Comment en suis-je arrivée là ? Honnêtement, je n'en ai pas la moindre idée, je crois que j'étais confortablement installée sur l'un des canapés du salon, Johnny parlait de sa dernière conquête, Reed travaillait, rien de bien inhabituel. Enfin, rien de plus inhabituel que d'habitude. Personne n'a attaqué le Baxter Building, personne n'a attaqué New York, bref, personne n'a fait quoi que ce soit (pour une fois)(et pas à ma connaissance), alors comment ai-je pu en arriver là ? Téléportation ? Possible, cela ne serait pas la première fois. Reed fait toujours de sacrées conneries lorsque je le laisse travailler seul, il n'y a pas une semaine où il ne fait pas sauter l'installation électrique du quartier. J'essaie d'appeler quelqu'un, mais aucun son ne sort de ma bouche et ça, ce n'est pas normal. À vrai dire, rien n'est normal, il fait horriblement sombre, je ne vois strictement rien, c'est très déstabilisant. Toutefois, je peux entendre. Je ne suis pas seule. Des sons angoissants parviennent jusqu'à mes oreilles : des battements de coeur, une respiration saccadée ... Non. Plusieurs. Il y a plusieurs personnes dans cette pièce. J'ai besoin de lumière, alors je plonge machinalement ma main dans ma poche de mon pantalon à la recherche de mon téléphone, mais je ne le trouve pas. Ça commence à devenir réellement inquiétant, il va falloir que je trouve autre chose. Mes champs de force. Ils génèrent toujours une certaine quantité de lumière, ça pourrait le faire ? J'hésite. J'essaie de me fier à mon audition. Utiliser un champ de force ne me semble pas être une bonne idée pour le moment, je pourrais blesser quelqu'un et jusque là, j'ignore avec qui je suis, je ne voudrais pas faire de mal à un ami. « Reed ... ? » je réussis finalement à dire. J'aurais pu trouver quelque chose de plus intelligent à dire, mais c'est la seule chose qui m'est venue à l'esprit. J'ai peur, j'ai besoin d'être rassurée, même si je n'ose pas entièrement me l'avouer. « Johnny ? Ben ? » j'ajoute. J'imagine que personne ne va me répondre, ou du moins, qu'aucun d'entre eux ne va me répondre. J'aurais quand même essayé. J'espère que rien ne leur est arrivé. Je frémis. J'essaie de faire un pas en avant, j'ai l'impression de flotter, de flotter au beau milieu de cette insupportable obscurité. Quelque chose est en train de me toucher. Quelque chose que je ne vois pas, que je n'entends pas et que je ne comprends pas. Mais il y a bel et bien quelque chose dans mes cheveux et je me retiens de crier. Je secoue la tête, je donne des coups dans le vents, mais il n'y a rien. Strictement rien. J'ai l'impression de sombrer dans la folie. J'essaie de faire le vide afin de réfléchir correctement, c'est loin d'être simple, je ne veux pas céder à la panique, ce ne serait pas logique, je n'ai plus l'âge d'avoir peur du noir. Je continue d'avancer lentement, je pose un pied devant l'autre, je n'ai pas très envie de tomber. « Je suis Susan Storm et vous ? Quelqu'un peut-il me répondre bon sang ? » mon ton est désagréable, je suis agacée. Je déteste ce genre de situation et bizarrement, c'est toujours sur moi que ça tombe, il faut toujours que je me fasse enlever, c'en est presque lassant. Les ennemi des Quatre Fantastiques manquent cruellement d'originalité. Je soupire. J'espère que quelqu'un aura la décence de me répondre.

my mind is dark and full of terrors

Bruce avait été au lit tôt. Depuis sa petite escapade chez les moines, il avait adopté un rythme de vie qu'il voulait le plus sain possible. Il mangeait mieux, il s'évertuait à faire des nuits complètes. Reposé, il avait le sentiment d'avoir un meilleur contrôle sur Hulk. Et s'il tâchait de ne pas trop s'habituer à cela – par crainte de baisser sa garde – il ne pouvait qu'être heureux des changements que cela avait provoqué en lui. Parce que Bruce n'avait plus à se battre tous les jours pour conserver son calme, pour empêcher son cœur de battre la chamade. Hulk était toujours là, bien entendu ! Toujours derrière les portes de sa conscience, attendant qu'elles s'entrouvrent pour se ruer dehors ; mais il ne tapait plus du poing sur les battants comme il avait pu le faire avant. Bruce se sentait plus tranquille, et c'était une sensation qui lui était rare. Aussi faisait-il de son mieux pour que cela continue. Il avait donc abandonné ses compagnons pour une bonne nuit de sommeil.

Lorsqu'il ouvrit les yeux, quelques heures plus tard, sur un noir complet, il ne fut donc pas étonné. Après tout, c'était ce qu'on attend d'une chambre en pleine nuit : la pénombre. Or, quelques secondes plus tard, ses yeux ne s'étaient pas habitués à l'obscurité ambiante. Il ne discernait pas la forme de ses meubles, ou un rai de lumière sous la porte. Il n'y avait pas de bruit, pas de flou, juste le noir et le silence. Un frisson lui traversa la nuque. Quelque chose clochait. Il toucha ses bras, ses mains, ses jambes : il ne les voyait pas. Un instant, il pensa que seul son esprit était piégé dans ces ténèbres, mais il sentit son corps et il poussa un soupir rassuré. Par instinct (il dira plus tard que c'est parce qu'elle était sa voisine directe, les joues rougies), il appela Natasha. Seul le silence lui répondit. Un nouveau frisson lui parcourut l'échine, et il tenta de se lever. Mais le noir était si dense, qu'il ne voyait pas le sol, il ignorait s'il flottait, si ses pieds pouvaient se dérober à chaque instant. Il resta donc au même endroit, contrôlant sa respiration du mieux qu'il le pouvait. Cette situation commençait à le stresser. Et il n'avait définitivement pas besoin de ça.

Une voix féminine, un peu plus loin sur sa gauche, le fit sursauter. « Je suis Susan Storm, et vous ? Quelqu'un peut-il me répondre bon sang ? » Il connaissait Susan. Ils étaient tous les deux des scientifiques reconnus, tout comme son époux, Reed. Si les Quatre Fantastique et les Avengers n'étaient pas encore amis comme larrons en foire, Bruce était proche de Ben. Savoir qu'elle était là aussi, avec lui, dans l'obscurité, le rassura. Au moins y avait-il un visage ami derrière les ténèbres. L'inquiétude de se transformer en Hulk et de la blesser commençait aussi à poindre le bout de son nez, malgré ses efforts pour ne pas céder à la paranoïa. La réponse d'une autre voix, plus jeune, le tira doucement de ce marasme paniqué. « Je suis là ! Je m'appelle Anya Voltchkov. J'appartiens au SHIELD, je vous connais, Susan. Est-ce que vous pouvez me rejoindre ? Essayez de me repérer grâce à ma voix. » Le SHIELD … Étaient-ils responsables de la situation dans laquelle ils se trouvaient tous les trois ? Après tout, ils avaient l'habitude de mener des expériences qui parfois dégénéraient. Bruce sourit. Il ne pouvait pas juger, après tout lui-même avait monté et participé à une expérience qui avait dégénéré, et créé Hulk. A quatre pattes, il se dirigea vers la voix de la jeune fille. Si Susan la rejoignait aussi, ils seraient trois. Peut-être pourraient-ils alors trouver un moyen de sortir de là.

Bien qu'il était en train de bouger, Bruce n'avait pas l'impression de vraiment se déplacer. Il n'avait aucun repère sinon le noir, et il aurait aussi bien pu faire du surplace que ça n'aurait pas changé grand-chose. Quelque chose lui chatouilla le front. Remonta près de son oreille droite. Il arrêta sa marche, frotta ses paumes sur sa tête, sur ses cheveux ras – qu'est-ce que c'était que cette merde ? « Bordel ! Qu'est-ce que c'est que ce truc ?! » lâcha Anya, faisant écho aux pensées de Banner. Le son de sa voix était proche maintenant : un autre petit truc qui le rassura. Il bougeait bel et bien vers elle, et bientôt, il aura la certitude de ne pas être dans un rêve. De ne pas être devenu fou. La bestiole qui traînait sur son crâne avait probablement été éjectée au sol, car le fourmillement disparut. Bruce reprit sa marche lente et minutieuse, silencieux. « Vous n'êtes pas seules. Je suis Phil Coulson, du SHIELD également. » La voix de l'homme résonnait un peu plus en amont (ou en aval, c'était assez difficile de savoir quand tout autour, il n'y avait que du noir) et Bruce échappa un nouveau soupir de soulagement. Si Phil était là, c'était une bonne chose. Après tout, l'homme avait survécu à une attaque d'un demi-dieu, il était définitivement increvable. Ils allaient sortir de cet endroit rapidement, quel qu'il fût. « Je n'arrive pas à me souvenir de comment je suis arrivé ici. L'une de vous aurait des souvenirs ? » Bon, peut-être pas aussi rapidement qu'il le pensait, mais les ténèbres ne seraient pas leur tombeau. Bruce en était convaincu.

Arrivé à ce qu'il estimait être la droite d'Anya, il arrêta sa marche. Peut-être quelques pas les séparaient, désormais ? A moins que, par quelque magie, elle ne fut à nouveau loin de lui … Quoiqu'il en soit, il était temps de signaler sa présence. Maintenant qu'il était confiant quant aux gens avec lui. « Je suis Bruce Banner. Salut, Phil ! » lança-t-il un peu plus fort, à l'attention de l'agent. « Je n'ai aucun souvenir de ce qu'est cet endroit, ni de ce que je fais là. Mais je suis à 90% convaincu que c'est la conséquence directe d'un artefact alien ou d'une magie quelconque. » Bruce s'assit en tailleur, et chercha un mur contre lequel s'adosser, du plat de la main. Il ne rencontra que le vide. Encore une fois, il eut l'impression de flotter. « Heureusement, le noir me fait moins peur que le vert. » murmura-t-il, désabusé.