❝Experience: that most brutal of teachers. But you learn, my God do you learn.❞
Les images lui étaient revenues instantanément, comme si elle revoyait la scène de ses propres yeux à nouveau. Sans avertissement et sans filtre, tout était revenu au simple contact de cet artéfact. Comme une décharge électrique parcourant tout son corps en une fraction de seconde et la douleur était toute aussi fulgurante. Et à chaque nouveau morceau du bâton, tout c'était amplifié. Elle avait ressentit la douleur, la rage, la peur, la solitude et la colère. Tout un maelström d'émotions bouillonnant à l'intérieur qui ne demandait pourtant qu'à être nourri de plus, de beaucoup plus. Elle avait déjà été face à des situations où elle s'était servi de cette douleur qu'elle gardait en elle depuis des années mais cette fois-ci c'était encore différent, à croire que littéralement, l'objet se nourrissait de ce qu'elle ressentait tout en lui donnant une force et une envie de se battre encore plus grande. Un paradoxe qu'on ne pouvait expliquer avec des mots simples, une expérience qu'on ne peut partager si on ne l'a pas vécue soi-même.
Bien entendu, elle n'en avait parlé à personne. Elle avait fait ce dont on attendait d'elle, fait ce qu'elle faisait toujours dans ces cas là. Elle avait accepté de revenir sur le terrain, elle n'avait pas le choix si elle devait continuer de surveiller Coulson et veiller sur l'équipe mais tout ça n'était clairement pas pour l'enchanter. Mais les ordres étaient les ordres et Fury n'était pas un homme auquel on pouvait dire non. De toute façon elle aurait du savoir que tout ça allait arriver, qu'elle ne pourrait pas garder ses distances quand on sait à quel point tout ça était personnel pour elle. Combien elle était réellement impliquée dans cette équipe et pourquoi. Depuis Bahraïn, elle s'était refermée sur elle-même, s'interdisant de montrer la moindre émotion, d'avoir la moindre proximité avec qui que ce soit et d'offrir de prise à ceux qui malgré tout cela voudraient encore tenter de percer cette façade qui allait la suivre comme une ombre dès lors.
Mais là c'était trop difficile. Devoir subir tout ça à nouveau. Elle avait besoin d'oublier. Besoin de renfouir tous ces souvenirs là où elle avait eut tant de mal à les enterrer à l'époque. Et besoin de compagnie. Elle ne voulait pas rester seule à nouveau. Ça avait été sa grande erreur à l'époque. Éloigner tout le monde, repousser Andrew et Phillip, ses parents. Parce qu'à ses yeux personne ne pouvait comprendre ce qu'elle traversait alors, parce qu'elle savait qu'elle avait fait le bon choix, le seul choix possible alors mais que la douleur n'en était pas moins présente pour autant. Ward lui aussi avait tenu ce bâton, lui aussi avait du sentir ce que cette chose faisait remonter en vous sans que vous puissiez lutter. Peut-être était-ce pour cette raison qu'elle s'était confiée à lui quand ils en avaient terminé avec ce groupe de fanatiques, une fois Randolph et les autres en sécurité.
Elle ne savait jamais vraiment quoi pensé de lui à vrai dire. Son dossier était impressionnant, en toute objectivité, elle devait bien le reconnaître et elle connaissait pourtant déjà quelques recrues qui avaient elles aussi un tel parcours -pour ne citer ici que Natasha- mais même si sur le papier il faisait figure de premier de la classe, elle ne se contentait pas de ça pour le jauger et quelque chose chez lui lui faisait dire que lui aussi avait quelque chose à cacher. Bien sûr pour elle c'était alors une blessure intime, un traumatisme qu'elle avait en tête, pas la trahison qui s'opérait pourtant sous son nez mais bon, le bénéfice du doute jouait en sa faveur. Et ce soir elle se fichait bien de tout ça. Tout ce qu'elle voulait c'était oublier ou au moins se donner l'illusion qu'elle pouvait encore le faire, laissant la porte de sa chambre entreouverte pour qu'il la suive.
« Where there is anger, there is always pain underneath. »
Si difficile d'oublier. Les souvenirs étaient toujours là même quand je tentais de les rejeter au creux de mon esprit. Ils étaient toujours. Les souvenirs. Les ombres. Et cette noirceur qui semblait s'emparer de moi. L'impression qu'on mon coeur était entre leurs mains. Leurs mains à eux. Les fantômes de mon passé. Ils étaient toujours là comme s'ils étaient des boulets enchaînés à mes pieds. A croire que je n'avais jamais totalement quitté cette demeure que je n'avais jamais réussi à considérer comme mon chez moi, à croire que je n'avais jamais su franchir le pas réellement. Comme si le temps s'était arrêté alors quand j'en étais venu à laisser Thomas au fond de ce puis, menacé par Christian. A cet exact moment tout avait changé. Tout. La relation que j'entretenais avec Thomas. Le reste. Rien n'y avait échappé. C'était comme si un ouragan en était venu à dévaster la pièce. Comme si personne n'allait juste pouvoir y échapper alors que l'impression que les débris des maisons volaient en l'air, et que les corps s'accumulaient. L'impression de courir pour rien. Strictement pour rien. C'était comme si je ne pouvais rien faire pour empêcher ce qui se passait. Et c'était le cas. J'avais juste pu m'enfoncer un peu plus dans le déni et les ténèbres. Cette noirceur qui en venait à m'envelopper, elle était toujours là. A vrai dire, elle n'était jamais réellement partie, toujours existante, omniprésente. Si je pouvais contrôler ma colère, il n'en restait pas moins que je ne pouvais y échapper. Même en instaurant une distance entre moi et le passé, même en instaurant une distance entre moi et ma famille. J'avais fui. J'avais tenté de m'éloigner d'eux, je l'avais fait, n'ayant pas vraiment la possibilité de les contacter par ailleurs alors que John en venait à me sauver. Mais encore là cela aurait pu changer alors que j'en venais à intégrer en parallèle l'académie du SHIELD. J'avais quelques jours de permission mais même là je ne m'étais pas résolu à aller voir, je ne m'étais pas résolu à aller faire un tour et jeter un regard pour constater si Thomas ou Lily allaient bien. Non, je les avais juste laissé derrière moi comme si cela était préférable afin que je puisse les protéger. Infiltrer l'équipe du SHIELD n'était pas du tout repos. Loin de là. Si je savais ce que je faisais, il n'en restait pas moins que je ne pouvais pas me permettre de laisser les choses devenir hors de contrôle. Pourtant cela était arrivé. Cela était arrivé. Il n'y avait sans doute pas besoin d'en dire plus pourtant ce n'était pas juste un simple problème. Je n'avais fait nul erreur. C'était totalement différent alors que je n'avais pas pu empêché la colère de se dissoudre.
A l'instant où j'avais touché le bâton du Berseker, tout avait refait surface. La colère. Les souvenirs. Et pas pour le meilleur. N'en venant qu'à demander à Coulson de rester en dehors de la mission, arguant que je ne me faisais pas confiance. Ce n'était pas juste cette fois-ci pour renforcer ma couverture, ce n'était pas juste cela alors que la colère était toujours là. Comme si je pouvais sentir chaque effusion de noirceur dans mes veines sans pouvoir faire autrement. Resté concentré n'en n'était que devenu plus compliqué. Et pourtant c'était ce que je devais faire. Les protéger. Ou du moins faire ce qu'il fallait pour maintenir ma couverture. Si seulement j'avais compris la première fois ce que cela impliquait. Poser un doigt sur le bâton n'en n'était que venu à amplifier la douleur, la noirceur, les souvenirs. Des flash-back remontant à la surface sans que je puisse les arrêter. Et pourtant si pendant une seconde j'avais eu envie de m'écrouler, il n'en restait pas moins que je ne l'avais pas fait, n'en venant qu'à attraper le second bâton sans le souder. Un autre morceau. Une autre pièce du puzzle. Ce fut en la voyant que je compris que c'était tout autre chose. May. Pas pour rien qu'on l'appelait la Cavalerie. Comme s'il était impossible que je puisse détourner mon regard d'elle alors qu'elle en venait à assembler les trois morceaux du bâton du Berseker. En tenir deux était quelque chose. En tenir trois assemblés était une toute autre chose. Une vague de respect n'en venant qu'à m'assaillir alors que je ne la quittai pas des yeux. Elle était l'ennemie, certes mais elle était quelque chose d'autre tout aussi.
Passer la porte de sa chambre avait été comme une évidence. Une suite logique. Et repousser Skye n'était que plus nécessaire. J'avais besoin de mettre la distance. Jouer les espions n'en devenant qu'un job un peu plus compliqué après ce qui s'était passé sans doute parce que j'avais encore ces souvenirs en tête. Des souvenirs qui m'empêchaient de me concentrer réellement. Cette porte ouverte ce n'était pas seulement une invitation pour maintenir ma couverture, pour neutraliser cette nouvelle variable ou voir ce que je pouvais faire de ce côté. Je ressentais tout autant le besoin de m'éloigner, tout autant que je savais que si elle pouvait comprendre ce que j'avais vécu, je pouvais que lire dans son regard qu'elle avait besoin de compagnie. Elle savait que je ne pourrai que la comprendre alors que nous avions vécu la même chose. Si elle était la Cavalerie, il n'en restait pas moins que je pouvais lire dans son regard ce même éclat que je pouvais voir dans mon regard quand je jetai un coup d'oeil au reflet dans le miroir. Je pouvais voir à quel point elle était vulnérable. Et cette faille c'était tout ce dont j'avais besoin pour l'atteindre et pour en savoir surtout plus sur elle. Une occasion qui pouvait tout aussi ne pas se représenter. Je n'hochai même pas la tête pour lui faire comprendre que j'étais d'accord avec l'idée, non, je me contentais juste de franchir le couloir, de franchir le seuil de sa chambre avant de refermer la porte derrière moi. Je poussai le verrou avant de me tourner vers elle sans un mot, ne pouvant que notifier un peu plus cette bouteille d'alcool qu'elle tenait entre ses mains. Oh cela ne faisait aucun doute que cette occasion ne se représenterait pas.