my mind is dark and full of terrors

Tout change une fois qu'il cligne les yeux. Il était bien, allongé à côté d'Andrew ; il était encore tôt et ils avaient une bonne heure devant eux pour se réveiller tranquillement. Jimmy, lui, n'arrivait pas à se rendormir. Il pensait à ce qui serait arrivé, si Andrew y était resté pendant les événements de New-York, pendant l'attaque terroriste des mauvais mutants. Et ça lui donnait seulement envie de s'accrocher un peu plus fort à son petit ami. Il lui jeta un regard en coin, puis posa à nouveau ses yeux sur le plafond, sans vraiment le regarder. Un battement de cil, et soudain c'est le froid qui vient lui mordre la peau. Il y a des chaînes à ses poignets, un lien glacial et désespérément solide qui creuse dans sa chair. Il est suspendu comme un prisonnier, comme un sacrifié, et le mur de pierres qui lui écorche le dos n'arrange rien. Jimmy commence à paniquer, il tourne la tête à droite, à gauche. Il n'est pas seul. Des inconnus, hommes, femmes, dans la même position que lui, aussi terrifiés que lui. Et Andrew. Andrew ! Il est là, impuissant, pendu comme un bout de viande au-dessus du vide. A l'horizon c'est brumeux, il y a sûrement une mer ou un océan. Si on se concentre bien, on peut entendre le ressac des vagues qui s'écrasent sur le pied de la falaise – ils sont si hauts sur la saillie que Jimmy ne peut pas voir les rochers en bas, ni l'eau qui les attend. Il imagine, pourtant.

« Andrew ! » il crie son prénom, il a peur que son copain ne l'ait pas vu. Il saura quoi faire, hein ? Il saura sûrement quoi faire. Jimmy devrait avoir une solution de secours. Il a un pouvoir, après tout. Un don qu'il n'a jamais partagé avec Andrew, avec quasiment personne à vrai dire. A part Teddy. Ceci dit, sa mutation ne lui paraît pas d'une grande aide pour l'instant. Il peut reproduire ce qu'il a vu une fois, deux fois, ses muscles et ses gestes s'activent avec précision sans qu'il n'y réfléchisse. Il n'a jamais rien lu, jamais rien vu sur ce genre de situation. Comment pourrait-il les sortir de là ? « Andrew, ça va ?! » Oh, cette question est due à la panique. Forcément que son amant ne va pas bien. Aucun d'entre eux n'est dans une position confortable, et tous préféreraient sans aucun doute se trouver ailleurs. Le rouquin a juste peur. Il veut entendre la voix d'Andrew, il veut être rassuré. Que quelqu'un parle et propose une solution, parce que lui va juste se chier dessus.

Clea avait passé la journée à lire et méditer, elle n'avait pas bougé du Sanctum Sanctorum, elle n'avait pas non plus utilisé ses pouvoirs. Alors comment avait-elle pu se retrouver dans une telle situation ? Une situation où elle sentait que la magie avait été profanée et la réalité manipulée. Rien n'était normal, elle le savait. Pourtant, le froid et la douleur étaient bien réels. Des bourrasques glaciales venaient lui fouetter le visage et les pierres saillantes du mur auquel elle se trouvait adossée lui entaillait lentement le dos. Elle ne pouvait pas bouger, ses  poignets étaient menottés, elle était enchainée à un mur immense, suspendue dans le vide et il lui était impossible de distinguer le sol. À quelle hauteur était-elle suspendue ? À quelle hauteur étaient-ils suspendus ? Le jeune femme n'était pas seule, elle pouvait entendre deux autres personnes converser et elles semblaient terrifiées. Qui ne le serait pas ? Clea tenta d'analyser la situation plutôt que de céder à la panique : ils étaient sept (elle n'avait compté que six autres personnes, elle ignorait si d'autres se trouvaient dans la même situation un peu plus loin) et avaient tous les poignets enchaînés au mur, mais il n'y avait pas que ça. Elle pouvait sentir une présence magique, quelque chose qui n'avait rien à faire là, une puissance chaotique et indescriptible. Et par-dessus tout, il faisait froid. Horriblement froid. Elle tenta de se débattre afin de tester la résistance des chaînes, mais plus elle bougeait, plus les pierres humides du mur lui rentraient dans le dos. Elle se mit alors à léviter, le métal des menottes lui mordait toujours les poignets, mais au moins, ils n'avaient plus à supporter son poids. Il fallait désormais trouver un moyen de se sortir ce là. Elle pouvait très bien se téléporter, mais cela demandait une concentration intense et comment pouvait elle faire le vide dans une telle situation ? Une autre option se présentait à elle : le métal était facilement manipulable, sa magie lui permettrait de se libérer assez aisément. Elle pourrait ensuite voler jusqu'en haut du mur et regagner la terre ferme (en admettant qu'il y ait une terre ferme), mais elle ne pouvait se résoudre à abandonner ces pauvres personnes à ce triste sort. Elle devrait les libérer eux aussi et cela l'épuiserait, mais elle n'avait pas le choix. Certains d'entre eux serait peut-être capable de l'aider ? Elle l'espérait profondément parce qu'elle ne se sentait pas capable de sortir tout le monde de là. Sa magie dépendait de sa condition psychique et elle n'allait pas bien, elle était effrayée et extrêmement anxieuse. Cependant, elle prit son courage à deux mains et s'éclaircit la voix. « J'ignore qui vous êtes et j'ignore où nos sommes, mais une magie extrêmement puissante est responsable de cette situation. La réalité a été manipulée. » commença-t-elle. Elle détestait hurler, mais elle n'avait pas le choix, il valait mieux que les autres l'entendent. « Je pense que je peux nous sortir de cette situation, mais je vais avoir besoin d'aide. » ajouta-t-elle encore plus fort. Elle espérait avoir une réponse et par-dessus tout, elle espérait ne pas être prise pour une folle.

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Quand Andrew lui répond, son cœur fait un bond. Malgré lui, et malgré la position dans laquelle ils sont, Jimmy se sent rassuré. Au moins, il n'est pas seul – et mourir paraît beaucoup moins effrayant s'il a Andrew avec lui. Pourtant, il ne compte pas baisser les bras. Ce serait idiot d'abandonner sans avoir essayé de se battre. « Ça va, Jimmy ! Si on oublie la falaise, la chute et la mort potentielle et/ou imminente ainsi que le mal partout à cause de ces putains de menottes. » Le rouquin se joint au rire de son copain. C'est nerveux, sans aucun doute. Cette situation est grotesque – qu'est-ce qu'ils foutent là, putain ? Encore des aliens ? Encore des mutants ? C'est devenu le quotidien de tous les êtres humains maintenant, d'être réveillé par le surnaturel, de baigner dedans comme si ça avait toujours été le cas ? « Et toi Jimmy ? Tu t'en sors ? » hurle Andrew. Jimmy lui hurle que oui, que ça va bien, que c'est même un peu cosy. Mais il a les jambes qui tremblent, les poignets en sang et les bras fatigués. Pour un garçon comme lui, c'est facile de se laisser aller au pessimisme. Il n'a pas le cœur d'un battant. « J'ignore qui vous êtes et j'ignore où nous sommes, mais une magie extrêmement puissante est responsable de cette situation. La réalité a été manipulée. » Le rouquin lève la tête, cherche la source de cette voix. Une jeune femme aux cheveux blanc neige, au visage trop doux pour hurler de la sorte. Elle semblait savoir de quoi elle parlait. Ce fut elle qui redonna espoir à Jimmy. « Je pense que je peux nous sortir de cette situation, mais je vais avoir besoin d'aide. » Il avait un pouvoir nul, un pouvoir qui lui paraissait inutile dans ce genre de situation. Mais il était prêt à aider ; s'il le fallait, il était prêt à se couper un bras. Il ferait tout pour sauver Andrew. Et se sauver lui, bien entendu. Mais Andrew d'abord, toujours Andrew.

Il allait répondre, mais fut coupé par les beuglements de l'un des prisonniers. Un barbu, la trentaine, qui tirait comme un forcené sur ses menottes comme s'il était capable de les ôter – et lorsqu'il n'y arrivait pas, lorsque ses poignets restaient contenus entre ces chaînes, il hurlait de plus belle. Ta gueule! voulait lui crier Jimmy. Mais il garda le silence un moment. Après tout, chacun réagissait à sa manière. Ce genre de situation n'était pas des plus communes, un peu de panique se comprenait. Une autre femme répondit à celle aux cheveux blancs, une fille qui semblait encore jeune, mais la tête sur les épaules, pas le moins du monde affolée par la situation. « Quand vous dites que vous pouvez nous sortir de cette situation... Vous voulez dire que vous manipulez vous aussi ce genre de trucs... bizarres ? » Sa question semblait assez incongrue. Qu'est-ce qu'ils en avaient à faire, si Blanche-Neige (c'était le surnom que Jimmy lui donnait dans sa tête) était une magicienne de renom ou une simple fanatique adepte du monde occulte ? Si elle pensait pouvoir les sortir de là, la première question à poser, c'était qu'est-ce qu'on peut faire pour t'aider ?. Une question que Tomb Raider (le surnom de la fille qui était dans son élément, suspendue à des chaînes sous la menace d'une mort imminente) posa néanmoins, quelques secondes plus tard. « Et pour l'aide... Vous avez besoin de quoi, exactement ? » Jimmy aurait pu dire qu'il avait un pouvoir. Qu'il pouvait les aider, si on lui disait quoi faire. Mais Andrew était là, et il refusait de lui annoncer dans ce contexte-ci. « Ouais, si y a la moindre chose qu'on peut faire, on la fait ! Demandez juste, Blanche-Neige ! » hurla-t-il néanmoins. Il commençait à reprendre confiance. Les gens qui se trouvaient avec Andrew et lui sur cette falaise paraissaient dégourdis – sauf le barbu, qui était à deux doigts de se chier dessus – et c'était un avantage. Peut-être le seul avantage dont ils avaient besoin.

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Lorsque les menottes du mec à sa droite lâchèrent, Jimmy retint son souffle, de la manière la moins courageuse qui soit. Un han prolongé et atterré, qui s'arrêta lorsque le gars attrapa ses chaînes, ses jambes frappant violemment la paroi. Puis il y eut ce temps de latence, jusqu'à ce que les menottes de Jimmy lâchent à leur tour. Alors il poussa un hurlement, un vrai hurlement, et tendit les bras comme un fou, accrochant l'une des jambes d'Andrew. « Jimmy ! Accroche-toi, putain, accroche-toi ! » Il le regardait avec la peur inscrite sur les traits. Oui, il s'accrochait. Oui, il faisait de son mieux. Mais ses poignets étaient encore douloureux, et il avait envie de lâcher, bon sang il avait tellement envie de lâcher. Il jeta un regard à la jeune femme aux cheveux blancs. « Si tu peux nous sortir de là, c'est maintenant ou jamais ! » crie le rouquin, désespéré. Encore quelques minutes, et il va se laisser tomber. Se laisser crever.

« Andrew, si j'y reste... Putain si j'y reste, je t'aime, okay ? Je t'aime. » Il est à bout de souffle. A bout de force. Petit à petit, l'hypothèse de sa mort devient une certitude et il a dit à Andrew qu'il l'aimait. Alors il peut partir, non ? Il peut bien lâcher, ses poignets saignent et ses bras sont endoloris, il peut lâcher et toucher le sol et Andrew ira bien, Andrew sait qu'il l'aime. Il est en paix.