Ava attrapa l’attelle qui reposait sur le meuble et entreprit d’y caser son bras avant de la refermer solidement. On lui avait retiré son plâtre quelques jours plus tôt, un sacré soulagement pour la jeune femme qui ne supportait pas tellement d’être ainsi immobilisée. Son médecin lui avait tout de même conseillé de ménager son bras en conservant une attelle pendant encore quelques semaines avant de recommencer à l’utiliser mais elle n’allait pas s’en plaindre. Ce genre de blessures nécessitait généralement deux mois d’immobilisation totale et la médecine avancée du SHIELD avait permis de réduire ce temps de plus de la moitié. Et même si c’était enquiquinant, au moins, elle pouvait à nouveau se servir de sa main plutôt librement. Ava s’empara d’une serviette et sécha sa tignasse blonde en sortant de sa salle de bain pour se rendre dans sa chambre. Incapable de rester enfermée dans son appartement plus longtemps, elle avait proposé à Zachariah d’aller courir, ce qu’il avait accepté sans même hésiter. Après tout, avec son chef d’équipe sur la touche, il n’avait pas grand-chose à faire lui non plus, sinon de la paperasse et il aimait ça autant qu’Ava. Ils s’étaient donc défoulés joyeusement avant de se séparer, lui ayant promis d’emmener sa sœur manger un morceau et voir un film.
Profitant du fait qu’elle était tranquille et que les murs de son appartement étaient plutôt bien insonorisés, la jeune femme avait lancé un best of de Motörhead et chantait terriblement faux. Qu’importe, il n’y avait personne pour l’entendre. Elle lança la serviette sur son lit et ouvrit son armoire. Ava n’hésita pas une seule seconde, après tout, il n’y avait qu’une seule tenue à mettre pour les soirées malbouffe – télévision. Elle attrapa des sous-vêtements, un tee-shirt trop large pour elle et un short définitivement trop court. Ava s’habilla en continuant de massacrer Overkill puis se rendit dans son salon. Elle se jeta sur son canapé et tendit la main pour attraper les flyers qui se trouvaient sur la petite table.

Elle n’avait absolument aucune envie de se faire à manger ce soir. De toute façon, son frigo était vide, elle ne passait pas assez de temps ici pour faire des courses, ce serait du gâchis. La jeune femme parcourut donc les différents menus de restos qui faisaient dans la livraison du regard lorsqu’un bruit à sa porte la tira de ses pensées. Ava fronça les sourcils et attrapa la télécommande de sa chaîne hifi pour en baisser le volume. On frappait bien à sa porte. L’agent se leva en grognant, si c’était la vieille d’à côté, elle allait lui coller une balle entre les deux yeux. La jeune femme se traîna jusqu’à la porte et jeta un œil à travers le judas. « Oh bordel, » fit-elle en reconnaissant les traits crispés de James. Elle s’empressa de déverrouiller sa porte et de l’ouvrir, pour le trouver appuyé contre le mur, une main pressée contre son abdomen. Une main couverte de sang. « Hey. » Elle s’était figée, les yeux écarquillés, la bouche ouverte. « Je crois que j'ai encore besoin de ton aide. » fit-il et elle ne bougea toujours pas.
Alors il se retourna brusquement en entendant du bruit et cela sembla enfin la réveiller. « Ava... Je... » Elle cessa de le fixer comme une abrutie et son visage s’assombrit clairement. « Je peux tout t'expliquer... Mais... Est-ce que tu me... Me laisserais entrer ? Ça... Ça m’embêterait de m'évanouir dans ton couloir. » La jeune femme s’ébroua tandis qu’il glissait, clairement incapable de tenir debout plus longtemps. Alors elle poussa un juron et le rattrapa, passant son bras sous le sien pour le tirer à l’intérieur. Elle referma la porte d’un coup de pied et entraîna James jusqu’à la table du salon qui était plus proche que le canapé. Et elle ne pouvait pas tellement se permettre de retapisser le meuble de sang, ce serait dur à expliquer.

Remerciant le fait qu’il ne s’était pas évanoui, elle l’aida à s’asseoir sur la table et sans même attendre, souleva le bas de son tee-shirt. « Putain, » fit-elle d’une voix rauque. Elle leva les yeux vers lui, les dents serrées. Okay, les questions, plus tard. Ava fonça dans sa salle de bain, ouvrit un placard et en tira tout ce dont elle avait besoin. Puis elle retourna auprès de James, déposa le tout sur la table et attrapa le bas de son vêtement. « Super Sérum ou pas, il te servira pas à grand-chose si tu te vides de ton sang, » marmonna-t-elle avant de l’aider à retirer son tee-shirt. Elle reporta immédiatement son attention sur la plaie qui barrait son flanc et saignait abondamment. Ava saisit une serviette qu’elle pressa contre la blessure. « Okay, okay. Allonge-toi, » lui intima-t-elle d’un ton ferme.
Visiblement guère pressé de crever dans son salon, il obtempéra et la jeune femme entreprit d’arrêter le saignement le plus possible. Lorsqu’elle parvint à y voir un peu plus clair, elle retira la serviette, les sourcils froncés. Elle devait refermer sa plaie. Même s’il guérissait plus vite qu’un être humain normal, il ne pouvait pas tellement rester avec le flanc ouvert à perdre du sang en aussi grande quantité. Heureusement, Ava n’était pas médecin, mais elle avait appris à recoudre une plaie. Ça pouvait toujours servir. Elle sortit donc de quoi faire de la trousse qu’elle avait apportée et leva les yeux vers James. « Je dois recoudre la plaie, » annonça-t-elle simplement avant de passer le fil dans l’aiguille.

Ce n’était pas un travail très compliqué et heureusement, elle n’avait pas à se soucier de lui laisser une vilaine balafre. Le front barré par un pli sous la concentration, elle entreprit de refermer sa plaie. Elle ne dit rien, d’abord parce que sa gorge était nouée, ensuite parce que trop de choses tournaient dans sa tête. D’abord, s’assurer qu’il était sain et sauf. Une fois qu’elle eut terminé, Ava s’autorisa un soupir et déposa plusieurs compresses de gaze avant de bander sa plaie avec des gestes assurés et rapides. En fond, le best of de Motörhead tournait toujours en sourdine. Alors elle s’écarta, attrapa la télécommande et coupa le son avant de se rendre dans sa salle de bain pour récupérer une autre serviette dont elle humidifia une partie avec de l’eau chaude.
Ava retourna auprès de James et entreprit de nettoyer son visage du sang qui le recouvrait avec la serviette, à la recherche de plaies. Elle n’en trouva pas et arqua un sourcil. Okay bon, ceux qui s’en étaient pris à lui avaient certainement plus morflé. Ce qui ne l’étonnait pas tellement. Finalement, elle posa la serviette sur la table et plongea son regard dans celui du jeune homme avant de lui adresser un petit sourire en coin. « T’étais pas obligé de te mettre dans un état pareil juste pour me revoir, » fit-elle d’un air taquin. Elle saisit les deux serviettes couvertes de sang ainsi que le tee-shirt de James. Puis son regard se posa sur son pantalon qui était taché d’hémoglobine, lui aussi. De toute façon, ses vêtements étaient trempés par la pluie qui se déversait sur New-York depuis plusieurs jours.  

« Okay, je reviens, » fit-elle en embarquant les serviettes et le tee-shirt qu’elle balança dans la machine en passant par sa salle de bain avant de se rendre dans sa chambre pour ouvrir son armoire. Elle n’eut pas besoin de fouiller très longtemps avant de tomber sur une pile de vêtements qui appartenaient à Zachariah. Cet idiot avait tendance à oublier des affaires chez elle et à promettre de les récupérer sans jamais le faire. Ava le soupçonnait d’aimer l’idée d’avoir de quoi se changer chez elle, pour quand il s’avérait trop fatigué pour rentrer chez lui après une soirée un peu trop arrosée. Elle attrapa un tee-shirt et un pantalon, ils avaient à peu près la même carrure, de toute façon. Puis elle rejoignit James qui tentait déjà de se redresser. Alors elle accéléra le pas et se glissa à ses côtés pour l’aider. « Doucement, doucement, Superman. On va aller sur le canapé, d’accord ? Mais d’abord, » elle leva la main qui tenait les vêtements qu’elle avait rapportés. « Ils devraient t’aller, normalement. Besoin d’aide, ou ça ira ? » Après tout, il était résistant, mais il venait quand même de se faire ouvrir le bide en deux.

De toute évidence, James avait beaucoup d’humour, sauf quand il était blessé. Ava n’insista pas, elle avait simplement souhaité détendre l’atmosphère et non se moquer de lui. Mais elle n’avait pas non plus beaucoup le sens de l’humour lorsqu’elle se vidait de son sang, alors elle pouvait comprendre. Elle se concentra donc sur sa tâche et décida d’éviter les plaisanteries pour le moment. Naturellement, elle lui proposa son aide pour changer de vêtements mais il leva les yeux au ciel. « Pas b'soin d'aide. » grommela-t-il et la jeune femme leva les mains, l’air de dire alright big guy. Elle s’écarta pour lui laisser un peu d’espace et commença à rassembler les affaires qu’elle avait sorties pour s’occuper. Lorsqu’elle le vit, du coin de l’œil, s’empêtrer dans son pantalon et perdre l’équilibre, elle bougea rapidement pour le rattraper. « S'il te plaît ? » marmonna-t-il, clairement gêné. Elle choisit de rester silencieuse pour ne pas l’embarrasser plus encore, surtout que ses joues s’empourpraient déjà. Ava attrapa le pantalon et le remonta jusqu’à ses hanches d’un geste rapide, tout en l’aidant à garder l’équilibre. « Merci. » dit-il d’une voix à peine audible et elle se contenta d’hocher la tête.
Elle s’écarta pour le laisser passer le tee-shirt et garda un œil sur lui tandis qu’il se redressait, prête à intervenir. Mais il leva la main, pour lui montrer très clairement qu’il ne voulait pas de son aide et elle se contenta de serrer les dents. Foutue fierté. Elle le suivit néanmoins avec une distance correcte, au cas où, mais il parvint à tituber jusqu’au canapé et à se laisser tomber dessus. « Je... Hum. Merci pour... » Il sembla hésiter, balaya sa blessure d’un geste de la main. « Tout ça. » Ava esquissa un sourire et hocha la tête pour lui signifier qu’il n’y avait vraiment pas de quoi. Elle entreprit de rassembler le bordel sur la table, y compris le pantalon trempé de pluie et de sang qui se trouvait par terre. Elle le jeta dans la machine avec le reste et retourna dans le salon, en direction de la cuisine pour laver ses mains encore couvertes du sang de James. « Tu... Tu dois avoir des tas de questions. » Ava se tourna vers lui, un sourcil arqué. Un tas de questions ? Non, pas du tout, c’était parfaitement normal, après tout.

« Je... J'ai pas trop compris ce qu'il s'est passé. J'étais chez moi et des types ont débarqué dans mon appartement en explosant ma porte et mes fenêtres. Ils étaient bien équipés et entraînés. Peut-être des types de l'HYDRA, j'en sais rien. » Un grognement échappa à la jeune femme et elle se rapprocha de James pour se planter devant lui, les bras croisés devant sa poitrine. Il n’avait donc pas cherché les ennuis, c’était plutôt une bonne chose. Par contre, s’il s’était fait attaquer dans son appartement, ça voulait dire que sa cachette était compromise. Merde. « J'ai pas eu le temps de réfléchir alors je... J'en ai abattu trois avant qu'un quatrième ne me tombe dessus et ne me plante juste avant que je ne lui écrase la tête avec... » Ses yeux se posèrent sur son bras et Ava déglutit. Ouais, elle voyait le tableau. « Il n'y avait qu'eux alors j'ai pris une arme et je suis parti de mon appartement le plus rapidement possible pour venir ici. » La jeune femme soupira et passa une main dans sa tignasse encore humide de la douche qu’elle avait pris un peu plus tôt.
« J'ai pas été suivi, j'ai fait attention tout le long du trajet. Personne ne viendra ici, je te l'assure. Ah et... » Elle se doutait bien qu’il ne serait pas venu ici sans être certain que personne ne le suivait. Il n’était pas stupide et elle avait confiance en lui à ce sujet. Elle le regarda fouiller dans son pantalon avant de se rendre compte qu’il en avait changé. « J'ai pris le temps de récupérer le papier que tu m'avais laissé avec ton numéro. » Un sourire se dessina sur les lèvres d’Ava à ses paroles. Il s’était fait attaquer, se retrouvait salement amoché et il avait quand même pensé à récupérer cela. « Ils ne pourront pas remonter jusqu'à toi. » Sa capacité à réfléchir à ce genre de choses en situation de crise était plutôt admirable.

« Merci, » dit-elle doucement avant de décroiser les bras, prête à s’éloigner pour aller lui chercher quelque chose à boire, lorsqu’il reprit la parole. « Désolé je... Je veux pas te déranger plus longtemps, t'en as déjà bien assez fait pour moi. » Elle se figea et se retourna vers lui, pour le trouver en train d’essayer de se relever. « Je ferais mieux d'y aller. » Cette fois-ci, ce fut au tour d’Ava de lever les yeux au ciel et elle se planta devant lui pour poser une main sur son épaule. « Tu n’vas nulle part, cow boy, » répliqua-t-elle immédiatement en le repoussant sans trop d’effort dans le canapé. « Tu ne peux pas retourner chez toi et tu comptes aller où ? On est au mois de janvier, il fait un froid de chien et tu as perdu beaucoup trop de sang. » Son regard se fit plus dur, espérant que cela lui ferait comprendre qu’il était hors de question qu’il tente de débattre sur ce sujet.
« J’sais pas si ça se voit, » fit-elle en désignant sa propre tenue. « Mais j’avais pas prévu de sortir ni de recevoir du monde, ce soir. » Son ton s’était radouci et elle esquissa un léger sourire. « Donc tu ne me déranges pas. » Et il avait intérêt à ne pas essayer de répliquer, parce qu’elle ne le laisserait pas partir dans cet état, quitte à devoir l’assommer. Après tout, elle avait certainement l’avantage à présent.  Cette idée lui tira un petit sourire en coin, parce que c’était un peu pathétique de se dire qu’il fallait ça pour qu’elle puisse avoir le dessus sur lui.

Elle lâcha son épaule et se dirigea vers la cuisine. « C’est pas le genre de l’HYDRA, de ne pas crier haut et fort qui ils sont, » dit-elle par-dessus son épaule, les sourcils froncés. Elle s’arrêta devant sa cafetière et sortit deux tasses pour préparer un café. Elle avait de la bière mais après avoir perdu autant de sang, ce n’était peut-être pas très conseillé, même si ce n’était que de la bière. Ava se figea dans ses mouvements en pensant à quelque chose. Ce n’était pas le genre d’HYDRA, mais c’était carrément celui du SHIELD. Elle serra les dents en se rappelant de bruits de couloirs perçus quelques jours plus tôt. Ouais, elle ferait peut-être mieux de ne pas partir sur cette voie-là. Elle attendit que les deux cafés soient prêts et retourna dans le salon pour les déposer sur la petite table. Là, elle posa son regard sur James, affalé dans une position qui ne pouvait pas être très confortable et se pencha pour attraper ses jambes avant de les étendre sur la table devant lui. Puis elle saisit une couverture qui se trouvait là et l’étala sur lui. Super Soldat ou pas, il avait perdu beaucoup de sang, s’était traîné jusque-là sous une pluie battante et glacée avec peu de vêtements sur le dos et même s’il faisait bon dans l’appartement d’Ava, elle préférait prévenir que guérir.
Avant qu’il puisse râler ou laisser exploser son trop plein de fierté masculine, elle lui lança un regard en biais et lâcha : « Chacun son tour, Barnes. » Il s’était occupé d’elle la dernière fois, c’était normal qu’elle en fasse de même. Alors elle s’installa à côté de lui et attrapa les deux tasses avant de lui confier la sienne en s’assurant qu’il avait assez d’énergie pour la tenir. « Tu peux passer la nuit ici et on avisera demain, d’accord ? » dit-elle avec un sourire avant de reporter son attention sur les flyers toujours étalés sur la table devant eux. « Sinon, j’étais sur le point de commander, tu veux quelque chose ? » Après tout, s’il voulait compenser le sang qu’il avait perdu, il avait plutôt intérêt à manger, non ?

Lorsqu’elle désigna sa tenue dans le simple but d’enrichir son argumentation, Ava le vit détourner le regard et elle fronça les sourcils un instant. Quoi ? Ce n’était pas son plus beau tee-shirt mais tout de même. En le voyant afficher cette même mine gênée qu’il prenait assez souvent dernièrement, elle fit le lien entre James Barnes, né en 1917 et ses cuisses à l’air. Clairement, la jeune femme se retint d’éclater de rire. Elle avait oublié ce léger détail. A vrai dire, Ava n’avait presque aucune notion de pudeur. Elle vivait entourée d’hommes depuis toute petite et avait très vite appris à se sentir à l’aise autour d’eux. Elle n’avait pas imaginé une seule seconde que sa tenue puisse embarrasser James parce qu’elle avait l’habitude d’évoluer ainsi – et parfois moins vêtue encore – autour d’autres hommes sans même se poser de questions. Il n’y avait qu’à la voir en compagnie de Zachariah, s’il leur arrivait de se taquiner sur leurs attributs physiques, ça n’avait étrangement jamais dérapé entre eux. Mais bien sûr, ce n’était pas la même chose pour James. Et même si Ava considérait sa tenue plutôt correcte par rapport à ce que certaines filles pouvaient porter pour sortir dans la rue, elle ne l’était sûrement pas aux yeux du jeune homme.
Elle ne sut pas vraiment quoi dire, elle ne voulait pas s’attarder sur sa gêne, ça risquerait de l’embarrasser plus encore. Mais alors James esquissa un sourire et cela piqua la curiosité d’Ava. Elle arqua un sourcil et se retint difficilement de lui demander ce qui venait de lui passer par la tête. Histoire de ne pas les lancer sur une pente glissante, elle préféra se rendre dans la cuisine pour préparer du café. Une fois les boissons prêtes, elle retourna dans le salon et décida d’installer James plus confortablement. Le sentant prêt à râler, elle le coupa net. Hors de question qu’il joue au gros dur avec elle. La blonde possédait énormément de fierté elle aussi et elle détestait qu’on lui vienne en aide, mais elle savait aussi reconnaître quand elle en avait besoin. Il n’insista pas tellement, se contenta de bougonner.

C’était presque attachant. Elle préféra néanmoins changer de sujet pour le mettre un peu à l’aise et décida de partir sur la nourriture. C’était un sujet simple et elle venait de sacrément se dépenser alors elle mourait de faim.
« Hum... Je... J'en sais rien. Si tu avais déjà choisi ce que tu voulais manger, vas-y et je m'adapterai. » Elle se retint de lui répliquer qu’elle était seulement en train de réfléchir à ce qu’elle allait manger lorsqu’il avait débarqué avec du sang partout. « Mais... Tu m'avais dit que le meilleur truc que je pourrais manger serait un burger donc... » Cette fois-ci, ce fut à son tour d’afficher une mine gênée. C’était un peu flou, mais elle se souvenait d’avoir déballé tout un tas de conneries sur la nourriture la dernière fois. Certainement un peu trop détendue par les antidouleurs, elle avait clamé son amour pour la malbouffe. « Je ne dirais pas non à un burger du coup. » Elle ne put s’empêcher de rire et passa une main sur son visage pour masquer son embarras.
« Okay, ça me va, » dit-elle une fois qu’elle eut retrouvé son calme. Elle se pencha vers la table et attrapa un des flyers sans hésiter. Ava sentit James remuer à côté d’elle et le regarda du coin de l’œil. « J'ai l'impression d'être Steve Rogers. C'est vraiment déstabilisant. » Elle se tourna vers lui, intriguée par ses paroles mais se figea brusquement. « Je... J'ai vu que tu portais une attelle donc je suppose que ça doit aller mieux mais... Ton bras et tes côtes ça va ? » Elle le détailla du regard, la couverture remontée jusqu’à son menton, la main qui tenait sa tasse de café était la seule chose qui en dépassait avec son visage aux traits renfrognés. Alors elle éclata de rire, elle ne voulait pas se moquer de lui mais vraiment, c’était ridicule. James Buchanan Barnes, héros de la Seconde Guerre Mondiale, Winter Soldier, Super assassin. Et il était étalé sur son canapé, enroulé dans une couverture. Le pire dans tout ça, c’était la tronche qu’il faisait, comme s’il était tombé en disgrâce totale. Ava ne parvenait pas à se calmer et ses côtes encore un peu fragiles la rappelèrent à l’ordre. Elle plaqua une main contre son abdomen et tenta vraiment d’arrêter de rire. « Aïe, aïe, » fit-elle dans un souffle. Elle inspira profondément, ferma les yeux et parvint à s’arrêter un moment. Mais en reposant son regard sur James, les coins de sa bouche tressautèrent. « On dirait un burrito, » murmura-t-elle avant de repartir de plus belles.

Cette fois-ci, ses côtes devinrent vraiment douloureuses et elle agrippa le rebord du canapé. « Okay, okay, j’arrête, » s’exclama-t-elle avant de porter une main à ses yeux pour essuyer les larmes de rire qui y avaient perlé. « J’suis désolée, c’est pas… Je me moque pas de toi, d’accord ? » s’empressa-t-elle de dire. « C’est juste que… J’devrais prendre une photo, c’est… » Elle reprit son souffle, ferma enfin sa trop grande gueule. Ava s’affala dans le canapé en se maudissant un peu. Si elle voulait ménager la fierté de Barnes, c’était loupé. Enfin, ça avait été plus fort qu’elle. Une fois certaine qu’elle ne risquait pas de se remettre à rire, elle se tourna vers lui et plongea son regard dans le sien. « Désolée, vraiment, » bafouilla-t-elle avant d’essayer de se souvenir de ce dont ils parlaient. « Ah, oui, ça va mieux, » dit-elle en levant son bras pour remuer ses doigts. « Et pour les côtes, ça devrait aller tant que tu ne te montres pas encore hilarant, » ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Elle se redressa en massant ses côtes à travers son tee-shirt.
Ava but une gorgée de son café et reposa la tasse sur la table basse. « Bon, tu m’fais confiance alors ? » dit-elle en désignant le flyers du menton. Elle s’en empara, le parcourut rapidement du regard et arrêta son choix sans trop tarder sur ce qui semblait être le plus gras, histoire d’assumer le côté malbouffe jusqu’au bout. Elle attrapa son téléphone, composa le numéro et passa sa commande rapidement. Une fois fait, elle raccrocha et se tourna vers James. « Ça devrait être là d’ici quarante-cinq minutes, » dit-elle avec un sourire avant de repenser à ce qu’il avait dit un peu plus tôt, sur Rogers.

Elle ignorait s’il s’était souvenu de l’état de son meilleur ami avant qu’il ne bénéficie du Super Sérum, ou s’il s’appropriait les faits petit à petit, à force d’en parler. Visiblement, il était plus familier avec tout ceci, peut-être qu’en parler portait ses fruits. Elle se leva et se dirigea vers la bibliothèque qui se trouvait dans son salon. Elle chercha un petit moment avant d’attraper un épais bouquin d’histoire qui avait appartenu à son père. En quelques secondes, elle l’ouvrit à la bonne page et retourna s’asseoir sur le canapé. Elle posa le livre à plat sur ses cuisses et le tourna vers James. Sur la page se trouvait la photo de Rogers, prise au camp d’entraînement avant le Super Sérum. L’image était en noir et blanc, mais il n’était pas bien difficile de l’imaginer à bout de souffle, le visage rouge sous l’effort. « T’as toujours l’air plus en forme que lui, ton honneur est sauf, » dit-elle avec un petit sourire.
« Par contre, il y a deux choses sur lesquelles vous vous ressemblez terriblement, » fit-elle d’un air songeur. « Vous ne savez clairement pas vous arrêter. Et vous avez un talent fou pour vous attirer des emmerdes. » Okay, c’était un peu facile, cette fois-ci, James n’avait clairement rien demandé, mais tout de même. « Tu sais, ils prennent tous Captain America pour un modèle de vertu, » poursuivit-elle en fronçant les sourcils. « Ben, pour avoir bossé avec ce type ? Ma parole, c’est une vraie teigne, » ricana-t-elle avant de refermer le livre délicatement, comme s’il était infiniment précieux. « Paraît qu’il arrêtait pas de chercher les emmerdes quand il était encore qu’une crevette. Et que tu devais toujours le tirer d’affaire. » Elle se tourna vers lui, un doux sourire aux lèvres. « Faut bien que quelqu’un te rende la pareille, » acheva-t-elle de dire avant d’attraper sa tasse pour finir son café.

De toute évidence, le petit fou rire d’Ava n’enchanta pas tellement James. Le pire était certainement que ses regards noirs n’arrangeaient pas du tout la situation parce qu’il n’était absolument pas crédible dans une telle position. Elle finit par se calmer mais au prix d’un immense effort et apparemment, le mal était fait. Il repoussa la couverture jusqu’à sa taille et cela manqua de la relancer. Elle l’avait vexé. Lui, là, le tas de muscles capable de l’étriper sans trop transpirer, était vexé. Ava l’aurait bien taquiné un peu plus rien que pour ça, mais elle décida de ne pas trop profiter de la situation et de changer de sujet. Parler de Rogers sembla suffisamment l’intéresser pour qu’il cesse de faire la tronche et cela la rassura. Au moins, il n’était pas rancunier. En revanche, il ne parut pas convaincu lorsqu’elle lui dit qu’il avait tellement pris soin de son meilleur ami qu’il méritait bien qu’on lui rende la pareille. Il était trop fier, un défaut qu’elle partageait très certainement avec lui, mais cela ne l’empêchait pas de follement amuser la jeune femme. Elle évita néanmoins d’insister, elle l’avait déjà suffisamment malmené en riant de lui comme elle l’avait fait. Il termina son café et la reposa sur la table devant lui en grognant de douleur, mais elle ne fit aucun mouvement pour l’aider, cette fois-ci.
Le silence s’installa entre eux et Ava se contenta de l’observer tandis qu’il fixait sa blessure l’air songeur. Finalement, il détourna le regard et balaya la pièce. Ava suivit son parcours calmement. Le SHIELD ne se fichait pas de ses agents. Son appartement était spacieux, clair. La décoration n’était pas le fort d’Ava alors elle n’avait touché à rien, seulement ajouté des photos ici et là. Il sembla s’arrêter sur sa chaîne hifi un petit moment et elle soutint son regard lorsqu’il se tourna enfin vers elle. « Hum... Je me souviens que tu m'avais dit que le vingt-et-unième siècle valait la peine, que même si j'étais au courant de pas mal de choses il fallait que je les vive, mais... » Il afficha un sourire amusé et Ava arqua un sourcil. Mais… ? « Vu la musique que tu écoutais quand je suis arrivé, je ne suis pas persuadé de vouloir tout découvrir de ton époque. » Ah le salopard. Incapable de se retenir, la jeune femme afficha une mine clairement outrée, la bouche ouverte, les yeux écarquillés. Il... Non.

Il n’avait pas osé. Si, le bougre ! Si, il avait osé ! « Tu… » bafouilla-t-elle. Okay, il avait le droit de ne pas être totalement convaincu. D’avoir quelques doutes, elle pouvait comprendre et… Non, en fait, elle ne pouvait pas comprendre. « D'un autre côté, tu dirais certainement la même chose si tu te retrouvais dans les années quarante. » Elle referma la bouche et lui lança un regard noir. Il la prenait pour qui, franchement ? Et il souriait, le con ! « Même si c'était bien plus mélodieux de mon temps. » Ava manqua de s’étouffer et se remit à rire et cette fois-ci, elle se fichait clairement de lui.
« De mon temps, » singea-t-elle avec une grimace. « T’es sérieux, là ? On va peut-être oublier le burger, à ton âge, c’est déconseillé. L’ancêtre va manger sa soupe et filer se coucher, je crois ! » s’exclama-t-elle en se levant d’un bond, incapable de rester en place. Okay, il voulait causer musique, ils allaient causer musique. Il ne fallait pas la lancer sur ce sujet, elle chantait peut-être comme une casserole – Harry et elle avaient un don pour rendre les autres dingues avec ça – mais il n’allait pas faire le malin plus longtemps ! « Mais je reconnais tout de même que ton... Époque a ses bons côtés aussi. » Elle se figea dans son élan et se tourna vers lui, les mains sur les hanches. Ah ouais, il essayait de se rattraper, peut-être ? « Je veux dire... » Elle fronça les sourcils en voyant les rougeurs apparaître sur ses joues. « A... A mon époque j'aurais dû faire des efforts incommensurables pour en voir... Autant. » Voir quoi ? Pendant un instant, elle ne comprit pas ce qu’il voulut dire. « Alors que maintenant... Enfin tu vois ce que je veux dire. » Non, justement, voir quoi aut…

Oh. Okay, d’accord. Ava resta plantée là, la bouche ouverte, l’air complètement stupide. Elle devait forcément avoir mal compris. Mais entre son regard et ses joues rouges, elle ne pouvait pas comprendre autre chose. Il était sérieux ? Non mais vraiment, vraiment sérieux ? Il venait peut-être de réussir à fermer le clapet de la blonde et c’était une chose très, très difficile à accomplir. C’était une manière de se rattraper pour avoir clairement insulté la musique qu’elle écoutait, ou essayait-il de se venger pour le fou rire qu’elle avait eu un peu plus tôt ? « Tu… » bafouilla-t-elle à nouveau avant de s’ébrouer. Alors c’était pour ça, le petit sourire qu’il avait esquissé un peu plus tôt, hein ? Ava se ressaisit et plissa les yeux en le regardant de haut. « Mais j’t’en prie, rince-toi l’œil Barnes, » dit-elle avec un sourire carnassier.
« J’y crois pas ! » s’exclama-t-elle avant de se mettre à rire. « Je sais pas si j’dois t’en coller une ou récompenser ton audace ! Non, oublie ça, t’as critiqué Motörhead, j’dois clairement te refaire le portrait. » Elle se pencha vers le canapé et attrapa un oreiller pour lui coller dans la tronche sans ménagement. Okay, ils venaient clairement de régresser, tous les deux. A l’adolescence, pas plus. Elle s’écarta de lui et afficha un air songeur. « Okay, tu sais quoi ? Tu viens de signer pour une soirée de remise à niveau. Je refuse de t’adresser la parole tant que tu n’auras pas compris l’énorme bêtise que tu viens de dire, » fit-elle d’un air arrogant. Elle lui tourna le dos pour se diriger vers sa collection de disques mais se figea en court de route. « Reluque pas trop non plus, l’ancêtre, c’est pas bon pour ton cœur, » susurra-t-elle avec un air mutin. Il voulait jouer ? Ils pouvaient être deux à le faire, mais elle avait l’impression qu’elle avait plus de chances de l’emporter sur ce terrain-là.  

Elle reprit sa route et se planta devant son immense étagère qu’elle parcourut du regard. « Je te l’accorde, Motörhead, c’est peut-être un peu trop pour commencer. Faut éduquer tes oreilles sensibles de fossile, avant, » dit-elle d’un air songeur. Elle interrompit ses recherches un moment et se tourna vers lui en arquant un sourcil. « Okay, breaking news. Ce que t’écoutais avant, tu sais, à l’ère des dinosaures ? C’est ce qui a donné ce que tu as entendu et osé critiquer – j’en reviens pas, Barnes, tu me déçois tellement, » dit-elle en levant les yeux au ciel d’un air faussement dramatique. « Je suis sûre que tu chopais tes gonzesses sur du Benny Goodman ! » s’exclama-t-elle avant de ricaner, clairement amusée. Elle lui tourna le dos pour fouiller dans sa collection et commença une sélection rapide de disques. C’était vraiment n’importe quoi, il venait de débarquer après avoir été attaqué par des types – sûrement du SHIELD, mais Ava ne voulait pas penser à ça maintenant -, salement blessé et la voilà qui se mettait en tête de refaire sa culture musicale. Sa vie n’avait absolument aucun sens.

Elle était dans son salon, en compagnie de James Barnes qu’elle venait de recoudre après qu’il ait échappé à des assassins et ils agissaient comme de véritables adolescents, à se chamailler sur une histoire de goûts musicaux. Tout allait parfaitement bien, tout était normal. Non mais franchement, comment ça avait pu devenir sa vie ? Ce n’était pas pire que cette fois où ils s’étaient retrouvés à discuter autour d’un café après qu’il ait manqué de la tuer mais presque, quand même. Tout ceci n’avait absolument aucun sens. Et Ava n’en avait strictement rien à faire. Depuis quand était-elle devenue aussi irresponsable ? Enfin, ils ne faisaient rien de mal dans le fond, mais en prenant toutes les données en compte… Des gens voulaient la mort de Barnes – peut-être sa capture, mais soit – il se trouvait dans l’appartement d’un agent du SHIELD, encore affaibli par sa blessure qu’il allait finir par rouvrir s’il n’arrêtait pas de se tordre de rire et ça paraissait parfaitement normal. Elle devrait se montrer plus sérieuse, l’encourager à prendre du repos, s’assurer qu’il n’avait vraiment pas été suivi et qu’ils ne risquaient rien, trouver qui était responsable de ça et agir en conséquence.
Mais James riait à s’en faire mal et c’était un son agréable à entendre. Un son qu’il n’avait certainement pas produit de bon cœur depuis bien longtemps. Depuis combien de temps n’avait-il pas eu l’occasion de se comporter ainsi ? D’agir comme si rien n’avait de réelle importance, de ne pas être sans cesse sur ses gardes, de pouvoir rire et plaisanter sur quelque chose d’aussi banal que de la musique. Ava voulait éliminer le Winter Soldier, qu’il cesse d’avoir son emprise sur James. Et ça ne voulait pas seulement dire l’aider à se souvenir de qui il était. C’était surtout lui permettre de se sentir humain à nouveau.

Elle n’était peut-être pas une experte, ni la meilleure personne à qui confier ses problèmes, mais ça, elle pouvait le faire. Traiter James comme elle le ferait avec n’importe qui d’autre, ne pas lui donner sans cesse l’impression qu’il était une bombe à retardement. C’était aussi pour cela qu’elle n’avait pas voulu dire où il se trouvait à qui que ce soit. Au SHIELD, ils l’auraient traité comme un danger. Comme un mec instable capable de péter un câble à tout moment. Et Rogers… elle avait beaucoup de respect pour Captain America, mais il était trop impliqué émotionnellement, il n’aurait pas pu s’empêcher d’avoir des attentes, d’afficher cet air de chien battu à chaque fois que Barnes lui aurait dit « désolé, j’m’en souviens pas ». Alors qu’Ava pouvait le traiter normalement et lui permettre de penser à autre chose que cette vie dont il ne se souvenait pas et celle qu’il préfèrerait oublier.
« Juste pour ton information, saches que le fossile est à peine plus âgé que toi ! Enfin biologiquement parlant. » Elle interrompit ses recherches pour lui lancer un regard blasé. « Ben voyons ! Rassure-toi comme tu veux, Barnes. » Elle voulut lui tourner le dos pour continuer ce qu’elle avait entrepris, mais il ouvrit à nouveau la bouche. « Et je ne vois pas l'intérêt de reluquer quand il n'y a pas le frisson de la chasse avant. Aujourd'hui, je n'ai qu'à baisser les yeux ou tourner la tête pour voir absolument tout ! Je ne dis pas que c'est mal, mais... Disons que c'est moins... Excitant ? » Et son sourire s’agrandit tandis qu’Ava se demandait si elle ne venait pas d’atterrir dans la quatrième dimension. Le frisson de la chasse, hein ? Il n’était pas croyable.

La jeune femme arqua un sourcil et lui lança un regard moqueur. « J’aurais dû te laisser te vider de ton sang, » fit-elle d’un air faussement outré. « Je crois que je préférais encore quand tu faisais la gueule. » C’était complètement faux, à vrai dire, elle appréciait de plus en plus de le voir se lâcher comme il le faisait. Mais il l’avait un peu cherché, tout de même. « Et j'ajouterai aussi que c'était bien plus facile de choper sur ma musique. Au moins on s'entendait parler. Et puis... Nous on savait danser. » Ava leva les yeux au ciel mais ne put s’empêcher d’éclater de rire à son tour. « Okay, je te rejoins sur ce point, on ne peut pas appeler ce qui se fait maintenant en boîte danser, » dit-elle avec une grimace. « On ne s’y entend même pas penser. Et pour ce qui est de la facilité, dans ces endroits là... » Elle ricana. « Tu peux tout de suite l’oublier ton frisson de la chasse. » Ava ne fréquentait pas du tout ce genre d’endroits. Du moins pas volontairement. La musique – le bruit – qu’ils y passaient l’insupportait au plus haut point et elle avait vraiment autre chose à faire que ça.
Une des rares fois où elle avait été forcée de se rendre en boîte, ça avait été pour une mission. Elle et Harry avaient parfaitement su jouer leur rôle mais ça avait demandé beaucoup d’efforts à Ava. Surtout que Zachariah ne s’était pas privé pour se foutre allègrement de sa gueule par la suite. « Mais vas-y, je t'en prie. Fais-moi découvrir la musique du vingt-et-unième siècle. Je te donne une chance... » La jeune femme arqua un sourcil, subitement intéressée. « Non. Je te mets au défi de me prouver que ta musique est mieux que ma musique de dinosaures. » Cette fois-ci, les paroles de James lui tirèrent un sourire carnassier. Un défi, hein ? Oh il allait le regretter. Ava prenait les défis très au sérieux.  

« Et si tu y arrives, je m'engage à m'habiller comme une femme du vingt-et-unième pendant vingt-quatre heures. Par contre, si je n'aime pas ta musique... » L’agent écarquilla les yeux et le fixa, la bouche ouverte. Oh bordel, il n’était pas sérieux ? « Tu devras t'habiller comme une femme des années quarante pour vingt-quatre heures. » Il ne pouvait pas être sérieux. Et pourtant, il se releva en grognant et s’avança vers elle, la main tendue. « Deal ? » Elle le regarda un moment sans réagir, comme incapable de comprendre ce qu’il venait de dire. En réalité, elle était en train d’imaginer le tableau et d’essayer de définir s’il lui donnait envie de mourir de rire ou de honte pour Barnes. Finalement, elle attrapa sa main et la serra fermement.  « T’as plus à perdre que moi sur ce coup-là, j’en suis, » dit-elle avec un large sourire.
Après tout, elle ne pouvait pas passer à côté d’une telle opportunité. Son sourire disparut néanmoins rapidement en le voyant debout et elle plissa les yeux. « Retourne t’asseoir, si tu rouvres cette plaie, je te laisse mourir ! » fit-elle avant de lui tourner le dos. Les mains sur les hanches, elle contempla la sélection qu’elle avait commencée à faire. Okay, il n’était plus tellement question d’éduquer Barnes progressivement, mais de lui faire apprécier ce qu’elle écoutait. Humpf. Elle devait choisir le nec plus ultra, la crème de la crème et ne pas se planter. Merde, c’était tout de suite beaucoup plus compliqué. Elle devait réfléchir vite. Okay, s’il devait n’y en avoir qu’une…

S’il devait n’y en avoir qu’une, le choix était évident. Son visage s’éclaira d’un petit sourire satisfait, tandis qu’elle attrapait la boîte, sortait le disque pour le mettre dans le lecteur. Vérifiant le numéro de la chanson, elle la sélectionna et mit sur pause avant qu’elle ne se lance, pour faire face à James. « Okay, on ne danse peut-être pas sur ça, encore que… » fit-elle en haussant les épaules avec un sourire en coin. « Mais pas un mot, arrête de penser et écoute. » Elle appuya sur play et alla s’installer sur l’accoudoir du canapé, tandis que les premières notes de Stairway to Heaven résonnaient dans la pièce.  

Elle avait peu de souvenirs de ses parents, après tout, elle était très jeune lorsqu’ils étaient morts. Mais Ava se souvenait de son père et elle en voiture, écoutant ce genre de musique. Elle se souvenait de sa voix grave et rocailleuse, qu’il était bon chanteur, contrairement à elle qui avait hérité des piètres talents de sa mère. Ce n’était pas pour rien si elle avait choisi ce morceau en particulier. Au début, elle se contenta d’apprécier, les yeux clos, un mince sourire aux lèvres. Puis, curieuse, elle daigna enfin se tourner vers James pour observer sa réaction. Et son sourire s’élargit en le voyant pris dans la mélodie, immobile, silencieux. Ce n’était pas tant le fait d’avoir gagné son pari qui la rendait heureuse, à vrai dire, elle s’en fichait pas mal, dans le fond. Elle était joueuse et perdre ne l’aurait pas particulièrement dérangée. Non, le voir apprécier réellement ce morceau était bien plus intéressant que le reste, aux yeux d’Ava. Peut-être parce que c’était une preuve qu’il pouvait trouver sa place. Peut-être parce que l’idée qu’ils partagent cela lui plaisait beaucoup. Elle ne savait pas trop ce que c’était, mais ce n’était pas très important. Lorsqu’il se mit finalement à battre la mesure avec son pied, la jeune femme détourna le regard, un sourire toujours accroché à ses lèvres. Le morceau était long, mais elle ne ressentait aucune lassitude à demeurer silencieuse et lui non plus, visiblement.
Lorsque vint le solo de guitare, elle ne put s’empêcher à son tour de remuer les doigts sur sa cuisse. Nul doute que ces sonorités étaient nouvelles pour James qui ne semblait pas en revenir. Les dernières notes moururent finalement, happées par le silence et elle reporta son attention sur le jeune homme qui ne bougeait toujours pas, comme sonné. Elle lui laissa le temps de se remettre et rit légèrement lorsqu’il émit une exclamation, clairement impressionné, tout en levant les mains en signe de défaite. « Ok. Je m'avoue vaincu. Je le reconnais, c'est un putain de bon morceau. » Le sourire de la jeune femme se fit peut-être un peu arrogant, tandis que son regard criait I told you so, mais elle ne se vanta pas plus que ça. « J'aurais pu dire que ce morceau est mauvais, que je ne l'ai pas aimé pour gagner le pari mais... Je ne peux pas dire ça. » Il était fier, mais pas au point de mentir pour gagner, n’est-ce pas ? Et puis, Ava l’aurait très certainement étranglé s’il avait osé dire que cette chanson était nulle. C’était inconcevable, pour elle. « Je le reconnais, tu as gagné. » Et okay, d’accord, c’était plutôt cool de l’avoir ainsi mouché.

« Si ça peut te rassurer, tu n’avais aucune chance, » susurra-t-elle avec un clin d’œil. « Tu... Tu veux qu'on fasse le gage tout de suite ? Non, parce que je suis quand même blessé et... Et je suis pratiquement sûr que ma blessure risque de se rouvrir si jamais je me relève de ce canapé. » Elle arqua un sourcil en se retenant clairement de rire, à cela. Alors quoi, il se défilait ? Parce que ça ressemblait vachement à une pathétique excuse, son petit discours. M’enfin, il se retenait visiblement de se marrer comme un abruti, lui aussi. « Tu comprends non ? Il vaudrait mieux que je sois en pleine possession de mes moyens pour faire ce gage. » Elle ouvrit la bouche, prête à le taquiner sur son courage, mais il fut plus rapide. « Et avant que tu ne fasses le moindre commentaire, non, je n'essaie pas de me défiler. Je le ferai. » Elle afficha une légère moue, car même si elle n’en doutait pas une seule seconde, se moquer de lui aurait été plutôt plaisant.
« Tu pourras même me prendre en photo et les afficher dans ton salon ou au-dessus de ton lit, en bonne groupie des Howling Commandos que tu es. » Et il s’autorisa à sourire, cette fois-ci. Pire encore, à rire. Ava fronça les sourcils et se retint vivement de lui jeter un autre coussin au visage. Au lieu de cela, elle se redressa et se planta devant lui, les poings sur les hanches. « Oh oui je prendrai une photo Barnes, mais c’est pas au-dessus de mon lit, qu’elle finira ! » s’exclama-t-elle d’un air moqueur. « Twitter, Instagram, Facebook, elle finira partout sur la toile et toi mon gars, tu pourras dire adieu à ce petit sourire ! » Bien évidemment, elle ne ferait jamais une chose pareille, mais l’imaginer était plutôt plaisant. A vrai dire, imaginer la tronche que feraient Rogers, Phil et Nick en voyant cette photo était à mourir de rire. Et puis, ce sourire, justement ? Elle commençait à beaucoup l’apprécier. Comme elle l’avait pensé le soir où elle avait raconté à James sa vie passée, il était fait pour cela. Rire et sourire, comme si la vie n’était qu’une blague et que rien ne pouvait réellement l’atteindre. Ils avaient peut-être l’air de gamins à se chamailler depuis plusieurs minutes, mais c’était plaisant. « Je ne suis pas un monstre, je ne vais pas te forcer à effectuer ton gage dans ton état. Tu risquerais de mettre du sang partout, » fit-elle en fronçant le nez, comme si cette idée était clairement repoussante.

« Hum... Au fait, c'est quoi le nom du morceau que tu m'as fait écouter ? Et c'est quel groupe qui l'a composé ? » Ah, il avait vraiment aimé, donc. Enfin, elle n’en doutait pas vu ses réactions, mais le voir aussi curieux, sur quelque chose d’aussi futile qu’un groupe de musique était agréable. Elle ne savait pas si ça l’aidait réellement mais au moins, il agissait normalement et ne s’excusait pas toutes les trente secondes pour son comportement alors peut-être que c’était utile. « Si jamais tu as d'autres groupes que tu veux me faire découvrir, je suis preneur. Après tout, tu m'as dit que j'étais bon pour une soirée de remise à niveau. » Elle répondit à son sourire et lui tourna immédiatement le dos pour s’approcher de son étagère, réfléchissant déjà au prochain morceau qu’elle allait lui faire écouter. « Stairway to Heaven, par Led Zeppelin. 1971, encore considérée comme l’un des meilleurs morceaux de rock, de nos jours, » répondit-elle en fouillant déjà dans sa collection. Elle avait gagné son pari, mais elle avait l’impression que ça avait été trop facile. Sortir Led Zeppelin et plus particulièrement cette chanson, c’était presque tricher, à vrai dire.
« Il y a les Beatles, classique mais efficace, » fit-elle d’un air songeur en parlant plus à elle-même qu’à James. « Eurgh, Nirvana, hors de question. Je ne sais même pas pourquoi j’ai ça. C’est Harry, c’est forcément elle, » dit Ava avec une grimace. Son regard s’arrêta sur un album en particulier et elle esquissa un petit sourire. Okay, les choses se corsaient un peu, là. Elle sortit le disque de Led Zepplin qu’elle rangea soigneusement dans sa boîte avant de tirer un best of des Guns N’Roses de son étagère. Ouais, ça se tentait. Avec un petit sourire en coin, elle lança le CD. « Okay, c’est plus… » Elle s’interrompit et finalement, haussa les épaules. « Tu verras bien, » dit-elle avec un petit sourire. Après tout, après le Rock venait le Hard et encore, elle ne lui faisait pas écouter ce qu’il y avait de plus violent, loin de là. Elle s’avança jusqu’à la petite table et attrapa les tasses qui s’y trouvaient, décidant d’aller leur refaire un café en attendant que leur commande arrive. Préférant ne pas rendre James sourd, elle se contenta de suivre les paroles de Sweet Child O’Mine en remuant simplement les lèvres, mais elle ne put s’empêcher de se rendre dans la cuisine en se trémoussant un peu au rythme de la chanson. Elle entreprit de préparer les boissons, bien à l’abri derrière son comptoir.

Elle avait l’impression qu’il s’agissait d’une de ces soirées qu’elle avait l’habitude de passer avec Zach ou Harry. Quand ils avaient le temps, entre deux missions, ils aimaient se retrouver pour se détendre, passer une soirée devant la télévision ou sur une console avec quelques bières et une pizza. Ils ne pouvaient s’empêcher de se taquiner joyeusement durant ces moments-là et ça ressemblait vraiment à la soirée qu’elle était en train de passer avec James. Si on lui avait dit que Barnes se trouverait un jour dans son salon, à attendre une livraison tout en découvrant ce qu’il avait manqué durant son conditionnement par l’HYDRA, Ava aurait bien ri. C’était un tableau assez stupide. Et pourtant, elle passait un bon moment. Un excellent moment, même. Il semblait nettement plus détendu, plus humain, aussi. La première chose qui avait choqué la jeune femme chez lui, c’était son regard. Sombre, vide, comme si on lui avait tout arraché, ne lui laissant qu’un esprit brisé, des morceaux qu’il était incapable de recoller pour leur donner du sens. Et elle savait que rien n’était réglé, qu’il avait encore beaucoup de travail s’il voulait retrouver une vie normale un jour – si on lui en laissait la possibilité. Mais alors qu’il semblait prendre plaisir à découvrir ces groupes qu’elle lui faisait écouter, son regard semblait à nouveau habité. Il se montrait curieux, avide d’en savoir plus, heureux même, de découvrir ces sonorités nouvelles. C’était agréable à observer.
Ils avaient transformé James en arme, avaient fait de lui une marionnette, dénuée de la moindre volonté. L’être qu’elle avait trouvé ce soir-là n’avait même pas eu la volonté de se battre pour sa vie, estimant qu’il n’en avait pas le droit, qu’il n’avait pas de raisons de le faire. Celui qui se tenait à présent dans son salon avait retrouvé suffisamment d’humanité pour s’intéresser à des choses aussi futiles qu’un morceau de musique. Et ça semblait anodin, mais Ava se rendait compte de ce que cela signifiait. Il faisait des progrès. Il ne les voyait peut-être pas, elle ne savait pas tellement ce qu’il se passait dans sa tête et il était plutôt exigeant avec lui-même. Mais Ava était capable de voir qu’il avançait, petit à petit.

La dernière fois, il avait éprouvé d’énormes difficultés à tenir une conversation normale, à ne pas s’embarrasser d’un rien. Bien évidemment, les circonstances n’avaient pas aidé, mais le fait était qu’il s’était excusé à de multiples reprises pour cela, comme s’il était responsable de ne plus savoir comment se comporter. Ce n’était pas le cas, ce soir. Il riait, plaisantait, la taquinait comme s’il était parfaitement à l’aise et c’était bon signe. Se dire qu’elle contribuait à cela était vraiment agréable, pour Ava. Au moins, elle n’avait plus la sensation d’être complètement inutile. Si ce qu’elle faisait en ce moment même était ce dont James avait besoin alors ça ne lui posait aucun problème, elle pensait pouvoir être suffisamment efficace.
Elle fut tirée de ses pensées lorsque les deux cafés eurent terminé de couler, alors elle retourna dans le salon pour déposer les tasses sur la table basse. Ava s’installa à côté de James qui semblait apprécier ce nouveau morceau de musique et elle le laissa en profiter, un petit sourire aux lèvres. Lorsque les dernières notes retentirent et qu’il se tourna vers elle, souriant, les yeux brillants, pour lui demander d’en mettre une autre, la jeune femme ne put s’empêcher de laisser échapper un rire affectueux. Il avait presque l’air d’un gosse, comme ça. Elle pouvait définitivement passer une soirée à faire ça, si c’était pour le voir ainsi.

Elle ne se fit pas prier donc et après avoir bu une dernière gorgée de son café, se leva pour lui faire découvrir d’autres chansons. Elle n’hésita plus vraiment, continuant sur des morceaux plutôt classiques avant de lancer Nothing Else Matters, de Metallica. Elle préférait commencer par les ballades, pour ce genre de groupes, histoire de l’habituer aux sonorités avant de lui faire découvrir de quoi ils étaient réellement capables. Visiblement, son choix fonctionna aussi bien que les précédents et elle en était plutôt fière. D’abord parce qu’elle visait juste, ensuite parce que ça signifiait que James avait de très bons goûts, aux yeux d’Ava. Et c’était toujours agréable de partager quelque chose que l’on aimait à une personne capable de comprendre et d’apprécier. Elle avait presque mal aux mâchoires à force, mais elle ne pouvait s’empêcher de sourire en le voyant s’extasier de ces découvertes.
Lorsque des coups frappés à la porte résonnèrent dans l’appartement, elle nota le sursaut de James et son premier réflexe, celui de chercher de quoi se défendre. Elle ne chercha pas à le rassurer et fit comme si elle n’avait rien vu. C’était normal, qu’il agisse ainsi. Alors elle se leva simplement et ouvrit la porte pour se retrouver face au livreur. Elle fit attention à ce que la porte masque Barnes, assis sur le canapé et s’empressa de régler leur commande avant de s’emparer du sac tendu par le livreur qui lui souhaita une bonne soirée avant de filer.

Ava retourna auprès du jeune homme et déposa leur repas sur la table basse avant de s’affaler sur le canapé. « Je meurs de faim, » fit-elle avec un soupir avant de commencer à farfouiller dans le sac. « Tu... Tu me diras combien je te dois pour ça. » Elle se figea et se tourna vers lui, un sourcil arqué, l’air de dire Vraiment ?. « Déjà que j'ai manqué de me vider de mon sang dans ton appartement, je peux au moins te rembourser les burgers. » Elle ne put s’empêcher de ricaner à cela, tant c’était ridicule. « Et puis, ce sera un bon début pour te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi. » Elle répondit à son sourire et reprit ses recherches. Elle sortit les sodas, qu’elle déposa sur la table, puis les deux boîtes contenant les mêmes burgers. « T’auras qu’à m’inviter quand on mangera thaï. Ou chinois. J’en sais rien, t’auras qu’à choisir, » fit-elle avec un petit sourire en coin. Il n’allait pas commencer à vouloir rembourser la moindre petite dette, Ava ne le laisserait pas faire, de toute manière. Elle attrapa une serviette qu’elle déplia avant de la poser sur les jambes de James. « J’te dorlote pas, c’est juste impossible de manger ça proprement, » signala-t-elle avant de faire de même. Puis elle attrapa une boîte qu’elle tendit au jeune homme.
« Après ça, tu seras officiellement américain, » déclara-t-elle d’un ton faussement solennel. « Non, je suis désolée, mais tu ne peux pas te proclamer américain tant que tu n’auras pas avalé ça, » dit-elle d’un air catégorique. Elle ouvrit la boîte qui contenait son burger et retint à peine un soupir d’extase. « Bon appétit ! » s’exclama-t-elle avant d’attaquer son repas. Elle ne tarda pas à l’engloutir. Ces choses-là refroidissaient vite et elle avait vraiment, vraiment faim. Du coin de l’œil, elle guetta tout de même les réactions de James qui semblait apprécier au moins autant qu’elle. Et qui avait certainement tout aussi faim. Après tout, elle doutait qu’il se mijote de bons petits plats dans son appartement et il venait tout de même de perdre pas mal de sang. Ils mangèrent donc rapidement et en silence.

Une fois son repas achevé, elle attrapa sa canette de soda qu’elle ouvrit avant d’en boire une longue rasade. Puis elle jeta un regard vers James, constatant qu’il avait terminé lui aussi. Ava esquissa un sourire en coin. « Félicitations ! » s’exclama-t-elle d’un air taquin. « Alors ? » demanda la jeune femme avant de se caler confortablement dans le canapé, l’estomac rempli et bien contente que ce soit enfin le cas. « Fais gaffe, si tu dis une connerie, j’te renie, » l’avertit-elle d’un ton faussement menaçant. Mais elle fronça subitement les sourcils et redevint sérieuse. « Tu veux autre chose ? Rogers a tendance à engloutir un repas pour cinq en temps normal et je l’ai vu doubler la dose après une mauvaise blessure. Je sais pas si c’est pareil pour toi ? Surtout que t’as perdu pas mal de sang, » dit-elle d’un ton ferme, pour bien lui faire comprendre qu’il n’avait pas intérêt à jouer au dur avec elle et qu’il pouvait parfaitement dévaliser ses placards s’il en avait besoin.