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 (Icesnow#10.2) « Not Strong Enough. »

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not strong enough


Plateau de petit-déjeuner déposé sur le lit. Vainement. Bobby a le sentiment qu’ils n’en auront pas besoin. Qu’ils n’en auront pas l’utilité dans l’immédiat. La parole prime. La parole est plus importante que l’estomac. Il s’installe sur le matelas. Prêt à l’écouter. Prêt à lui parler. Il darde son regard clair sur elle. Elle semble avoir des milliers de questions, des milliers de choses à dire. Il reconnaît ce regard. Le même qu’arbore des jeunes quand ils ne comprennent pas tout ce qui se passe autour, quand ils veulent aborder des sujets qui fâchent. La suite ne sera pas facile à entendre, il le sait. La suite ne le laissera pas indemne, il s’en doute. Il est prêt, pourtant. Il veut savoir ce qu’elle a sur le coeur. Il veut jouer la franchise, comme elle le lui a demandé. Il veut que ce nouveau couple soit plus ouvert, plus bavard. Il veut que ce nouveau couple fasse les choses autrement. Communiquer. Comprendre. Accepter. N’est-ce pas ce que fait un couple normal ? C’est ce qu’ils ont du mal à faire depuis le début. C’est ce qu’ils ne sont pas parvenus à faire la première fois. Ils ont une seconde chance. Une chance unique. Une chance à saisir. Il pose ses mains sur ses cuisses et il attend. Il attend que les émotions visibles dans le regard bleu de Snow se traduisent en paroles. Le cheminement le plus difficile. Le cheminement empêtré dans les réflexions, dans les doutes, dans les peurs. Elle va peut-être faire demi-tour. Elle va peut-être renoncer. Elle va peut-être choisir un sujet plus doux, plus facile à aborder. Il ne veut pas. Il préfère qu’elle entre directement dans le vif du sujet. Pour se débarrasser des problèmes le plus rapidement possible. Pour revenir à leur bonheur commun. “De la Confrérie.” Le bonheur commun semble, d’un coup, bien éloigné. Abandonné dans le couloir, derrière la porte. Attendant que le couple ait fini de causer des sujets difficiles. Et quels sujets ! La Confrérie. En soit, ça n’est pas gênant. Cette organisation fait partie du passé de Snow. Elle en a été un membre pendant un temps. Avant d’échouer près de l’Institut. Il est normal qu’elle veuille en parler. Qu’elle veuille revenir sur cette époque. “Est-ce que tu savais qu’ils me croyaient morte.. ?” Il secoue la tête de droite à gauche. Il ne le savait pas. Il n’a pas de contact avec la Confrérie. S’en tenir le plus loin possible est nécessaire pour lui. Vital, même. Chaque confrontation avec l’un de ces mauvais mutants est toujours compliqué. Laborieuse. La manière de se battre est différente. Quand l’un essaye d’épargner, l’autre essaye de tuer. Sans compter que des têtes connues dans leurs rangs lui arrachent quelques colères incontrôlables. Il ne le savait pas et pourtant, il est persuadé que ce n’est pas de leur faute. La Confrérie n’a pas fait d’effort. La Confrérie n’a pas essayé de la contacter, après ses premières missions avec les X-Men. Ils n’ont jamais fait de geste dans sa direction. “Je l’ignorais… On n’a jamais voulu en faire un secret. Ils ne t’ont pas non plus cherchée ici…” Elle a disparu près de la X-Mansion. Les Confréristes auraient pu la chercher entre ses murs. Ils auraient pu s’inquiéter et mener des recherches. Mais ici, à l’Institut, ils n’ont vu arriver personne. Pas de visite, pas d’appel à témoin. Seulement une jeune femme blonde, ancienne ennemie devenue alliée. Seulement une jeune femme blonde ayant besoin d’aide.

Une question demeure. Comment Snow a-t-elle appris ce détail ? Qu’ils la pensaient morte ? “Mon rendez-vous, celui à propos duquel je t’ai laissé un mot, c’était Mystique.” Mystique. Voilà sa réponse. Les épaules se contractent. Instinctivement. Toute sa petite vie, il n’a jamais songé pouvoir haïr autant, pouvoir ressentir autant de colère contre une personne. Toute sa vie, il a imaginé qu’il n’aurait pas d’ennemi juré ou qu’il serait incapable de nommer une personne détestée. Il se disait qu’il ne s’entendrait pas avec tout le monde, sans pour autant nourrir une haine féroce. Il s’est trompé. A partir du moment où Mystique est entrée dans sa vie. Vicieuse, manipulatrice, trompeuse. Elle s’est jouée d’eux. Elle s’est amusée avec les sentiments des uns et des autres. Elle a eu un impact sur sa relation avec Malicia. Elle continue à en avoir sur sa relation avec Snow. Il prend une inspiration. Il a juré de tout écouter. Il a juré de tout accepter. Alors, il s’efforce de se décontracter, de garder l’esprit ouvert, d’être patient. Il s’efforce. Sans grand succès. Il n’est pas en colère contre Snow. Bien sûr que non. Il lui fait confiance. Terriblement confiance. Mystique est le seul et unique problème. Ses méthodes fourbes. Ses tromperies vicieuses. Ses viles manipulations. “Je l’ignorais, je pensais rejoindre un de mes professeurs, et elle est apparue..” Tromperie. Toujours. Après tant d’années, il aurait presque espéré qu’elle ait changé de méthodes. Non, bien sûr que non. Pourquoi se révéler franche quand le mensonge lui permet d’aller au bout de ses idées ? Il quitte le lit pour déambuler dans la chambre. La colère. Il la contrôle relativement. Pour le moment, seulement. Toujours. Il faut toujours que Mystique essaye de prendre contact. Il faut toujours qu’elle essaye d’attirer les gens auprès d’elle. Et Snow se laisse faire. Elle prend même le temps de discuter. Il ne compte pas laisser la mutante les séparer. Il ne compte pas la laisser s’immiscer dans leur relation. Elle a déjà provoqué assez de dégâts. Elle apparaît déjà assez souvent dans sa vie. Snow a le droit au bonheur, maintenant. Il ne laissera pas Mystique l’en priver. “Tu.. j’ai cru qu’elle venait me chercher, que c’était du simple profit mais elle.. je crois que le sérum fait encore effet. Tu sais ce que ça veut dire .. ?” Il sent que Snow se débat entre ses sentiments pour l’un et pour l’autre. Qu’elle essaye de le rassurer. Qu’elle veut apaiser sa colère. Il n’aura pas fallu attendre longtemps avant qu’il s’énerve de nouveau, après leurs retrouvailles. Heureusement pas contre elle. Mais, la colère peut être mal comprise. Il en a fini avec ses déambulations. Le temps de réfléchir aux paroles de Snow. Elle croit. Elle n’est pas certaine. Elle a besoin de confirmation. Si le sérum fonctionne encore sur Mystique, il pourrait faire des ravages chez Snow. Bonne ou mauvaise chose. Il n’en sait rien. Elle a toujours voulu se débarrasser de ses pouvoirs. Elle a toujours voulu s’en détacher. Elle pourrait le faire, avec une dose de sérum. Du moins temporairement. Un répit de quelques années. Une pause pour lui permettre de vivre normalement. Perdre sa cryokinésie. La mettre entre parenthèses. C’est atroce. C’est contre sa nature.

Il n’arrive pas à lire dans ses pensées. Il n’arrive pas à saisir son sous-entendu. Il ne veut pas y arriver. De peur de découvrir ce qu’elle a en tête. De peur de saisir les conséquences et les dangers de ses idées. “Elle pense que je suis en sécurité, avec vous. Avec le Professeur.” Il doit en être rassuré ? Il doit se sentir soulagé ? Ce n’est pas le cas. Mystique la pense en sécurité avec eux, mais elle l’oblige à sortir, sans être recensée, sans être accompagnée. Elle l’oblige à prendre des risques. Elle l’oblige à quitter la sécurité de l’Institut pour quoi ? Un café ? Quelques paroles ? Quelques mises au clair ? Rien qui ne justifie tellement qu’elle fasse sortir Snow. Mystique aurait pu se pointer à la porte de l’école. Elle aurait pu demander à la voir. Elle aurait même pu s’introduire dans les couloirs. Mais non. Elle a choisi une solution dangereuse pour Snow. Oh oui, Mystique la considère en sécurité à l’Institut. Mais peut-être que ça la dérange ? Peut-être qu’elle n’a juste qu’une envie : récupérer le potentiel de la cryokinésiste pour en faire son pantin. On ne sait jamais quand il s’agit d’elle. Il passe une main sur son visage. “C’est elle qui t’a dit qu’on te pensait morte ?” Il connaît déjà la réponse. Oui. Oui, Mystique lui a dit qu’elle la pensait morte. Oui, elle a utilisé ceci pour se faire pardonner. Oui, elle a tenté de s’excuser. Oui, c’est bien Mystique. Et Snow la croit. Évidemment qu’elle la croit. Elle la considère comme sa mère. Elle serait idiote de lui tourner le dos. Mais Raven n’est pas une sainte. Elle n’est pas irréprochable. Au contraire. Ce ne serait pas la première fois qu’elle mentirait. Il ne veut pas juger Snow. Sa crédulité. Sa naïveté. Son amour pour Mystique. Il ne le veut pas parce qu’il le respecte. Il a conscience du rôle qu’a pu jouer Raven dans son apprentissage, dans sa vie. La Confrériste est arrivée au moment où Snow était la plus fragile, la plus vulnérable, la plus perdue. Mais maintenant, ce n’est plus le cas. Elle peut se détacher de cette figure maternelle et ouvrir les yeux. Il retient un soupir. Montrer toute sa colère est inutile. Elle sait déjà quel effet ce prénom provoque en lui. Montrer toute sa colère est vain. Elle se braquerait. Elle ne comprendrait pas. Il préfère attendre. Attendre d’avoir une bonne raison de s’énerver. Attendre d’en apprendre davantage sur leur rencontre. Attendre de savoir si Mystique a essayé de la manipuler. “Est-ce qu’elle a essayé de te recontacter depuis ?” Il faudrait en informer le Professeur. Il faudrait le prévenir du retour de Mystique. Il faudrait prendre des mesures. Lesquelles ? Il n’en sait rien. Protéger Snow. Lui épargner les manigances de Mystique. Tout cela lui est primordial. Il ne sait juste pas par quel moyen. Par quel miracle.
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Not Strong Enough.
“You look in my eyes, I'm stripped of my pride. And my soul surrenders, and you bring my heart to it's knees.”

L
e café entre les mains, Prudence observe les signes de tension. Les épaules, la mine renfrognée, autant d’indications d’une colère qu’on voit rarement sur les traits du psychologue, sauf qu’elle n’est pas assez réveillée pour se disputer, pour débattre, pour arracher de leur quiétude les deux coeurs malmenés. Elle le laisse parler. C’est amusant, il n’a pas oublié ce qu’elle prenait au petit-déjeuner, même après six mois. Peut-être qu’ils l’ignoraient, peut-être que la Confrérie n’est pas venue la chercher mais c’est étrange.. pourquoi personne n’a jamais émis l’hypothèse que l’on puisse avoir perdu sa trace ? Elle s’était sentie tellement abandonnée et aucun des membres du personnel n’a jamais cherché à la rassurer en lui disant que, sans doute, ils ignoraient sa présence entre ces murs. Quant à savoir si c’est bien Mystique qui l’en a informée, elle ne se souvient plus vraiment, parce que cette conversation s’était noyée dans un flot de sentiments contradictoires et violents. Elle se tait, observant Bobby bouger, marcher, contenir quelque chose qu’elle juge inquiétant. Il la déteste. Il déteste Mystique du plus profond de son être. C’est surprenant d’imaginer que sa tolérance a des limites. Pourquoi accepte-t-il sa présence et pas l’existence de la métamorphe ? Pourquoi en arriver à coucher avec celle qui a manqué le tuer et haïr une simple manipulatrice de haut vol ? Elle n’est pas sûre de saisir les subtilités de ses réactions.

« Est-ce qu’elle a essayé de te recontacter depuis ? » Un froncement de sourcils. Elle a toujours le café entre les mains, la chaleur supportable parce qu’elle est encore à une température jugée normale. La question est légitime. Elle est certaine qu’il s’inquiète. La prend-il pour une enfant ? Elle sait se défendre, elle sait résister, elle n’est plus si fragile. Et au pire, que pourrait-on lui faire ? La Confrérie n’userait jamais d’un quelconque sérum. « Elle sait où je suis, elle n’a pas besoin d’essayer. Si elle s’est faite passer pour une professeur, c’est parce qu’elle savait que je ne me serais pas déplacée pour elle. » Elle savait que le ressentiment était possible, ou peut-être craignait-elle d’avoir été oubliée ? Toujours est-il que le seul moyen était celui-ci. Il y avait assez de télépathes à la X-Mansion pour qu’on tente de l’empêcher de rejoindre Raven, si Snow ignorait que ce serait elle, c’était plus simple. Qu’importe la raison, c’était ainsi.

« Je tenais simplement à ce que tu le saches, que tu ne l’apprennes pas par quelqu’un d’autre. Elle m’a juste.. affirmé que je ne l’avais pas déçue et qu’elle ne m’avait pas abandonnée. J’en avais besoin, Bobby. » Le regard est un peu plus douloureux. La peur de l’abandon, l’angoisse de ne jamais être à la hauteur, c’était une constante, c’était un cercle vicieux dont elle ne parvenait pas à sortir, arrachée à ses souvenirs et à ce qu’elle fut, il y a trop d’années maintenant. Elle avait simplement besoin d’entendre qu’au moins une figure maternelle n’était pas déçue, elle avait besoin d’entendre que ses choix étaient acceptés. Juste une fois. « Mystique m’a empêchée de me faire du mal. Elle a calmé mes crises, elle a évité à l’adolescente que j’étais une folie destructrice. Elle m’a appris à survivre et si elle ne l’avait pas fait.. » La suite coule de source : Snow ne serait pas là pour partager cette conversation et ce lit avec le psychologue. Elle serait morte à Alcatraz, comme tant d’autres, parce qu'elle n'aurait pas trouvé la volonté de vivre. « Tu sais que je ne vais pas te quitter pour eux, n’est-ce pas ? » Il faut qu’il lui dise qu’il en a conscience, qu’il ne pense pas une seconde qu’elle va céder à la Confrérie, comme ça, comme d’autres. Elle est restée, elle est revenue, elle est encore au sein du manoir alors quoi ? Peut-il songer sérieusement qu’elle va partir, sans remords ? Combien de fois lui faudra-t-il prouver qu’elle l’aime ?

« Il y a autre chose qui te contrarie. Que s’est-il passé dans ce centre commercial ? » Elle n’est pas encore complètement idiote et Snow a bien vu qu’il était réticent à extérioriser. C’était un comble qu’il garde ses angoisses pour lui tandis qu’il conseille à longueur de temps aux adolescents de parler, pour aller mieux. Un sourire doux. Elle lui tend une main, qu’il revienne vers elle, qu’il ne rompe pas le contact. S’il s’isolait, s’ils ne partageaient pas, ils n’y arriveraient pas. Il fallait de solides bases à un couple, ce qui n’était pas encore le cas. S’aimer ne suffisait pas. S’aimer était le début et pour perdurer, il fallait confiance et sincérité. « Je veux tout connaître de toi. Tu connais mes parts d’ombre, inutile de cacher les tiennes. Je.. » Ca ne sort pas. Elle n’y arrive pas. Elle voudrait lui dire qu’elle l’aime ainsi, qu’elle l’aime tout entier mais ça lui est encore impossible, c’est trop dur, trop douloureux. « Tu ne peux pas me faire fuir. » Une manière détournée d’exprimer ses sentiments. Elle l’acceptait tel qu'il était.
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il a mal. Il a mal parce qu’il connaît les ravages de Mystique. Il a mal parce que face à elle, il n’est rien. Qu’un vulgaire homme amoureux. Qu’un vulgaire glaçon dont le coeur est manipulable, dont le visage est empruntable. Il ne peut rien faire pour l’arrêter. La tuer serait contraire à ses principes. La tuer serait s’attirer la foudre de Snow et de bien d’autres. Il ne peut rien faire, si ce n’est s’inquiéter. Si ce n’est protéger les siens. Si ce n’est veiller à leur sécurité. Si ce n’est s’assurer qu’ils vont bien. Il a mal parce qu’elle est le genre de menace qu’il ne peut pas combattre. Condamné à regarder. Condamné à essuyer les conséquences. Condamné à attendre. Condamné. Il y a des craintes irrationnelles. Il y a des inquiétudes infondées. Il y a des frayeurs illogiques. Quand il s’agit de Mystique, rien n’est irrationnel. Rien n’est infondé. Rien n’est illogique. Quand on connaît la mutante, on s’en rend rapidement compte. Manipulation. Mensonge. Elle n’est pas une sainte. Elle ne le sera jamais. Qu’elle se soit intéressée à Snow lorsque celle-ci était au plus bas n’est pas un contre-argument. Seulement la preuve qu’elle décèle le potentiel. Seulement la preuve qu’elle est capable d’un peu d’humanité, mais qu’elle ne fait pas d’effort pour l’être. Pour être humaine. Il se méfie d’elle. Bien plus que de tous les autres membres de la Confrérie. Il s’en méfie parce qu’il ne peut pas lui faire confiance. A une époque, elle était capable d’emprunter n’importe quelle apparence, de provoquer n’importe quelle catastrophe. A une époque, elle pouvait semer le chaos en jouant sur les relations, en s’infiltrant pour connaître les secrets. Elle a perdu sa capacité à changer d’apparence. Momentanément. Rien ne dit qu’elle la retrouvera de nouveau. Rien n’indique qu’elle n’a pas déjà retrouvé son pouvoir. Elle s’est offerte à Snow sous une apparence particulière. Peut-être un visage croisé avant d’arriver. Qui sait ? Elle se met à traîner autour de Snow. Plus dangereuse. Plus vicieuse. Plus vile. Il ignore ce qu’elle a derrière la tête. Sûrement une idée. Sûrement un plan. Sinon, à quoi bon compter la X-Woman ? “Elle sait où je suis, elle n’a pas besoin d’essayer. Si elle s’est faite passer pour une professeur, c’est parce qu’elle savait que je ne me serais pas déplacée pour elle.” Et elle la défend. Snow argumente. Elle cherche des excuses. Elle cherche à protéger celle qu’elle considère comme sa mère. Normal. Tout enfant agirait ainsi envers un membre de sa famille. Mais ses tentatives ne sont qu’un peu plus de braises sur sa colère. Mystique continue à avoir de l’influence sur Snow. Elle continue à diriger sa manière de penser. Jusque dans la défense. Jusque dans les excuses. Snow ne prendrait pas sa défense si elle réalisait tout le mal qu’a pu causer Raven. Elle n’essayerait pas d’apaiser Bobby en redorant l’image de son mentor.

Il n’est pas déçu par sa naïveté. Il n’est pas déçu par sa fidélité. Elle est ainsi. Elle n’oublie pas ce que les autres ont fait pour elle. Elle n’oublie pas qu’ils l’ont aidée et qu’elle ne serait pas là où elle en est. Raven l’a élevée, l’a aidée, l’a aimée. Snow lui est redevable, maintenant. Mais il y a une limite. Une limite qu’elle franchit allègrement, sans même s’en apercevoir. “Je tenais simplement à ce que tu le saches, que tu ne l’apprennes pas par quelqu’un d’autre. Elle m’a juste.. affirmé que je ne l’avais pas déçue et qu’elle ne m’avait pas abandonnée. J’en avais besoin, Bobby.” Les épaules s’affaissent. Le soupir s’échappe. Okay. Il comprend. Il n’aurait pas apprécié qu’elle garde cette rencontre sous silence. Il n’aurait pas aimé qu’elle cache ses rendez-vous avec Mystique. Sa colère va peut-être la pousser à le faire, par la suite. Sa colère va peut-être la motiver à lui épargner ce genre de conversation. Il finit par rejoindre le lit. Reprendre sa place. S’ancrer dans le futur qu’il veut. Un futur loin de Raven. Un futur où sa haine contre elle n’existerait pas. Il doit cesser de lui donner autant de pouvoir sur lui. Il doit cesser de réagir de la sorte. Il doit cesser de lui permettre de le blesser. Elle n’en veut pas la peine. Snow. Elle, elle en vaut la peine. Elle, elle mérite qu’il s’inquiète, qu’il réagisse, qu’il s’investisse. Elle, elle mérite de se battre, d’essayer, d’écouter, d’aimer. A travers son soupir, c’est sa colère qui s’échappe, qui s’évacue, qui s’efface. A travers son soupir, c’est sa haine qu’il extériorise, qu’il chasse, qu’il abandonne. Comme une thérapie, elle avait besoin de rencontrer Mystique. Pour évoquer le passé. Pour entendre des pardons et des confidences. Il peut le comprendre. L’avis d’un parent - même de coeur - est toujours important. Il a envie de se réjouir. Il a envie de s’enthousiasmer de l'importance de ces retrouvailles. Mais il y a toujours une ombre au tableau. Il y a toujours le visage de Raven. “Mystique m’a empêchée de me faire du mal. Elle a calmé mes crises, elle a évité à l’adolescente que j’étais une folie destructrice. Elle m’a appris à survivre et si elle ne l’avait pas fait..” Il s’essaye à sourire. A tendre la commissure de ses lèvres vers le haut. Il essaye vraiment. Il n’est pas certain d’y arriver. Il n’est pas certain qu’à travers les vestiges de sa colère, un engouement puisse naître. Mystique peut se montrer cruelle comme elle peut se montrer maternelle. Malheureusement pour eux, ils ont vu une facette différente de la mutante. L’un a vu le mal. L’autre a profité du bien. Raven est capable des deux. Mais lorsqu’elle le fait, elle interdit toute personne de changer d’avis. Bobby la verra toujours comme un être maléfique qu’il faut éviter le plus possible. Même en tant que mère, il lui trouve quelque chose de louche. Il lui attribut des intérêts et des plans qui n’existent peut-être pas. Son jugement est consumé par ses expériences passées. Alors, il en vient à se forcer. Pour essayer de se mettre à la place de Snow. Pour essayer de comprendre pourquoi elle est si soulagée d’avoir revu Mystique. Si soulagée, alors que lui serait accablé par le poids de la rencontre. “J’ai conscience de ce qu’elle a fait pour toi et combien elle est importante. J’ai… juste du mal avec elle.” Du mal. Euphémisme. Il n’a pas que du mal. Ses épaules tendues de tout à l’heure. Ses pas furieux. Son agacement. Ce n’était pas que du mal. Mais il ne veut pas en parler. Il ne veut pas détruire l’image parfaite qu’elle peut avoir de Raven. Même si il s’en ferait un plaisir. Même si il apprécierait qu’elle voit enfin la vérité.

Sa vérité à lui. Sa vision de Raven. Bien loin de la mère protectrice. Bien loin du mentor. Bien loin de tout cela. Mais plus près de l’ennemie. Plus près de l’adversaire. “Tu sais que je ne vais pas te quitter pour eux, n’est-ce pas ?” Cette fois, son sourire n’est pas forcé. Il est sincère. Il le sait. Elle est fidèle à la X-Mansion autant qu’elle est fidèle à Mystique. Partagée entre les deux. Il sait qu’elle ne partira pas. Du moins, pas tout de suite. Même si elle en a eu envie par le passé. Même si elle a failli le faire plusieurs fois. Elle a une raison de rester maintenant, n’est-ce pas ? Elle a une raison de ne pas s’enfuir dans les bras de Raven, pas vrai ? Il a confiance en elle. Pourtant, la peur l’enserre toujours. Vieille ennemie qui ne veut pas l’abandonner, qui ne veut pas lui offrir la tranquillité. “Il t’a toujours fallu une bonne raison pour envisager de partir. Si un jour, tu en viens à le faire, je sais que ce ne sera pas par plaisir.” Avec le recensement, elle pourrait vouloir partir. Elle pourrait chercher la protection de l’autre côté. Elle pourrait se montrer contre le gouvernement, contre la protection des populations, contre tout. Elle pourrait s’élever contre les X-Men. Elle le pourrait. Elle pourrait être en sécurité du côté de la Confrérie. Il le pense. Elle pourrait être aux côtés des plus forts, des plus nombreux. Des plus suicidaires, aussi. Mais il n’y a qu’à voir les couloirs de la X-Mansion. Désertés. Abandonnés. Les étudiants qui sont restés ont trop peur pour partir, sont trop jeunes pour décider, trop faibles pour penser intégrer la Confrérie. La X-Mansion n’est plus ce qu’elle était. Et encore, jour après jour, de nouvelles absences sont constatées. De nouveaux départs sont recensés. Snow s’est mise en danger, en refusant de se plier à la loi. Elle s’est interdit de vivre normalement. Elle s’est destinée à une vie de fuite. Son seul salut se trouve peut-être du côté de Magneto et de ses idéaux. Pour cela, elle devra semer la mort. Elle devra revenir à ses anciens principes. Elle devra arrêter de culpabiliser pour tous les meurtres déjà commis. Mais elle est là. Et tant qu’elle sera chez les X-Men, à la X-Mansion, il veillera sur elle. Il la protègera. Il s’assurera qu’elle rentre toujours à la maison. Saine et sauve. Pour allumer un cierge à l’église. Pour une mission en pleine ville. Pour tout. Devenir meilleur pour lui offrir la sécurité. Pour qu’elle puisse assumer son choix. Pour qu’elle ait les moyens de vivre normalement. “Il y a autre chose qui te contrarie. Que s’est-il passé dans ce centre commercial ?” L’époque où ils ne parvenaient pas à se comprendre, à lire dans les pensées de l’autre, à anticiper les réactions. Cette époque est révolue. Définitivement. Il ne peut pas lui cacher ce qu’il s’est passé au centre commercial. Elle a senti comme il était perturbé. Elle a vu comme il était marqué. Elle a compris qu’il ne lui parlerait pas. Du moins, pas spontanément. Pas tout de suite. Il aurait aimé retarder ce moment. Elle ne lui donne pas ce droit. Et elle le connaît. Il aurait tendance à repousser, à refouler, à intérioriser. Il aurait tendance à le garder pour soi. “Parmi les X-Men présents à Alcatraz, il y avait une amie. Emma Hawkins, une mutante capable de maîtriser le flux sanguin. Elle a disparu ce jour-là. On a tous cru qu'elle était morte. Elle l’était forcément…” Son regard se perd par la fenêtre. Se perd dans les jardins. Se perd dans l’horizon. Se perd vers des souvenirs, des émotions. Se perd des années plus tôt. Lorsqu’ils avaient dû fuir Alcatraz. Lorsqu’ils s’étaient aperçus qu’il manquait Emma. Lorsqu’ils avaient entamé les recherches. Il s’en était voulu de ne pas avoir été là pour la protéger. Il s’en veut aujourd’hui de ne pas être parvenu à la retrouver.

... pourtant, je l’ai revue au centre commercial, par hasard. Elle était… je crois qu’elle était en train de tuer un homme à la vue de tous.” Encore plus puissante. Moins humaine. Moins sensible. Moins empathique. Emma a changé. L’appeler par ce prénom est inutile. Emma est devenue Jane. Jane et ses deux personnalités. Jane et son côté doux cohabitant avec son côté assassin. Jane qui ne se souvient même pas de ce qu’a été sa vie à la X-Mansion. Elle a tué quelqu’un juste sous ses yeux. Sous les yeux de centaines de personnes. Des innocents qui ne se sont rendus compte de rien. Trop inquiets pour le politicien. Trop soucieux de le voir s’effondrer sur scène. Bobbya été le seul à s’intéresser au fantôme d’Emma. Parce qu’il a reconnu son visage. Parce qu’il connaît ses capacités. Elle a évolué depuis. Elle peut tuer à distance. Surtout, il n’y a plus la lueur d’humanité qui l’empêchait d’aller au bout, avant. “Elle ne m’a pas reconnu. Elle a même essayé de me tuer...” C’est dur à dire. Eux qui s’entraînaient ensemble. Eux qui avaient passé des heures à discuter, à échanger. Comme des gamins de leur âge. Ils avaient grandi ensemble. Mais l’autre jour, dans cette femme qui le regardait dans les yeux pendant qu’elle essayait de s’immiscer dans son coeur, il n’a pas reconnu son amie. Elle est une parfaite étrangère. Une meurtrière au sang-froid redoutable. “Il semblerait qu’elle ait une double personnalité et qu’elle ne se souvienne plus de sa vie ici. Je ne sais pas comment ni pourquoi s’est arrivé…” Il a encore des tonnes de questions. Il a encore des choses à découvrir. Il a besoin de la rencontrer. Prendre le risque de mourir. Mais il a trouvé comment faire. Il a trouvé comment contrecarrer son pouvoir. Grâce et malgré Snow. Opposer la glace est la seule défense trouvée. Et l’assommer, aussi. Pour que l' innocente prenne le dessus sur sur la meurtrière. Il baisse les yeux sur le plateau. Il n’y a rien d’autre à dire. Seulement des doutes. Seulement des regrets. Seulement des questions. Seulement des inquiétudes. Snow sait ce qu’il s’est passé au centre commercial. Il n’a pas parlé de la raison de son déplacement. Pourquoi le centre commercial ? Sûrement pas pour faire du shopping. Elle s’en doute. Il n’en a pas parlé. Pure omission ou oubli de sa part ? “Je veux tout connaître de toi. Tu connais mes parts d’ombre, inutile de cacher les tiennes. Je..” Il relève le regard. Il sait. Il sait ce qu’elle veut dire. Il sait quels mots ne sortent pas. Et il sait aussi pourquoi. A cause de lui. Parce qu’il a brisé cette facilité qu’ils avaient entre eux. Parce qu’il lui a brisé le coeur. Parce qu’elle a envie de l’aimer, de lui faire confiance, mais qu’elle a peur. “Je sais…” Il souffle sa réponse. Lui aussi a du mal. Lui aussi n’arrive pas à le dire. Brisé en miettes par une autre femme. Mais ils y arriveront à un moment donné. Bobby plus facilement. Des deux, Snow a pourtant été la plus entreprenante, la plus expressive, la plus passionnée. Il faut croire que les rôles finissent par s’inverser. Il serre la main qu’elle lui tend. Elle n’a pas besoin de parler. Elle n’a pas besoin de le dire. Il le voit. Dans son regard. Dans son ton. Dans ses gestes. Dans ses baisers. Les mots ne sont pas nécessaires. Pas pour le moment. Pas tant que son coeur sera blessé.

Tu ne peux pas me faire fuir.” Oh que non, il ne le peut pas. Elle sait lire en lui comme dans un livre ouvert, même si quelques mystères subsistent. Quelques vérités à découvrir. Quelques états d’âme à dévoiler. Il ne pourra pas échapper à son regard, à ses questions, à ses attentions. Il s’éclaircit la gorge. Parler de lui est compliqué. Il passe son temps à faire parler les autres, mais personne ne l’incite à en faire de même. Personne ne vient lui faire la discussion pour creuser au-delà des apparences, au-delà des sourires et des “oui oui, t’en fais pas”. Il est le psychologue. Il est censé savoir ce qu’il fait. “Depuis l’attentat, ce n’est plus pareil : cauchemar, peur, parfois même des flashes de ce qu’il s’est passé. Stress post-traumatique... Je voulais retourner dans un centre commercial pour me plonger de nouveau dans la foule et me prouver que je pouvais encore le faire, que je n'étais pas effrayé.” Il avait pris sur lui. Il y était allé seul. Affronté sa peur. En finir avec son traumatisme. Il y était allé, sans avertir personne. Seulement qu’il serait absent. Seulement qu’il serait à New-York. Il n’avait pas dit ce qu’il comptait y faire. Mais ses plans avaient changé, avec la rencontre de Jane. Il n’a pas eu le temps d’aller jusqu’au bout. De se confronter à sa frayeur. De sentir les tremblements de la peur. D’avoir le ventre en vrac. D’avoir conscience de ce qu’il faisait. D’être étouffé par la foule. Il n’a pas eu le temps. Il y retournera. Un jour. Il réessayera. Un jour.
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“You look in my eyes, I'm stripped of my pride. And my soul surrenders, and you bring my heart to it's knees.”

P
eut-être que Bobby a du mal avec Mystique - doux euphémisme - mais il a la colère contrôlée, il a la mutation sous clefs. Il peut s’agacer, s’énerver, crier même, sans représenter un danger pour ceux qui l’entourent ; ça n’est pas le cas de Snow. Un seul petit mot a fait déraper le décor tranquille, la seule évocation que quelqu’un puisse avoir tenté de tuer le psychologue l’a faite entrer dans une émotion totalement hors de contrôle. Certes, rien ne s’est lu sur ses traits, elle est restée parfaitement immobile à le fixer mais dans la pièce s’est levé un air frais, la température anormalement basse et les flocons spontanément générés en mouvements brusques. A l’époque où elle était encore son opposée, elle tolérait difficilement que quelqu’un s’y attaque, elle était déjà dans une sorte de possessivité, les choses ne s’arrangeaient donc pas aujourd’hui pour ceux qui auraient l’idée saugrenue de s’en prendre à Iceman.

Elle se redresse, légèrement. Il y a eu une inspiration et, durant une fraction de secondes, l’ombre de Snow Queen a flotté dans son regard, ce détachement, cette distance. Elle a muré les instincts, elle a emprisonné derrière un mur infranchissable les sentiments. Quelqu’un a essayé de le tuer. Ca s’est arrêté. Le blizzard naissant s’est stoppé net, comme s’il n’avait jamais existé, comme si ça n’avait été qu’un mirage, une illusion. Seule subsiste encore la fraîcheur de la pièce, qui tend déjà à s’atténuer. On dit qu’aimer peut rendre dangereux, on dit que c’est à la fois la meilleure des motivations et la plus grande des faiblesses. De quoi serait-elle réellement capable devant le corps inerte de Bobby ? Au centre commercial, elle était encore limitée par sa nouvelle capacité, sa mutation instable rendant les excès difficiles - ça n’était visiblement plus le cas. A quel point serait-elle capable de détruire, de piéger dans un hiver soudain le décor le plus proche ? Une reine des glaces impitoyable dormait-elle toujours derrière les barrières ? « Phoenix a tout détruit, ce jour là. » Le cheminement de pensées est toujours nébuleux, au premier abord. Pouvait-elle juger la puissance de Jean quand, à son maigre niveau, elle était capable de bien des horreurs ? Un trop grand pouvoir pouvait vite devenir ingérable. « Qui sait ce qu’il a pu advenir de ton amie ? » Tout avait été possible, durant cette terrible bataille où nombre de mutants étaient morts, ou autant d’entre eux étaient revenus blessés, choqués ou désemparés ? Savait-on seulement toutes les conséquences possibles des facultés dévastatrices de la télépathe ? « Il est possible de formater un esprit fragilisé. Quelqu’un a peut-être profité d’un choc ? Intégrer des réflexes, effacer des souvenirs, créer une nouvelle identité, ce sont des choses si faciles à faire avec les bons outils. » L’explication lui semble la plus logique quand, de son point de vue, Bobby avait sûrement pensé à quelque chose de moins terrible. Prudence n’avait peut-être pas fait l’expérience d’un lavage pur et dur de cerveau mais elle était, en quelque sorte, la preuve qu’on pouvait changer, qu’on pouvait oublier des morceaux de son existence et en créer une nouvelle, par voie de conséquences et pas forcément de façon volontaire. « Il reste sans doute encore quelque chose de celle que tu as connue. Peut-être loin et ça ne sera peut-être pas facile à faire surgir mais le Professeur doit pouvoir t’aider. » N’était-il pas l’un des mutants les plus doués qui soient ? Si Xavier ne parvenait pas à faire remonter la X-Woman derrière l’assassin, personne ne le pourrait. Un sourire doux, bien qu’elle s’inquiète pour lui, pour sa culpabilité.

Lui dire qu’elle l’aime s’avère cependant impossible. La spontanéité est morte dans les blessures qu’ils se sont infligé. Le contact est la dernière manière de lui transmettre ses sentiments, parce que les mots sont coincés, parce que sa facilité à exprimer l’attachement s’est envolée. Elle l’a perdu une fois, elle pourrait le perdre encore, il pourrait partir et ne plus revenir. Et la peur la dévore, lentement, elle grignote déjà les sens, les certitudes, les contours d’un avenir qu’elle a voulu dessiner pour lui, pour eux. Il y a quelque chose d’irréel dans les moments partagés, de trop beau pour être vrai. Du bout des doigts, elle caresse cette main qu’elle ne veut plus avoir à lâcher. Comment lui dire ce qui reste coincé ? « Depuis l’attentat, ce n’est plus pareil : cauchemar, peur, parfois même des flashes de ce qu’il s’est passé. Stress post-traumatique… » Prudence n’a pas oublié. Elle n’a pas oublié l’odeur de brûlé, la souffrance, les cadavres, la terreur face à tout ce sang. Elle avait simplement eu la chance de souffrir plus encore de la rupture, ce qui avait équilibré la balance. Quelque part, elle avait eu l’impression de ne pas l’avoir vraiment sauvé, ce jour-là, obligée de s’en défaire malgré tout. Ca avait été comme.. devoir faire son deuil. Et lui, le psychologue, n’échappait pas à ses démons. Il absorbait ceux des autres sans jamais vraiment faire taire les siens. « Je.. j’ai vu ta mort des centaines de fois après l’attentat. Ca finit par passer. Je n’ai pas de conseils à te donner parce que tu m’as forcé à te considérer comme.. perdu, dans ce centre commercial. A faire un deuil. » La réalité est peut-être plus dure qu’il ne l’aurait pensé. Oui, ça finit par passer, il suffit de trouver la méthode drastique, le moyen de repousser son enfer personnel. « Je pourrais te dire que je serai là toutes les nuits comme tu l’as été à une époque, dans ma chambre .. mais je n’ai rien d’un antidépresseur. » Un peu d’humour. Un sourire qui s’étire, qui dévoile un peu les dents, sincère et rafraichissant. « Tu veux bien manger quelque chose ? Et me décrire ce que tu vois. Un de tes livres dit que c’est une étape utile, d’extérioriser. » La vilaine fille qui inverse les rôles. A elle de prendre soin de lui, à elle de veiller à ce qu’il se remette, qu’il se sente bien et qu’il puisse travailler convenablement. Il ne devait plus se nier de la sorte.
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Le froid. Partout dans la chambre. Une chute de température brutale. Choc thermique pour n’importe qui. Sauf pour eux. Le froid. Expression d’une colère sourde. Témoin d’une douleur sincère. Un quart de seconde. Le temps nécessaire pour que Snow Queen resurgisse en elle. Le temps nécessaire pour que les instincts protecteurs prennent le dessus. Un quart de seconde. Le mirage de Snow Queen disparaît. Masque éphémère sur son visage. L’illusion n’a pas échappé su regard clair de Bobby. Le froid, d’abord. Saisissant. Glacial. Même pour lui. Pris au dépourvu. Surpris par ce changement. La mutation n’a pas eu le temps de s’adapter. Ensuite, l’expression de Snow. Clignement des paupières. Souvenir d’une concurrente de poids. Rappel de son potentiel meurtrier. Clignement des paupières. Retour de la femme douce et attentionnée. Retrouvailles avec la X-Woman. Changement rapide. Presque un mirage. Presque une hallucination. Mais pourtant, la réalité. Il n’y a pas eu de geste de recul. Il n’y a pas eu de peur. Juste de la surprise. Juste une prise de conscience. Elle l’aime. Bien plus que Bobby ne serait jamais capable. Bien plus que la raison ne le souhaiterait. Elle serait prête à tuer n’importe qui pour le protéger, pour le défendre, pour venger sa mort. Il ne pourra jamais rivaliser avec son amour. Il ne pourra jamais lui promettre un amour du même niveau. Il ne pourra jamais lui assurer d’aller à l’encontre de ses principes. De la même manière qu’il s’inquiète pour elle, Snow se fait du souci pour lui. A un autre niveau. A une autre échelle. Plus virulente. Plus violente dans ses réactions. Il n’a pas anticipé. Il n’a pas prévu. Il ne s’imaginait pas provoquer une telle réaction. Une vive réaction. Il sait, maintenant. Il sait qu’elle tient à lui à un tel point qu’elle s’effraye des tentatives de meurtre à son encontre. A tel point qu’elle perde le contrôle de ses capacités. Alors qu’il est un X-Man. Le danger est quotidien. La danger est habituel. Le danger constitue le coeur même du rôle de X-Man. Qu’il manque de mourir, en se promenant simplement dans un centre commercial, relève du hasard pur. D’une coïncidence inexplicable. Il n’y a là aucune raison de s’émouvoir. Aucune raison de tuer. Il a cherché les ennuis, en dérangeant une mutante en pleine action. En accostant une meurtrière en plein exercice. ‘’l est possible de formater un esprit fragilisé. Quelqu’un a peut-être profité d’un choc ? Intégrer des réflexes, effacer des souvenirs, créer une nouvelle identité, ce sont des choses si faciles à faire avec les bons outils.’’ La manipulation mentale. Le lavage de cerveau. Des méthodes contestables et contestées. Des méthodes utilisées autrefois, mais plus aujourd’hui, n’est-ce pas ? Qui souhaiterait infliger des dégâts pareils à une femme qui n’a rien demandé ? Une personne ou une organisation mal attentionnée. Une personne ou une organisation qui trouverait son pouvoir utile pour tuer sans laisser de traces. Il ne veut pas croire à une idée pareille. Il ne veut pas imaginer les mauvais traitements supportés par Emma. C’est pourtant la seule explication envisageable. Explication qui justifierait sa disparition pendant des années. Explication qui justifierait son corps introuvable à Alcatraz.  

‘’Il reste sans doute encore quelque chose de celle que tu as connue. Peut-être loin et ça ne sera peut-être pas facile à faire surgir mais le Professeur doit pouvoir t’aider.’’ Elle exprime de l’espoir. Elle fait preuve de bienveillance. Il échoue à espérer dans cette situation. Si Jane a vécu tant d’années sans se souvenir de rien, s’est créée une vie loin d’Emma, elle ne voudra sûrement pas être rattrapée par cette histoire. Bobby n’en a même pas parlé avec le Professeur. Il n’a même pas annoncé la nouvelle aux X-Men qui la connaissent. Il n’y a que Qadir et Bobby qui sont au courant. Le psychologue n’annoncera pas la nouvelle à n’importe. Pas tant que Jane n’aura pas assurée qu’elle souhaite découvrir Emma. ’’Et si elle ne souhaite pas gâcher sa vie actuelle avec la quête inespérée d’une vie dont elle a tout oublié ? » Jane est poursuivie par le fantôme d’une femme qu’elle ne connaît pas. Son monde se dilate déjà, prêt à s’effondrer, à imploser. Bobby ne pourrait pas lui en vouloir si elle décidait de prendre de la distance avec toute cette histoire. Si elle décidait de ne plus les revoir. Si elle décidait de reprendre sa vie, comme avant. Loin de tout ce délire de mutant, de gène X, de double-personnalité. Ce serait logique qu’elle souhaite s’enfermer dans une bulle où rien d’autre que son existence actuelle l’importerait. Logique et compréhensible. Alors, il ne peut pas être aussi positif que Snow. Il ne peut pas imaginer retrouver son amie. Il ne peut pas penser qu’elle récupérera ses souvenirs. Il ne peut pas espérer qu’elle se souvienne de lui, autrement que comme le gars qui l’a assommée. Le gars qui lui a annoncé qu’elle tuait des gens durant ses absences. Le gars qui a probablement changé sa vie. De bien des manières. Jane va devoir affronter son passé. Bobby, lui, en est à combattre un souvenir douloureux. Celui d’un attentat. Celui d’une mort. En dehors d’une mission. Là où il aurait seulement dû s’amuser, profiter de la vie, savourer le moment présent. Quelqu’un en a décidé autrement. Il pensait sans sortir indemne. Peut-être ébranlé psychologiquement et physiquement. Mais pas autant. Sur le moment, il n’avait rien ressenti. Seulement l’inquiétude pour ses proches. Seulement le besoin d’aider. Une fois en sécurité, entre les murs de l’Institut. Une fois posé et reposé, les faits lui ont sauté aux yeux. Traumatisé par cette presque mort. Traumatisé par cette atteinte à ses libertés. « Je.. j’ai vu ta mort des centaines de fois après l’attentat. Ca finit par passer. Je n’ai pas de conseils à te donner parce que tu m’as forcé à te considérer comme.. perdu, dans ce centre commercial. A faire un deuil.’’ Il s’en était rendu compte ce jour-là. En plein chaos de l’attentat. Alors que les larmes ravageaient ses joues. Alors que ses mains tremblantes essayaient de réparer les dégâts. Elle a dû affronter une situation pour laquelle personne n’est préparé. Une situation où elle a failli perdre un proche. Cette scène d’horreur est assez impressionnante pour rester imprégnée sur sa rétine pendant des jours, des semaines. Il sert un peu plus ces doigts. Des doigts qui ont réussi à le guérir et à le cicatriser. Des doigts par lesquels il n’est pas mort.

« Je pourrais te dire que je serai là toutes les nuits comme tu l’as été à une époque, dans ma chambre .. mais je n’ai rien d’un antidépresseur.’’ Si seulement elle savait… Elle est sûrement le meilleur antidépresseur dont il peut rêver. Ses sourires, ses regards, ses paroles, son écoute. Elle est tout ce dont il a besoin pour avancer. Pour oublier. Pour ne pas ruminer. Pour tourner la page. Pas besoin de médicaments. Pas besoin de séances de psychanalyse. Il a déjà tout ce dont il a besoin sous les yeux. Il n’est pas plus un antidépresseurs qu’elle. Parfois, des caresses sur la peau nue, des bras autour de la taille, des lèvres sur les siennes sont suffisantes. Deux fois plus efficaces. Deux fois plus performantes. ’’Tu es exactement ce dont j’ai besoin.’’ Il se fait sérieux. Loin de l’humour de Snow. Il aimerait lui montrer combien elle est importante pour lui. Pour qu’il trouve un équilibre. Pour qu’il soit heureux. Pour qu’il repousse ses démons. Il n’y arrive pas. Pas autant qu’elle. Pas autant que sa spontanéité. Pas autant que sa passion. Il est plus réservé dans ses démonstrations d’amour. Il est plus avare en témoignages de son affection. Pourtant, ce n’est pas l’amour qui manque. «  Tu veux bien manger quelque chose ? Et me décrire ce que tu vois. Un de tes livres dit que c’est une étape utile, d’extérioriser.’’ Toujours aussi maternelle. Toujours aussi protectrice. Il n’a pas faim. Plus depuis qu’il a évoqué Jane/Emma. Plus depuis qu’il a parlé de son traumatisme. Il esquisse un sourire en pensant au nombre de livre qu’elle a dû subtiliser dans son bureau. Elle y entre et en sort facilement. Une forme aqueuse peut se glisser n’importe où, à l’inverse du glaçon. Plus compact, moins discret. Ses lectures psychologiques n’ont jamais vraiment cessé avec le temps. Toujours à l’affût de nouvelles connaissances. Toujours curieuse d’en savoir plus sur le cerveau humain. ’’Rappelle-moi de t’interdire l’accès à ma bibliothèque.’’ Il attrape tout de même le bol de café pour en boire une gorgée. Faire un effort. Lui montrer qu’il ne se laisse pas dépérir. Lui montrer qu’il prend un minimum soin de lui. Elle a toujours eu le don de s’inquiéter qu’il mange bien à chaque repas. Ca n’a pas changé. Il plonge le nez dans le liquide noir. Cherchant le reflet de ses cauchemars. Lisant à travers son propre esprit. Une liseuse de bonnes aventures trouveraient une signification dans le marc de son café. Lui croit plutôt à la psychologie et à la logique humaine. ’’C’est assez difficile à décrire… Il y a l’odeur du brûlé, les cris et après, j’ai l’impression de tomber dans le vide. Et puis, je me réveille en sursaut. Des fois, je nous revois tous dans le centre commercial. Au moment où on essaye de sortir, on est attaqués. On meurt tous les uns après les autres. Danny, Kitty, toi et moi. Et quand je ne nous imagine pas en train de mourir, je me réveille au milieu des lambeaux de chair, nez à nez avec une victime.’’ Il lève le nez de son bol de café. Il n’a rien vu dans le café. Ni la porte ouverte sur son âme. Ni le reflet de son esprit. Seulement ses yeux. Ses nuits ne sont plus aussi calmes et insouciantes qu’avant. Elles ne sont que noirceur et cauchemar.
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E
lle est exactement ce dont il a besoin. Ca l’a touchée même si elle n’a rien dit. Ca a glissé comme une caresse sur le coeur blessé et si les yeux bleus l’ont détaillé, aucun mot n’est venu répondre à ce drôle d’aveu. Snow aurait aimé pouvoir dire qu’elle contrôlait la situation, que plus jamais elle ne se laisserait avoir par ses espoirs vains - malheureusement, elle ne pouvait rien contre le boum régulier du myocarde entiché. Lorsqu’il souffle un peu d’humour au sujet de sa bibliothèque, elle esquisse un sourire amusé, un brin mutin, un soupçon de défi ; comme s’il pouvait réellement l’en empêcher ! Le café ne lui fait pas vraiment envie, il le boit parce qu’il le faut, sans en savourer ni les effluves ni les nuances. Des cauchemars et des nuits agitées résument visiblement son quotidien, même si elle dormait trop profondément pour l’avoir perçu, cette fois. Lentement, elle lui prend le bol des mains et débarrasse le lit du plateau ; il a besoin d’autre chose qu’un repas. Il a besoin d’autre chose que seulement manger avant de partir écouter les problèmes des autres.

Snow revient vers lui pour voler un baiser, douceur et tendresse, amour et compassion. Les lèvres s’accrochent et transmette tous les sentiments contradictoires qui l’unissent à lui. « Lâche prise. » Un murmure. Si elle lui retire le t-shirt qu’il a enfilé plus tôt, ça n’est pas pour se perdre dans la débauche - ça n’est pas l’heure pour cela - mais avec des intentions beaucoup plus inattendues. Elle le pousse calmement sur le matelas, pour qu’il s’allonge, pour qu’elle puisse s’installer tout près, juste au-dessus. Combien de fois s’était-elle glissée ainsi, repoussant les limites du raisonnable ? Trop de fois pour qu’il soupçonne ce qu’elle a réellement en tête. « Ton inconscient à associé le centre commercial à la perte de ceux que tu aimes. Il faut déconstruire les liens. » Les doigts massent consciencieusement les épaules, avec une application imperturbable. Il est noué. Il est plein de tensions diverses et variées et elle est bien décidée à l’en libérer.

« Visualise la scène. Rappelle-toi du chaos, des cris, de toutes ces images qui sont restées dans ta tête. » Les paumes se font plus froides sur la peau, elles donnent au contact un rappel rassurant de leur élément commun. « Du métal, juste là.. » un contact sur l’abdomen, qui répète les gestes faits pour lui éviter la mort, ramenant le liquide froid si salvateur pour lui. « La douleur, la sensation cotonneuse. » Voix mesurée. C’est presque une douce mélodie, une berceuse tranquille, suivant des conseils qu’elle avait pioché dans plusieurs des livres du psychologue. Un autre baiser vient rompre le cauchemar, vient s’imbriquer au milieu de ce sur quoi elle le fait se concentrer. Qui a dit que la méthode était conventionnelle ? « Tu as sauvé tous ceux que tu pouvais, Bobby. Tu ne pouvais pas faire plus et tu n’as perdu aucun de nous. Tu es un X-Man, rien ne t’empêche de venir à bout d’un ennemi, surtout pas dans ta tête. » Elle reprend son massage froid, joue sur sa peau, trace le long des muscles encore contractés des sillons de tendresse, des points de pression calculés. A vrai dire, elle ignore totalement d’où ça lui vient, elle ne se souvient pas avoir appris à masser, à faire autre chose que blesser. Flash furtif de cette période où elle a tenté une vie normale. Elle chasse l’ombre du passé, après avoir marqué une seconde d’arrêt.

« Je t’ai souvent rétorqué qu’il vaut parfois mieux ne pas savoir, laisser les souvenirs de côté : c’est faux. Emma va lutter toute sa vie contre ce qu’elle a été, sans vraiment le savoir, tant que tu ne feras rien pour elle. » Il mérite qu’elle soit honnête, qu’elle avoue à celui qui a tout essayé pour l’aider que la seule solution pour s’accepter, c’est de savoir, de connaître ce qu’on a pu faire, pour choisir en toute connaissance de cause, de répéter ou non le chemin déjà emprunté. « .. mais ne la laisse pas te faire de mal. Je.. t’aime trop, je ne saurais pas vivre en te sachant mort.. » Loin de lui, elle pouvait, si il allait bien, s’il était heureux. L’enterrer la tuerait, elle avait besoin de pouvoir graviter dans son univers, et si les mots ont manqué se coincer au fond de sa gorge, elle l’a dit. Sans doute ne le refera-t-elle pas avant plusieurs jours voire semaines mais elle a libéré un poids sur son coeur, une source de souffrance muette. « .. J’ai chaud. » Ca sort de nulle part. Elle était encore en train d’appliquer de la glace sur la peau, en fines couches de givre, lorsqu’elle a réalisé le changement de sa propre température. Snow est restée à 37°c, malgré l’utilisation de sa mutation, malgré les variations alentours. Elle n’a pas l’habitude que ça dure aussi longtemps, que ça se prolonge même une fois le désir retombé, même une fois le repos passé. Elle a presque l’impression que c’est lui, maintenant, qui est froid. Liquéfaction soudaine, Bobby se retrouve en contact avec la silhouette aqueuse, celle qui soupire d’agacement. Ca tombe toujours au mauvais moment, ce truc !
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De nature plutôt sereine, il n’a jamais été aux prises avec des démons nocturnes. Les monstres sous le lit. Les cauchemars angoissants. Les crises anxieuses. Il ne connaît pas. Du moins, il sait les gérer. Les nuits ont toujours été calmes chez lui. Même alors qu’il se découvrait des facultés mutantes. Même alors qu’il était hué par la moitié de la ville. Il n’a jamais souffert de son imagination dopée au stress. Jusqu’à il y a peu. Il découvre les réveils en sursaut. Il découvre les insomnies. Il découvre les images rêvées. Des songes qui le poursuivent parfois la journée. Revenant comme pour lui rappeler qu’ils sont là. Prêts à l’envahir. Prêts à lui sauter dessus. Prêts à le replonger dans les méandres de son traumatismes. Il n’en parle pas. A quoi bon ? Ici, tout le monde a ses problèmes. Tout le monde a sa dose de soucis. Il n’a pas besoin d’en rajouter. Il n’a pas besoin d’être un nom de plus sur les gens qui ne parviennent plus à dormir. Il s’efforce au silence. Il s’efforce à l’écoute. Raison pour laquelle il est toujours un employé de l’Institut. Si il n’avait plus rien à apporter à la X-Mansion, il partirait. Il essayerait de se rendre utile ailleurs. Mais plus que jamais, on a besoin de lui. Autrement que comme un X-Man. Autrement que comme un homme concerné par la cause mutante. On a besoin de lui pour des blessures que même les pansements, les vaccins et les opérations ne peuvent guérir. Les mains expertes d’un médecin ne peuvent rien contre ces plaies. On lui demande d’avoir ce rôle. Pas de devenir à son tour le patient. Il perdrait crédibilité et autorité. Il perdrait la confiance que les gamins ont encore en lui. Il n’avait pas encore trouvé de moyen concluant pour régler, seul, ses problèmes. Mais peut-être que sa solution se trouve entre les mains de Snow. Dans ses yeux trop bleus pour être vrais. Dans ses attentions trop bienveillantes. Il n’en est pas certain. Même quand elle l’embrasse. Même quand elle lui retire son tee-shirt. Même quand elle le repousse contre le matelas. Réticent. Bloqué. A cause de quoi ? Un blocage interne. Une envie de ne pas embêter. Un besoin de la protéger. De lui. De ses problèmes. Elle a assez à gérer. Elle a assez de préoccupations. Il n'est pas de son devoir de régler les problèmes de Bobby. Elle n’a pas à supporter ce poids. Il trouvera de l’aide auprès de quelqu’un d’autre. Ororo. Warren. Le Professeur. Peu importe. Pas elle. Mais elle le lui demande. Lâche prise. Une prière qu’elle a formulée contre ses lèvres. Une requête qu’elle a soufflée. Il prend une inspiration profonde. Il pose son regard dans les prunelles de Snow. Ne pas fuir. Ne pas se renfermer. Ne pas être continuellement l’homme qui maîtrise. Il a promis de s’ouvrir à elle. Entièrement. Complètement. Il a promis de faire des efforts. Pour être meilleur. Pour être sincère. Pour communiquer. Tant de promesses.

Pourquoi est-ce si difficile ? De tenir toutes ses promesses. De s’abandonner. De se laisser aller à quelques confidences. De dévoiler ses faiblesses. Snow a longtemps été une ennemie. Elle a longtemps été celle qu’il affrontait, au péril de sa vie. Elle a longtemps été la patiente muette, froide, brisée. Elle a longtemps été celle contre qui il s’opposait, oui. Mais maintenant, les rôle s’inversent. Une main tendue dans la direction du psychologue. Une main qu’il a des difficultés à saisir. Qu’il a du mal à accepter. Sans aucune explication valable. Sûrement le manque d’habitude. Sûrement le besoin de conserver un masque lisse, alors que tout s’effondre à l’intérieur. Alors que les premières failles apparaissent. “Ton inconscient à associé le centre commercial à la perte de ceux que tu aimes. Il faut déconstruire les liens.” Soupir expulsé. Il comprend ce qu’elle cherche à faire. Il comprend où elle veut en venir. Elle veut l’aider. Elle veut lui offrir ce qu’il lui a donné. Un échange. Une nécessité dans un couple. Il laisse sa tête s’enfoncer dans l’oreiller. Il ferme les paupières en sentant les mains de Snow sur ses muscles. Caresses froides contre des tensions ancrées profondément. Il n’est sûrement pas un patient facile. Coopératif, mais peu enclin à bavarder. Discuter, ce n’est pas vraiment son truc. Un exercice dans lequel il n’est pas à l’aise. L’avantage avec Snow, c’est qu’il n’a pas toujours besoin de parler. Elle voit, elle lit, elle ressent. Comme deux moitiés qui se comprennent, qui vibrent au même rythme, qui communiquent sur les mêmes fréquences. “Du métal, juste là..” Il n’a pas envie de s’en souvenir. Il revit la scène assez de fois dans la nuit. Malgré tout, le contact le force à se rappeler. De tout. De la sensation de la barre dans le ventre. De la douleur qui vient ensuite, lorsqu’il prend conscience de la situation. Du sentiment de suffoquer. De l’impression que le sol se dilate. De la gorge qui se serre. Il se souvient parfaitement. Il frissonne. Il n’a pas froid, pourtant. Il ne sait même pas ce qu’est le froid, lui qui peut atteindre des températures extrêmement basses. C’est le frisson de la douleur, de la peur. “La douleur, la sensation cotonneuse.” La voix féminine agit comme une douce mélodie. Une mélodie qui l’entraîne dans le centre commercial dévasté par l’explosion. Qui l’embarque en plein coeur de son cauchemar. Il n’aurait jamais pensé sortir traumatisé d’un événement pareil. Depuis qu’il est X-Man, et bien avant, il a eu des raisons d’être marqué psychologiquement. Des raisons bien plus importantes. Des raisons bien plus réelles. Là, il ne s’agissait pas de combats. Pas de menaces directes contre sa vie. Mais, il s’en trouve affaibli. “Tu as sauvé tous ceux que tu pouvais, Bobby. Tu ne pouvais pas faire plus et tu n’as perdu aucun de nous. Tu es un X-Man, rien ne t’empêche de venir à bout d’un ennemi, surtout pas dans ta tête.” Là, sous ses doigts froids, les muscles se décontractent, se relâchent. Le corps se fait plus détendu. Le traumatisme semble s’effacer, disparaître. Un peu. Suffisamment pour offrir un peu de répit à Bobby. Suffisamment pour qu’il reprenne son souffle. Suffisamment pour qu’il soit apaisé. Suffisamment pour qu’il s’autorise à lâcher prise. Enfin.

Le sommeil le gagne petit à petit. Grignotant les barrières. Profitant de la décontraction pour offrir enfin un sommeil réparateur. Derrière ses paupières closes, il s’autorise à fléchir, il accepte ce qu’il s’est passé, il se pardonne de ne pas avoir fait plus. Il y aura encore du travail. Il y aura encore des progrès à faire. Mais déjà, un grand pas est fait. “Je t’ai souvent rétorqué qu’il vaut parfois mieux ne pas savoir, laisser les souvenirs de côté : c’est faux. Emma va lutter toute sa vie contre ce qu’elle a été, sans vraiment le savoir, tant que tu ne feras rien pour elle.” Les paupières se rouvrent. Il se redresse sur ses coudes pour mieux observer le visage de Snow. Pendant des mois, elle lui a dit qu’elle aurait préféré ne pas savoir. Ne pas avoir conscience de ses meurtres, de ses capacités, de son ancienne vie. La voilà qui se ravise. La voilà qui révèle le vrai fond de sa pensée. Elle l’a accusé de nombreuses fois d’avoir voulu l’aider. Revirement de situation total. Il y a comme un aveu. Aider Jane à retrouver ses souvenirs. Peut-être, la forcer. Parce que c’est bien ce qu’il risque de se passer si elle refuse, dans un premier temps. Si elle ne veut pas de son aide. Si elle ne veut pas se souvenir. Si elle ne veut pas en parler. Il n’est pas sûr que la harceler et la suivre pour lui parler d’Emma serait la meilleure des choses. Qadir pourrait être un bon moyen de l’atteindre, de la convaincre d’ouvrir les portes d’un monde inconnu. “.. mais ne la laisse pas te faire de mal. Je.. t’aime trop, je ne saurais pas vivre en te sachant mort..” Mourir n’est pas dans ses plans. Il a bien des choses à faire, avant. Comme l’aimer, la rendre heureuse, lui offrir la famille dont elle rêve. Il esquisse un petit sourire. Oui, il a des projets, avant de mourir. Mais, il ne peut pas savoir quand ce jour arrivera. Il ne peut pas prévoir quel risque plane au-dessus de sa tête. Il y en a quelques uns qu’il connaît. Il y en a d’autres qui attendent encore d’être dévoilés. Il se redresse totalement, cette fois. Il vient cueillir ses lèvres. Il décolle les lèvres pour mieux rapprocher leur front. Mourir. C’est la continuité de toutes les vies. On naît. On meurt. On cède la place aux générations suivantes. On marque le monde à une plus ou moins grande échelle. On tente de partir en ayant rendu le monde meilleur. Il compte bien avoir son rôle à jouer, là-dedans. Il compte mourir, le plus tard possible, avec la satisfaction d’avoir accompli quelque chose. “Je compte bien vivre assez longtemps pour haïr ta jeunesse quand je ne serais qu’un vieux glaçon en déambulateur.” Parce que c’est bien ce qu’il risque de se produire. Elle, encore en bonne santé et prête à affronter la vie. Lui, grabataire et nostalgique de ces années où il pouvait surfer sur une vague de glace. La régénération de Snow lui permet de toujours renouveler ses cellules. Chez Bobby, la magie n’opère qu’au contact du liquide réfrigéré avec la glace. Autant dire qu’il ne peut ralentir le processus de vieillissement, à moins de prendre des douches froides continuellement. Une décision qu’il n’est pas prête à prendre. Il ne cherche pas l’immortalité. Il cherche la vie. Profiter de chaque instant. Savourer tous les moments offerts. Découvrir les petits bonheurs du quotidien. Il n’a pas la prétention de vouloir vivre pendant des siècles. Et si il doit passer ses vieilles années à admirer la beauté de Snow, il le fera. Se rappeler leur première rencontre. Se souvenir de ces soirées passées à discuter. Se remémorer les instants où ils étaient là l’un pour l’autre. Elle sera le témoin de ce qu’ils ont été. Elle sera le symbole que leur amour ne vieillit pas. C’est beau, non ?

.. J’ai chaud.” Il s’écarte doucement. La chaleur a souvent été provoquée par quelques fortes émotions. Elle a souvent été la preuve d’un problème ou d’un plaisir. Pas là. Il n’y a pas d’indices pouvant l’expliquer. Pas de disputes. Pas de baisers enflammés. Pas de caresses taquines. Juste des bavardages. A moins que le cerveau de Bobby ne l’inquiète au point d’augmenter sa température ? “Je n’y suis pour rien, cette fois.” Il en est certain. Il n'a pas provoqué sa colère ou son agacement. Il n'a pas augmenté sa température ostensiblement pour la protéger d'un froid mordant. Rien de rien. Il pose la main sur son front comme on le ferait pour vérifier la fièvre. Il n’en a pas besoin. Il sent la chaleur irradier de son corps. Il ne s’en est pas inquiété, trop habitué à sentir le corps chaud des autres. Trop habitué à être entouré de mutants au sang chaud. Elle décide de se liquéfier au moment où il dépose sa main sur son front. Main qu’il laisse retomber mollement contre le lit. Pas de vexation. Pas de protestation. Il sait qu’elle ne le fait pas volontairement. Plutôt instinctivement. Tout de même, il va vraiment falloir qu’elle cesse de se réfugier dans l’eau à chaque chamboulement. Un jour, elle pourra choisir sa consistance. Un jour, elle aura une vraie autorité sur cette partie de sa mutation. Pour le moment, c’est une autre facette de la cryokinésie qu’elle semble dompter doucement après des années. “Tu gères de mieux en mieux la thermokinésie.” Sourire encourageant. La thermokinésie est délaissée depuis trop longtemps par Snow, quand elle a été la première faculté maîtrisée par Bobby. Leur mutation fonctionne vraiment à l’envers. Semblable, mais si différente. Un peu comme eux, finalement. Ils sont le parfait mélange. A la fois contraires et semblables.

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I
l se détend sous ses doigts et elle ressent une certaine sérénité à lui venir en aide, même si peu, dans une bien moindre mesure que ce qu’il lui a apporté, autrefois. Elle sent sa respiration s’apaiser, se faire plus profonde et durant un instant, elle jure l’avoir senti s’enfoncer dans le sommeil. Par quoi a-t-il fallu passer pour en arriver là ? Quelques mois plus tôt, ils étaient encore en confrontation, bien loin de partager ne serait-ce qu’un sourire, et la voilà en train de dénouer les muscles d’un psychologue éprouvé. Son expression est beaucoup plus douce et tendre lorsqu’il ne la regarde pas, elle ne retient pas toute la tendresse qu’elle éprouve parce qu’il ne peut pas en examiner l’étendue. Un instant de partage qu’ils n’ont jamais eu auparavant, un moment à deux non pour le désir pur mais pour l’échange, sans qu’il ne cherche à la repousser, à l’éloigner des démons qu’il se cache parfois à lui-même. Elle n’est pas médecin, elle ne soigne ni le corps ni l’esprit cependant elle possède une connexion profonde avec lui, avec sa mutation et ce qu’il a de meilleur en lui, peut-être parce qu’elle s’y confronte depuis des années, peut-être parce qu’elle a été son ennemie. Le massage cesse lorsque Bobby se redresse sur ses coudes ; elle a perturbé sa tranquillité et elle s’est mordue la lèvre inférieure, un peu coupable. Et puis il est venu cueillir un baiser, le coeur de la jeune femme loupant un battement. Qu’est-ce qu’il fait ? Front contre front, elle fuit ce regard qui la fait fondre, ces yeux clairs qui savent trop bien la perturber. « Je compte bien vivre assez longtemps pour haïr ta jeunesse quand je ne serais qu’un vieux glaçon en déambulateur. » Les billes bleues croisent les siennes. Est-ce qu’il l’aimera encore si elle demeure figée dans cette jeunesse trop lisse ? Est-ce que l’homme qu’il deviendra ne se lassera pas du fait que l’expérience ne marquera peut-être pas ses traits ? On dit que les hommes préfèrent les beautés dans la fraîcheur de l’âge mais Bobby ne ressemble pas aux autres, il n’a pas cherché sa présence pour ce physique. Plus tard, il pourrait vouloir quelqu’un qui ne provoque pas de questionnements. « Laisse-moi croire que la science te donnera ma jeunesse.. » La paume glisse contre sa joue. « Et sinon.. je te ferais un fauteuil de glace pour surfer à travers notre trop grande maison. » Sourire doux. Il vivrait mal de ne plus être libre de sentir la glace vibrer sous ses pieds, libre de glisser à travers les couloirs. « Et puis il y a le sérum. » Snow y a pensé. Bien sûr qu’elle y a pensé. Elle ne survivrait pas à une privation soudaine de ses facultés, même si elle en déteste certains aspects, même si parfois elle enrage d’être piégée dans la froideur d’un univers dont personne ne veut. Elle ne survivrait pas à une dose, là, tout de suite.. pourtant elle envisageait d’équilibrer la balance des années, à l’avenir. Ne plus être une mutante pour vivre une vie normale et heureuse avec lui. Endormir la glace, celle qu’elle aime tant, dont elle semble toujours avoir tant besoin.

Et puis elle devient liquide. Elle se protège de la chaleur ressentie par ce stratagème. Ca n’est sans doute pas la meilleure méthode mais c’est la seule, pour le moment. Prudence s’en veut, un peu. Elle s’en veut parce qu’il a essayé de la rassurer, il a posé sa main sur son front et le liquide a remplacé la peau, comme un refus, comme un rejet. Elle refuse qu’il pense qu’elle ne veut pas de lui, qu’elle ne veut pas de sa bienveillance et de sa proximité. « Tu gères de mieux en mieux la thermokinésie. » Elle met du temps à réagir, une minute ou deux. « Je me sens.. lente. Inefficace. » Evidemment. Snow n’a pas vraiment l’habitude de mettre du temps à apprivoiser une faculté, elle n’est pas du genre à laisser traîner un apprentissage, toujours désireuse de contrôler et de comprendre. « Je me souviens du plaisir que je prenais à découvrir de nouvelles possibilités. C’est.. c’est encore flou mais ce sont des sentiments qui remontent. La première fois que j’ai pu générer de la neige ou .. quand j’ai compris que la peau n’était pas un obstacle au gel. Je ne ressens plus ça. C’est comme si la liquéfaction et la thermokinésie ne faisaient pas partie de moi. » Il reste des barrières. Il reste les fondations psychiques posées par le Professeur, des vitres contre lesquelles le passé se heurte, qu’il traverse parfois partiellement. Il reste une partie de Snow emmurée, pour la protéger d’une autodestruction, que la rupture a manqué précipiter malgré tout.

« .. Mais j’ai chaud parce que tu es là. » Sourire en coin. Il l’a réchauffée, il lui a retiré le poids de toute cette souffrance, de ce sentiment terrible d’abandon. Elle retrouve une apparence plus humaine, lui arrachant un baiser débordant de tendresse, de reconnaissance aussi. « Merci d’être là. Merci d’être revenu, de ne pas m’avoir laissée.. dans ce brouillard. » Elle pourrait le remercier d’exister dans sa vie, tout simplement.
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Naïfs. Insouciants. Rêveurs. Ils s’autorisent à imaginer un avenir radieux. Un avenir joyeux. Un avenir qu’ils n’auront probablement pas. Même avec tout l’optimisme du monde, ils ne peuvent espérer être totalement heureux, totalement épargnés. Ils ne peuvent croire vivre cette insouciance. Bientôt, leur bulle explosera, éclatera. Elle les mouillera de sa cruauté, les frappera avec sa brutalité, les brisera par sa violence. Bientôt, leur bulle ne sera pas assez épaisse pour les protéger des dangers extérieurs. La société va mal. La société risque de les écorcher vifs. Ils ne seront pas à l’abri. Malgré tout leur amour. Malgré tous leurs espoirs. Malgré tout. Ils devront faire avec. Ils devront s’offrir le meilleur avenir possible. A deux. Ou tout seul. Qui sait ? Peut-être que l’un d'eux mourra dans les prochains jours. Peut-être que l’un d'eux se sacrifiera pour sauver l’autre. Peut-être que l’un d'eux expirera son dernier souffle sous les larmes de l’autre. Peut-être que ce sont les deux qui mourront. Main dans la main. Yeux dans les yeux. Les espoirs disparus. Les espoirs évaporés. Ils ne peuvent pas le savoir. Et tant qu’ils ne le sauront pas, ils continueront à vivre dans cette naïveté fragile. Ils continueront à chérir chaque instant passé ensemble. Et si là, assis sur ce lit, ils peuvent faire vivre un peu plus longtemps leur bulle, alors qu’ils en profitent. Qu’ils rient. Qu’ils vivent. Qu’ils respirent. Qu’ils espèrent. Qu’ils rêvent. Là, personne ne peut les atteindre. Personne ne peut leur voler leur bonheur, aussi éphémère soit-il. Aussi fragile soit-il. “Laisse-moi croire que la science te donnera ma jeunesse..” La mort est cruelle. Elle sépare deux êtres aimés, aimants. Elle brise les couples de manière brutale. Elle s’insinue dans un amour qui subsiste, pourtant. Il continue au-delà de la mort. Il poursuit malgré le chagrin, le deuil et la perte. Il ne s’arrête jamais, tant que le coeur de la moitié vivante bat. Des deux, Bobby sera sûrement celui qui la laissera derrière. Elle devra affronter des périodes creuses. Faites de larmes, de dépression, de tristesse, d’apitoiement, de désespoir. Elle devra surmonter ces passages à vide. Elle devra s’en sortir. Parce que jamais il ne voudrait qu’elle ne meurt de chagrin. Jamais il ne voudrait la savoir malheureuse. Et si elle veut croire pour le moment qu’il vivra aussi longtemps qu’elle, il veut bien la laisser faire. Lui donner ce vain espoir. Lui donner l’impression qu’ils ne seront jamais séparés. Plutôt que d’affronter la vérité. Plutôt que de se faire à l’idée. Encore un peu de naïveté, s’il vous plaît. La réalité les rattrapera bien assez vite. La réalité les fauchera bien assez tôt. “Et sinon.. je te ferais un fauteuil de glace pour surfer à travers notre trop grande maison.” Il rit de bon coeur. Il s’imagine dans ce fameux fauteuil, prêt à glisser n’importe où. Peut-être un peu maladroit, peut-être un peu gauche. Dans leur trop grande maison. Oui, parce qu’ils en auront forcément une grande, même s’il préférerait l’intimité d’une petite demeure. Deux chambres. Une cuisine. Un salon. Largement assez, non ?

Et puis il y a le sérum” Le rire est coupé net. Stoppé dans son hilarité. Bobby se fait plus sérieux. Ça y est, la réalité est là. A la porte. Elle n’attend que le signal pour leur tomber dessus et les assaillir de tout son poids. Le sérum. Snow n’envisage pas réellement de le prendre… pas vrai ? Il attrape ses doigts. Il les presse contre sa paume. Il est hors de question qu’elle prenne le sérum. Uniquement pour qu’ils meurent ensemble. Uniquement pour qu’elle puisse le suivre, au cas où. Ce serait s’exposer à un destin digne de Roméo et Juliette. Ce serait la priver de ses capacités. Ce serait oublier qui elle est. Leur amour ne vaut pas un tel sacrifice. Il pose un regard doux sur elle. Son désir de prendre le sérum est mû par une idée simple, douce et désespérée : l’aimer. Ne pas être séparée de lui. Ne pas vivre sans lui. Ne pas survivre sans lui. “Tu as dit que tu ne changerais pas pour moi, alors ne le fais pas. Ne prends pas le sérum. Tu vivras des années s’il le faut et tu continueras à aider, à aimer, à protéger.” Elle se rendra utile. Elle continuera là où il se sera arrêté. Elle poursuivra ses efforts pour rendre le monde meilleur, avec sa spontanéité, sa passion, son amour. Elle n’arrêtera pas. Il le lui refuse. Elle devra lutter. Elle devra se battre. Elle n’aura pas intérêt à lâcher prise. A baisser les bras. A fuir. Il en est hors de question. Elle l’a prié de ne plus fuir. Elle lui a reproché de ne pas s’investir. A son tour de ne pas fuir. A son tour de s’investir. A son tour de se battre. Snow n’est pas une femme qui se laisse aller. Elle est forte, elle est puissante, elle est déterminée. Elle le sera encore plus quand il mourra. Si il doit mourir. Parler de sa mort prochaine est sous-entendre qu’il souffre d’une maladie incurable. La maladie s’appelle la vie. On ne peut rien contre. On ne peut pas prendre d'élixir de rajeunissement ou d’immortalité. On ne peut pas tromper la mort. Impossible. Et même là, il ne se laisserait pas tenter par la vie infinie. Il a besoin de savoir qu’il y a une fin. Qu’il y a un risque que tout s’arrête. C’est la seule motivation qu’il a pour toujours faire son possible, pour ne jamais repousser les choses. Il n’a qu’une vie. Une vie à durée limitée. Snow subit le même sort. Elle bénéficie d’une petite rallonge, d’un petit bonus. A croire qu’elle a été récompensée. Alors, elle doit la mettre au profit pour continuer, bien après sa mort. Aussi longtemps que possible. Elle aura des décennies pour apprendre à vivre seule. Pour faire le bien autour d’elle. Pour apprendre à maîtriser ses nouvelles facultés. “Je me sens.. lente. Inefficace.” Être lent, ce n’est pas si mal. Cela permet de prendre son temps. Cela permet de mieux profiter, de mieux apprivoiser. Il n’y a rien de mal à avoir son propre rythme. Tout ne peut pas toujours être rapide, immédiat. Tout ne peut pas tomber directement tout cuit. Du travail, de la patience, ce sont parfois les ingrédients de la réussite. “Je me souviens du plaisir que je prenais à découvrir de nouvelles possibilités. C’est.. c’est encore flou mais ce sont des sentiments qui remontent. La première fois que j’ai pu générer de la neige ou .. quand j’ai compris que la peau n’était pas un obstacle au gel. Je ne ressens plus ça. C’est comme si la liquéfaction et la thermokinésie ne faisaient pas partie de moi.” Dans ses paroles, il découvre ce qui lui fait défaut. Ce qu’il n’arrivera jamais à avoir. Finalement, ils souffrent tous les deux de la même chose. Il n’a pas cet instinct qui lui dit qu’il peut dépasser la barrière de la peau pour arrêter un adversaire. Il n’a pas cet instinct qui lui fait découvrir de nouvelles capacités. Il ne doit son corps de glace qu’à un concours de circonstance, une presque mort. Il comprend mieux comment elle a pu découvrir cette facette de la cryokinésie. Une facette meurtrière. Une facette dangereuse. Une facette qui échappe encore à Bobby.

Ça va revenir avec les souvenirs et le temps… ce n’est pas Mystique qui t’avait aidée avec tes capacités ?” Il déteste ce qu’il a en tête. Il déteste cette idée. Mais peut-être, oui peut-être, que Mystique pourrait de nouveau l’aider. Elle pourrait la prendre sous son aile pour retrouver cet instinct qui lui manque tellement. Il détesterait de la savoir entre les mains de Raven. Si c’est la seule solution pour que Snow se sente à l’aise avec sa mutation, il peut fermer les yeux là-dessus. A condition que Raven n’en abuse pas. Qu’elle n’attire pas de nouveau Snow dans ses filets. “.. Mais j’ai chaud parce que tu es là.” A l’entendre, l’explication semble logique, couler de source. Alors que finalement, ça ne l’est pas. Il a depuis longtemps compris qu’un baiser pouvait causer bien des chamboulements physiologiques. Pas une forte chaleur constante et persistante. Pas une augmentation de la température perpétuelle. “Merci d’être là. Merci d’être revenu, de ne pas m’avoir laissée.. dans ce brouillard.” Il a un petit sourire. Il devrait plutôt la remercier, lui. De ne pas lui avoir tourné le dos quand il est revenu. De ne pas l’avoir tué sur le coup quand ils ont rompu. De ne pas avoir abandonné l’idée de l’aimer. De lui avoir confié de nouveau son coeur. Il devrait la remercier pour tout cet amour, toute cette affection, toute cette tendresse. “Tu n’auras plus à revivre ça. Plus jamais, tu m’entends ?” Une promesse qu’il renouvelle. Il ne la laissera plus jamais perdre dans ce brouillard. Il sera toujours là, prêt à lui tendre la main, à frôler ses doigts, à repousser une mèche, à croiser son regard, à l’embrasser. Ils se sont perdus pour mieux se retrouvés. Mais cette fois, il n’y aura pas de rupture. Il n’y aura pas d’abandon. Il n’y aura rien. Juste un couple soudé, uni. Ils vont y arriver. Il esquisse un sourire confiant. Il l’aime, il en est sûr maintenant. Les mots ne veulent pas sortir, mais le coeur bat déjà dans ce sens.  “On devrait peut-être prendre notre petit-déjeuner, sinon on va être en retard.” Il désigne le plateau. Ils n’y ont presque pas touché. Délaissé au profit de leur discussion. Il est temps de s’y remettre. Surtout que l’heure est presque écoulée.

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N
e pas prendre le sérum serait laisser le destin décider, ce serait accepter le sort et être docile. Ne pas prendre le sérum serait se résoudre à lâcher la main de Bobby, un jour. Elle ne pouvait pas l’envisager, elle ne le voulait pas. Elle avait dû vivre six mois à peine séparée de sa peau et c’était devenu un enfer alors même qu’elle l’avait longtemps détesté.. qu’est-ce que ce serait, après dix ou vingt ans de vie commune ? Qu’est-ce que ce serait si un jour elle venait à s’appeler Drake ? Elle chasse l’idée saugrenue. Elle ne voulait pas se laisser porter par un avenir trop net, trop précis. Pas si vite. Mieux vaut la douce naïveté et les rêves qu’un futur à dessiner, avec ses réalités et ses logiques. Elle voulait bien envisager des enfants, une maison mais pas un nom, pas une identité ou un mariage, pas des conceptions ancrées dans une tradition qu’elle se savait susceptible d’appliquer trop vite ou.. ou dont on pourrait la priver du fait de sa condition. Bobby n’était pas enclin à ces choses là, quoi qu’il en soit. Il mettait du temps à faire les grands pas de l’existence, c’était mieux ainsi. C’était mieux qu’il ne soit pas l’homme qui épouse sa reine glacée sur un coup de tête. Son côté responsable, patient et tranquille tempérait le coeur passionné de Snow. Main dans la main, ils s’observent. Elle ne dit rien parce qu’elle ne peut pas lui faire une promesse qu’elle ne serait pas certaine de tenir. Elle préférait l’entendre rire plutôt que faire face à cet air si sérieux. Est-ce qu’elle a gâché l’instant de partage ?

« Ça va revenir avec les souvenirs et le temps… ce n’est pas Mystique qui t’avait aidée avec tes capacités ? » Il a bien dit.. Mystique ? Ca lui a peut-être écorché la bouche mais il l’a évoquée, seul, sans qu’elle ne la ramène dans la conversation. Passée la surprise, Prudence semble un peu hésitante, noyée dans une réflexion compliquée dont elle ne sait pas comment sortir. Il faudrait qu’elle explicite tellement de choses, si elle voulait qu’il comprenne. Est-ce qu’ils avaient le temps, pour cela ? Il avait sûrement un planning de rendez-vous très serré. « Ca n’est pas exactement.. ça. Disons que j’avais un objectif, à cette période. Je devais venir à bout d’un mutant dont on me parlait, dont je ne connaissais que la mutation et contre qui Pyro ne gagnait pas toujours. » Lui, évidemment. Elle s’était entraînée avec une marge de manoeuvre, avec des paliers à atteindre pour faire mieux, pour agir d’une manière inédite avec un don déjà partagé par un opposant. Ca n’était plus le cas. Il n’y avait pas de cryokinésiste directement opposé à elle, pas de mutant adepte de liquéfaction et on ne faisait pas un concours de régénération. Les circonstances n’ont rien de similaire. « Mystique était l’affection et il y a avait Tadeusz. » Rire un peu amer. « Je ne me vois pas aller demander à Malicia de m’opposer mes propres pouvoirs pour m’améliorer. Je crois qu’elle le prendrait un peu mal. » Un chouilla. L’entente n’était pas au beau fixe, et ça ne s’arrangerait peut-être pas quand Snow devrait assumer la nuit passée avec Bobby, et les projets d’un avenir un brin optimiste quand elle était toujours privée du contact d’autrui. « C’est .. désagréable. Tu le sais aussi bien que moi. » Evidemment qu’il le sait. Il a eu des baisers de celle qui se sentait si seule avec ce fardeau, il a eu dix ans de vie avec cette jeune femme dont le toucher était mortel. Qu’est-ce que Snow avait subi, si ce n’était quelques entraînement intensifs dont il fallait simplement se relever ? Pourtant sa mémoire en avait gardé le danger imprimé. Elle avait détesté Malicia dés la première seconde, dés la première rencontre après son réveil en partie parce que son inconscient savait ce qu’elle ignorait. C’était du vol, pur et simple. Du vol d’instants de vie, de la mémoire jusqu’à la volonté, de ce qui permet à un être humain de se battre. « Quoiqu’il en soit Mystique est furieuse contre la Confrérie, autant rester à l’écart des leaders, elle voudrait me protéger et je n’y tiens pas. » Elle voulait garder un contact avec Raven mais pas en nouer un nocif ou protecteur. Lui parler était une chose, lui devoir la vie en serait une autre. Qui sait ce dont elle serait capable si elle apprenait une information erronée ? Snow pouvait avoir un certain masochisme dont la mère spirituelle ignorait l’étendue.

Au moins lui assure-t-il qu’elle n’aurait plus à vivre l’abandon. Au moins est-il capable d’apaiser ses peurs, d’endormir sa méfiance, pour quelques heures tout au plus, suffisamment jusqu’au repas de midi. « On devrait peut-être prendre notre petit-déjeuner, sinon on va être en retard. » Un sourire doux se glisse sur le visage de la blonde qui lui souffle : « Commence, je reviens. » Forme liquide qui s’échappe, flaque au sol qui passe sous la porte et disparaît. Ce qui lui prend ? Elle était encore en robe de chambre à moitié transparente, pour un temps presque écoulé, autant dire qu’elle ne comptait pas sortir de cette pièce dans cette tenue, surtout pas du côté des garçons. Lorsque la poignée bouge, que la porte s’ouvre, Snow est à nouveau présentable. Les longs cheveux coiffés, un jean et un haut noir, c’est correct et ça ne sous-entend pas qu’elle pourrait être habillée comme la veille - d’une robe blanche à l’autre, les adolescents risqueraient de ne pas faire la différence. « Est-ce que monsieur le psychologue sait de combien de minutes il est en retard ? » lance-t-elle, taquine. Est-ce qu’il va avaler son café de travers, vous croyez ? Elle a le sourire comme elle ne l’a plus eu depuis des semaines. Elle prend le temps de plier la chemise qu’elle avait extirpé de l’armoire un peu plus tôt et la met de côté. « Elle va rester là encore quelques jours. On ne sait jamais, des fois que j’ai besoin d’enfiler quelque chose, mh ? » Air malicieux tandis qu’elle lui tend la main, prête à affronter le trajet des étages jusqu’au bureau de monsieur.
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Ca n’est pas exactement.. ça. Disons que j’avais un objectif, à cette période. Je devais venir à bout d’un mutant dont on me parlait, dont je ne connaissais que la mutation et contre qui Pyro ne gagnait pas toujours.” Froncement de sourcils. Incompréhension. Elle parle de lui. Forcément qu’elle parle de lui. Prise de conscience. Elle n’est devenue son pire cauchemar que parce qu’elle voulait être meilleure que lui. Elle est devenue meurtrière par sa faute. Pourquoi ? Ils ne s’étaient jamais rencontrés. Ils n’avaient jamais eu à se battre l’un contre l’autre. Et pourtant, le jour venu, elle était prête. Entraînée. Déterminée. Décidée. Elle a tout fait pour pouvoir le tuer. Sans y arriver. Il a toujours considéré leur rencontre à Alcatraz comme le fruit du hasard. Une coïncidence qui les a mis sur la route l’un de l’autre. Finalement, ce n’est pas le cas. Elle s’était donnée pour mission de l’exterminer. De tuer celui qui lui faisait de l’ombre. De tuer celui qui arrivait à mettre en échec Pyro. Il ne peut imaginer que l’on puisse nourrir une haine viscérale contre un inconnu. Au point de s’entraîner sans relâche. Au point de repousser ses limites. Au point de ne vivre que pour ça. Il a été la raison de son évolution. Il a été la raison de ses capacités meurtrières. Sans qu’elle ne s’en rende compte, il était déjà en train de la changer, d’agir sur sa conscience. Bien avant qu’ils ne se rencontrent. Bien avant qu’ils ne tombent amoureux. Bien avant qu’ils ne s’embrassent. Pas étonnant qu’elle demande son indépendance. Pas étonnant qu’elle lui assure qu’elle ne changera pas. Elle a déjà fait assez pour lui, à cause de lui. Si seulement il avait su, à l’époque. Si seulement il en avait eu conscience, il aurait pu essayer de la convaincre d’arrêter. Il aurait pu lui assurer que ce n’était pas une compétition. Il aurait pu avoir des arguments. Au lieu de cela, il n’avait rien. Sauf ce sentiment qu’elle n’était pas si méchante qu’elle voulait le montrer. Sauf ce sentiment qu’elle pouvait faire de belles choses. “Mystique était l’affection et il y a avait Tadeusz. Je ne me vois pas aller demander à Malicia de m’opposer mes propres pouvoirs pour m’améliorer. Je crois qu’elle le prendrait un peu mal.” La méthode est violente, radicale. Il est vrai qu’il n’y a pas mieux que de s’entraîner face à son alter ego mutant pour évoluer. Pour comprendre les faiblesses. Pour trouver les points d’amélioration. Pour savoir comment fonctionnent les capacités. Une méthode très critiquable, quand même. Une méthode cruelle. Il ne veut même pas penser à tout ce qu’elle a dû traverser. A tout ce qu’elle a dû endurer. Tout cela pour quoi ? Pour le tuer, lui. Sa mort méritait donc toutes les douleurs, toutes les souffrances, tous les entraînements du monde.

Il s’est perdu dans ses pensées, dans ses souvenirs. Il s’est revu à Alcatraz. Face à Snow Queen. Certaines choses s’expliquent. Certaines choses se clarifient. Sa motivation. La raison pour laquelle personne n’a essayé de s’interposer. Pourquoi elle était toujours chargée de s’occuper de lui. Glaçon contre glaçon. Mission après mission. Il semblait logique qu’ils s’affrontent, qu’ils opposent le même élément. Et pourtant, Bobby ne cherchait pas ces affrontements. Souvent occupé avec un autre Confrériste. “C’est .. désagréable. Tu le sais aussi bien que moi.” Il repose son regard sur elle. Sur Snow. Celle qu’il aime et qu’il a forgé malgré lui. L’absorption de l’énergie laisse une morsure sur la peau. Laisse une empreinte sur l’âme. Elle vole tout ce qu’il y a à prendre. Souvenirs. Pouvoirs. Energie. Elle ne laisse plus qu’une épave. Un corps vidé de sa force, de son dynamisme. Un corps fatigué, épuisé. Il se rappelle de chaque toucher, de chaque baiser. Ils étaient rares. Ce qui permet de s’en rappeler. Mais plus encore, il se souvient des sentiments qui en résultaient. Un mélange d’excitation, de bonheur et d’épuisement. Un étrange mélange qui les poussait parfois à recommencer. Avant de se brûler les ailes. Avant de réaliser que Bobby ne pouvait pas suivre. “Et pourtant, tu as choisi cette méthode.” Elle aurait pu s’exercer autrement. Elle aurait pu trouver une autre technique. Elle avait choisi la violence, l’affrontement direct. Elle avait offert ses souvenirs à un homme, dans le seul but d’en descendre un autre. Il ne comprend pas pourquoi elle a recommencé. Encore et encore. Pourquoi elle a insisté pour souffrir du toucher mortel de Tadeusz. La première fois, d’accord. La première fois peut être mise sur le compte de l’insouciance, de la méconnaissance. Mais les fois suivantes ? Il n’y a que la rage de vaincre qui avait pu la motiver. Qui avait pu l’inciter à demander de l’aide, inlassablement, à Tadeusz. Elle avait déjà son côté autodestructeur, à l’époque. Elle avait déjà besoin de se faire du mal pour évoluer. “Il y a d’autres moyens de progresser.” Elle ne sera pas obligée de demander à Malicia. Elle ne sera pas obligée de souffrir pour s’opposer à la glace. Ici, elle peut bénéficier de la Salle des Dangers. Elle peut travailler avec Bobby. Elle a d’autres outils à sa disposition. Des outils qu’elle n’avait pas à la Confrérie. Ce sera peut-être plus long, moins radical. Ce sera peut-être moins facile. Mais ce sera moins douloureux et éprouvant. Ça ne signifiera pas céder une partie d’elle à un autre. “Quoiqu’il en soit Mystique est furieuse contre la Confrérie, autant rester à l’écart des leaders, elle voudrait me protéger et je n’y tiens pas.” Il hoche la tête. Pas de Tadeusz, donc. C’est idiot. Cela aurait pu être la seule fois que Raven et Bobby auraient été d’accord sur quelque chose. Ils auraient même pu faire front ensemble pour empêcher Snow de prendre contact avec eux. Pour la protéger. D’un autre côté, il préfère. Il préfère qu’elle s’oppose au lien protecteur de Mystique. Il préfère que Snow s’affirme face à elle.

Une note rassurante et réconfortante. Snow ne partira pas facilement, si Raven devait la convaincre. Il profite de cette nouvelle pour enchaîner. Pour l’inviter à poursuivre ce petit-déjeuner. Ce n’est pas au goût de Snow. “Commence, je reviens.” Il l’observe se liquéfier et se transformer une flaque. Il lève les yeux au ciel. Elle ne peut pas se déplacer normalement ? Une vague de glace est beaucoup plus normale. Une vague de glace a plus de classe. Alors qu’une flaque… il ne manquerait plus que quelqu’un la prenne pour une inondation et tente de la nettoyer ! Il se force à manger. Trop conscient qu’elle pourrait lui faire des reproches à son retour. Trop conscient que son ventre crie famine. Il se faisait une autre image de ce petit-déjeuner. Il pensait le partager avec Snow. Changement de programme, donc. Il profite de son absence pour se préparer, avaler trois gorgées de café et enfourner quelques morceaux de brioche. Il se retourne juste à temps pour voir la porte s’ouvrir. Snow entre de la façon la plus humaine qui soit. Par la porte. En l’ouvrant. Et elle sourit. Instinctivement, les lèvres de Bobby s’étirent. “Est-ce que monsieur le psychologue sait de combien de minutes il est en retard ?” Il jette un coup d’oeil à sa montre. Il fait une petite moue. Il est plus en retard que s’il avait été seul et qu’il n’avait pas discuté avec elle. Mais qu’est-ce qu’un retard face à des années de ponctualité ? “Une quinzaine de minutes… Il n’y aura personne pour me le reprocher.” Il rassemble les restes du petit-déjeuner sur le plateau. Il quitte le confort du matelas pour retrouver le froid réconfortant du sol. A côté, Snow place la chemise dans un coin de la chambre. Elle lui a préféré une tenue plus sobre, tout en noir. Pourtant, le vêtement n’a pas l’air d’être relégué. Il reste là, dans un coin. Comme une promesse. Comme une possibilité. Elle la laisse de côté pour mieux l’enfiler plus tard. “Elle va rester là encore quelques jours. On ne sait jamais, des fois que j’ai besoin d’enfiler quelque chose, mh ?” Il lève un sourcil. Vraiment ? Elle ne préférera pas plutôt s'éclipser sous la porte pour rejoindre sa propre chambre ? Elle ne voudra pas plutôt adopter une tenue diamétralement opposée de la veille et qui n’a rien à voir avec Bobby ? Il ne va pas s’en plaindre. Il attrape la main qu’elle lui tend. Il se rapproche assez près pour l’embrasser. Il ne s’en lassera pas. Jamais. Elle est devenue son moyen de décompresser. Sa façon de s’épanouir. Ils n’en sont qu’au début et pourtant, elle est déjà importante pour son équilibre. Une dépendance qu’il n’avait pas vu venir, des années plus tôt. Lorsqu’il s’écarte, il a un sourire en coin. “Et tu crois que tu vas en avoir bientôt besoin ?” Flirter. Faire des sous-entendus. Une chose nouvelle dans laquelle il se lance. Une de plus. Et finalement, ce n’est pas si dur que cela. Il suffit d’emboiter le pas de Snow. Il suffit de répondre de la même manière. Ce n’est pas si compliqué.

Il est l’heure d’y aller. Le visage reste souriant. Même quand la porte est franchie. Même quand les premiers élèves les dévisagent. Même quand les deux mains se séparent devant son bureau. Il est léger. Sur son petit nuage. Il est avec la personne qu’il aime. Il a peut-être un bel avenir qui l’attend. Il a des rêves plein la tête. Il a des désirs de paternité qui pourraient être réalisés. Tous les problèmes du monde ne peuvent venir effacer le sourire qui s’épanouit sur ses lèvres. Finalement, c’est ça d’être heureux. C’est ça d’être amoureux.

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