Azalea a tellement couru que ses jambes la lancent, et qu’elle est complètement à bout de souffle. Il y a des larmes qui perlent aux coins de ses yeux. Elle n’ose même pas se retourner. Le panneau publicitaire derrière lequel elle avait trouvé refuge n’a pas fait long feu : une sentinelle a tiré dessus, et l’objet a explosé en mille morceaux, écorchant la peau des bras de la brune, et la laissant avec un bruit sourd dans les oreilles et de la poussière un peu partout.
Paniquée, elle a cherché Maggie partout. Elle est même plusieurs fois de ses cachettes pour se rapprocher de l’endroit où elles se sont quittées quelques minutes auparavant, dans l’espoir de retrouver sa soeur. Mais la chevelure brune de la danseuse est restée introuvable, et aucune voix n’a répondu à ses appels, au milieu du chaos. Azalea a imaginé le pire, se forçant à regarder les personnes blessées - ou peut-être pire - au sol pour s’assurer qu’elles n’étaient pas Maggie. Au bout de longues minutes, elle n’a plus eu beaucoup de choix : elle a essayé de se convaincre que sa soeur s’était mise à l’abri, et que c’était la seule raison pour laquelle elle ne la voyait pas dans les parages. Elle a fermé les yeux, pensé ça de toutes ses forces, et a essayé de se concentrer sur sauver sa propre vie.
Mais ça lui semble un peu compromis, et la peur profonde qu’elle ressent suffit à faire couler des larmes sur ses joues poussiéreuses. Elle voit l’un des viseurs d’une des sentinelles braqué sur elle, et elle se remet à courir, courir. Quand elle entend la balle qui siffle dans l’air, elle se dit
c’est fini. Mais dans un drôle d’éclair vert, la balle est déviée de sa trajectoire, et va s’enfoncer dans un mur de briques, un peu plus loin. Azalea tremble de tout son corps, ne comprend pas. Peut-être un super-héros est-il venu à sa rescousse ? Elle n’en voit aucun autour d’elle, et elle n’a certainement pas le temps de chercher qui l’a aidée. Elle se remet à courir, comme en pilote automatique, avec une respiration plus que saccadée. Ses pieds la mènent naturellement dans la direction de son appartement, qui est à quelques blocs seulement.
Il faut absolument que je déménage. Alors qu’elle s’éloigne toujours un peu plus de la scène, regardant frénétiquement derrière elle pour s’assurer que personne ne la suit ou ne la vise, elle réalise qu’elle est lâchement en train de partir, alors que d’autres personnes ont peut-être besoin d’aide. Alors c’est ça ? Elle fait partie de ceux, égoïstes, qui préfèrent sauver leur propre vie que se battre ou aider à sauver le plus de monde possible ? La honte la submerge avec force, et à bout de souffle, elle se laisse tomber contre une portière de voiture, cachée (normalement) de la vue des sentinelles. Elle inspire, expire, inspire, expire.
Azalea ne rouvre les yeux que quand elle a repris un peu le contrôle de la situation. Elle a toujours du mal à respirer, et la gorge en feu. Elle balaie les alentours du regard, sans trop savoir pourquoi. Elle ne sait pas trop ce qu’elle cherche - elle cherche juste
quelque chose. Ses yeux bruns se posent sur une silhouette féminine, cachée au bout de la ruelle sans issue qui lui fait face. Le visage levé vers le ciel, les yeux fermés, la jeune blonde - qui doit avoir à peu près son âge - se tient l’épaule et grimace. Azalea remarque tout de suite le sang sur ses mains, qui contraste avec sa chevelure claire. Pendant quelques secondes, la chef reste immobile, mais il ne lui faut pas longtemps pour bondir sur ses pieds.
Elle n’est pas une lâche. Elle court - un peu maladroitement, elle a tellement mal partout - vers la blessée.
« Vous avez été touchée ? » lance-t-elle en arrivant près de la demoiselle, absolument magnifique, d’ailleurs.
« Merde! » lâche la Holmes en se rendant compte que la blonde s’est sûrement pris un tir de la part d’une sentinelle. Elle n’attend pas que la jeune femme lui demande de l’aide, elle s’approche un peu plus et commence à s’agenouiller auprès d’elle avec pour projet d’observer la blessure.
Mais quand elle se retrouve à une cinquantaine de centimètres de la jeune femme, celle-ci a parfaitement
disparu. A la place se trouve un jeune homme, aux traits presque enfantins, dont les cheveux roux sont en pagaille. Azalea est tellement surprise qu’elle en a le souffle coupé. L’inconnu doit voit son hésitation - et elle se doute qu’il va mal l’interpréter.
La première chose qui lui passe par la tête, c’est
je suis en train d’halluciner. Peut-être est-elle victime d’une petite commotion. Quelque chose l’a peut-être frappée sans qu’elle s’en rende compte ? Elle ne sait plus quoi faire de son corps ni de ses dix doigts. Comme pour reprendre ses esprits, elle secoue la tête, ferme les yeux, puis les rouvre. C’est toujours le jeune homme qui est devant elle, avec ses tâches de rousseur. Il a les même vêtements que la blonde.
Azalea décide de ne pas se poser de questions. Ce n’est pas le moment.
« Merde. » dit-elle en se concentrant sur la blessure, toujours un peu incrédule. Elle a l’impression de voir un petit peu flou, et elle ne sait pas si c’est le sprint, la surprise, ou la peur qui crée cet inconfort.
« Vous avez besoin d’un médecin. » Azalea sort son smartphone, mais le réseau semble complètement mort.
Merde. Elles- Ils ne peuvent pas rester là. Qui dit que les sentinelles ne vont pas avancer dans cette direction ?
Un peu flippée et pas très sûre de ce qu’elle est en train de faire - elle ne connaît pas cette personne, après tout, il pourrait très bien être un serial killer, ou quelqu’un de terrible - elle finit par ouvrir la bouche :
« Il faut pas rester là. Mon appartement est à quelques rues d’ici. Je vous promets que je suis pas quelqu’un de méchant, j’ai de quoi vous prodiguer des premiers soins là-bas en attendant que la situation se calme. Si la situation se calme. Elle ne peut être sûre de rien. Et si ça durait des heures ? Des jours ? Des semaines ? Son coeur a un raté à l’idée même. Elle pense à Maggie, et elle a encore plus peur.
« S’il vous plaît, …. Monsieur. » C’est bizarre d’appeler ainsi quelqu’un qui semble avoir son âge, mais n’ayant pas de prénom sous la main, elle est allée chercher au plus simple.
« Venez avec moi. »