Les yeux fermés, quelques gouttes de transpirations descendant le long de mon front et de ma mâchoire, je ralentissais les murs autant que possible. Cette concentration et l'adrénaline m'avaient rendu mes esprits et même si mon corps était toujours meurtri, j'étais redevenu un peu opérationnel. J'en étais venu à un stade de concentration où j'avais réussi à occulter ce qui m'entourait pour visualiser chaque fibre d'existence de ces murs mouvants et lorsqu'une main m'agrippa je fus quelques peu surpris. Pas le temps de m'exclamer pourtant que la blonde me jetais par la trappe et j’atterrissais sans la moindre aisance ni grâce sur le jeune homme qui nous avait rejoint en dernier dans cette pièce maudite. J'avais pas eu le temps de ralentir ma chute, il avait qu'à se sortir de là. Moi en revanche je ne perdais pas une seconde pour rouler sur le côté avant que les deux autres n'arrivent: je tenais à mes jambes.

Nous avions atterri dans un couloir de pierre froide qui contrastait avec l'ambiance chaude de la pièce du haut avec cette cheminée et ce feu qui crépitait. Enfin... La pièce en question n'existait plus, les murs venaient de se rejoindre en un choc sonore alors c'était peut être pas si mieux que ça. Le noir, la pénombre, les bruits de pas et les voix qui brisaient le silence: le premier demandait de la lumière à Loki, toujours avec cette amabilité qui semblait le caractériser. J'aurais jurer entendre un soupir avant qu'une multitude de petite lumière ne viennent envahir l'espace et éclairer notre chemin. Mes yeux s'habituèrent assez rapidement à la douce lueur et je pu prendre connaissance de notre nouvel environnement: comment allait-il pouvoir nous tuer celui-ci?

Le couloir nous offrait deux chemin possible et ses parois ne nous donnaient aucun indice quand au chemin à prendre, pas même quelques traces au sol. Même si je supposais qu'il y avait probablement un "bon" chemin, je doutais qu'aucune des deux destinations ne soit vraiment sécures. Les lumières s'estompaient et je voyais Loki s'asseoir par terre, encore, à croire que c'était une habitude mais je commençais à comprendre. Il lui fallait quelques secondes, peut être une trentaine avant de rallumer la lumière et nous indiquer le chemin de gauche. Son raisonnement avait du sens. Jusque là mon esprit cartésien n'avait considéré que la possibilité d'un bâtiment vraiment douteux mais l'idée d'un monde différent avait du sens. Wanda m'en avait offert la perspective. Sans argumenter je faisais quelques pas vers le chemin qu'il nous conseillait et me mettait en marche, sentant chaque parcelle de peau tiraillée par les lacérations de l'enfant-ombre. - Logique, en effet. - Trouver la source c'était alors trouver notre porte de sortie. Mais si toute cette construction nous avait voulu du mal jusque là... - Y'a pas de doutes que cette source sera encore mieux protégée que le reste de cet endroit. Qu'est-ce qui aura encore été inventé pour nous tuer cette fois... - Mais une autre chose qu'avait dit Loki me titillait. Quelqu'un avait forcément créé ce monde. - Vous pensez qu'on va trouver cette personne? J'aimerais bien savoir pourquoi avant de lui dire ce que je pense.

La blonde avait raison. Peu importe qui manipulait cet endroit, ses petits jeux n'étaient clairement pas bienveillants et son sadisme me courrait sur le système autant que les dizaines de lacération qui zébraient mon corps sous ces couches de bandages souillés. Pas le temps pour personne de répondre cependant qu'une voix s'élevait. J'avais du mal à définir si elle provenait de la pénombre du couloir, des murs eux-mêmes ou directement de ma tête. C'était assez épuisant de l'entendre et la force de sa voix n'aidait pas. C'était menaçant, pesant, imposant. Des armes ne l'atteindraient pas, il le clamait haut et fort. Il ne souhait pas nous laisser partir. Voulait-il nous garder ici pour l'éternité? Cette simple idée me glaçait le sang. Ce ne serait pas si simple non. Je comptais pas rester ici mais si nous étions dans un autre monde, rentrer à la maison pourrait être difficile. Je sursautais lorsque la porte s'ouvrait et sursautait à nouveau lorsqu'elle se refermait dans un claquement sonore derrière nous.

Nous avions délaissé le couloir froid et rocheux pour une petite pièce vide dont les murs étaient recouverts des visages de personnes. Des gens. Des... - Hey mais il était avec nous dans la cave lui. - Et puis je posais mon regard sur mon propre visage sur ce mur et le fixait, la bouche entrouverte. Qu'est-ce que ça voulait dire? Pourquoi tous ces visages? Pourquoi ces centaines de visages? Étaient-ils tous des victimes? Pourquoi nous montrer cette pièce? Avait-il emmené tout ces gens dans cette endroit? Étions-nous les seuls à avoir atteint cette pièce? Je croisais les bras contre mon torse, j'avais froid. Cet endroit avait de drôle de vibrations et je le sentais comme un pressentiment... Ou alors j'allais juste m'évanouir à cause du manque de sang. Je tournais la tête et constatait la présence d'un petit meuble, une colonne sur laquelle était posé un petit objet métallique. Une broche. Non, un badge. C'était un de ces vieux badges... Je n'y touchais pas mais je pouvais lire ce qu'il disait.
Vous avez été choisi.

Tout doucement alors ma vision s'obscurcit. En réalité la pièce changeait. Le petit meuble et le badge disparurent comme une fumée qui s'estompe. Puis les visages sur les murs doucement s'évaporèrent aussi. Les murs devinrent bien plus... normaux et avant que j'ai eu le temps de dire quoi que ce soit, les autres devinrent volutes à leurs tours. Je me retrouvais seul dans cette petite pièce mais je me sentais bien. Le silence n'étais plus oppressant, la pièce ne vibrait plus comme avant. J'étais apaisé. Je fermais les yeux et me laissais tomber au sol. J'étais en paix.

Je me réveillais au petit matin, la tête au fond de mon... oreiller. J'étais fatigué, comme si je n'avais pas dormis. Ça m'arrivait parfois, me réveiller plus fatigué que je l'étais en allant me coucher. Je me tournais. Enfin je me débattais dans mes draps et me tournais pour poser mon regard sur mon téléphone en charge sur la table de nuit. Appuyer sur le bouton, vérifier l'heure - 7:46 - lâcher le téléphone et reposer sans douceur mon crâne dans l'oreiller avant de soupirer. Je finissais au bout de longues minutes à me redresser et à m'asseoir au bord du lit, posant sur le plancher de bois froid mes pieds nus, laissant remonter un léger frisson le long de mes jambes. Je posais mon regard sur la table de nuit et plus précisément sur ce petit objet métallique. Ce badge. Comment était-il arrivé là? Je ne l'avais jamais vu et pourtant il me semblait étrangement familier, étrangement... étranger aussi. Je ne pouvais l'expliquer alors mais j'avais cette intuition en me levant, un très léger sourire aux lèvres. Cette intuition que ce truc là était différent. Ce sentiment que tout allait bien. Cet sentiment... Que mon cerveau réclamait son café.