Mes yeux s’ouvre comme à l’accoutumée sur la pénombre mais à la différence de d’habitude, là, je ne sais pas où je suis. Le sol me semble terriblement froid et je ne suis pas très couvert : où est ma veste ? Où est ma canne ? C’est la première chose qui me frappe, l’absence de ma canne. Je n’ai plus rien avec moi. Il fait froid, il pleut. Je me redresse lentement mais sûrement, aux aguets : qui a fait ça ? Qui m’a amené ici ? Une musique retentit soudain et me fait froncer les sourcils. Le genre de musique qu’on peut entendre dans les parcs d’attraction ou les fêtes foraine ? Qu’est-ce que je peux bien faire dans un endroit pareil. Je tourne sur moi-même, je tends l’oreille, j’entends les cœurs battre, certains plus vite que d’autres : je ne suis pas seul. Lorsque le changement de luminosité se fait de façon brusque, je parviens à percevoir les silhouettes et il y en a une que je reconnaitrais entre mille : Karen. Je tends la main vers elle, c’est instinctif, pour qu’elle vienne s’en saisir.

« Karen ? »

Je sais que je peux me servir de son parfum comme excuse pour la reconnaître parce que je la lui ai déjà servie celle-ci. C’est la seule excuse que je peux utiliser car je ne peux absolument pas lui dire que je n’ai pas besoin de son parfum pour la reconnaître. Je ne peux d’ailleurs rien faire d’autre que de prétendre être l’aveugle peu dégourdi que je montre à tout le monde au quotidien car là, en cet instant, je ne peux pas être autre chose : je ne peux pas être Daredevil car sinon je vais foutre en l’air ma couverture et vu les circonstances, c’est frustrant.

Très frustrant.
Encore plus frustrant quand un rire à vous glacer le sang retentit.

Chacun y va de ses questions, de ses affirmations et finalement, c’est la dernière voix qui me parvient qui propose la chose la plus censée : se mettre en cercle et attendre. Oui, nous sommes encerclés ça ne fait aucun doute mais si seulement ils pouvaient se montrer au lieu de jouer à cache-cache…

« Au pire… » je dis tout bas dans ma barde quand il ajoute qu’au pire, nous pouvons nous trouver dans un rêve.

Je n’y crois pas trop en fait, tout ceci semble trop réel pour n’être le fruit que de notre imagination.

« Il a raison, mieux vaut se mettre en cercle pour pouvoir une vue d’ensemble. Enfin, la vue je vous la laisse… » j’ajoute finalement dans un soupire.

Qui pourrait douter de moi ? Qui ? J’entends un bruit soudain et je me fige.

« Vous avez entendu ? C’était un coup de feu. »

En tout cas, moi, je l’ai entendu et il me renvoie à un terrible souvenir car la dernière fois que j’ai entendu un coup de feu de cette façon, c’est quand on a abattu mon père dans la rue. Je devrais faire le rapprochement, je devrais réaliser que c’est exactement le même son qui provient exactement de la même distance. Je devrais réaliser que ce n’est que la matérialisation d’un mauvais souvenir et d’une peur bien enfouie mais je ne le réalise pas. J’y crois.

J’y crois et c’est dangereux d’y croire.

© charney

on the middle of nowhere. ◇ Le sol froid. Machinalement je resserre ma main comme pour mieux sentir ce dernier, avant de me rendre compte à quel point mon corps était engourdi et que, quelques secondes avant j’étais plongée dans un sommeil profond. De quelle manière m’étais-je retrouvée ainsi ? Aucune idée, mais ce ne fut pas sans confusion que j’avais ouvert les yeux, une pointe d’angoisse naissant rapidement entre mes tripes. La raison première, ce froid assez inhabituel. Je n’étais pas dans une pièce fermée, donc exposée à toutes sortes de danger, alors que d’habitude je ne m’endormais qu’une seule fois chez moi, dans mon lit, forcée de constater que cette fois, ma règle avait été dérogée et ce n’était absolument pas pour me rassurer. Clignant des yeux, au moins pour essayer de connaître ma localisation, j’essayais tant bien que mal de réduire cette brume caractéristique de sortie de sommeil avant de me rendre compte que celle-ci était bien réelle. En plus de cela, la pluie battait sur mes mains et mon visage, non couverts par quelconque vêtements. J’avais toujours les miens que j’avais porté durant la journée, c’était au moins cela, mais cela ne me chassait pas la peur la plus prenante, j’étais encore loin de savoir où j’étais. Me redressant doucement, je ne pouvais vraiment cacher ma respiration haletante à cause de ma crainte plus que grandissante, j’avais en effet traversé pas mal d’épreuves difficiles, mais il semblerait que je n’étais pas parfaitement rôdée au point de ne rien laisser transparaître. La brume m’empêchait clairement toute utilisation de mon sens de l’orientation, je ne voyais vraiment rien, ce qui n’était pas sans me rappeler une personne qui m’était proche, au moins j’avais cet aperçu de ce qu’il pouvait gérer au quotidien. Je sursautais en entendant des voix de personnes inconnues, qui avait l’air comme moi tout simplement perdus par ce réveil plus que bizarre dans un lieu totalement brumé et indéfinissable. « je donnerais bien cher pour savoir ce qui se passe et … on l’on est, c’est loin d’être rassurant. » Voulant me faire savoir présente et tendant l’oreille vers eux et me déplaçant quelques pas pour tenter de les approcher, je me mis à tenter de garder mon calme et éviter tout obstacle en tendant mes mains, jusqu’à ce qu’une autre voix s’élève entre toutes les autres, cette voix qu’elle connaissait si bien. « … matt ? » Ma petite voix contrite se fit entendre une nouvelle fois et tout de suite, mon cœur décéléra dans sa course, rassurée de le savoir aussi présent, bien que ce sentiment de protection fût encore un peu étrange pour moi, mais avec tout ce que l’on avait traversé ensemble, il était devenu si vital et particulier. J’attrapais alors une main, je ne savais pas si c’était la sienne mais au moins, j’avais un contact. Alors que l’idée générale ressortissante était de faire un cercle pour essayer de déceler quoi que ce soit qui pourrait nous aiguiller ou permettre protection où quoi que ce soit d’autre, j’obtempérais, ne voulant rien compromettre à ce plan pour essayer de nous maintenir en vie. La tension était assez palpable avec cette ambiance sinistre et cette musique de fête foraine à faire froid dans le dos. Alors qu’un coup de feu retentit, je sursautais sans vraiment le contrôler, me retournant dans tous les sens, toujours en serrant cette main inconnue. Faites que ce soit un rêve, un rêve. Simple mantra pour ne pas craquer sous l’angoisse. Je ne savais pas ce qui se passait, mais hors de question de montrer encore plus que j’étais au bord de la panique. J’essayais de garder mon calme, sinon, aucune chance pour moi de réfléchir correctement.

on the middle of nowhere. ◇ Mon rythme cardiaque augmentait de plus en plus, au point où je pourrais presque l’entendre hurler dans ma poitrine et tout le reste de mon corps. Des peurs comme cela, mon sang qui se glace, mon esprit qui sombre, ce n’est pourtant pas la première fois qu’un tel sentiment m’arrive dessus avec une telle insistance. Comment même se sentir bien dans une telle situation ? La musique angoissante au lointain, cette brume opaque qui m’obstruait la vue, même si j’essayais tant bien que mal de garder le contrôle de mon calme, je sentais bien que j’étais au bord de craquer, de risquer de nous mettre en danger. La seule chose qui me rassurait, c’était de savoir qu’il y avait ces personnes autour de moi. Certes, je ne les connaissais pas, je n’avais aucune raison de leur faire confiance, mais ce qui nous rassembla indéniablement, c’est que l’on était dans le même bateau. Lorsque l’un d’entre eux me saisit le bras, j’eus presque échappé ma main libre pour essayer de me dérober, mais sa voix me rappela à l’ordre. En effet, je n’étais pas seule, et je savais qu’au fond de moi, c’était bien mieux que de risquer à vouloir me débrouiller seule. Alors je me détendais, j’essayais de toutes mes forces. Je les écoutais, chacun d’entre eux, cherchant courage autant que je le pouvais. Vu le ton de leur voix, ils ne semblaient pas vraiment comme moi, ils avaient l’air forts malgré leur surprise tout autant que moi de se retrouver ici. Cette voix masculine, prétend une illusion, je me raccrochais à cela, je me raccrochais à son bras comme pour accorder l’idée de ne pas rester seule, car je ne le voulais pas non plus, inconsciemment. Je savais que les super-héros étaient extraordinaires, mais jamais je n’aurais pensé me retrouver dans une telle situation, pour moi, je dormais encore les yeux ouverts et pourtant, tout avait l’air si réel. Et j’en fus bientôt convaincue, car la musique, elle se fit plus forte, les rires plus effrayants, jusqu’à ce qu’une forme m’apparut. Une forme sombre, une forme au sourire mauvais … Mon cœur, qui était accéléré telle une fusée, rata tout d’un coup un bond. Une chose inconnue se trouvait en face de moi. Ses traits, j’aurais aimé ne jamais avoir à les distinguer. Un clown, mais pas un gentil, ce genre qui hante les pires cauchemars. Mon souffle se saccada de plus en plus, j’aurais aimé prévenir, mais j’étais tétanisée, et incapable de sortir un seul son. Seul réflexe, tirer sur la manche de mon protecteur, et il bondit, tel un lion en ma direction : « ATTENTIOOOOON ! » me mis-je à m’écrier, peut-être à tort. Ils ne voyaient sans doute pas ce qui m’arrivait, mais alors que je m’attendis à un impact, à me retrouver sur le sol, peut-être à me faire agresser, je n’avais pas bougé, et je repris mes émotions et mon regard, il avait disparu. Stupéfaite au possible, je repris mon souffle, mais je n’en pouvais plus, je perdis le peu de sang-froid que j’avais. Et des noms, Agent Gordon, Agent Moriarty, puis des sons étouffés de lutte. J’étais perdue, ce sentiment si affreux, si déstabilisant, s’emparait de moi. Le clown qui a été face à moi, ne semblait pas être réel, et pourtant, il semblerait qu’ils soient tangibles à point de pouvoir se battre. Quelle raison écouter, voilà la réponse de la réelle angoisse. Tension, peur, des larmes commençaient à apparaître sans que je ne puisse réellement faire quoi que ce soit contre. « ce … ce n’est pas vrai, comment est-ce qu’on a pu atterrir ici ? » Une question que je savais ne pas vraiment être utile, le mieux étant qu’on se sorte tous de là, et en vie, espérant silencieusement que les dits agents Gordon et Moriarty soient encore avec nous. Sans doute aurait-on aimé que je dise quelque chose de plus pertinent pour aider à quoi que ce soit, mais je n’en avais pas vraiment la force. Il fallait que je reprenne mes esprits, et vite.