraire. Pour chaque instant à réchauffer ma nuque de son souffle court et chaud, il m'insuffle la vie. Il me dit par ses caresses que je suis vivant, que je ne suis pas une coquille vide, que je ne suis pas tout à fait vaincu. En dépit des apparences, je ne me satisfais pas d'être un objet de plaisir. Je veux être désiré, pas acheté ; être possédé, pas loué ; je veux qu'on se soucie aussi de mon plaisir, de mes gestes, de mes regards. Chaque jour qui passe m'éloigne de ces sensations et rend l'amour fade. Il le désacralise, il le rend laid.

Je ne m'appuie contre la porte que d'une main, la seconde venant rencontre sa cuisse. Il amène son visage près du sien, mon encore entier se raidit à l'image de mon sexe. Ma mâchoire se contracte. Je suis pris d'un tremblement, à moins que ce ne soit celui de l'autre qui ne se propage jusqu'à moi. Et je le guide, pour qu'enfin il puisse entrer en moi. Je le sens s'immiscer, pour qu'enfin nous ne fassions plus qu'un lui et moi. Mon corps docile se courbe et se soumet. À chaque coup de bassin qu'il donne, une vague de plaisir me prend. Je m'empare de l'une de ses mains que je porte à ma bouche. Mes lèvres jouent avec ses doigts, je manque de le lui mordre l'index à un moment donné.

Les secondes disparaissent. Les minutes s'égrainent. Il n'y a que lui et moi, lui contre moi, lui en moi. J'expire fort, si fort, ma main s'écrase contre la porte. Les musiques du bar ont disparu au profit d'un gémissement de plaisir que je lui confie. Mes yeux ne s'ouvrent que pour apercevoir ses mains venir de temps à autres se fondre dans ma peau. À un moment donné, je sens que la porte cherche à s'ouvrir, j'y plaque soudain mes deux mains pour la retenir !
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Je sentais chaque tremblement, je sentais chaque sursaut. Je sentais chaque frisson qui parcourait sa peau si nue parce que je les subissais aussi. Je n'osais décoller mon corps du sien de peur de délaisser cette chaleur qui nous animait. Je n'aspirais qu'à maintenir ce contact le maintenir et l’accroître. Je voulais me fondre en lui, qu'il se fonde en moi. Ma main continuait de faire grandir son sexe pendant que je sentais sa main glisser sur ma cuisse, sur ma hanche puis jusqu'au mien toujours fiché entre ses fesses. Je cessais de bouger, laissais ses doigts me saisir, laissais ses doigts me diriger. C'est ce qu'il voulait. C'est ce que je voulais. Si ardemment. Alors je consentais. Il s'offrait à moi et j'acceptais ce cadeau. Je donnais le premier coup de rein, lent, très lent. Je savourais chaque seconde de cette première pénétration autant que je lui donnais le répit nécessaire pour l'accepter en lui. Je me savais parfois difficile à entrer alors j'avais appris à être patient, doux. Et puis au bout de quelques va et viens je prenais une cadence un peu plus rapide, un peu plus violente. Mon souffle se coupait à chaque fois que j'avançais et je le reprenais à chaque fois que je reculais.

Mes mains continuaient de courir sur son corps comme si elle voulait tout toucher à la fois. Pendant que l'une s'accrochait à son épaule, mon bras passant devant, l'autre retournait s'aventurer entre ses jambes. Il était hors de question que seule ma verge soit éprouvée. J'allais et venais, encore et encore, et sous chaque coup de rein je me perdais un peu plus. Il attrapait la main à son épaule et la conduisait jusqu'à sa bouche, ses lèvres, sa langue agile. Je sentais ses lèvres jouer avec mes doigts et pendant que je continuais ma cadence, mon front venait se poser contre sa nuque. Les secondes filaient, les minutes s’enchaînaient et ma peau se recouvrait d'une couche humide de transpiration. Je sentais le frisson de son corps, j'entendais ce gémissement dans sa gorge et je souriais. Je souriais et me retirais presque entièrement avant de revenir à l'assaut d'un coup dans son entier pour lui en tirer un nouveau, me joignant à lui, et là je ralentissais. Je me gardais en lui, je restais contre lui, bougeant doucement, allant et venant avec souplesse. Ses mains se plaquaient contre la porte et lorsque je voyais le panneau de métal bouger j'y appliquais mon pouvoir. Il ne s'ouvrirait pas. Aucun risque. Je continuais de me mouvoir en lui, transformant la sauvagerie en une luxure perverse. Au rythme des basses lentes je donnais parfois un coup de reins plus vif que les autres mais de l'autre côté de la porte on commençait à s'acharner.

De l'autre côté on poussait, on appuyait encore et encore sur le mécanisme d'ouverture. Je maintenais la pression mais je savais pertinemment que ça ne cesserait pas. Mais je ne voulais pas me retirer, je ne voulais pas que ça se termine. Je ne voulais pas me détacher de lui, de son corps. Je voulais continuer, rester en lui, reprendre ces assauts sauvages jusqu'à faire céder cette foutue porte. Mais plus ici, plus maintenant. Je restais en lui, doucement, et soupirais à son oreille. - On peut pas rester là... - Et il pouvait clairement entendre mon dégoût dans la voix. Foutus gêneurs. Je me retirais et nous avions tout juste le temps de remonter nos pantalons que le videur de la porte de devant arrivait. Celui dont j'étais le héro. Personnellement je n'avais pas honte. Je préférais clairement qu'il nous trouve habillé qu'à poil en pleine action, mais je n'avais pas honte. Ni de la situation, ni de la bosse sous mon jean, ni même du  fait qu'on respirait le sexe à des kilomètres à la ronde. Il en avait certainement vu d'autres. Nous n'avions même pas besoin de nous expliquer et j'attrapais la main de mon apollon avant de l’entraîner hors de la ruelle alors que la porte cédait enfin, déversant quelques fumeurs en manque. Il portait mon t-shirt, je ne portais rien. Dans mes poches mon téléphone, uniquement, et je devais passer par les vestiaires pour récupérer ma veste avec l'argent et mes clés dedans. Grand moment. Je jouais des muscles pour laisser croire à un gars qui veux se la péter et je récupérais la veste que j'enfilais directement sur ma peau nue.

Mon érection avait diminué pour être presque invisible sous le tissu de mon jeans et je la regrettais. Je regrettais la sensation d'être en lui, cette osmose qui nous caractérisait alors. Je regrettais son corps contre le miens. Je voulais à nouveau ça. Je voulais recommencer. A peine sorti de la boite, à peine sur la rue, qu'on se mettait à marcher. - Faut qu'on trouve un endroit ou aller. - Oui, il fallait. Pas on devrait, pas on pourrait, il fallait. Je restais sur une frustration qui me tuait et j'imaginais sans mal qu'il ressentait la même chose. Je bouillonnais à l'intérieur d'une pulsion animale que je devais satisfaire, avec lui. En d'autres termes, je voulais le prendre sur le champs et peu importait bien dans quelle condition pour peu que l'on ne soit plus dérangé.
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