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 Home sweet home. || Ft. Warren

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Kayden T. Jefferson
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On avait eu qu'à signer quelques papiers et la décharge de sortie pour pouvoir quitter l’hôpital. Enfin Warren avait signé. Moi j'avais seulement signé un papier prouvant que je prenais la responsabilité de la suite des soins. Un taxi nous attendait déjà devant le hall, parce que je l'avais fais venir en prévision et on était monté dedans. Direction Tribeca, c'est ce que je lui avais dit avant qu'il ne démarre. Le trajet c'était fait dans le silence de nos voix, dérangés par la radio indienne du chauffeur et le son particulier de son tapis à billes colorés. A croire que tout les chauffeurs de taxi de la ville avait un truc comme ça sous leur cul. Il ne nous avait pas fallu longtemps pour atteindre Tribeca, enfin à l'échelle de New-york, et j'avais guidé le chauffeur au fur et à mesure pour finir. Il s'était garé en bas du bâtiment et je m'étais occupé de le payer et de prendre les sacs. Warren ne porterait rien, pour ne pas tirer sur les points. Il m'avait parlé de sa hantise vis à vis de ces fils. Qu'il avait l'impression que c'était à cause d'eux si ses ailes ne pouvaient pas revenir. Que si on laissait cicatriser, ce serait terminé. J'avais voulu le rassurer en lui disant que s'il n'y avait pas ces points, ça risquait d'être pire mais je ne suis pas sûr qu'il l'ait vraiment compris.

Un sac sur l'épaule, un autre au bout du bras, je passais devant et entrait. C'était une grand bâtiment, plutôt imposant de par sa structure de brique, mais pourtant pas si mastoc vu de l'extérieur. Le hall d'entrée quoi que fait de la même ambiance rustique que le reste, avait un air assez luxueux et très propre. Pas de portier ni de valet, ce n'était pas ce genre de luxe, mais une loge avec un concierge qui vivait au rez-de-chausser. Un ascenseur nous menait au dernier des trois niveaux qui constituaient l'ancien bâtiment industriel et nos pas nous faisaient avancer le long d'un petit couloir sombre éclairé par quelques lumières jusqu'à une porte en métal qui coulissait à notre approche, de mon fait. Je m'effaçais pour que Warren entre le premier et me plaçais juste derrière lui. - Bienvenue chez toi, mon grand. - J'étais propriétaire officiel des lieux, mais j'avais tenu à ajouter une close au contrat de vente stipulant le nom de Warren. D'une certaine manière, que le droit mystérieux permettait, cet endroit lui appartenait aussi. Au moins s'il m'arrivait quelque chose, il n'y aurait aucune démarche à faire et cet endroit, son père n'y aurait jamais accès. Parce que oui, son bras long m'inquiétait toujours depuis notre accrochage à l’hôpital et j'avais voulu être certain que ce loft serait un sanctuaire sur lequel il n'aurait jamais aucun pouvoir. Comment? J'avais acheté l'immeuble et le terrain sur lequel il était construit.

Je passais devant Warren et lui laissais le temps de découvrir les lieux alors que la porte coulissait pour se fermer. - Alors? Comment tu trouves? - Je laissais tomber les sacs aux pieds des chaises de la table à manger et me tournais vers lui. Je souriais. Je n'aurais peut être pas dû? Mais j'étais content de mon achat. Cet endroit me plaisait énormément et de toutes les visites que j'avais faite, c'était le seul qui m'avait tapé dans l’œil. Un véritable coup de cœur au prix qui m'aurait fait fuir en temps normal. Pas cette fois. J'avais l'argent. Et cette fois surtout ce n'était pas juste pour moi. Juste moi, mon petit appartement de Brooklyn me suffisait. Mais pour Warren, je voulais plus. Mieux. Oui j'étais fier de moi pour le coup. Il était temps de faire un rapide inventaire des lieux. - Ok. Là, le coin manger. La cuisine. Derrière l'escaliers le coin salon et au fond il y a un espace... détente. Avec un billard! - Je devrais pas m'exciter comme ça. Dans son état il était capable de me dire qu'il en avait rien à foutre et je retomberais bien bas. - A l'étage il y a un jardin d'hiver et un petit salon. On a chacun notre chambre et chacun une salle de bain. - Pour plus de confort et d'intimité quoi qu'entre nous l'intimité était morte avec notre fierté, trois jours après notre rencontre. - Et encore au dessus il y a le toit terrasse. - J'en disais moins à ce sujet. Qui dit terrasse dit ciel ouvert dit frustration. J'étais bien stupide. Pourquoi soudainement je me posais autant de limite? Est-ce que la période du Kay malin faisait place au Kay maladroit? Imbécile.
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Dans le taxi, je cale mon dos contre le siège pour n'ensuite plus bouger. Je porte la main à mon front quand l'autoradio se met à cracher de la musique au volume trop fort. Pourvu qu'on arrive vite... D'ailleurs, je me fais cette stupide réflexion que j'ai signé tous les papiers qu'on me donnait sans même vraiment les lire. Heureusement que je n'ai pas vu mon père finalement, il m'aurait fait signer n'importe quoi et je me serais retrouvé accroché à un lit dans son appartement à l'occasion. Je arque un sourcil à cette étrange pensée et ferme les yeux pour éviter de regarder le décor, ma main masquant toujours partiellement mon visage.

J'ai simplement envie d'arriver et de me poser quelque part, d'attendre que le reste de la journée passe. Un mal de crâne me guette, j'ai eu droit à un tube de petites pilules soit-disant pour la migraine mais je soupçonne l'infirmière de m'avoir refilé un placebo parce qu'au moment de me donner la posologie, elle m'a simplement recommandé d'en prendre... quand je le souhaite. C'est dire l'efficacité de la chose. Quand le véhicule freine par moments, je ne fais que pousser un long soupir et quand il ré-accélère, me faisant repartir vers l'arrière, je pince les lèvres. Finalement, je me décide simplement pour un « S'il vous plaît Monsieur, doucement ! Okay ? » Parce que j'avais le dos en lasagnes il y a encore quelques jours et que ça m'embêterait de mettre du sang dans votre si joli taxi, décoré avec goût...

Finalement, nous arrivons, je laisse échapper un « Dieu merci... » avant de m'extraire du véhicule. Je regarde le bâtiment vers lequel nous nous dirigeons. Kayden est chargé de nos sacs et je l'en remercie intérieurement, ne me voyant pas vraiment porter du lourd... Nous entrons et je balade mon regard clair autour de nous sans commentaires superflus, appréciant les lieux que je découvre. Alors que la porte s'ouvre, je me sens presque soulagé de quitter le couloir. Je passe une main dans mon cou et lance un coup d’œil à Kayden avant de le précéder. Mon regard embrasse les beaux volumes du très lumineux appartement. Je ne parviens même pas à me souvenir si Kay m'a parlé à un moment donné de vente, ou de... je n'en sais rien. Je me retourne brutalement quand la porte se referme derrière nous et me traite d'idiot, d'être surpris pour un rien. Tout va bien, tout va bien.

Elle est enceinte. Pourquoi est-ce que je pense soudain à ça ? À aucun moment je n'ai envisagé de la retrouver, j'ai dit aux flics ne me souvenir de rien. C'est faux, je le sais. Kayden, qui était dans la pièce pendant qu'ils prenaient ma pseudo-déposition le sait, et les policiers le savent aussi... Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à ça... Je croise le visage souriant de mon frère et affiche un sourire quelque peu pâlichon, sans doute, mais au moins sincère. Il est vrai que l'endroit me plaît ; en temps normal j'aurais bondi droit devant moi pour essayer de vite décréter quelle est la meilleure chambre, donc la mienne, mais les forces me manquent présentement pour le faire. Je reste dans l'idée de provisoire...

Je réalise alors qu'il attend sans doute une réponse à sa question. J'humecte mes lèvres et dis doucement : « C'est très ouvert, on respire. » et je progresse vers l'espace cuisine. Je l'écoute me décrire l'emplacement des espaces principaux et détourne simplement la tête, faisant mine de regarder ailleurs, à la mention du billard. Je glisse un index contre l'arrête de mon nez, laissant ma tête baissée quelques secondes à peine. J'inspire et écoute, faisant quelques pas en direction du jardin d'hiver. Je tique – forcément – sur le toit terrasse mais ne me sens pas d'aplomb pour m'y rendre maintenant. J'avance doucement, découvrant davantage le rez-de-chaussée. Les marches. On fait une course ? Hey les enfants, interdit de courir dans l'escalier.

Je m'arrête à la première marche puis viens finalement m'asseoir sur le canapé du rez-de-chaussée. Je m'assieds sur le bord puis demande à Kayden, entre la plaisanterie et l'inquiétude : « Et que va-t-il se passer quand tu en auras marre de m'avoir ici ? » J'écarte les jambes, laisse mes mains pendre entre mes genoux et regarde à nouveau vers le jardin d'hiver.
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Le Warren de l’hôpital avait été d'un désagréable dérangeant. Je le savais, je l'avais vu. Je n'avais rien dit. Je n'avais rien fait de plus que laisser à la pauvre infirmière un regard désolé. Pour elle ce n'était qu'un mauvais moment de plus dans une journée bien trop pleine. Peut être se sentait-elle mal pour lui? Ou peut être par simple logique s'était-elle armurée pour ne pas avoir à souffrir de ce genre de comportement. Les gens malades pouvaient être dur à vivre et Warren n'était pas malade. Pas physiquement en tout cas. Au moins une fois arrivé sur place avais-je réussi à lui tirer un sourire? Un petit sourire. A se demander s'il n'était pas forcé. Mais au moins il s'était forcé à sourire et c'était déjà bien. Je pouvais comprendre qu'il soit morose, sans mal. L'endroit semblait lui plaire malgré le manque, pas étonnant, de réaction. Content qu'il soit content, je portais les sacs pour les poser au pied de l'escaliers et allait dans la cuisine pour sortir deux tasses. Du café. Une maison n'est pas inaugurée tant qu'on y a pas bu un café. Et puis ça permettrait à Warren de prendre ses cachets, les vrais, pas ceux que l'infirmière lui avait donné. Ça sentait le placebo à plein nez et il était hors de question qu'il prenne ça maintenant. Je mélangerais les vrais et les faux plus tard.

J'avais demandé au concierge de remplir nos placards avec quelques petites choses nécessaires. Gâteaux, thé, café. Le reste se ferait dans la journée, nous avions le temps. De la machine à café pas si bruyante que ça sortait le liquide noir et Warren s'asseyait sur le canapé face à moi, comme un enfant qui ne sait pas où se mettre. Perdu. Effrayé. - « Et que va-t-il se passer quand tu en auras marre de m'avoir ici ? » - Je soupirais et traversais la pièce avant de poser les tasses sur la table basse. Je la contournais d'ailleurs et venais m'accroupir face à lui, cherchant son regard jusqu'à saisir ses avants-bras pendant dans le vide. - Regarde moi. - A croire que ça devenait une habitude pour lui de fuir mon regard. - On va régler ce "détail" immédiatement. Parce que je pensais que c'était clair depuis le temps mais à l'évidence t'as besoin d'un rappel. - Je tirais légèrement sur ses avant-bras pour mieux avoir son attention. - J'en aurais jamais marre de t'avoir. J'en suis viscéralement incapable. - Mes mains gagnaient son visage alors que je me redressais et je déposais un baiser sur son front. - Jamais.

Je me retournais et faisais glisser la tasse devant lui. - Café? - Il pouvait bien dire non, il savait que je le boirais de toute façon. Certes le thé arrangeait tout, et moi-même je préférais de loin ça dans la journée, mais je connaissais ses goûts. Je n'allais pas prendre six ans à me faire un thé et le laisser siroter son café tout seul. Je finissais par me laisser tomber à côté de lui, légèrement plus avachi d'ailleurs. Nous aménagions en avance. Le temps trop rapide de l'achat faisait que techniquement, les papiers devaient encore passer sous le regard de certaines instances officielles mais j'avais un arrangement avec l'ancien propriétaire qui nous permettait de prendre possession des lieux un peu en avance. Je lui avais vaguement raconté ce qu'il se passait... Et puis vu l'achat que j'avais fais, il ne pouvait simplement pas s'opposer. Contrairement d'habitude où j'aurais secoué Warren par les épaules, je venais seulement frotter vivement sa cuisse. - Et ta chambre c'est celle du fond. C'est la plus grande. Je me suis dis que ça te plairait.
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C'est évident, pour moi c'est d'une évidence flagrante. Les jours vont passer, les semaines vont passer, peut-être même les mois et que va-t-il se passer ? Il m'a dit que les fils n'empêchent pas la repousse des ailes, alors quoi ? Je vais rester ici ? À ramper d'une journée à l'autre ? Mais on n'ira pas sur le bord du toit, à se dire qu'on ne peut pas tomber quoiqu'il arrive. Je ne laisserai pas mes jambes pendre à la fenêtre, à me dire que je peux m'en aller à tout instant, laisser ouvert pour quand je reviendrai. Je ne m'envolerai pas avant de me coucher, je vais juste... rester là. Et quoi, après ? Présentement, je ne vois aucune solution. J'imagine qu'il en existe, mais elles me semblent inaccessibles, invisibles à mes yeux, factices. Inutiles, comme le tube de médicaments dans ma poche de pantalon.

Je perds mes yeux sur le puits de lumière, je ne sais pas ce que je veux faire, ce que je devrais faire. Il est hors de question que j'appelle Rachel, encore plus improbable que j'aille chez ma mère ou pire, chez mon père. Quoique... Il est de toute évidence la seule personne qui agira comme s'il ne s'était rien passé de grave. Je saurais sur qui passer à juste titre ma colère, à défaut de pouvoir le faire sur la vraie responsable. Et ces hommes qui sont sortis... j'écarquille les yeux. Ils sont partis, spectateurs de la scène, ils sont partis, tout simplement, quand ça devenait « trop » pour eux.

Et moi, est-ce que je pouvais partir ? Je ne peux plus partir de où que ce soit. Le bruit des tasses contre la table ne me fait pas bouger et Kayden apparaît dans mon champ de vision. Il vient poser les mains contre mes avant-bras, je regarde mes poignets en inspirant doucement. « Regarde-moi. » Pourquoi ? Pourquoi, exactement ? Parce qu'à l'inverse, je ne veux pas qu'il me regarde, je voudrais être oublié, qu'il ne reste qu'un souvenir d'Angel et que l'homme sous les ailes disparaisse. Il m'est insupportable. Il ne peut pas être. « On va régler ce "détail" immédiatement. Parce que je pensais que c'était clair depuis le temps mais à l'évidence t'as besoin d'un rappel. » Que vas-tu faire de lui ? On ne le connaît pas, ni toi, ni moi. Je ne veux pas être cette personne. Ce n'est pas moi ! Est-ce que c'est ce que Raven a ressenti quand... ? Mon regard croise le sien et vient s'écraser sur le sol. Je demeure immobile. Nous verrons. Peut-être dit-il vrai, j'en aurai peut-être marre avant lui.

Je jette un œil vers la tasse et réponds d'un long silence. « Et ta chambre c'est celle du fond. C'est la plus grande. Je me suis dis que ça te plairait. » Bon, voyons s'il s'agit d'un placebo. Je sors le tube de ma poche et en glisse deux sur ma langue que j'avale avec ma salive. Je tourne la tête vers Kayden. La plus grande ? Ce n'est pas comme si j'allais désormais prendre beaucoup de place. J'ai envie qu'il me jette dans un coin, ferme derrière lui et qu'on m'oublie là. Est-ce compliqué à comprendre ?

Ne te donne pas toute cette peine. Voilà ce que je pourrais lui dire. Pas maintenant, pas tout de suite. Ou mes ailes repousseront – elles le feront, non ? Elles le feront – et je prendrai cette chambre avec plaisir, quitte à faire une bataille de matelas dans le couloir. Ou je m'envolerai. Je m'envolerai du toit, sans ailes. Et il se passera ce qu'il se passera. Je pivote de 90° et cale mon épaule sur l'arrière du canapé. J'y mets mon bras et pose ma tête dessus. Ma jambe gauche continue de pendre dans le vide alors que je replie la droite sous mon corps. Et je ferme les yeux, comme si j'allais simplement me rendormir ici. Dormir me semble une bonne alternative. Je souhaite juste que ce soit des nuits sans rêve qui me laissent en paix, comme elles le furent à l'hôpital. Je caresse le pendentif du bout des doigts, pour me rassurer. Elle y a posé ses doigts pour amener mon visage vers elle, mais désormais, il est propre de son contact, de son souffle, de sa présence. Alors je me contente de le caresser entre mon index et mon pouce.


Dernière édition par Warren Worthington III le Mer 28 Sep - 21:54, édité 1 fois
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Il gardait le silence. Il s'installait différemment, mais il ne disait rien. Il ne dirait rien. Pourquoi étais-je surpris? Pourquoi étais-je déçu? Pourquoi cet espoir stupide qu'en quelques mots j'allais réussir à le faire sourire? A le contenter? J'aurais dû savoir que c'était différent. Je savais qu'il était différent. Je le savais, je le sentais, et pourtant quelque chose bloquait mon regard. Un voile ridicule qui m’empêchait d'accepter la chose la plus importante. Est-ce que je devenais comme tout ces gens qui pensent que sourire et faire comme si tout allait bien allait forcément tout arranger? Est-ce que je devenais si con? En temps normal peut être. Pour une sale journée, pour une peine de cœur, sur une dispute peut être. Sur un deuil peut être. Mais pas sur ça. Pas là. C'était trop. Je me laissais aller en arrière, mon dos allant se caler contre le dossier du canapé, ma tête juste en dessous de son bras tendu. Je sirotais mon café, doucement, le silence assourdissant rendait le son d'aspiration et du liquide dans ma gorge bien trop fort à mes oreilles. Marcher sur des œufs? Pas mon genre, et pourtant...

Ok. - Je venais de finir mon café et je me levais. - Je vais monter les affaires. - Je laissais la tasse sur l’îlot de la cuisine et me chargeais des sacs avant de gravir les marches de bois. Lui comme moi n'avions pas grand chose, moi moins que lui, aussi les mois de déballages de carton se réduiraient certainement à quelques jours de rangement. Je passais le jardin d'hiver, le petit salon, et poursuivais le couloir pour atteindre la chambre du fond. je laissais un sac à l'entrée, le mien, et posais l'autre sur le lit avant d'aller ouvrir la fenêtre. Un peu d'air frais. Ce côté du bâtiment donnait sur l'Hudson et de fait ne souffrait pas autant du bruit de la ville que les autres ouvertures comme par exemple, et surtout, celles du coin billard. J'ouvrais l'armoire et entreprenais d'y ranger les affaires de Warren. Je savais que c'était trop tôt pour les sourires, pour l'excitation. Je savais. Mais je savais aussi que je ne pouvais pas arrêter de vivre pour le laisser se complaire dans son mal être. Si je faisais le mort à côté d'un mort, lequel des deux saurait qu'on peut vivre aussi? Au moins essayer? Je ne voulais pas le brusquer, mais je ne voulais pas le laisser s'écrouler. J'avais encore l'espoir qu'il s'en remettrait avec le temps et je voulais lui laisser ce temps. Je voulais l'accompagner seulement, le soutenir comme je le pouvais.

J'avais partagé sa souffrance, ses tortures. La seule chose que je ne pouvais partager, la seule chose que j'aurais voulu partager, c'était le manque. La frustration de l'absence. Comme à une époque où j'aurais aimé avoir moi aussi des ailes, je voulais maintenant ne plus en avoir à sa place. J'avais confiance en lui, je le savais fort même s'il l'oubliait souvent, mais je savais aussi que je ne voulais pas qu'il subisse ça. Je savais que porter ce fardeau pour lui serait plus simple pour moi. Mais peut être que je me disais ça aussi parce que je n'avais pas vécu vingt-sept ans avec une paire d'ailes dans le dos? Facilité. Simplisme. Naïveté. Peu importait. Je préférais subir ça à sa place. Quelque soit la souffrance. Je préférais. Si seulement c'était possible... Alors je vidais son sac, je rangeais les quelques affaires que sa mère avait amené durant cette semaine. Soit pas grand chose. Je rangeais tout comme je savais qu'il les rangeait à l'institut, entre armoire et commode, bien correctement. Je repliais le sac et le calait en bas de l'armoire avant de tout refermer. Avant de sentir un regard sur mon dos.
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Je reste ainsi quelques instants. Je ne veux pas tout foutre en l'air, et parmi tout, je ne veux pas foutre en l'air ce lien qui me lie à Kayden. J'ai simplement envie de... je reste ainsi quelques minutes, puis j'entrouvre les yeux. La tasse immobile est restée sur la table basse et je me contente de tendre la main dans sa direction, je me ravise puis je l'emmène quand même avec moi. Je jette un coup d'oeil autour de moi puis emprunte le chemin que, j'imagine, Kay a suivi. Je gravis les marches en essayant de garder mon dos droit mais je bascule encore un peu vers l'avant. Je sens la différence avec cette nuit durant laquelle il a allégé ma masse, comme c'était plus facile pour me déplacer étonnamment. J'arrive au palier intermédiaire, j'hésite, je franchis les dernières marches. Je ferme les yeux à passer près du jardin d'hiver. Je retire mes chaussures, je ferme une seconde les yeux et oriente mon visage vers la source de lumière. J'inspire doucement, laisse tomber les bras le long de mon corps.

Brutalement, une aile se déploie. Elle arrache le tissu sur son passage, j'entends les craquements du tissu, j'entends le fil qui se défait. Mes mains ouvrent le gilet, c'est insupportable de sentir tout ce tissu dans mon dos. Je le laisse tomber. La seconde se libère et s'étend dans toute sa longueur. Plus jamais elles ne seront pliées, malmenées, souillées. Déplacées ou coupées. Il me suffirait, suffirait d'un coup d'aile pour monter là-bas, leur échapper. Pourquoi je ne me suis pas échappé ? Pourquoi je ne me suis pas envolé ? J'écarte doucement les bras de mon corps, je respire à pleins poumons, mes yeux se remplissent de larmes pour pouvoir affronter les affres du vent. J'esquisse un sourire, rouvre les yeux. Rien.

Rien, juste rien. Je continue ma progression jusqu'à l'une des deux chambres. Kay s'affaire à ranger des affaires à moi, principalement des vêtements. J'hésite et reste finalement un moment silencieux sur le pas de la porte, ne sachant pas trop comment l'aborder ou quoi lui dire. J'attends que ce soit lui qui se retourne puis balade mon regard dans la pièce, à la recherche d'une sorte d'accroche... « Je... ne sais pas quoi te dire. » Au moins, ça a le mérite d'être vrai. Je traverse la pièce et vais m'asseoir sur le rebord de la fenêtre ouverte. Je me sens maladroit, mal-habile. Je frotte mes mains l'une contre l'autre et hésite quelques instants. Finalement, je lève les yeux sur lui : « J'aurais dû aller voir Mircea il y a deux jours, c'est un jeune mutant que je retrouve régulièrement. Pourras-tu aller le voir pour moi et lui dire que... ce que tu veux, tu vois. » Je fais un geste ample de la main, lui laissant le choix du mensonge qu'il voudra sortir.

Je pousse la porte et découvre la salle de bains. J'y entre, laissant la porte grande ouverte derrière moi. J'ouvre le gilet et le laisse glisser le long de mes bras, ne gardant que la chemise sur mes épaules. Je pose le gilet sur le côté et me passe un peu d'eau sur le visage. Je n'ai pas de trou de mémoire, je n'ai rien oublié et pourtant, les informations semblent me revenir progressivement dans un chaos dans lequel j'ai du mal à me retrouver. Je me saisis de mon portable éteint et le pose sur le bord de l'évier. Il me faut une prise. Je me retourne, me cale dans l'embrasure de la porte. Où est mon papier à lettres ? Où sont mes stylos ? Où est mon portefeuille ? Je m'approche de la table de chevet et récupère mon bien. Je le parcours, laisse tomber la carte de recensement entre mes pieds puis le relance sur le lit. Je lève les yeux sur Kayden, un sourire hébété sur les lèvres : « C'est marrant, elle n'a rien pris. Rien pris de plus que ce qu'elle cherchait. » Je reprends le pendentif entre mes doigts, lève les yeux au ciel en réfléchissant : « Robert doit savoir qu'il doit faire attention. Il est recensé. Il doit faire attention, tu le lui diras ? Tu lui diras de faire attention, Kayden ? Et toi ? Et s'ils s'en prennent à toi ? » Je fronce les sourcils, porte la main à mon front. Je dois réfléchir...
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Le visage face à l'armoire que je venais de fermer c'est dans mon dos que je sentais ce regard. Je me retournais l'air de rien pour voir Warren dans l'embrasure de la porte ouverte. - « Je... ne sais pas quoi te dire. » - T'es obligé de rien. - Et c'était vrai. Moi même je ne savais pas quoi lui dire, comment l'aider. Je tâtonnais. Alors je pouvais comprendre sans mal. Je ne voulais pas qu'il se sente obligé de dire quoi que ce soit pour que moi je me sente mieux, ou du moins que je n'ai plus cette impression de lancer des pierres dans l'eau pour qu'elles y coulent. Il passait derrière moi pour aller s'asseoir sur le rebord de la fenêtre et lorsqu'il me demandait une nouvelle fois de mentir je soupirais. Non je n'aimais pas ça. Oui c'était hypocrite. Mais je n'aimais pas ça. La situation était différente. Mentir pour lui je m'en fichais. Mentir pour ça... Je comprenais qu'il avait peut être honte, peur du regard des autres, mais était-ce nécessaire de mentir à tout ces gens? Et pourtant j'acquiesçais silencieusement. - Faudra juste que tu me dises comment le contacter. - Je n'avais jamais rencontré ce type. Je savais que Warren le voyait régulièrement, qu'ils avaient les ailes en commun. Je me doutais sans mal qu'en ça résidait la raison principale du mensonge et du besoin de ne pas le voir.

Et le voilà reparti. J'espérais qu'il tournait en rond seulement pour visiter plus que pour... s'occuper la tête, mais j'avais trop fait la même chose toutes ces nuits d'insomnies pour me voiler la face aussi violemment. Il allait dans la salle de bain et je contournais le lit pour revenir vers la porte lorsqu'il revenait jusqu'au lit. J'étais lent. Je marchais si lentement. Si doucement. Comme si le monde allait s'effondrer sous mes pieds. Comme si tout allait trop vite. Il attrapait son porte-feuille et lorsque la carte tombait je la suivais du regard. - « C'est marrant, elle n'a rien pris. Rien pris de plus que ce qu'elle cherchait. » - Je ne savais pas quoi répondre à ça. Je ne savais pas quoi dire ou quoi faire. Son sourire hébété ne m'aidait pas à trouver les mots. En fait il me désarçonnait plus qu'autre chose car il n'avait aucun sens. Aucune logique. J'aurais préféré qu'il ne sourit pas, au moins j'aurais su que je devais seulement l'apaiser, le prendre dans mes bras peut être, mais là? Quoi? En rire? Non, impossible. La suite en revanche, je savais mieux comment l'entreprendre.

Lorsqu'il commençait à parler de Bobby mon regard se faisait désolé. Même dans cet état, même comme ça, il pensait à lui. Il pensait aux autres. Je faisais mine de revenir vers lui mais lorsqu'il évoquait mon nom je me figeais. Quelle importance moi. Qu'est-ce qu'on en avait à faire. Je passais après. - Warren. Je m'en occupe, ne t'inquiètes pas pour ça. Demain j'irais à l'institut pour récupérer tes affaires. Je lui dirais d'être prudent. Là-bas il est en sécurité. - J'y croyais. Sincèrement. J'avais pitié de ceux qui voudraient prendre cette école d'assaut. Vraiment. Pitié oui. Mais pas assez pour ne pas leur régler leur compte. Je me rapprochais de Warren et captais son regard d'un pouce sous son menton. Je lui parlais doucement, sans menace, sans énervement, sans ton énergique ou sec. Seulement de la douceur. - Et ne perd pas ton énergie à t'occuper de moi. D'accord? Y'a plus important. - Je le lâchais, revenant à la porte pour récupérer mon sac. - Puis ils viendront pas après moi. S'ils sont malins, ils doivent déjà se douter que je les attend. - Et s'il se souvient, il sait que c'est moi qui viendrait après eux. Je lui souris. Un sourire sûr, rassurant. Enfin j'espérais. - Ma chambre est juste à côté si t'as besoin de quelque chose, je vais ranger mes affaires. - Et je m'en retournais passant le couloir pour entrer dans ma propre chambre. Sac jeté sur le lit, armoire ouverte. J'avais encore moins de vêtements que lui... Comme toujours.
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Je n'aime pas ce silence, je n'aime pas ne pas savoir quoi lui dire. Je n'aime pas ça... Je lance une œillade supplémentaire à la pièce dans son intégralité. Mircea est sans doute plus fort que ce que j'imagine, je ne sais pas pourquoi j'ai cette tendance à infantiliser ou diaboliser les gens autour de moi, me dire qu'ils sont fragiles ou au contraire, capables du pire. Ce jeune homme, il est majestueux, quand ses ailes flamboyantes se déploient, il l'est vraiment mais il y a encore des aspects de sa mutation qu'il cherche à contrôler. Et surtout, il est attaché à un père qui aurait aussi besoin d'un coup de main... Mircea n'y est pour rien, mais il est évidemment parmi les dernières personnes que je peux ou que j'aie envie de voir. Pas avec lesquelles je veux parler, mais je veuille véritablement voir. Je ne sais pas quoi faire, j'oscille entre un état qui ne me permet pas de réaliser, d'accepter ce qui se passe. J'ai l'impression que les jours sont passés sans que qui que ce soit ne cherche à ralentir le processus de cicatrisation dans mon dos. Je ne saisis pas pourquoi les dégays engendrés par une sauvage avec une scie ne peuvent pas être réparés par des chirurgiens, par exemple. Des mutants ? Est-ce que je peux risquer la vie de ceux que je connais et qui pourraient peut-être y faire quelque chose ? J'ai envie de dire oui, de prendre le risque. Ce n'est qu'un risque... Mais je ne peux pas. Sinon, je ne vaudrais rien, je ne les mériterais pas.

Je réalise que je ne lui ai pas donné assez d'informations quand il me dit que je devrais l'aider pour le contacter. Mais oui... Mircea n'a pas de téléphone, ce n'est qu'un rendez-vous, un rendez-vous que j'ai manqué ! Je me mords la lèvre, la contrariété pouvant se lire sur mon visage. Je secoue la tête de gauche à droite, me sentant tour à tour déçu puis agacé par ma négligence. « Oui... Je te dirai où le rencontrer. » Il n'est pas recensé, sans doute a-t-il bien fait de ne pas le faire. J'ai laissé la carte tomber à mes pieds. J'en aurai besoin si je sors j'imagine, c'est en moi n'est-ce pas. Mais pour qui veulent-ils que je sois, que nous soyons un danger ? Pourquoi vouloir que nous nous retournions contre eux ? Parce que s'ils multiplient ce genre d'initiatives et surtout, si ça vient à se savoir, c'est ce qui arrivera. La rage a déjà embrasé le regard de Kayden, alors ce n'est qu'une question de temps avant une guerre civile.

Je tourne ensuite mon attention sur Robert, les personnes qu'elle a citées. être, mais là? Quoi? En rire? Non, impossible. La suite en revanche, je savais mieux comment l'entreprendre. « Warren. Je m'en occupe, ne t'inquiètes pas pour ça. Demain j'irais à l'institut pour récupérer tes affaires. Je lui dirais d'être prudent. Là-bas il est en sécurité. » Il ne comprend pas, elle a dit qu'ils iraient. « ils » Je ne sais même pas qui est ce « ils » impersonnel. S'il croise le Professeur, il ne lira pas dans ses pensées sans y être « invité », je ne pense pas qu'il le fera. Il acceptera le mensonge, parce qu'il sait respecter ces décisions idiotes. Je passe une main sur mon visage alors qu'il me parle. C'est vrai, il les attend. Je le soupçonne même de vouloir les traquer. Je frotte mes mains l'une contre l'autre : « Ne les traque pas. » laisse-je tout juste flotter dans l'air, le laissant disparaître jusque dans l'autre pièce.

Je laisse mon téléphone éteint sur la table de chevet, ramasse cette maudite carte que je pose à côté. Je reste assis sur le bord du lit. Si j'accepte, qu'adviendra-t-il ? Je m'allonge sur le côté, sur un bord du lit et ferme les yeux. J'essaie de me rassurer : « Ils n'iront pas. » Je ferme les yeux et parviens à m'endormir plutôt facilement. Quand je les rouvre, le jour a décliné. Je fronce les sourcils, regarde vers l'extérieur. Ce que je porte me colle sur le dos alors je retire la chemise. Je cherche une horloge du regard et me rends à la salle de bains. Je me passe un coup d'eau sur le visage puis cherche quelque chose dans l'armoire. J'opte pour une autre chemise – étant plus facile à enfiler que les t-shirts pour lequel je dois lever et bouger les bras – puis quitte la chambre. Je frotte mes yeux puis cherche Kayden avec angoisse. Enfin je ne le cherche pas bien longtemps puisqu'il est dans son lit, il s'est redressé. Sans doute ai-je fait plus de bruit que je ne le pensais. Je m'appuie sur l'embrasure de la porte : « Excuse-moi si je t'ai réveillé... » Je me glisse dans le lit, sans commentaires supplémentaires, et me cale sur un bord du lit. « Excuse-moi si je t'ai réveillé... »
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Trop long. Ranger ces quelques affaires m'avait pris un temps infiniment trop long. J'y allais, un par un, du sac à l'armoire. Chaque chose à sa place, avec une attention tout à fait exagérée. Comme si chaque paire de chaussettes était un bibelot fragile qui pouvait se briser sous le frottement de l'air. Ou alors c'était moi. J'en finissais et là encore, repliais le sac pour le ranger en bas de l'armoire. Symétrie. Je me laissais tomber sur le lit. C'était mon lit désormais. C'était la première fois que je m'y allongeais, du moins partiellement pour le coup, et la première chose que je faisais en regardant le plafond c'était me lever. C'était le milieu de la journée, peut être début d'après-midi. Le silence qui régnait m'oppressait un peu et je faisais un tour à la salle de bain pour me passer un coup d'eau sur le visage. Mon regard se croisait dans le miroir. Quelle allait être la suite? Qu'allait-on faire? Lui. Moi. Que j'aurais aimé qu'il découvre cet endroit sans ces ennuis. Était-ce égoïste? Que j'aurais aimé qu'il n'ait pas ces ennuis...

Je sortais mon téléphone de ma poche et le jetais sur le lit, moi avec. Mes chaussures se retrouvaient à joncher le sol et je me recroquevillais sur ce qui désormais serait le théâtre de mes nuits. Courtes et hantées. Comme si j'allais jamais pouvoir dormir correctement. Malgré tout après ces longues journées à m'inquiéter et attendre, j'étais vidé et il ne me fallait pas longtemps pour fermer les yeux et m'éclipser dans les bras de Morphée. Maigres bras, maigre emprise. Je dormais sans dormir, mes pensées trop actives et torturées. Je ne rêvais même pas, ou alors j'avais oublié, et lorsque j'entendais des bruits de pas je sursautais et me redressais. Warren, dans l'embrasure de la porte ouverte, un air désolé sur le visage. - « Excuse-moi si je t'ai réveillé... » - Je m'apaisais et frottais mes yeux alors qu'il se glissait dans le lit en silence. - « Excuse-moi si je t'ai réveillé... » - Shhh... - Avais-je simplement fait, doucement. J'avais assez dormi. Je pivotais sur moi-même pour lui faire fasse, les bras pliés devant moi, mon regard dans le sien mais le sien était ailleurs. Pourtant je le fixais, je le dévisageais sans la moindre forme de honte. Je connaissais les traits de son visage par cœur mais ces traits là... Ils me dérangeaient et je les découvrais au rythme de mes craintes.

Tu sais... - Je glissais ma main vers la sienne, suivais les lignes de sa paume et soupirais. - Je sais pas comment dire. Je sais pas... Je sais pas quoi te dire. - Mon regard quittait nos mains pour se lever sur son visage. - Je préfère être honnête avec toi. Je suis dépassé. Je voudrais pouvoir trouver des mots qui t'aideraient mais je ne sais pas les choisir. Et ça me torture. - Je mordais ma lèvre inférieure entre mes canines et poursuivais. - Je suis en colère tu sais, en colère contre eux. Et contre moi aussi. Mon premier réflexe c'est d'aller après eux. Je veux qu'ils payent pour ce qu'ils t'ont fait. - Mon poing se serrais au creux de sa main. - Je sais que tu veux pas ça... Mais c'est la seule chose que j'ai l'impression de devoir faire. - Comme si ça allait arranger quoi que ce soit... Mais en un sens, c'est aussi moi que je voulais venger. Les souffrances que j'avais dû endurer. - Tout le reste me semble tellement flou...
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Nous nous retrouvons maintenant face à face, dans l'intimité de la pénombre, comme deux gamins d'une même fratrie qui se seraient retrouvés pour partager un secret. Il laisse échapper un son, « shhh » qui se dissimule dans la nuit et disparaît. Les traits de son visage m'apparaissent, je le regarde comme s'il était simplement en train de dormir. Je fais le dos rond et je sens une tension dominer mon corps, je fronce les sourcils, demeure silencieux pour ne pas le déranger davantage. C'est juste que... ça me semblait naturel de venir ici... Là-bas c'est comme s'il avait toujours été avec moi ; à l'hôpital, il l'a été aussi. Peut-être devrais-je le laisser respirer, tout simplement ?

« Je voudrais pouvoir trouver des mots qui t'aideraient mais je ne sais pas les choisir. Et ça me torture. » Ma main se serre autour de ses doigts, juste une seconde. Mais je le laisse terminer. Les mots qui m'aideraient. Ils doivent exister, je ne pense pas qu'il n'y ait rien qui ne puisse m'aider. Je ne pense pas que ce soit possible, il y a pour chacun les mots qu'on a besoin d'entendre, certainement... Je relâche sa main qui se serre en un poing quand il me confie son souhait d'aller les retrouver, de les poursuivre, de les faire souffrir avait-il dit me semble-t-il encore entendre... Et pourtant, Kayden n'a aucun devoir envers moi. Tout ce qu'il pouvait faire, il l'a fait.

Aussi, dans un chuchotis, je prononce son prénom. Mon pouce s'immisce au creux de sa main pour desserrer son poing. Je prends une longue inspiration. Au fond de moi, je sens que ces mots seront le prologue d'un fiction malade et maladive, et qu'aucun de nous ne veut entendre ce que sera l'épilogue... Et pourtant... « Je dois te dire que... » parce que je ne veux pas lui mentir, ces mensonges et ces silences que je dispense déjà autour de moi me rendent malade, me rendent mauvais... « il n'y a aucun mot qui peut m'aider. Parce que je ne veux pas être aidé. » Un sanglot monte, je le ravale et pose mon regard contre celui de Kayden. Ma main joue avec la sienne, j'étends doucement une jambe dans le lit et essaie de me détendre doucement mon corps, levant les yeux vers le plafond une seconde. Puis je le fixe à nouveau, j'entrouvre la bouche. Je ne cherche pas mes mots, je sais ce que je vais lui dire. « Je ne veux pas être aidé, je veux être soigné. » Et nous savons tous les deux de quoi je parle.

J'ai accepté que pleurer n'était pas mal. Tant de fois, j'ai répété à mes élèves qu'ils pouvaient le pleurer s'ils le souhaitaient, quand les règles de notre société m'inculquaient depuis l'enfance que ce n'était là qu'un signe de faiblesse, et nous n'acceptons pas les faibles. Je ne veux pas me battre pour retrouver le sourire, je ne veux pas me battre pour sortir dehors, je ne veux pas me battre pour retourner à la X-Mansion. Mon unique souhait, il est égoïste.

De mon unique souhait dépend mon avenir. Kayden, je voudrais te dire que cette décision, elle s'est déjà imposée naturellement à moi. Je voudrais pouvoir t'avouer que je laisse une chance à la médecine, à la génétique, à la magie, à ce qu'on veut pour me rendre à nouveau ce que j'ai perdu. Je voudrais pouvoir te chuchoter que ma décision est prise et que passée cette chance... Je n'accepterai pas. Ne cherche pas les mots, parce qu'ils n'apaiseront pas une cicatrice dont je refuse qu'elle se referme. Ne cherche pas la vengeance de ceux qui ne veulent que nous détruire et nous monter les uns contre les autres. Je ferme les yeux et serre simplement la main de Kayden dans la mienne. Mon souffle est lent, je suis calme. Je lui annonce simplement : « Tout ira mieux demain. »
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Mon poing ne résistait pas à son pouce et je le laissais faire. Ça ne faisait que quelques petites semaines que Warren savait qui j'étais. Réellement. Mais il m'avait toujours connu. A part pour mon identité, je ne lui avais jamais menti. Mon passé je le lui avais caché, mais je lui avais fais comprendre que c'était volontaire. Ma vie il la connaissait. Mon nom il s'y était habitué. Et dans mes pensées, dans mon caractère et ma moralité, j'avais toujours été entier avec lui. Je n'avais caché que le nécessaire, je lui avais offert tout le reste, et de fait malgré les révélations qu'il avait dû digéré durant l'été, nous n'avions jamais été divisé car il avait toujours connu le vrai moi. Il m'avait toujours connu. Alors lorsque son pouce venait briser ma rage, je m'apaisais. Et lorsqu'il parlait, ma respiration se bloquait. Et lorsque je percevais le sanglot dans sa gorge, ma respiration ne revenait pas. Il ne voulait pas être aidé. Il voulait être soigné, et c'est seulement là que je respirais à nouveau. L'espace de quelques secondes j'avais eu peur. J'avais eu peur qu'il s'abandonne, qu'il m'abandonne. J'avais eu peur qu'il refuse mon aide même ridicule. J'avais eu peur qu'il me repousse moi aussi même si je lui avais interdit de le faire. Mais finalement c'était autre chose. C'était un but. C'était un malheureux déni que je ne voyais pas encore. Ou que j'ignorais.

« Tout ira mieux demain. » - La lueur de la nuit qui traversait la fenêtre me permettais d'observer ses traits et ma main glissait pour aller se poser sur sa joue de toute sa grandeur, avant que mes doigts n'aillent se glisser dans ses cheveux. Il pouvait voir mon sourire rassurant pendant que je lui parlais.- S'il y a un moyen, même un simple espoir de te rendre tes ailes, alors soit certain que je ferais tout ce que je peux pour te l'obtenir. - Mon visage approchait du sien et mes lèvres venaient embrasser son front dans le silence. - Maintenant essaye de dormir, c'est pas parce que t'as pioncé deux jours que t'as le droit de veiller tard, mon grand. - Lui dire de retourner dans son lit? Pourquoi? S'il était venu là c'était qu'il en avait ressenti le besoin. Il n'avait pas à partir. Ma main venait masser son bras et finalement je fermais les yeux. Je ne sais pas s'il avait réussi à s'endormir ensuite, mais j'étais parvenu à trouver le sommeil au bout d'une bonne dizaine de minutes. C'est la lumière du soleil qui m'avait réveillé, comme souvent, et j'étais resté un moment sans bouger à fixer le plafond, tantôt à le regarder dormir, et finalement je m'étais levé dans un silence parfait. J'avais fais le tour du lit sans toucher terre pour aller fermer les rideaux et lui offrir un peu de pénombre avant de quitter la pièce.

Utiliser sa salle de bain pour ne pas le réveiller puis boire mon café avant de sortir par le toit. Il était tout juste neuf heures lorsque je m'étais posé à Westchester. Il était à peine quelques minutes plus tard lorsque j'étais entré dans la chambre de Warren et que j'avais constaté les dégâts que j'avais fait. Alec m'avait vu arriver et s'était précipité dans la chambre pour m'interroger. J'avais senti son inquiétude mais je n'avais pu me résoudre à lui raconter. Je n'avais pu que suivre ce que Warren voulait, le silence. Alors j'avais fait ce que je savais faire le mieux, refouler, ignorer. Mais c'est un gamin intelligent, il avait deviné que quelque chose de grave était arrivé. J'avais rassemblé les affaires au mieux, récupéré ce que je pouvais. Alec m'avait aidé et je ne l'avais jamais trouvé si silencieux. J'avais vu Bobby ensuite, comme demandé. Je lui avais dit d'être prudent, de faire attention à lui, à Snow, à l'école. D'être vigilent. Je n'avais pu lui dire la vérité, mais son message avait été délivré. Alors avec les sacs flottants derrière moi j'étais retourné dans le hall, suivit par beaucoup trop de regards pour ne pas les sentir, et c'est là qu'une voix m'avait interpellé, accompagné du son caractéristique des roues automatiques de son fauteuil, avant de congédier tous les curieux. Xavier me demandait ce qui se passait, où il était, ce que je faisais, mais je ne disais rien. Je levais seulement un index sur ma tempe, lui demandant d'entrer, et alors qu'il visitait ma mémoire les larmes coulaient doucement sur mes joues. Il se murait dans un mutisme absolu comme il le faisait si souvent et j'en profitais pour m'éclipser. Il savait tout. Même ce que Warren ne devrait jamais savoir.

Lorsque je posais les pieds sur le toit il était midi et les sacs me suivaient dans les escaliers et jusque dans la chambre de Warren. Persuadé qu'il était toujours dans la mienne je n'avais pas fait attention et c'est seulement lorsque je le voyais dans son lit que je percutais. - Pardon. Je rentre de l'institut, j'ai tout récupéré. - Les sacs se retrouvaient posés le long du mur et je repartais dans l'autre sens. - Je descend, je vais inaugurer la cuisine, si jamais t'as faim. - Et me voilà rapidement en bas entrain de fouiller les placards pour me souvenir que non, j'avais pas fait les courses encore. Ce serait donc le chinois d'en bas et une trentaine de minutes pour revenir avec les boites blanches et fumantes...
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« Tout ira mieux demain ». Ces mots raisonneront un jour dans ton esprit et à ton tour, tu les susurreras et tu t'en convaincras. Quelle que soit l'issue qui s'imposera à moi, tu entendras cette phrase de mon ton confiant, et elle viendra nous réconforter. Je le fixe alors qu'il me dit s'il y a un moyen que je les retrouve, il fera tout pour que ça arrive. C'est ce « si » qui me fait peur.

Je referme les yeux, sursaute sensiblement quand il vient poser les lèvres contre mon front et souris, naïvement, m'excusant silencieusement pour ce réflexe un peu stupide. Ici, il ne peut rien arriver n'est-ce pas ? Même mes parents ne pourront pas me retrouver. Les doigts de Kayden viennent toucher mon bras et je me sens apaisé à ce contact. Je ne tarde pas trop à retrouver le sommeil. Sur la matinée, je crois entendre un bruit. Un bruit de quelque chose de creux qui se casse, l'écho d'une mélodie désagréable qui m'est familière. Auparavant allongé sur le ventre, je tends l'oreille. Une douleur dans ma poitrine me rappelle un élan angoissé, je reste figé quelques secondes puis pivote pour lancer une œillade vers la porte de la chambre. Personne.

Je reste un moment ainsi, à attendre de voir une silhouette qui ne fait pas son apparition et je m'extirpe finalement du lit. Je me dirige à pas lents vers la cuisine, me sens profondément maladroit pour me faire un simple café et me sens un peu mieux quand j'ai bu les premières gorgées du miraculeux breuvage. Je m'installe au jardin d'hiver et observe simplement le ciel, ma tasse entre les mains. Une nuit est passée, une nuit qui aurait dû m'apporter conseil. Les conseils sont mauvais, tous mauvais. Le choc maintenant passé, je dois chercher des solutions. Pas attendre, pas simplement attendre. Je passe les mains sur mon visage. Mes idées me semblent parfois logiques et parfois totalement délirantes. Mais qu'est-ce qui ne l'est pas ? J'emporte la tasse et retourne dans ma propre chambre. Je vais me passer juste un peu d'eau fraîche sur le visage et me rallonge, camouflé sous la couverture.

Je reprends une paire de ces « cachets » et me cale sur le côté, enserrant un oreiller entre mes bras. J'y noie mon visage, j'y noie mon dépit et ma rage. Et pourtant, je me répète qu'ils ne savent pas, ils ne savent pas ce qu'ils font. Les larmes de colère viennent imbiber le tissu blanc. « S'il y a un moyen » Ils ont dit qu'ils n'y en auraient pas. Ont-ils été trop défaitistes, ou je me raccroche à des espoirs stupides ? Les idées se bousculent dans ma tête. La première d'entre elles consistent à rouvrir ces plaies, ne pas accepter qu'elles puissent se refermer un jour, ne pas accepter que mon dos guérisse sans ailes. Je préfère encore que tout pourrisse sur place. Je profite de l'absence de Kayden pour laisser sortir cette peine, pour l'étouffer contre l'oreiller. Et c'est ma faute. Tout ce qui s'est passé n'est que de ma faute. La faute de ma naïveté, de ma négligence, de ma bêtise, de mon arrogance.

Une fois que mon visage s'est creusé, que la brûlure des larmes a embrasé mon regard, le sommeil finit par m'emporter de nouveau. Cette fois, je me réveille par intermittences, en venant à tendre le bras à côté de moi. Sans y trouver qui que ce soit. Un douleur lancinante, une crampe, je fais mon tendre l'aile sans la voir se déplier près de moi. Je soupire simplement, incommodé par les pansements de mon dos qui se sont légèrement décollés sur un côté. Je me cale contre l'oreiller et reste au lit. Ici ou ailleurs après tout... Je rouvre les yeux quand j'entends des bruits dans la chambre, et aperçois Kayden suivi de plusieurs sacs. C'est bon, il s'y est rendu. Je pourrais lui demander ce qu'il a dit mais s'il a tenu sa parole, je sais ce qu'il n'a pas dit et c'est suffisant pour l'instant. « Pardon. Je rentre de l'institut, j'ai tout récupéré. » Je regarde vers les sacs, je prendrai ce dont j'ai besoin plus tard.

Je le laisse sortir pour retrouver la cuisine. Je porte la main à mon ventre, j'ai faim aussi mais je me contente de m'asseoir sur le bord du lit quelques minutes après son départ pour retrouver quelques affaires importantes. Je sors ma prise de portable, histoire de pouvoir simplement prendre connaissance des messages que j'aurais pu recevoir. Surtout, ne fixer aucun rendez-vous par ce biais... je le branche et l'allume avant de l'abandonner en silencieux sur la table de nuit. Je sors aussi mon ordinateur que je pose sur le bureau encore vierge de toutes affaires. Je me saisis d'un t-shirt, le déplie pour regarder la taille. Je me défais de ce que je porte et l'enfile. Il est trop grand mais ce n'est pas grave. Je joue avec le bas du vêtement puis récupère l'ordinateur que je pose contre mes cuisses alors que je me rassieds dans le lit. Je pianote rapidement puis réfléchit à comment me faire livrer quelque chose sans donner cette adresse... je pourrais donner de l'argent au concierge pour aller chercher quelque chose pour moi... J'envoie donc un message à mon père, lui disant que je ne lui écris que parce que j'ai besoin qu'il m'envoie quelque chose...

Quinze minutes plus tard, je descends – sans ma première tasse d'ailleurs – et vais me poser dans le jardin d'hiver en attendant le retour de Kayden. Et s'il ne revenait pas ? Je fronce les sourcils, fixant le salon, j'amène mes genoux contre ma cage thoracique. Et s'il ne revenait pas ? Je ne veux pas y aller, aller où ? Et s'il ne revenait pas ? Mes jambes me demandent de sortir, de courir droit devant moi sans me soucier de la destination. Et s'il ne revenait pas ? J'irai le chercher, même si j'ignore où... Et s'il ne revenait pas ? Je frotte mes yeux et attends son retour... Finalement la porte d'entrée claque, je suis rassuré de le voir faire son apparition dans le coin cuisine pour poser ses paquets sur le plan de travail. Hey... Non, pourquoi lui dirais-je cela ? Merci pour ce soir, pour la veille, d'être toujours là. Merci de sacrifier ta liberté nouvellement acquise et ton bonheur potentiel pour moi...
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Un coup de téléphone pour commander et je m'étais mis en route. Comme lorsque je vivais à Brooklyn, avant qu'un connard ne fasse exploser mon immeuble, j'aimais marcher. J'aimais me balader dans les rues et avenues, respirer l'ambiance du coin, m'en imprégner. Tribeca était plus animé que mon quartier d'avant, mais j'aimais ça aussi. J'aimais cette vie. Tout bougeait. Une trentaine de minutes, c'est tout ce qu'il me fallait pour faire l'allé retour au restaurant. J'avais pu rencontrer les employer, de vrais chinois, chose extraordinaire dans la restauration asiatique, et me dire que ceux-là étaient des bons lorsque nous avions commencé à discuter dans leur langue. Je pense qu'ils avaient apprécié l'échange eux aussi. Parfois on peut se dire que ces gens parlent dans leur langue, devant nous, pour mieux se foutre de nous... Pas eux. Je l'aurais forcément su. Je lançais un regard au concierge en passant, encore, et l'imaginais sans mal se dire que ce nouveau locataire tenait vraiment pas en place. Finalement la porte claquais en coulissant et je posais tout sur l’îlot de la cuisine avant de voir la silhouette dans le jardin d'hiver. Mon regard montait à lui et je lui souriais rapidement avant de continuer à déballer. Pas sur qu'il l'ait vu.

Je compressais les sacs plastique entre mes mains et les foutaient dans la poubelle. Manger, manger, manger. Warren descendait les escaliers et s'arrêtait l'espace d'une seconde avant de repartir vers le canapé. - « Ça s'est bien passé? » - Il se posait sur le canapé et je posais mon regard sur lui. - « Ils vont bien? » - J'ouvrais les boites une à une. - Ils vont bien, mais ils étaient inquiets. Ils le sont toujours d'ailleurs. - Une autre boite ouverte. - Faut dire que j'ai retourné tout l'étage en partant... - Merde, non, ne pas revenir à ce moment-là, pas à cette soirée là.  - Alec m'a sauté dessus dés qu'il m'a vu. - Les boites se mettaient à flotter et je les dirigeais vers le salon, moi aussi. - J'ai vu Bobby, je lui ai bien dit d'être prudent et de garder le fort. - Car l'école aussi était en danger. Cette femme avait menacé de la prendre d'assaut, d'une façon ou d'une autre, un jour ou l'autre. Je lui souhaitais bien du courage, et d'y rester par la même occasion.

Je me laissais tomber dans l'autre bras du canapé. - Ça a pas été évident de les mettre en garde sans vraiment leur dire de quoi il retournait. - Et sous le regard de Warren je me dépêchais de le rassurer. - Mais je leur ai rien dit, ne t'inquiètes pas pour ça. Par contre... - Des baguettes entre les doigts, je jouais avec un morceau de poulet jaunis par la sauce. - Au moment de partir Xavier m'a coincé. Il a dû sentir mon état. Je lui ai rien dit mais... - Je baissais légèrement les yeux puis les relevais. - Je l'ai laissé regarder. Je sais que tu voulais pas qu'ils sachent mais je me suis dit qu'au moins lui devait savoir. Je suis certain qu'il ne dira rien aux autres, mais au moins lui devait savoir ce qui s'était passé pour vraiment pouvoir appréhender la menace. - Je me sentais mal maintenant. J'étais sûr de ce que j'avais fais et sur le moment je savais que c'était la bonne chose à faire. Mais maintenant que je le lui racontais, j'avais l'impression de l'avoir trahis. Mais je tentais de me justifier, de m'excuser. J'avais passé peu de temps là-bas par rapport à Warren mais j'avais pu rencontrer Xavier plusieurs fois, discuter avec lui, surtout la première fois. La première semaine que j'avais passé là-bas, suite à la nuit de mon cauchemars, il avait voulu me rencontrer, discuter avec moi... - Tu le connais, il gardera ce qui s'est passé pour lui. - ... et j'avais pu cerner sa personnalité. Il ne dirait rien.
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Je porte le jean de la veille, ça m'énerve. Je chercherai quelque chose de plus confortable dans mes affaires plus tard. Je n'aime pas m'adosser au mur, m'asseoir sur le sol, je n'aime pas l'idée que certaines choses sont devenues plus faciles, plus aisées, je n'aime pas l'idée d'accepter que quoi que ce soit de positif puisse ressortir de cette expérience. Je ne sais pas à qui en vouloir, j'ai besoin de trouver un responsable à ma portée. Mon regard croise celui de Kayden, je le suis du regard un moment. Fais-moi Kayden voler, fais-le... Je baisse la tête entre mes genoux. J'écoute le bruit de ma propre respiration, me berce dans le calme de l'appartement avant de finalement prendre sur moi pour me lever et rejoindre Kayden.

Je me rapproche de lui, inspire et finalement me dirige vers le canapé sur lequel je m'assieds silencieusement. J'hésite un moment puis demande simplement à mon frère si ça s'est bien passé. Qu'est-ce qui aurait pu mal se passer ? Je frotte ma nuque. Ils étaient une équipe soudée, forte, solidaire avant que je n'arrive dans leurs vies, ils le seront tout aussi bien après. Ils sont forts, ils ont simplement besoin de le rester. Je m'assieds, je veux simplement qu'il ne leur ait rien dit, simplement. Qu'ils continuent à vivre, et parce que je ne saurais pas quoi leur dire dans le cas contraire.

Je m'enquis de savoir comment ils vont, envieux de Kayden de s'y être rendu. Ils me manquent déjà, les professeurs, les élèves, chaque pièce de l'Institut, où j'ai vécu chaque jour de ma vie d'adulte. Je fronce les sourcils, le regard perdu dans le vide, sur une remarque qu'il fait mais ne relève pas tout de suite. J'accompagne Kay jusqu'au canapé, le guettant de mes yeux clairs. « Au moment de partir Xavier m'a coincé. Il a dû sentir mon état. Je lui ai rien dit mais... » Mon regard inquisiteur ne le lâche pas. Mais... Je ne sais pas, mais je sens la mauvaise nouvelle pointer. La façon dont il baisse les yeux. Je reste immobile, nos regards se croisent quand il sort de sa courte torpeur. « Je l'ai laissé regarder. »

Je soupire, balaie les justifications de Kayden d'un mouvement las du bras. Je n'ai même pas l'énergie pour m'énerver, ou est-ce simplement que je ne sais pas m'énerver contre lui, je n'en sais rien. Il devait savoir ? Il devait savoir ? Il n'avait besoin de rien savoir de tout cela, tout simplement parce que j'ai décidé qu'il ne devait pas être mis au courant ! Je porte la main à mon front, il ne devait pas savoir. Et quoi maintenant ? Charles n'est pas bête, il n'ira pas le raconter à l'école, c'est évident mais... Le fait qu'il a pu lire dans l'esprit de Kayden m'agace, non, ça me met en colère. Est-ce que ça veut dire qu'il a tout vu à travers les yeux de mon frère ? Le spectacle affligeant dans cette ruelle et celui qui suivit ?

« Tu le connais, il gardera ce qui s'est passé pour lui. » Ma réponse claque comme une gifle. Aussitôt l'ai-je dite que je la regrette déjà, et pourtant je cherche à ne rien laisser transparaître de ce regret. Pour me déculpabiliser, j'en viens à me dire que c'est ce tiraillement dans mon dos qui doit parler pour moi. Foutus cachets qui ne font pas effet. Avant d'en reprendre deux en main, je lui demande donc ceci : « Il gardera ce qui s'est passé pour lui, comme toi ? »

Je lance les deux pilules dans ma bouche puis secoue la tête. Je quitte le canapé, le temps de me diriger à pas lents vers l'évier. Je bois une gorgée d'eau puis m'appuie au plan de travail une seconde. Mon regard se cale contre le sol et je lui demande finalement : « Comment ça tu as retourné tout l'étage en partant ? Comment as-tu su où me trouver ? »
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La réponse se faisait immédiate, cinglante, et j'aurais préféré qu'il me frappe plutôt que de dire ça. Qu'il me frappe fort. Les mots étaient plus fort que les gestes car ils faisaient plus mal, tellement plus mal. Et lorsqu'il me disait ça, lorsqu'il assénait ce coup, je baissais les yeux comme un enfant de cinq ans qui a fait une énorme connerie. Les baguettes m'avaient glissé des doigts. Je pouvais m'étonner, j'avais révélé. Je n'avais rien dit mais jouer sur les mots à cet instant aurait été de trop. Bien de trop. Non, je me murais dans le silence, avec une envie lancinante de pleurer. Pourquoi? Pour si peu? Ce n'était pas peu. C'était trois jours d'inquiétudes, un jour de tortures physiques pour deux de tortures psychologiques. C'était la peur et la peine. C'était tout d'un coup. Et ma traîtrise. Car si sur le moment je pensais bien faire, si maintenant encore je pensais toujours avoir bien fait, sous son regard inquisiteur je ne ressentais que honte et culpabilité. Il se levait pour aller vers l’évier et je remontais mes jambes contre mon torse en m'adossant au canapé. Je pouvais pas lui en vouloir de me dire ça Je pouvais pas lui en vouloir. Je devais pas lui en vouloir. Je pouvais pas lui en vouloir...

« Comment ça tu as retourné tout l'étage en partant ? Comment as-tu su où me trouver ? » - Mon regard se figeait et j'étais bien content pour une fois qu'il ne me regarde pas. - J'ai voulu vérifier que tu étais bien arrivé alors je t'ai appelé, et comme je réussissais pas à t'avoir j'ai appelé ta mère... - Et comme il savait très bien maintenant que sa mère était loin de là à ce moment, je ne prenais pas la peine de continuer mon récit. - Du coup j'ai compris qu'il y avait un problème et tu sais comment fonctionnent mes pouvoirs. J'ai laissé la chambre dans un état lamentable, j'ai pas vu les autres mais Alec m'a dit que la sienne avait subi le carnage aussi. - Il savait que mes pouvoirs répondaient à mes émotions. Il savait que lorsque j'avais peur, lorsque j'étais en colère, mes pouvoirs s'activaient d'eux-mêmes. Il avait déjà pu observer mon électromagnétisme griller des appareils ou plus récemment mon corps s’illuminer lorsque j'avais peur. Mais mon contrôle de la gravité avait toujours été mon don le plus puissant car le plus ancien, et cette fois la peur l'avait déchaîné. Comme un état second. Lui.

J'inspirais difficilement, la gorge nouée de façon bien audible. Je me sentais mal, terriblement mal, mais contre les apparences ce n'était pas mon mensonge dévoilé qui me tenait ainsi, mais bien celui qui ne l'était pas. Je repensais à la véritable raison de ce carnage, au pourquoi des blessures cachées par mes vêtements, à la cause de ce toit dévasté de Brooklyn. La vérité. Je revoyais tout dans ma tête comme si j'avais été à sa place, et en même temps je me revoyais moi qui subissait tout ça. Je voyais tout ça, encore, ça me hantait depuis cette soirée, et c'est ça qui nouait ma gorge. Mais je l'avais subi. Mais je ne l'avais pas subi. C'était impossible à relativiser et j'avais l'impression à cet instant d'être la victime de son malheur. D'être celui qui était attaché à cette table... Mais je l'étais? Non? Mais je devais être fort, je devais relativiser, je devais le faire. Parce qu'il était la cible, et moi l'écho. Je devais être capable de tenir le coup, pour qu'il se repose sur moi. Alors je soupirais, chassant ce sanglot qui me tenaillait. Je devais être un roc, même si j'étais pas foutu de dormir la nuit. Tant pis. Je dépliais les jambes. - Et je t'ai trouvé grâce à ton téléphone. - Un rire stupide trahissait ma gorge. - Ils devaient le brouiller mais quand ils t'ont... "relâché", j'ai pu te localiser. - A mi-voix en prenant la boite de poulet je rajoutais... - Et c'était pas trop tôt après avoir quadrillé toute la ville...
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