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Seth avait passé plus d'une heure à se préparer. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi : pour faire bonne impression ? Montrer à Theodor qu'il était bien dans sa vie, qu'il avait une situation confortable ? Il soigna encore un peu le col de sa chemise, et épousseta le plat de sa veste. Ses cheveux étaient un désordre organisé, comme à leur habitude. Il avait mis du parfum. Du parfum ! Tant d'années s'étaient écoulées. Ils n'étaient plus les adolescents du pensionnat où ils s'étaient rencontrés. Ils avaient mûri, avaient chacun vécu une vie bien remplie. Se retrouver après tant d'années était étrange. D'autant que Theo avait été son meilleur ami, la personne qu'il aimait le plus durant un temps. Mais il n'avait pas surpassé Dieu. Seth avait rejoint les ordres sans un au revoir à son ami. L'un des seuls regrets qu'il pouvait avoir.

Bar 13, Manhattan, 20h. Voilà le sms envoyé par Theo, quelques heure plus tôt. Aussi clair et concis qu'il en avait l'habitude quand, plus jeune, il glissait des petits mots dans ses cahiers pour lui dire de se rendre à tel endroit, à telle heure. C'était généralement le signe qu'ils allaient faire les quatre cents coups – mais Seth calmait le jeu. Seth était la bonne conscience, Theo était la fougue adolescente. Avaient-ils beaucoup changé ? Pourraient-ils retrouver leur complicité d'antan ? L'ancien prêtre s'interrogeait en regardant par la vitre du taxi. Il n'était pas seul sur la banquette arrière. Il y avait un autre homme. Son crâne luisait, écarlate, tandis que ses yeux vides se posaient sur Seth. Il grognait. Il voulait parler, mais n'y arrivait pas. Probablement parce qu'il avait un couteau enfoncé dans la gorge. Cet accessoire se mariait étrangement bien aux longues coupures qui striaient son visage. Le psychologue faisait de son mieux pour ignorer les gémissements du défunt, et ses gestes désespérés. « Va-t'en, va-t'en, va-t'en. » murmurait-il. Le chauffeur de taxi le regardait dans son rétroviseur, les sourcils froncés. Seth l'ignora aussi. Il était devenu plutôt bon à ce jeu.

Quand le véhicule s'arrêta enfin, il régla rapidement et sortit en fermant la porte avec force. Le cadavre était toujours dans le taxi. L'air était frais et le bruit rassurant de la ville le ragaillardit. Il allait revoir Theo. Cette perspective le remplissait de joie, de crainte aussi. Les souvenirs de son ami étaient intacts, ils étaient beaux et le ramenaient à une période de sa vie où tout était plus simple. Si ça se passait mal, si leur lien était brisé, est-ce que tout le reste, tous les souvenirs, ne seraient pas entachés ? Il réfléchissait trop. Seth secoua doucement la tête, et poussa la porte du bar. Il avait pourtant dit à Theodor qu'il ne buvait pas d'alcool ; mais peut-être voulait-il le corrompre, comme avant ? Lui faire découvrir les petits plaisirs de la vie ? Seth avait un sourire bête sur les lèvres quand il repéra son ancien ami. Il n'était pas très à l'aise, dans les endroits bondés. Il ne savait jamais qui était vivant, qui était mort. Il se contentait d'éviter tout le monde et de garder la tête baissée, ou les yeux dans le vague. Mais ce soir, il avait la tête haute, tout droit fixée sur Theodor. Il s'approcha de la table à laquelle il était assis, et resta debout, planté comme un piquet, attendant que Theo lève les yeux vers lui. Ce qu'il fit après quelques secondes. « Bonsoir, Theo. » Il avait la voix calme, le parler très ecclésiastique. Seth était convaincu qu'on pouvait déceler le prêtre en lui, à n'importe quel mot qu'il prononçait. Theo se leva : il avait toujours été plus grand que Seth. Cela n'avait pas changé. Ni son sourire un peu taquin, ni son regard inquisiteur, curieux. Face à lui, après tant d'années, Seth ne voyait pas comment Theo aurait pu avoir vieilli autrement. Il était comme il devait être, charmant, élégant … Un bel homme, et un homme de carrière, semblait-il, étant donné les vêtements qu'il portait, la montre à son poignet. Rien de bien étonnant, s'il avait repris le poste de son père, comme il l'avait précisé durant leur échange de messages. Seth tend la main un peu rapidement, et Theo la prend, la serre, avec vigueur. Puis ils s'assoient tous les deux, face à face.

« Je suis content de te voir. » fait Seth, tout sourire. « C'est étrange. Tu as changé, et en même temps, tu es toujours le même. » dit-il, toujours calme, mais un rire dans la voix. Il ne peut s'empêcher de le regarder. Il était son meilleur ami. Il le sera encore, Seth espère. Il veut tout savoir de lui, de ce qu'il a fait durant tout ce temps. Ce qu'est sa vie. S'il a une épouse, des enfants. Penser à ça le chagrine un peu – toute leur adolescence, c'était Theo et Seth, et personne d'autre. Revenir à ça serait un vrai bonheur pour l'ancien prêtre : eux deux contre le reste du monde. Mais il a bien fallu grandir. Theo a fait sa vie, et elle comprend sûrement une femme, ou du moins, un amour. Comme celle de Seth est empreinte de son amour pour Dieu. « Ça fait plus de vingt ans … Comment est ta vie, Theo ? Raconte-moi. »


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setheo •• love you for a day Tumblr_nt6itk26K61s7711wo1_500 Il était si nerveux, si stressé qu’il ne voyait pas à quel point il avait des difficultés à attacher le bouton de sa manche de chemise. Ses pensées s’envolaient ailleurs, zappant sa concentration, l’étouffant au plus profond de lui. Il avait osé renouer avec Seth Fleming en lui envoyant ce malheureux petit texto. Il n’en avait pas dormi de la nuit tout angoissé qu’il était à l’idée de franchir ce pas qui l’effrayait tant. Theodor savait que cet homme le mettait dans tous ses états. Il gardait les souvenirs de leur passé commun comme un bien précieux au plus profond de sa mémoire et osait ressortir les quelques moments qu’ils avaient vécu ensemble que lorsqu’il sentait qu’il perdait pied. Il laissait le souvenir de Seth et sa douce lumière dorée l’envahir. Dans ce genre de moment, il se sentait apaisé et en paix avec lui-même. Il pouvait dire adieu aux responsabilités que son père lui avait laissé et plonger à corps perdu dans ce passé si joyeux. Theodor se regardait dans le large miroir en pied qu’il avait dans sa chambre et s’arrêta un court instant, grognant pour lui-même. On frappa trois coups à la porte et il n’eut pas besoin de demander qui c’était pour savoir que de l’autre côté, Amalia était là. « Entre. » Fit-il. Il vit d’abord les ongles vernis de la femme avant de voir la haute silhouette franchir le pas de la porte. Elle lui lança un sourire éblouissant et vint coller un baiser sur sa joue. « Regarde-moi ce massacre. T’es incapable de te préparer seul on dirait ! » Fit-elle en désignant sa chemise mal boutonnée et ses mains tremblantes. Theodor leva les yeux au ciel et tendit ses deux mains devant lui. Amalia s’occupa de refermer les boutons de ses manchettes et laissa son frère remettre la chemise comme il fallait. Elle s’installa sur un fauteuil près de la fenêtre et regarda son cadet se mouvoir dans la pièce comme un lion en cage. Elle eut un petit sourire moqueur. Theodor et son Seth. Il lui semblait que ça faisait une éternité qu’elle n’avait pas vu son frère dans un tel état de nervosité. Pourtant, on ne pouvait pas dire que Theodor était un grand nerveux, c’était même tout le contraire. « Arrête de bouger autant, tu me donnes le tournis. Il ne va pas te dévorer tu sais. » Il lâcha les affaires qu’il rassemblait et se tourna vers sa sœur. « Cesse de te moquer veux-tu ? » Fit-il en la pointant du doigt. Elle étouffa un léger rire avec le dos de sa main. Theo avait été si fébrile en recevant la réponse à son premier texto qu’elle avait bien cru le perdre ce jour-là. Elle n’avait jamais ignoré l’effet qu’avait ce Seth sur lui. Elle se souvenait que trop bien des lettres que Theo lui envoyait de l’internat où il peignait le portrait de ce jeune homme si particulier à ses yeux. De l’homme à l’aura dorée. Elle s’était moquée de lui et son aptitude à voir la couleur des gens avant de se rendre compte que comme elle, il avait une aptitude qui le rendait particulier. « Ça me fait peur, Ama. » Elle balaya la réplique de Theo d’un revers de la main. « Tu vas être en retard. » L’allemand pivota sur lui-même pour vérifier l’horloge et oui, en effet, il allait être en retard. Il se bouscula un peu plus, attrapa sa veste qu’il enfila par-dessus sa chemise et réajusta sa cravate. Peut-être était-ce un peu trop conventionnel ? Il eut un moment d’hésitation puis croisa le regard d’Amalia dans le miroir, il sentait que s’il touchait encore une fois à sa tenue, elle allait le chasser de la maison à coup de pieds aux fesses. Il secoua la tête, attrapa son porte-monnaie qu’il glissa dans la poche de son pantalon et sortit sans un dernier mot pour sa sœur.

Il héla un taxi en sortant dans la rue et lorsqu’il se retrouva dans l’habitacle de la voiture, l’angoisse l’envahit de nouveau. Il ne put s’empêcher de ressortir son téléphone et relire la conversation qu’il avait eue avec lui. Encore. Pour la centième fois, il s’abimait les yeux à la lecture des mots de Seth. Je ne t’ai pas dit au revoir. Mes amitiés. J’espère te voir bientôt. Je place en toi ma confiance aveugle. Comme avant. Il avait été pris dans une tempête de sentiments en lisant tout ça. Là encore, il sentait un sourire niais collé sur ses lèvres qu’il effaça bien vite en voyant le conducteur du taxi le regarder dans le rétroviseur attendant d’être payé. Ils étaient déjà arrivés ? Theodor lui donna ce qu’il fallait, sortit du véhicule et entra dans le bar. Il s’installa à une table et attendit pendant de longues minutes. Il sentait son cœur bondir à chaque fois qu’il voyait la porte s’ouvrir puis reprendre un rythme normal en s’apercevant que ce n’était pas Seth. Lorsque ce fut finalement lui, il se sentait au bord du malaise. Seth n’avait pas changé. Une mâchoire peut-être un peu plus carrée, mais c’était toujours lui. Theo eut un froncement de sourcil en s’apercevant que l’aura qui l’entourait n’était plus aussi vive qu’avant. Il leva les yeux vers son visage lorsqu’il se planta à leur table. « Bonsoir, Theo. » Il sentait ses entrailles fondre en entendant cette voix si posée et calme. Il se racla la gorge pour se donner de la contenance et se dressa à son tour pour le saluer. « Bonsoir, Seth. » Il espérait ne pas avoir laissé transparaître trop d’émotion dans sa voix. Ses yeux se perdaient dans les siens et ce ne fut que lorsque Seth tendit sa main qu’il redescendit sur terre. Il s’en saisit et la serra vigoureusement. Peut-être un peu trop. Dieu qu’il était nerveux. Cependant le contact avec la main de Seth l’électrisa. Sa paume était chaude et dégageait une chaleur rassurante. Theo lui sourit et ils s’installèrent autour de cette table. Ils avaient tant à se dire. « Je suis content de te voir. C'est étrange. Tu as changé, et en même temps, tu es toujours le même. » Theodor baissa la tête. Et pourtant… maintenant il était chef d’entreprise et un des chefs de l’HYDRA. Seth ne serait pas si content de le voir si seulement il savait. L’allemand préféra chasser ces pensées négatives pour le moment. Il avait des journées entières pour y penser, ce soir c’était exclusif à Seth et lui et rien d’autre. « Ça fait plus de vingt ans … Comment est ta vie, Theo ? Raconte-moi. » Il détailla l’homme un instant avant de se lancer. Il avait toujours cette candeur particulière même s’il voyait au fond de ses yeux qu’il y avait autre chose de plus sombre, de plus dur. Qu’avait été la sienne pendant vingt ans ? Theodor haussa les épaules. « Comme je te disais, j’ai pris la succession de mon père suite à son décès. Je n’étais pas préparé même si on savait que tôt ou tard ça allait être moi à sa place. J’aurai préféré qu’Amalia soit à ma place. Tu te souviens d’Amalia ? Elle est médecin en chef maintenant et elle est maman de trois gosses. Je voyais plus Amalia dans ce rôle, elle sait s’en sortir avec tout ça, moi… » Il s’arrêta brusquement et lança un sourire à Seth. « Je ne suis pas là pour me plaindre. Ce soir, nous nous retrouvons et c’est ce qui compte. Qu’as-tu fait, toi, en vingt ans ? » C’était un peu une manière de dire je ne veux pas qu’on parle de moi, parle-moi de toi, qu’as-tu fait ? Qui as-tu aimé ? Pourquoi es-tu parti si rapidement ? Pourquoi m’as-tu laissé ?
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Il n'y avait pas plus formel, pas plus convenu, pas plus impersonnel que leurs retrouvailles. De l'extérieur, ils avaient l'air aussi à l'aise que durant une réunion d'affaires – et les vêtements qu'ils portaient, l'attitude qu'ils arboraient, paraissaient également le reflet d'une rencontre entre commerciaux. Il fallait être face à Seth, ou face à Theo, pour voir la petite étincelle dans leurs yeux. La lueur de complicité qui autrefois les habitait, et qui désormais réapparaissait, ternie et abîmée, mais toujours aussi féroce. « Comme je te disais, j'ai pris la succession de mon père suite à son décès. » L'ancien prêtre s'autorisa un bref regard vers le plafond, et plus haut encore, le ciel. Il murmura une prière silencieuse à l'âme du paternel Leonhard, espérant être entendu. Un raclement de gorge quelques pas sur sa droite sembla répondre à son hommage muet. « Je n'étais pas préparé, même si on savait que tôt ou tard ça allait être moi à sa place. J'aurai préféré qu'Amalia soit à ma place. » Seth laissa son regard dériver sur la droite, pour voir le visage souriant d'une femme dont les dents manquaient. Ses yeux aussi, manquaient. Deux orbites vides et sales. Une vision assez peu agréable. Seth tourna vivement la tête vers Theo, qui semblait n'avoir rien remarqué. « Tu te souviens d'Amalia ? Elle est médecin en chef maintenant, et elle est maman de trois gosses. Je voyais plus Amalia dans ce rôle, elle sait s'en sortir avec tout ça, moi... » Il a les yeux qui pétillent un peu. Son sourire désarme l'ancien prêtre, lui fait oublier la morte qui le fixe de ses yeux absents. « Je ne suis pas là pour me plaindre. Ce soir, nous nous retrouvons, et c'est ce qui compte. Qu'as-tu fait, toi, en vingt ans ? » Fleming sourit à son tour, un peu gêné. Il n'a jamais beaucoup aimé parler de lui. Quand on entre dans les ordres, on abandonne ce genre de manie. Bien qu'il ait rejoint le SHIELD il y a quasiment dix ans, il reste attaché à certaines valeurs.

Mais la morte râle à nouveau, et il faut couvrir le bruit de sa gorge qui gratte. Il faut aussi reconnecter avec Theo, pas vrai ? C'est pour ça que Seth est venu. Il tousse, l'une de ses mains vient replacer une mèche de cheveux en épi. « J'ai passé une bonne partie de ces vingt ans auprès de Dieu. » Il adopte une voix douce pour confier ça. Ce n'est pas toujours bien accepté par ses pairs, mais si Theo n'a pas trop changé, il comprendra. Après tout, il était son meilleur ami. Il le connaissait mieux que personne. Ça ne devait pas le surprendre plus que ça. « Mais je... J'ai vu un autre chemin, ensuite. Alors j'ai quitté les ordres. Ce que mes parents ont moyennement apprécié, comme tu peux l'imaginer – tu les avais rencontrés, je crois ? – mais peu importe. Je suis psychologue, depuis dix ans maintenant. » Un serveur s'approche. Seth demande un cocktail sans alcool. Theo, un verre de vin. Le silence entre eux, qui s'installe une fois le jeune homme parti, est calme. Tranquille. La morte grogne soudain. Seth sursaute. « Amalia, oui... Je me souviens d'elle. Je parie qu'elle est devenue tout ce qu'elle rêvait d'être. » Quand ils étaient plus jeunes, que Seth traversait encore la dure tempête de l'adolescence, il se souvient avoir éprouvé une certaine attirance pour la jeune femme, les quelques fois où il l'avait rencontrée. Elle était belle, c'était une évidence. Mais elle n'avait pas la douleur de Theo, elle n'avait pas son humour, elle n'avait pas son piquant. Et à choisir, il préférait garder son meilleur ami près de lui, plutôt que courir après une blonde au charme ravageur. « Trois enfants … Eh bien ! C'est un beau cadeau que le ciel lui a fait. » Il sourit à nouveau. La morte l'ennuie beaucoup. « Et toi, Theodor ? Une femme ? Des enfants ? Ou bien ton travail te prend trop de temps pour considérer une famille ? » C'est peut-être indiscret. Ils n'ont jamais eu leurs langues dans leurs poches, quand ils étaient ensemble, au pensionnat. Seth ne voit pas pourquoi les choses seraient différentes maintenant. En plus, il devait bien couvrir les braillements incompréhensibles du cadavre à quelques tables de là. Avec le temps, le psychologue avait perdu le peu de retenue qu'il lui restait. Être prêtre l'avait amené à poser les questions gênantes, à pousser les autres à se confier à lui. Il espérait ne pas avoir perdu cette qualité. Il voulait connaître Theo, le nouveau Theo : il voulait que ces retrouvailles fonctionnent. Il avait bien besoin d'un ami.


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setheo •• love you for a day Tumblr_nt6itk26K61s7711wo1_500 Theo suivait les moindres gestes de Seth. Il sentit son cœur s’emballer en le voyant replacer une mèche de cheveux qui résistait totalement à ses assauts. En grandissant l’homme avait pensé naïvement que cette fascination, cet amour qu’il portait à Fleming s’effacerait et s’il ne l’oubliait pas, que ça ressemblerait moins à une obsession. Mais il devait se rendre à l’évidence, le fait qu’il l’avait fait chercher un peu partout dans le monde par les meilleurs détectives privés qu’il pouvait s’offrir était la preuve qu’avec le temps, rien ne s’était amoindri. Bien au contraire. Il avait besoin de l’aura de Seth pour se sentir bien et pour exister dans le monde. C’était la seule qui l’apaisait, la seule qu’il n’avait pas envie de changer et la seule qu’il pouvait admirer sans retenue. « J'ai passé une bonne partie de ces vingt ans auprès de Dieu. » Theodor tiqua. Dieu ? L’Allemand hocha la tête. « Mais je... J'ai vu un autre chemin, ensuite. Alors j'ai quitté les ordres. Ce que mes parents ont moyennement apprécié, comme tu peux l'imaginer – tu les avais rencontrés, je crois ? – mais peu importe. Je suis psychologue, depuis dix ans maintenant. » Seth se fit interrompre par un serveur que Theo gratifia d’un regard noir. On venait les importuner. Personne ne devait les interrompre. Lorsque le serveur croisa son regard, Theo s’adoucit et commanda un verre de vin. Rouge. D’un grand cru. Il reporta son attention sur Seth laissant le serveur s’éloigner et le silence les entourer. « Amalia, oui... Je me souviens d'elle. Je parie qu'elle est devenue tout ce qu'elle rêvait d'être. » Fit-il semblant sortir de sa torpeur. Theo sourit, on pouvait dire ça. Ce qu’Amalia n’avait pas et où elle excellerait, c’était sa place au sein de l’HYDRA et à la tête de l’entreprise de leur père. « Trois enfants … Eh bien ! C'est un beau cadeau que le ciel lui a fait. Et toi, Theodor ? Une femme ? Des enfants ? Ou bien ton travail te prend trop de temps pour considérer une famille ? » Le serveur revint, portant les deux verres qu’il déposa devant ses clients. Theo le remercia et fit jouer son pouvoir, étalant son influence, teintant légèrement son aura avec du doute. Il voulait qu’il ne vienne plus les importuner sans que lui, Theodor Leonhard, lui demande de le faire. Le serveur sembla sortir de sa torpeur, s’inclina face à eux et partit. L’homme sourit et reporta son attention sur Seth. « Agatha, son aînée, ma filleule, est une gamine adorable et elle est très intelligente pour son âge. Elle me fait penser à Amalia parce qu’elle martyrise ses frères comme elle quand j’étais plus jeune. » Il rit. « Et les jumeaux, Gabriel et Mickael, sont bien jeunes, mais ce sont des petits démons. Qui dit jumeaux, dit les conneries multipliées par deux. Ama a beaucoup à faire avec eux, mais elle s’en sort comme une reine. » On sentait la fierté pointer dans sa voix. La famille de sa sœur était – plus ou moins – tout ce qui lui restait et il la chérissait énormément.

« Quant à moi… rien de tout cela. » J’ai préféré passer mon temps à te chercher. « Après le pensionnat j’ai voyagé, j’ai essayé de trouver un métier qui pouvait me plaire et j’ai failli me lancer, mais ça ne satisfaisait pas mon père du coup j’ai abandonné et j’ai suivi la route qu’il m’avait tracé. » Je voulais te retrouver alors j’ai laissé l’influence de mon père l’emporter. « Je n’ai pas le temps de m’intéresser aux femmes. » Aucune femme ne l’intéressait en fait. Il avait toujours été obsédé par Seth et personne n’arrivait à sa hauteur. Oh il avait bien essayé par le passé. Homme. Femme. Mais il n’avait pas eu cette étincelle qu’il était persuadé qu’il trouverait en étant avec Seth. Il porta son verre de vin à ses lèvres et but une gorgée. Il n’était pas terrible. « Qu’est-ce qui t’a poussé à sortir des ordres ? Une femme ? » Il n’espérait pas, mais ça n’expliquerait pas ce voile de fragilité qu’il pouvait voir sur son visage. « Ton travail de psy te plaît ? » Il pencha la tête sur le côté. Il essayait de comprendre comment cela se faisait que son aura n’était plus aussi vive, plus aussi doré, mais légèrement plus fade comme s’il lui manquait quelque chose ou comme s’il avait perdu quelque chose. Qu’est-ce qu’il avait bien pu ternir cet homme ?
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On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. C'est ce que Rimbaud écrivait. Seth avait lu ce poète français bien des fois, touché par le tragique de son histoire avec Verlaine, par la jeunesse, l'impudeur, l'insolence de ses rimes. Il s'y était retrouvé si souvent. Et il terminait ces quelques lignes quand les mains de Theodor vinrent s'abattre sur ses épaules. Il sursauta si fort qu'il en lâcha son livre. Theo riait bêtement, mais Seth avait les sourcils froncés, et il se pencha pour ramasser le recueil, avant de lancer un regard noir à son meilleur ami. « Je déteste quand tu fais ça ! » s'était plaint le plus jeune. « Et arrête de te moquer de moi ! » Theo ne se départait pas de son sourire pour autant. Il remonta les lunettes sur le nez de Seth. « Je ne ris jamais de toi, imbécile. » Quelque part, le cadet le savait déjà, mais entendre son ami le dire lui réchauffa le cœur. Il s'était habitué à être le souffre-douleur des autres pensionnaires. Il ne voulait pas de leur amitié, de leur gentillesse, de leurs sourires à eux. Il avait déjà tout ce dont il avait besoin auprès de Theo. Un petit temps de flottement s'installa entre eux. Ils se regardaient, Theo avait encore la main levée, deux doigts posés sur la vieille monture de métal des lunettes de Seth. Celui-ci baissa les yeux, incapable de tenir plus longtemps dans les iris de son aîné. Rapidement, discrètement, une main vint saisir son menton, relever son visage. Ses lèvres jusqu'alors étaient vierges et intactes. Theo les écrasa avec une douceur câline, une maladresse adolescente, à laquelle Seth ne s'était pas attendu. Il ferma les paupières, profita quelques secondes de ce contact. Puis il repoussa l'autre. « Non, non. Ce n'est pas comme ça que j'ai été élevé. » Il avait de la buée sur ses verres. Un peu de salive sur les lèvres. Il les essuya brusquement, évita le regard de Theo, et partit à grandes enjambées loin de lui. Loin de ce sentiment qui naissait dans son ventre, dans son cœur.

___

Le psychologue battit des paupières un peu fortement. Un souvenir s'était imposé à lui. Ses joues rougirent, malgré lui. Theodor avait-il une famille, désormais ? Ses incartades de jeunesse étaient-elles derrière lui ? Au fond, Seth espérait que non. Cependant, il n'était pas encore né, celui qui le lui ferait avouer. Ou bien était-il né, et assis juste en face de lui. « Agatha, son aînée, ma filleule, est une gamine adorable et elle est très intelligente pour son âge. Elle me fait penser à Amalia parce qu'elle martyrise ses frères comme elle quand j'étais plus jeune. » Le rire qui le prend rappelle à Seth ce que son aîné lui avait dit, bien des années plus tôt. Je ne ris jamais de toi. Il ne rit jamais de personne. Theo n'est pas moqueur, Theo n'est pas mauvais comme ça. « Et les jumeaux, Gabriel et Mickael, sont bien jeunes, mais ce sont des petits démons. Qui dit jumeaux, dit les conneries multipliées par deux. Ama a beaucoup à faire avec eux, mais elle s'en sort comme une reine. » Il a une famille. Ce n'est simplement pas la sienne, directement – pas de femme ni d'enfants dont il parle avec autant de fierté qu'il ne raconte l'histoire de sa sœur et ses petits. Attendri, Seth ne cache pas son sourire. « Quant à moi... rien de tout cela. Après le pensionnat, j'ai voyagé, j'ai essayé de trouver un métier qui pouvait me plaire et j'ai failli me lancer, mais ça ne satisfaisait pas mon père, du coup j'ai abandonné et j'ai suivi la route qu'il m'avait tracé. » C'était triste. Theo avait toujours – ou du moins, dans les souvenirs de Seth – été un esprit libre. Le genre d'homme qui pouvait devenir qui il désirait, tant qu'il s'en donnait les moyens. Qu'il ait dû faire un compromis de sa vie, ne semblait ni juste, ni bien. Mais Seth n'allait pas le réprimander là-dessus. De quel droit se le permettrait-il ? « Je n'ai pas le temps de m'intéresser aux femmes. » Cette remarque raviva une flamme longtemps éteinte. Était-ce un message ? Un signal, qu'il essayait de transmettre ? Le monde avait changé, la société avait changé. Ils avaient grandi, mûri. Un baiser maintenant, un baiser entre eux, ce serait possible ? Seth ne pouvait empêcher le feu de lui lécher le visage, mais la voix de la Foi qui résonnait toujours en lui, lui interdisait d'agir. Aucun homme, aucune femme. C'était sa promesse au Christ. Une promesse qu'il comptait bien respecter jusqu'à la fin de sa vie.

Leurs verres avaient été apportés, par un serveur qui s'était aplati bien bas devant Theodor. Cette marque d'autorité avait étonné – agréablement – Seth. Il avait l'impression de dîner avec un grand ponte de New-York. Alors que pour lui, ce n'était que Theo. Son meilleur ami. Le psychologue porta son cocktail sans alcool à ses lèvres et en sirota une gorgée. Il aimait le goût fruité, la petite paille trop féminine, trop fragile. « Qu'est-ce qui t'as poussé à sortir des ordres ? Une femme ? » Seth manqua s'étrangler avec sa gorgée. Il toussa un peu, et lâcha un petit rire. « Diable non ! » Il n'aurait pas dû jurer ainsi, ni répondre aussi rapidement, mais c'était plus fort que lui. Ses habitudes de prêtre le quittaient petit à petit, depuis qu'il travaillait au SHIELD. En particulier à force de fréquenter des agents impolis et grossiers comme ceux qu'il pouvait psychanalyser. Comme s'il lisait dans ses pensées, Theo changea de sujet. Peut-être avait-il senti l'inconfort de Seth, peut-être était-il juste impatient d'en savoir le plus possible sur son ancien ami. « Ton travail de psy te plaît ? » Le concerné hocha doucement la tête. Juste derrière Theo, la morte venait d'émerger, à peine debout mais pas assise. Elle avait le dos cassé, courbée dans une position étrange où sa tête remontait, comme posée sur l'épaule de Leonhard. C'était même incroyable qu'il ne le sente pas. Du noir là où devraient être ses yeux, deux cavités obscures. Seth la regarde, mi-fasciné, mi-dégoûté. C'est inconvenant, mais c'est plus fort que lui. Elle est si proche. Et il ignore comment la faire partir, il ignore comment tous les faire partir. Il tourne la tête prestement, vers le reste du restaurant, puis il regarde Theo à nouveau. Le cadavre râle au sol. Au moins, sa tête n'est plus juste à côté de celle de son ami. Il devrait pouvoir lui répondre, désormais. « Je pense, oui. C'est très proche de mon office de prêtre. J'écoute les gens, je les conseille, je les aide à s'absoudre et à aller mieux. Je crois que je deviens bon à ça. » Il arrête sa phrase, ses yeux se figent dans le vide. « Ce n'est pas la vie que j'imaginais avoir. » Un sourire timide s'installe sur ses lèvres. Il regarde Theodor. « Regarde-nous ! Bien loin des rêves d'enfants qu'on avait. Mais nous sommes heureux, malgré tout, pas vrai ? » Ce n'était pas vrai. Le dire pourtant ne faisait de mal à personne – et Theo n'avait aucun moyen de le savoir. Aucun moyen de savoir que la lumière autour de Seth avait laissé place au démon, à l'enfer et à la mort.


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setheo •• love you for a day Tumblr_nt6itk26K61s7711wo1_500 Seth était adorable avec ce petit air perdu sur le visage. Theodor se désolait seulement de la teinte assombrie dans son aura, de cette ambivalence qu’il percevait en fonction des mots qu’il prononçait. Son pouvoir était pratique pour lui, mais par moment il préférait rester dans l’ignorance totale de l’état d’esprit des autres. Surtout celui de Seth. « Diable non ! » Theodor eut un petit sourire attendri en le voyant réagir aussi vivement à sa question. Cependant, sa réponse ne donnait pas satisfaction à la curiosité de Theo qui commença à imaginer mille et une raisons pour la sortie de Seth des ordres. Il laissa ses pensées s’envoler pendant quelques secondes, voyant des raisons diverses et variées entrer en compte, poussant son ami à partir de ce qu’il semblait chérir malgré tout (quel gâchis s’il avait continué dans cette voie). Malgré tout, Theo était heureux de son choix, de l’avoir là ce soir et pas le savoir tenu par un vœu de chasteté quelconque. C’était bien une chose qui aurait donné envie à l’Allemand de franchir le pas une fois de plus avec lui.

Theo finit par se figer en voyant le regard de Seth et cette expression sur son visage. Que lui arrivait-il ? Pourquoi le regardait-il de cette façon ? « Seth ? » Fit-il, gardant pour lui l’envie de poser une main sur la sienne de peur qu’il la retire. « Je pense, oui. C'est très proche de mon office de prêtre. J'écoute les gens, je les conseille, je les aide à s'absoudre et à aller mieux. Je crois que je deviens bon à ça. » Il sentit ses muscles se détendre lorsque Seth sembla reprendre ses esprits. Il ne voulait plus cette expression d’horreur absolue sur son visage. Plus jamais. Et en même temps, il ne pouvait pas s’empêcher de se demander si tout allait vraiment bien pour lui. « Ce n'est pas la vie que j'imaginais avoir. Regarde-nous ! Bien loin des rêves d'enfants qu'on avait. Mais nous sommes heureux, malgré tout, pas vrai ? » Il esquissa ce sourire qu’il sortait pour les circonstances particulières. Celui qui disait oui parfaitement, mais qui n’avait aucune signification. Ce genre de sourire ne remontait jamais jusqu’à ses yeux, il ne les faisait pas briller comme un franc et vrai sourire. Theodor baissa légèrement la tête, jouant quelques instants avec le pied de son verre. Ses rêves à lui se résumaient à donner des cours d’Histoire dans une université et vivre pour se réveiller tous les jours aux côtés de Seth. A la place, il l’avait perdu de vue pendant des années et il n’était pas professeur. Il était la pâle copie de son père : pdg de Leonhard corp, une tête d’HYDRA et il avait à sa charge deux assassins pour le protéger (et cette partie était probablement ce qu’il ne regrettait absolument pas). Il finit par redresser la tête. « On peut dire ça. » Il prit son verre et siffla le restant de vin. Heureux, oui bien sûr. « J’envie parfois ceux qui ont pu faire ce qu’ils voulaient de leur vie. » Il esquissa un léger sourire. Il pensait beaucoup à Amalia, elle était libre de ses décisions, de sa vie. Theodor avait été formaté très petit à HYDRA. Sa sœur était entrée dans l’équation simplement parce que leur père se devait de les guider sur le droit chemin (ndlr : trop certain que HYDRA = le droit chemin). « Tu vas rester à New York ? » Vas-tu fuir ? Vas-tu me fuir ? À vrai dire, Theodor avait peur que Seth s’en aille encore une fois, qu’il mette encore vingt ans à le retrouver et qu’il finisse par perdre espoir. Il ne le montrait pas, mais sa disparition l’avait affecté, il n’avait compris et il avait cru que c’était en rapport avec ce baiser qu’il avait osé lui donner. Même si sa disparition était survenue après l’obtention de leur diplôme, l’attitude de Seth après ça il ne l’avait pas oublié. Comment avait-il pu faire comme si ce baiser n’était rien ? Theodor chassa ce souvenir agréable, mais qui lui laissait un goût amer dans la bouche. Cette fois, il ne brusquerait pas Seth.

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Theo avait le sourire plaqué comme on s'habille d'un air contrit, d'un air heureux, d'un air de dépit. Il devait manier ces masques à la perfection, s'il avait repris la place de son père. Seth se souvenait du père de son ami, il se souvenait de beaucoup de choses soudain, attablé ainsi. Il laissa sa mémoire retrouver des bribes qu'il pensait avoir enterrées depuis longtemps. Il avait déjà trop de démons dont il devait fuir, il ne fuirait pas Theo aussi. « On peut dire ça. » glissa son aîné sans conviction. Ce demi-mensonge, Seth pouvait le reconnaître à des lieues à la ronde. Il avait entendu tellement de fidèles le lui dire, il se l'était dit aussi pendant des années, et se le disait toujours quand le soir, allongé sur son lit, il avait envie de fondre en larmes. Il gardait les yeux ouverts et se recroquevillait sous ses couvertures, terrifié par le monde. Theo avait-il peur, aussi ? Avait-il peur de se battre pour ce qui le rendrait vraiment heureux ? « J'envie parfois ceux qui ont pu faire ce qu'ils voulaient de leur vie. » ajouta son ami, après avoir fini son verre de vin. Que voulait-il faire de sa vie, sinon diriger une compagnie aussi grande que celle des Leonhard ? Voulait-il une femme (un homme ?) et des enfants, comme sa sœur ? Qu'est-ce qui ravirait le cœur de Theodor ?

Seth resta pensif sur cette question pendant quelques secondes. Lui savait ce qu'il voulait faire de sa vie. Il voulait se donner à Dieu, se donner corps et âme, il voulait que les morts lui lâchent la grappe et pouvoir enfin retrouver le calme, la tranquillité de l'Église, il voulait inspirer les gens, prêcher la bonne parole. Si toutefois on pouvait lui retirer cette malédiction qui pesait sur sa conscience, serait-il capable de retourner dans les ordres de nouveau ? Il secoua doucement la tête. Une fois parti, on n'y retournait pas, de toute manière. Il avait quitté le troupeau. Il allait falloir qu'il l'accepte un jour ou l'autre. « Tu vas rester à New-York ? » demanda Theo. Seth sourit. « Je n'ai aucune raison de partir, pour l'instant. » Malgré lui et comme si une force étrangère l'y poussait, il ajouta « Et puis tu es là. On s'est retrouvés, maintenant. » Il ignorait ce que cela voulait dire. Il savait juste que Theodor était son plus vieil ami, l'un des seuls à qui il pourrait un jour parler des cadavres qu'il voyait, s'il devait en discuter avec autrui. Il ne comptait pas le laisser lui filer entre les doigts de nouveau. Il avait trop besoin d'un soutien, il était trop fatigué d'être seul face au reste du monde. Trop terrifié. « Rappelle-moi, l'entreprise de ton père est dans quelle branche, déjà ? » Seth n'était plus habitué à faire la conversation. Il cherchait de bonnes pistes pour discuter, mais il craignait d'ennuyer Theodor. Il but un peu, à la paille, de son cocktail sans alcool, et ouvrit grand les yeux, avec la même curiosité qu'il avait, gamin. Theo s'apprêta à répondre, ou bien avait-il commencé mais Seth s'était perdu entre temps. Une main se glissa sur son épaule. Il la sentit, il sentit chaque doigt salement décharné serrer sa peau. Il sursauta brusquement, lâcha son verre sur ses genoux. Un grognement moqueur résonna à son oreille, et il se leva d'un bond, cherchant à mettre de la distance entre lui et la morte. Jamais avant, les cadavres ne l'avaient touché. Il en tremblait. Ses yeux descendirent vers son pantalon, trempé. « C'est pas vrai ! » marmonna-t-il. Theo s'était levé aussi. Il fit un signe au serveur, pour que ce dernier leur garde la table, sans doute. Puis il prit la main de Seth et le conduisit dans la salle d'eau. La paume de Theo était chaude, et douce. Il n'était pas un adepte du travail manuel, cela se sentait à l'absence de rugosités sur sa peau. Leurs doigts se mêlèrent malgré eux, et le cadet suivit son aîné jusqu'à l'intérieur de la salle de bain, complètement vide. Il prit plusieurs feuilles d'essuie-tout, les humidifia et commença à essuyer la tâche sur son pantalon. « Je suis désolé, fit-il. J'ai eu un... sursaut. » Il savait qu'un jour, il pourrait parler à Theodor, mais aujourd'hui paraissait trop tôt. Il allait le croire fou. Pourtant le poids de cette malédiction était lourd sur le cœur de l'ancien prêtre. Dans son ventre, naissait une drôle de pulsion : s'enfouir dans les bras de Theo et tout lui raconter. Seth leva les yeux en l'air, implora silencieusement pardon à Dieu pour ces pensées impures. Il n'allait pas céder à la tentation. Il avait déjà l'âme souillée. Il ne souillerait pas son corps par la même occasion. « Cette fichue tâche ne veut pas s'en aller ! » pesta le psychologue dans un soupir. Il regarda Theo qui, amusé, ne le quittait pas des yeux. « Tu veux pas m'aider, au lieu de te moquer ? J'en reviens pas, t'as pas changé. » répliqua Seth, incapable de réprimer un sourire à son tour.


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setheo •• love you for a day Tumblr_nt6itk26K61s7711wo1_500 « Je n'ai aucune raison de partir, pour l'instant. Et puis tu es là. On s'est retrouvés, maintenant. » Theodor ne put s’empêcher d’esquisser un nouveau sourire. Un vrai sourire. Celui qui faisait briller ses yeux cette fois. Seth ne comprendrait pas pourquoi cette simple déclaration le rendait si heureux, mais c’était Noël avant l’heure pour lui. Et puis tu es là. Il sentit son estomac se tordre et il dut se faire violence pour ne pas déposer une main sur celle de Seth. Ils n’en étaient pas là, peut-être qu’ils n’arriveraient jamais à ce stade d’ailleurs alors autant qu’il ne gâche pas tout. « Rappelle-moi, l'entreprise de ton père est dans quelle branche, déjà ? » Il allait lui répondre que c’était dans l’automobile et plus particulièrement dans les accessoires électroniques, mais un sursaut de Seth plus tard et il se retrouva avec le contenu de son propre verre sur les jambes. L’ancien prêtre se dressa soudainement comme si une mouche l’avait piqué. « C'est pas vrai ! » Theodor s’était levé à son tour et il leva la main en direction du serveur pour qu’il surveille leurs affaires. « On sera de retour rapidement. » Fit-il à l’intention du jeune homme qui venait d’arriver à leur hauteur. Il attrapa la main de Seth et l’accompagna jusqu’aux toilettes. Il ne savait pas pourquoi il avait fait ce geste. Sentir sa main dans la sienne lui réchauffa le cœur et il eut du mal à masquer son sourire en traversant le couloir les menant aux toilettes. Une fois à l’intérieur il le laissa s’occuper de la tâche sur son pantalon avec un semi-sourire sur le visage. Il ne se rappelait pas d’un Seth autant maladroit.

« Je suis désolé. J'ai eu un... sursaut. » Theodor haussa un sourcil. « J’ai vu ça. » « Cette fichue tâche ne veut pas s'en aller ! Tu veux pas m'aider, au lieu de te moquer ? J'en reviens pas, t'as pas changé. » Il se mit à ricaner. « À part retirer ton pantalon et le mettre dans une machine à laver je doute que tu puisses faire grand-chose. » Il eut un sourire en coin. Il doutait franchement que Seth s’exécuterait. Un, parce que c’était un ancien prêtre et qu’il avait toujours été pudique. Deux, parce qu’il n’y avait pas de machine à laver dans cet endroit. Cependant, il attrapa d’autres feuilles d’essuie-tout qu’il humidifia avant de le passer sur une savonnette puis il tendit le tout à Seth. « Qu’est-ce qui t’a fait peur pour que tu sursautes comme ça ? » Fit-il en croisant ses bras et posant une épaule contre le mur. Lorsque c’était arrivé, il avait vu l’aura de Seth se teinter de la couleur de la peur. Un court instant, certes, mais Theodor avait eu le temps de comprendre la signification. Quelque part, il était de plus en plus inquiet, Seth avait des réactions un peu étranges depuis le début de leur entrevue et il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il repensait au regard qu’il avait eu un peu plus tôt aussi et un frisson glaça son échine. « Tu sais que tu peux tout me dire. » Cette phrase le catapulta des années en arrière. Il lui avait dit la même chose peu de temps avant que Seth disparaisse. Puis il pensa à HYDRA, à cette phrase qu’il répète sans cesse quand il veut gagner la confiance des gens. Quelque part, ça le gênait un peu de l’employer de nouveau face à Seth après autant d’années et autant de changements. Mais de toute façon, HYDRA ou pas, les secrets de Seth étaient en sécurité avec lui. Jamais il ne pourrait le trahir.

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« A part retirer ton pantalon et le mettre dans une machine à laver, je doute que tu puisses faire grand-chose. » La suggestion de Theodor fit rougir Seth. Il baissa la tête brièvement, pour cacher sa gêne, en continuant de s'acharner sur la tâche. Lorsqu'il leva les yeux à nouveau, Theo lui tendait du papier humide, savonneux, qu'il prit avec un sourire avant de retourner à son lavage de fortune. Malheureusement, malgré ses meilleurs efforts, le pantalon ne serait pas aussi propre et neuf qu'il aurait pu l'être s'il avait eu une machine à laver à disposition. Seth disposa donc de l'essuie-tout. « Qu'est-ce qui t'a fait peur pour que tu sursautes comme ça ? » L'ancien prêtre fit face à Theo. Un voile passa sur ses yeux. Pouvait-il lui en parler ? A leurs premières retrouvailles, leur premier dîner depuis des années ? Il garda le silence, pesant le pour et le contre. Aucun fantôme à l'horizon, aucun esprit autour d'eux, mais Seth savait que lorsqu'ils retourneraient s'asseoir, le cadavre serait là à nouveau. Prêt à en découdre. Un frisson lui traversa l'échine. « Tu sais que tu peux tout me dire. » Le cœur de Seth battait la chamade. Il avait son secret au bord des lèvres. L'un de ses secrets, du moins. Mentir est un pêché, mon père.

Le regard un peu vague, perdu sur les épaules de Theodor, le psychologue eut le dos droit, comme au temps des sermons qu'il donnait à sa paroisse. Il donne sa vérité. Seulement celle-ci, il ne l'a jamais donnée à quelqu'un d'autre. C'est son plus lourd fardeau. Ce n'est pas très juste, de le faire porter à son ami aussi. Ce n'est pas très juste mais revoir Theo, l'entendre s'inquiéter pour lui... Seth ne s'était jamais rendu compte de combien il lui était dur de vivre avec ce secret. Avec cette malédiction. « Est-ce que je peux vraiment tout te dire ? De nos jours, on n'est plus sûr de rien. » il commence, distant. Ses yeux toujours perdus dans le vague. « Tu me demandais ce qui m'a poussé à sortir des ordres... C'était bien une femme. » Il avale difficilement sa salive, tandis que le souvenir du corps brisé, traînant des pieds au milieu de son église, lui revient en mémoire. Elle ne pouvait pas parler, mais un gémissement plaintif s'échappait de ses lèvres, et sa nudité indécente striée des marques de sa mort.... « Elle avait la gorge ouverte, les plaies ouvertes, mais aucun sang ne coulait. Je voulais l'aider. Je suis un homme de Foi, je voulais l'aider mais elle était le diable. Ils sont tous le diable. Tous ceux que je vois. » Une horreur dissoute transparaissait dans sa voix, malgré le calme qu'il affichait. Les images de tous les corps qu'il avait vus, depuis tant d'années, l'étouffaient. « J'ai prié, imploré. C'était un test, c'était forcément une épreuve que m'imposait notre Dieu. Que le Seigneur te réprime, Satan, que le Seigneur te réprime alors mais je n'étais pas assez fort, ou mon âme trop maudite. » Un brusque mouvement de tête, de droite à gauche, et Seth leva les yeux vers Theodor, l'affrontant comme on affronte le reflet du miroir. « Les défunts s'accrochent à moi dans leur pire apparat, ils me racontent des tragédies, ils noircissent la lumière de ma Foi. J'ai quitté les ordres à cause d'eux. Mais ils sont toujours là. » Petit à petit, sa voix se perdit. « Ils me quittent jamais... » Un sanglot grimpa à ses paupières. Il le réprima. Seth ne voulait pas craquer devant Theo. Il n'avait plus quinze ans, et Theo n'était plus son protecteur attitré. Cependant, lui avouer ainsi ce qui le minait depuis si longtemps, avait libéré un poids dans la poitrine de l'ancien prêtre. Avec son ami de longue date, il n'aurait plus besoin de cacher qui il était. Une fois encore, Theodor se révélait être l'oreille la plus attentive, et celui qui s'apparentait le plus à sa famille. Bon sang qu'il lui avait manqué. « C'est ma croix à porter. On a tous la nôtre. » Un faible sourire. « Tes fardeaux pèsent déjà lourds sur tes épaules, Theodor. Je le vois. » Il fit un petit pas en avant. « Et je connais cette expression, là, sur ton visage. Je ne suis plus ta responsabilité. Ne t'en fais pas pour moi. »


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setheo •• love you for a day Tumblr_nt6itk26K61s7711wo1_500 « Est-ce que je peux vraiment tout te dire ? De nos jours, on n'est plus sûr de rien. » S’il savait. Si seulement il savait. Theodor était une tête d’HYDRA normalement, il n’était pas digne de confiance. Mais à ses yeux, Seth, c’était différent. Seth faisait partie de sa vie privée comme le reste de son entourage et HYDRA n’avait aucun droit de regard là-dessus. « Tu me demandais ce qui m'a poussé à sortir des ordres... C'était bien une femme. Elle avait la gorge ouverte, les plaies ouvertes, mais aucun sang ne coulait. Je voulais l'aider. Je suis un homme de Foi, je voulais l'aider mais elle était le diable. Ils sont tous le diable. Tous ceux que je vois. » Theodor fronça légèrement les sourcils. Il ne comprenait pas où Seth voulait en venir. « J'ai prié, imploré. C'était un test, c'était forcément une épreuve que m'imposait notre Dieu. Que le Seigneur te réprime, Satan, que le Seigneur te réprime alors mais je n'étais pas assez fort, ou mon âme trop maudite. Les défunts s'accrochent à moi dans leur pire apparat, ils me racontent des tragédies, ils noircissent la lumière de ma Foi. J'ai quitté les ordres à cause d'eux. Mais ils sont toujours là. Ils me quittent jamais... » Ça lui brisait le cœur de le voir si démuni, si… chétif au final comme quand ils étaient au pensionnat. « C'est ma croix à porter. On a tous la nôtre. Tes fardeaux pèsent déjà lourds sur tes épaules, Theodor. Je le vois. Et je connais cette expression, là, sur ton visage. Je ne suis plus ta responsabilité. Ne t'en fais pas pour moi. » Theodor mit quelques secondes interminables pour rassembler tout ça ensemble. Seth disait voir des morts, des esprits vraisemblablement, mais est-ce que tout ça faisait partie d’un pouvoir ou est-ce que Seth avait basculé dans la folie ? Theodor n’avait jamais vraiment eu une bonne opinion de l’Église. Déjà parce qu’ils réprimaient les homosexuels (bien que les mentalités ont changé), mais surtout parce qu’ils transformaient leurs Hommes en des marionnettes si facilement influençables. Seth l’avait toujours inquiété d’aussi longtemps qu’il s’en souvienne. Au pensionnat parce qu’il était le petit binoclard étrange, plus tard parce qu’il avait disparu et maintenant parce que ses visions semblaient l’attrister énormément et le plonger dans un profond mal être. Theodor s’avança vers son ami et posa une main sur son épaule. Il la pressa légèrement pour attirer son attention. « Je suis content que tu m’en parles. C’est… tu es un mutant ? » Toi aussi avait-il eu envie de dire. « Il n’y a rien d’honteux à en être un. Et rien de maléfique non plus, ça n’est pas plus l’œuvre du Diable que… » Il pinça les lèvres, il allait faire une comparaison avec Dieu. De l’inconvénient d’être athée en compagnie d’un croyant. « Peu importe. Tu dois voir ces morts pour une raison. Je dis peut-être une bêtise, mais t’as déjà essayé de leur faire accepter qu’ils sont morts et ne sont que des fantômes ? » Il tirait ça de nombreux films et de nombreuses séries qu’il avait pu voir avec Amalia quand elle vivait toujours avec lui. Il ne savait pas vraiment si ça s’appliquait au cas de Seth ou pas, mais il pouvait toujours tenter. « Ça pourrait peut-être marcher ou au moins t’apporter un minimum de paix. » Il haussa les épaules avant d’émettre une légère pression sur celle de Seth. Il lui sourit, essayant de le rassurer et refusant d’utiliser son pouvoir pour pouvoir le manipuler en ce sens. « Quant à savoir si tu es ma responsabilité ou pas, laisse-moi être le seul juge pour ça, s’il te plaît. »

Theodor avisa de nouveau le pantalon de Seth, la tâche était toujours là. « Tu veux peut-être écourter la soirée pour pouvoir rentrer ? » Il n’en avait pas l’envie, mais il pouvait comprendre si Seth acceptait. Lui-même serait grandement contrarié si une chose pareille lui arrivait. Puis de toute façon, maintenant que Theodor l’avait retrouvé, Seth pouvait être sûr de l’avoir sur le dos pour le restant de ses jours. La Tête n’allait pas le laisser partir si facilement, pas cette fois du moins.
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