Ils ont couru. Ils ont couru comme des dératés jusqu'au rez-de-chaussés, et sans échanger autre chose qu'un regard, ils sont entrés dans un taxi. Tandis que Fitz penchait la tête pour éviter que le sang ne s'écoule en trop grande quantité, Jemma a donné une adresse au chauffeur qui les a regardés avec un regard inquiet. Elle a vu qu'il s'apprêtait à poser des questions, mais l'a fait taire avec un regard noir. Son cœur battait encore à cent à l'heure. Ils ne pouvaient pas retourner dans son appartement. Trop dangereux – l'homme aurait vite fait de les retrouver s'il était à leurs trousses. Sans compter que sa porte devait être complètement défoncée. Il valait mieux aller quelque part où il ne les chercherait pas. Quelque part où personne ne les trouverait. Le Shield a un nombre incalculable de planques à New-York, et Jemma avait obtenu l'adresse de l'une d'entre elles quand elle travaillait sous couverture à Hydra. Au cas où les choses tourneraient mal. Bien sûr, elle a eu peur, alors que le taxi se frayait un chemin dans le trafic New-Yorkais, que le code d'entrée ait changé. Après tout, sa mission chez l'organisation nazie datait un peu, mais le fait que cette planque soit connue d'un nombre très réduit d'agent lui a donné de l'espoir. Il ne leur a fallu que quelques minutes pour rejoindre l'immeuble, quelques minutes pendant lesquelles elle a essayé de se calmer dans le taxi, la main agrippée au bras de Fitz. Elle a tiré l'ingénieur hors du véhicule, et a expliqué rapidement au chauffeur qu'elle n'avait pas d'argent. Il n'a pas moufté. Il a bien compris que le situation était spéciale. La main toujours fermement accrochée à Leo, elle leur a fait grimper les marches, et a réussi à ouvrir la porte de l'appartement du Shield en laissant échapper une sorte de sanglot de soulagement. Elle n'a véritablement respiré que quand elle a refermé la porte derrière eux et qu'elle l'a verrouillée. Et là il n'est resté plus qu'eux. La tempête s'est arrêtée. Le silence a repris ses droits. Ils se sont retrouvés là, seuls, dans cet appartement vide, l'un face à l'autre, dans la pénombre. Jemma tremblante, Fitz en sang. On aurait presque dit que le temps s'était arrêté.
–
Elle a du mal à voir sa peau tant le sang s'est étalé sur son visage. Elle a l'impression qu'elle va craquer. Elle ne l'a jamais vu comme ça, et pourtant, ils en ont eu des aventures sur le terrain. Son nez est évidemment cassé, et elle fait de son mieux pour se concentrer sur l'aspect médical de ses blessures pour ne pas se laisser submerger par tout le reste. On dirait que quelqu'un s'amuse avec un marteau piqueur dans sa tête. Elle a bien entendu envie de courir dans ses bras, elle a l'impression qu'il n'y a que ça qui pourrait la soulager de cette pression dans la poitrine, de l'étau dans sa tête. C'est un instinct qu'elle peine à refouler, mais elle détourne le regard et se dirige vers un placard à leur droite, où se trouve un kit médical. Elle commence à l'ouvrir sur le bar de l'appartement, à sortir du fil, de quoi recoudre la peau de Fitz. Ils devraient peut-être appeler le Shield. Fitz devrait appeler le Shield. Il se ferait soigner dans une des facilités de Coulson, retrouverait les autres, pourrait faire un rapport sur ce qui vient de se passer, tout ça. Elle devrait rentrer chez elle. Dormir. Ou au moins essayer, parce qu'elle se voit mal fermer l’œil après tout ça. Elle sort le fil et l'aiguille en silence, une boule dans la gorge. Puis elle relève les yeux, et repose tout sur le comptoir et en l'espace d'une seconde, elle s'est ruée dans les bras de Fitz. Elle sait qu'elle ne devrait peut-être pas. Elle ne devrait pas, tout simplement. Mais bon, ce n'est pas comme si elle pouvait réfléchir de manière cohérente, après ce qui vient de se passer. Elle a les bras autour de sa taille, et s'y cramponne. Toute la distance a disparu le temps de quelques secondes. Tout ce qu'elle voit, c'est qu'elle a besoin de Fitz, du Fitz qui a toujours été à ses côtés, celui qui la comprend sans qu'elle ait besoin de parler.
Quand elle se détache de lui, elle ne peut s'empêcher de ressentir un peu de gène, mais tant pis. Elle ne regrette pas ce qu'elle a fait, elle ne regrette pas du tout. Elle rencontre les yeux clairs du jeune homme et s'en détourne un peu précipitamment pour attraper ce dont elle a besoin. « Tu devrais peut-être aller t'asseoir sur le canapé. » Elle commence elle-même à se diriger vers le sofa. Elle a dans la main un coton plein d'eau pour nettoyer le sang qui recouvre une partie du visage de Fitz. « Il faut que je vois à quel point ton nez est abîmé. Il va te falloir une radio, ça, je le sais déjà. » Se concentrer sur ça pour oublier le reste. Ça vaut mieux. « Et il faut désinfecter. »
WE ALWAYS FIND OUR WAY BACK TO EACH OTHER SOMEHOWQuite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone.
Quand Jemma se précipite vers lui, Fitz sait qu'il est à deux doigts de pleurer. Fitz déteste pleurer. Quand il était petit, il pleurait quand on était méchant avec lui, la cruauté enfantine réveillant chez lui toute cette colère, toute cette frustration de ne pas être comme les autres. Les larmes se sont fait plus rares en grandissant, ne surgissant généralement que par frustration, par colère, devant l'injustice et devant l'esprit étriqué de certains. Fitz a toujours essayé de prouver sa valeur, sa force, en s'empêchant de pleurer. Mais parfois c'est juste... trop. La dernière fois qu'il a pleuré remonte à une semaine, en regardant les vidéos que Jemma lui adressait alors qu'elle se trouvait sur la planète alien. Elle pensait l'avoir perdu. Elle pensait ne jamais le revoir et pourtant- - Fitz refuse d'y penser. Il ne peut pas y penser. Son visage est en feu et lui fait mal et Jemma se précipite vers lui et il la serre dans ses bras, plus fort qu'il ne l'a jamais serrée. Il la tient dans ses bras pur la protéger du monde, pour la préserver d'autrui. En cet instant précis, elle est la Jemma de Fitz et il est le Leo de Jemma. Pas de planète alien, pas de fou furieux kidnappeur, pas de SHIELD. Juste Leo et Jemma. Il se souvient de la promesse qu'ils se sont faits, quand ils ont eu leur diplôme de l'Academy du SHIELD. Ils se sont retrouvés tous les deux, juste tous les deux, sur le toit de leur résidence étudiante, avec un pack de bouteilles de bières et des étoiles pleins les yeux. Celles dans le ciel n'intéressaient pas Fitz, pour une fois; ne comptaient que celles dans les prunelles de Jemma. Toi et moi contre le monde, a-t-elle simplement dit, avec un grand sourire, et ils ont cogné leurs poings l'un contre l'autre.
Toi et moi contre le monde.
Elle s'éloigne, il recule, leurs regards se croisent et leurs visages se détournent en même temps. À nouveau, ils se remettent en mode automate, comme quand elle l'a tiré de l'appartemment de leur kidnappeur, ou trainé dans le taxi, ou quand il a passé un bras autour de ses épaules autant pour se soutenir ou pour l'aider à avancer, aussi. Support mutuel. Comme toujours. « Tu devrais peut-être aller t'asseoir sur le canapé. — Yes, doc, ” dit-il doucement, faisant mine d'être tout à fait à l'aise en allant s'asseoir sur le canapé. Il a pourtant les genoux qui flageolent. « Il faut que je vois à quel point ton nez est abîmé. Il va te falloir une radio, ça, je le sais déjà. Et il faut désinfecter. » Il est assis sur le canapé et il l'observe. Il la laisse parler, il ferme les yeux, il renverse un peu la tête en arrière jusqu'à ce qu l'arrière de son crâne touche le dossier du canapé. Après une hésitation (Fitz se demande si elle pensait à s'asseoir sur ses genoux), Jemma s'installe à côté de lui et se penche pour enlever le peu de sang qui commence déjà à sécher sur son visage. Tout ses traits lui font mal. Son nez est en feu et il est toujours si douloureux, tellement douloureux. Fitz ne s'est jamais battu, jamais vraiment. Il n'a jamais eu le nez cassé, il ne s'est jamais pris un poing dans la figure. La dernière fois qu'il a eu aussi mal, ils étaient des dizaines de mètres sous l'océan.
“ J'ai réussi à lire les fichiers de ton téléphone, ” dit-il au bout d'un moment interminable, essayant de rester le plus rigoureusement immobile à cause de la douleur, pour pas qu'elle lui fasse plus de mal. Elle est délicate, pourtant, le bout de ses doigts doux à la surface de sa peau, le coton plein d'eau effaçant lentement les stigmates de cette nuit d'enfer. Puis elle passe au désinfectant et Fitz grogne de douleur, malgré lui. “ C'est pour ça qu'il est venu nous chercher. Tu as pris plein de photos. Tu t'en- tu t'en souviens? ” Elle a dit qu'elle ne se souvenait de rien. Amnésie partielle, un peu comme lui après l'accident du fond de l'océan. Sauf que lui est parvenu à dépasser ça, à recouver la plupart de ses souvenirs. Mais elle... “ J'aurais dû être plus précautionneux et mieux cacher les fichiers dans les dossiers du S.H.I.E.L.D. C'est de ma faute. Je-Jemma, je suis désolé. ” Et dans sa voix aux accents rauques, aux gémissements étouffés et aux grondements douloureux, il y a des excuses tellement plus profondes que cette soirée digne des enfers qu'ils viennent de passer.
Jemma prend place juste à côté de lui sur le canapé, et après qu'il ait penché la tête légèrement en arrière, commence à passer de l'eau sur son visage pour effacer les traces de sang. Ça la fait serrer les dents, toute cette hémoglobine sur ses joues, ses lèvres, son menton. Elle tente d'effacer du mieux qu'elle peut toutes les preuves de ce qui leur est arrivé. Ils restent silencieux, l'un comme l'autre. Elle s'applique, il grimace. Il règne un drôle de silence dans l'appartement, et un drôle de sentiment dans la poitrine de Jemma. « J'ai réussi à lire les fichiers de ton téléphone, » fait Fitz au moment où elle attrape le désinfectant. Sa gorge se noue, un peu. Malgré l'état de son téléphone quand elle l'avait donné à Daisy, elle avait eu peu de doutes sur le fait qu'il arriverait à tout récupérer. Ce n'était d'ailleurs pas pour rien qu'elle avait donné l'appareil à son amie. Elle pince les lèvres, et murmure un petit : « Ne bouge pas trop. ». Mais il continue, même si elle peut lire la douleur sur son visage quand elle passe le coton plein de désinfectant sur ses égratignures. « C'est pour ça qu'il est venu nous chercher. Tu as pris plein de photos. Tu t'en- tu t'en souviens? » Elle retient le coton à quelques millimètres du visage de Fitz au moment où il prononce ces mots. Ses yeux se lèvent doucement vers ceux, clairs, de son meilleur ami, et dans le faible mouvement de ses paupières, il peut comprendre qu'elle n'a pas tout oublié. Peut-être même supposer que peut-être, ce n'est pas pour rien qu'elle lui a fait parvenir le téléphone. « J'aurais dû être plus précautionneux et mieux cacher les fichiers dans les dossiers du S.H.I.E.L.D. C'est de ma faute. Je-Jemma, je suis désolé. » Elle baisse les yeux et se penche vers la table pour y poser les cotons teintés de rouge. Quand elle se redresse, leurs regards se rencontrent de nouveau. « Ne dis pas ça. On sait tous les deux que tu n'y es pour rien. Tu as suivi les protocoles ordinaires, tu n'as commis aucune erreur. Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver. » fait-elle, avant d'ajouter, les yeux fixés sur le col de sa chemise. « Tu n'as pas à t'excuser. » Elle hausse les épaules. « Je suppose que si j'avais été plus coopérative avec lui dés le début il ne serait même pas allé te chercher. Si l'un de nous deux a des excuses à faire, c'est moi. » Elle ne le regarde pas dans les yeux. Il n'y a pas que pour aujourd'hui qu'elle ressent le besoin de faire des excuses.
Elle jette un dernier coup d'oeil à son visage, s'assurant qu'elle a bien réglé le plus urgent, et finit par s'adosser elle aussi au dossier du canapé, juste à côté de lui. Ils sont épaules contre épaule. Elle n'a pas la force de mettre de la distance entre eux après ce qui vient de leur arriver. Jemma a besoin de sentir qu'il est bien là, qu'ils sont bien là, ensemble. C'est étrange, mais à ce moment précis, elle est frappée par son parfum. Elle le connaît par coeur, après toutes ces années. Elle a passé tant de temps avec lui qu'elle ne le remarquait même plus. Mais ils ne se sont pas vus depuis un moment. Leur entrevue dans le café ne compte pas vraiment, étant donné qu'ils ont gardé une distance certaine tout du long de cette discussion que Jemma préférerait parfois oublier. Aujourd'hui le parfum la frappe de nouveau, amenant avec lui son lot de souvenirs. C'est un peu comme si elle rentrait chez elle après avoir passé plusieurs mois à loin de la maison. Elle se sent un peu faible, pendant quelques secondes. Elle relève ses jambes pour venir coller ses genoux contre sa poitrine. Elle ne faisait jamais ça, avant. La scientifique ne sait pas quand cette habitude est née, ni où. Elle sait juste que c'est devenu une habitude. « Je suis désolée, Fitz. » dit-elle finalement. Il sait. Il sait de quoi elle veut parler. Doucement, elle passe son bras autour du sien et vient trouver sa main. Elle entrelace ses doigts dans ceux de l'ingénieur, effrayée à l'idée de sentir du recul de sa part, du rejet. « Je me souviens de ce que j'ai mis sur le téléphone. Enfin… Pas de tout. Mais il y a certaines choses que je n'ai pas oubliées. Les souvenirs reviennent de plus en plus et-- » Non. Elle ne peut pas encore lui dire ça. Pourtant, elle a tellement envie de lui parler. Il n'y a qu'à lui qu'elle peut tout dire. Elle esquisse un sourire. « Je suis contente que tu aies réussi à tout récupérer. » Elle baisse les yeux sur la table de salon. « J'espère que ça a pu vous apporter les réponses que vous cherchiez. »
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a few weeks agoDaisy a déposé le téléphone chez lui et ça fait presque une heure qu'il travaille dessus, après ses heures de boulot pour l'équipe Ekko. Le laboratoire est vide, il n'y a que les machines qui ronronnnent: Fitz est à l'aise, il est dans son élément. Il a nettoyé la carte SD avant de la bidouiller patiemment; finalement, en l'entrant dans le port qui la connectera à l'ordinateur, il parviendra peut-être à en retirer quelque chose. Les fichiers ont du mal à charger. Il y a des vidéos, note Fitz, et des fichiers audios: classique, Jemma a dû enregistrer tout ce qu'elle a pu sur cette... planète, c'est comme ça qu'elle a appelé ça. Une planète extraterrestre viable... Fitz étouffe ses espoirs dignes de Stark Trek et se concentre sur les photos, les plus rapides à charger. Paysage apocalyptique bleuâtre. Plusieurs lunes? Étrange. Il référence chez fichier, prend aussi des notes manuscrites pour plus tard. Une selfie de Jemma, qui lui arrache un sourire amer en demi-teinte. Autre paysage désertique. Autre selfie mais cette fois- Elle est accompagnée. Accompagnée par un homme qu'il n'a jamais vu avant. Il est grand, athlétique, peut-être un soldat? Il porte une tenue de soldat. Il a de la barbe et des yeux noirs. Il est séduisant. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Il lui fait penser à un garçon de l'Académie qui avait invité Jemma à une soirée mais elle avait refusé. Là, en l'occurence, elle a un bras passé autour de sa taille et l'autre tendu pour prendre la photo, la selfie, presque trop... intime et complice pour les pauvres yeux de Fitz. Ça picote, ses yeux. Maybe there is, lui a-t-elle dit. Fitz est fatigué. Il a passé une longue journée. Il continuera demain. Son poing fermé s'abat sur le plan de travail devant l'ordinateur. Il est frustré. Maybe there is, lui a-t-elle dit. Il doit continuer de bosser. Il va juste aller chercher un café. Il se redresse et son poing balaie la surface du plan de travail et envoie valser une boîte d'outils. Maybe there is. Maybe there is. Jemma n'a jamais été du genre à lui mentir. Mais- Juste un café, après ça ira mieux. Il se lève et s'apprête à quitter le laboratoire en serrant les poings, avec le sombre désir de tout envoyer valser et de tout détruire, comme ce jour terrible où Moriarty l'avait trouvé là, les cadavres de ses prototypes autour de lui. Au moment où il atteint la porte et pose la main sur la poignée, la voix de Jemma résonne. Le premier fichier vidéo a été restauré. “ Fitz. ” Maybe there is.
Il évite le regard de Jemma: c'est plus simple ainsi. Et si elle ne s'en souvient pas? Et si elle s'en fiche? Et si elle regrette? Elle était épuisée et complètement déshydratée. C'était avant de rencontre cet... cet homme. Qu'est-il devenu de lui? Qu'est-il arrivé? Fitz a regardé les vidéos, toutes les vidéos. À un moment, elle parle d'avoir trouvé refuge, et quelqu'un pour l'aider mais après... plus de batterie, bien évidemment. Est-ce pour ça que Jemma n'a pas voulu, pas pu rester au SHIELD? À cause de cet homme? Elle aurait dû le lui dire. Il l'aurait aidée à le retrouver. Non? La douleur lui fait du bien. Elle lui rappelle qu'il est là, ici et maintenant, sur ce canapé, avec Jemma, après cette nuit d'horreur. Son nez irradie et tout son visage est en feu et il déteste l'odeur du sang et il déteste encore plus le sang qui déjà, sèche là où les cotons de Jemma ne sont pas passés: sa bouche, sa mâchoire, son cou. Mais il est là, avec elle, et il ne doit pas se laisser aller à des souvenirs qui datent de trop longtemps ou qui se trouvaient des galaxies trop loin, des mètres trop profondément sous l'eau. « Ne dis pas ça. On sait tous les deux que tu n'y es pour rien. Tu as suivi les protocoles ordinaires, tu n'as commis aucune erreur. Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver. » Il pince des lèvres. Mais j'aurais dû. J'aurais dû prévoir. C'est ça le problème avec les grosses têtes socialement incapables comme Fitz, c'est qu'ils veulent tout contrôler, tout prévoir, tout penser. Et que quand une erreur se glisse dans l'équation, alors c'est la fin du monde. « Tu n'as pas à t'excuser. Je suppose que si j'avais été plus coopérative avec lui dés le début il ne serait même pas allé te chercher. Si l'un de nous deux a des excuses à faire, c'est moi. — Ne dis pas ça, ” répond-t-il simplement avec une foi inébranlable. Jemma, Jemma, Jemma. Elle se prend pour Atlas, parfois, à vouloir prendre le poids du monde sur ses épaules. Fitz embrasse le sentiment de culpabilité qui le prend parfois, et le transforme en colère et en haine; Jemma couve cette culpabilité, la laisse grandir en amertume. Ils se complètent bien.
“ Fitz, ” fait-elle et presque subjugué, il se retourne. Jemma. C'est Jemma à l'écran, qui s'adresse à la caméra. “ Hi. ” Comme dans un rêve, il se rapproche du plan de travail, s'assied devant l'écran de l'ordinateur. “ I don't know why I'm still talking with you... why I'm recording myself. You're never gonna see this, are you? ” Elle est pâle et désespérée. Ses lèvres sont gercées et sèches, ses yeux bordés de rouge même si le filtre bleu de cette planète rend tout impossible à détailler. C'est Jemma là, juste là. Qui le regarde et qui lui parle. Qui pense à lui, de l'autre côté de l'univers. “ I still haven't found water, and it's- I- it's- I'm having trouble focusing, and I'm trying to stay positive. But I'm scared. ” La Jemma qu'il a perdu. La Jemma qu'il était persuadé d'avoir perdu. Sa Jemma. “ I'm scared, Fitz. ” Et c'est à elle qu'elle le dit, à lui qu'elle pense dans ce qu'elle semble penser être ses derniers instants. Fitz ne sait pas quoi faire de tout ce qu'il lit dans le regard de Jemma, tout ce qu'il y comprend, alors que sur sa rétine brûle encore l'image du selfie qu'elle a pris avec cet homme, son sauveur. Maybe there is.
Elle se laisse aller à côté de lui et il garde l'arrière du crâne contre le dossier du canapé, les yeux dans le vague s'évadant quelque part ailleurs sur le plafond. Elle bouge un peu, il la voit du coin de l'oeil ramener ses jambes contre sa poitrine. Ils sont épaule contre épaule mais ce n'est pas gênant, juste naturel, juste complice, juste comme avant — et peut-être qu'il veut ça, Fitz, peut-être qu'elle a besoin de ça, Jemma. Pendant des mois, il s'était dit que plus rien ne serait comme avant. Mais peut-être qu'il faut juste se forcer un peu, et tout ira mieux ensuite. Ils étaient tellement plus heureux au temps de l'Académie. « Je suis désolée, Fitz. » Elle ne parle pas du kidnapping, de cette soirée, de la douleur. Fitz le sait. Il tourne le visage vers elle, l'observe en coin, comme timide. Elle glisse son bras autour du sien et ses doigts descendent jusqu'au sien, leurs mains s'entrelacent. Le pouce de Fitz repose sur le dos de la main de Jemma. Il ne sait pas pourquoi c'est important, mais ça l'est. Il sert férocement sa main dans la sienne. Il est là. Il ne va nulle part. Il ne bouge pas. « Je me souviens de ce que j'ai mis sur le téléphone. Enfin… Pas de tout. Mais il y a certaines choses que je n'ai pas oubliées. Les souvenirs reviennent de plus en plus et-- » Elle s'interrompt. Il la regarde toujours, mais elle a tourné les yeux. « Je suis contente que tu aies réussi à tout récupérer. » Mais sait-elle qu'il a récupéré... ça? Des choses si intimes et étranges qu'elle lui a dit? Des choses si intimes et étranges qu'il n'était jamais supposé voir? « J'espère que ça a pu vous apporter les réponses que vous cherchiez. » Simmons, toujours la professionnelle. Fitz a du mal à déglutir.
“ Do you remember when we first met? ” L'Académie. Pourquoi parle-t-elle de cela? “ I do. You were so quiet and pasty, and... so incredibly smart, handsome. ” Fitz ne sait pas quoi dire. Il se souvient d'elle aussi, incroyablement intelligente, magnifique. Il ne lui avait pas adressé la parole pendant des semaines pour trouver quoi lui dire, quelque chose pour l'impressionner et en faire son amie, et elle avait pensé qu'il se fichait d'elle. L'évocation du souvenir pourtant amusant ne lui arrache pas même un souvenir: il la contemple juste, sur l'écran de l'ordinateur, silencieux, les coudes posés sur le plan de travail. “ Quite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone. ” Ses mains se rejoignent devant son visage, il y enfouit sa bouche et malgré lui, les larmes montent aux yeux. Il sait qu'elle est là, en sécurité et en vie, quelque part à New York — mais il repense à son désespoir, sur cette planète d'une autre galaxie, et le fait qu'elle pensait mourir, et le fait que tout le monde la pensait morte et il se dit qu'il était à deux doigts de la perdre et c'est trop. “ You must have been so annoyed, me following you around all the time. — No, sa voix se brise et il ne sait pas pourquoi il parle, il passe une main sur sa joue sur laquelle s'est faufilée une larme. Never. — I imagine our dinner sometimes. Maybe there is. Where we’d go, what we’d eat. Maybe there is. I wonder about us a lot, actually. ” Maybe there is. Ah, Jemma. Moi aussi. Moi aussi je me pose beaucoup de questions sur toi, sur moi, sur nous. Ce qui aurait pu être et ce qui aurait dû être. “ There’s this small cottage in Perthshire we drove by once when I was a girl, some… family holiday, and I don’t know why, but I found it so lovely. I still think about it -- a place where you and I could have... ” Fitz silencieux et Jemma, des mois plus tôt, aussi. “ But that’s that, I suppose. ”
“ Moi aussi, je suis désolé. ” Il serre sa main si fort: il pourrait lui briser les doigts si il ne faisait pas attention. Mais Jemma est forte. Elle est tellement forte qu'il ne s'en est jamais rendu compte avant maintenant, avant ce moment de désespoir et de peur et ce moment où elle est là, près de lui, où elle les a mené en sécurité en un rien de temps. Il a envie de la prendre dans ses bras à nouveau, de la serrer contre lui. De lui dire que tout va bien et que tout ira bien, qu'ils sont ensemble maintenant, et que rien ni personne ne peut plus les séparer. Mais voilà: Fitz n'est pas un bon menteur. Alors il retire ses doigts des siens, délie leurs mains, lentement, sûrement; puis il passe plutôt son bras autour de ses épaules, avec un naturel ancien et complice et éternel, et la serre un peu contre lui. “ Ce n'est pas le moment de parler de tout ça. Je- je crois que pour l'instant, il faut se reposer. Repose-toi. Je vais contacter le SHIELD et ils- ils vont nous aider. Ou au moins, ils nous diront quoi faire. ” Pourtant, il ne fait aucun mouvement vers son téléphone, vers quoique ce soit. Il n'a pas envie que ce moment finisse parce qu'il sait qu'une fois que le SHIELD sera prévenu, ils seront emmenés, séparés, interrogés puis renvoyés chez eux. Pour l'instant, Fitz veut juste se rassurer avec la présence de Jemma, s'assurer qu'elle reste là. Juste un peu. Il tourne la tête vers elle et ses yeux se perdent dans ses cheveux. Combien de fois a-t-il embrassé sa peau sans y réfléchir? Son front, dans une parodie d'encouragement moqueur? Quand elle embrassait sa joue, presque moqueuse elle aussi, alors qu'il parvenait à résoudre un casse-tête qui le tourmentait depuis des semaines? Leurs mains qui se touchent et se prennent sans y réfléchir, leurs corps bougeant au même rythme, sur la même partition? Tout a été toujours été très organique et naturel, avec Fitz et Simmons; bizarrement, aujourd'hui, il est tellement... tellement plus self-conscious. Hyper-conscient d'elle, de son corps, son odeur, sa peau, sa présence. Il embrasse son crâne. “ Je suis content que tu sois là et je suis content d'avoir été là. Je n'ose pas imaginer ce qui aurait pu arriver si- - ” Il s'interrompt, la gorge nouée. “ Toutes ces photos et ces vidéos... Je te les enverrai, si tu veux. Peut-être que ça t'aidera. Pour l'instant, repose-toi. Je ne vais nulle part. ”
Perthshire. Écosse. Un cottage. Où ils auraient pu... “ I'm not sure how long this battery will last. I should save it, just in case, for more important things. ” Elle respire difficilement, Fitz sent son coeur bondir dans sa poitrine. “ But I'll still talk to you on my own, if that's all right. I'll always be with you, Fitz. ” And I with you. Il reste silencieux et perplexe. Maybe there is. Maybe there is.
Elle commence à ne plus avoir la force d'avancer. Jemma est le genre de personne qui espère beaucoup, et bien sûr, une part d'elle veut croire que ce n'est pas la fin. Que les choses vont s'arranger, qu'on va la trouver et la ramener sur terre. Qu'un jour, elle va échapper à cet enfer, et de préférence avant d'y mourir. Mais elle n'arrive plus vraiment à compter les heures, elle sait juste qu'elle est là depuis un moment maintenant. Trop longtemps pour que l'espoir soit encore un moteur. Elle serait incapable de dire quel jour on est, sur terre. Cet endroit maudit lui a complètement fait perdre le sens du temps, avec ses lunes et son absence de soleil. Rien ne semble changer ici, à l'exception des tempêtes de sable qui viennent l'affaiblir à chaque fois un peu plus. Elle dort à peine, ne mange plus, n'a pas trouvé d'eau depuis un moment maintenant. Elle n'est pas idiote, elle n'a pas deux doctorats pour rien. Elle connaît les limites du corps humain, elle sait jauger à quel moment les choses commencent à prendre une tournure fatale. Elle a du mal à rassembler ses pensées. Parfois, elle cherche ses mots quand elle se parle toute seule, part dans des conversations avec elle-même sans queue ni tête. Elle a l'impression d'avoir eu quelques hallucinations, aussi, mais elle n'est sûre de rien, puisque cet endroit est toujours un véritable mystère pour elle. En tous cas, il y a bien une chose qu'elle sait qu'elle n'hallucine pas. C'est les des 8% qu'affichent sa batterie. Elle a tout fait pour la garder le plus longtemps possible, a même essayé de bidouiller des trucs comme Fitz l'aurait fait pour améliorer la durée de vie, mais bon... Difficile sans matériel. Et elle n'est pas Fitz. Et encore pire, Fitz n'est pas là. Elle donnerait tout, absolument tout pour une dernière heure chez elle avant de partir là où on ne pourra aller la chercher. Absolument tout.
« Moi aussi, je suis désolé. » Il serre sa main et Jemma est si soulagée que les coins de ses lèvres esquissent un sourire. Il ne l'a pas repoussée. Sa prise est si forte qu'il pourrait lui briser les phalanges, mais c'est tout ce dont elle a besoin, là, tout de suite. Elle a presque envie qu'il s'y accroche encore plus férocement, pour être sûre et certaine que tout ça est bien en train d'arriver, qu'il est bien là, et que ce n'est pas l'une de ses visions étranges. Il finit par lâcher sa main, et le baume autour du cœur de la jeune femme fond un peu, jusqu'à ce qu'il passe un bras autour de ses épaules. Il la serre contre lui, et elle se laisse faire, complètement, bienheureuse de trouver cette intimité, cette complicité, cette affection. Ça lui manque au quotidien, tout ça. Fitz lui manque. Tout entier. Et elle ne sait même pas quoi faire de ça.
Elle n'a même pas la force de pleurer. Au final, elle s'est résignée. Tout ce qu'elle se dit, c'est qu'elle doit profiter de ces derniers jours pour repenser à de belles choses, revivre de beaux moments, même si ce n'est que dans son esprit. Elle allume l'application vidéo sans trop réfléchir à ce qu'elle va dire. Elle n'a plus la force de réfléchir. « Fitz, » Elle doit avoir une mine terrible, mais tout ça n'a plus vraiment d'importante. Elle lui parle comme elle l'a fait depuis des jours déjà. Comme s'il était en face d'elle, comme s'ils n'avaient jamais été séparés. Elle imagine son visage. « Hi. I don't know why I'm still talking with you... why I'm recording myself. You're never gonna see this, are you? » C'est absurde, ce qu'elle fait. Mais elle en a besoin. « I still haven't found water, and it's- I- it's- I'm having trouble focusing, and I'm trying to stay positive. But I'm scared. » Elle l'admet sans mal. Elle a peur de tout. De mourir, surtout. Elle n'était pas supposée mourir comme ça. Ils étaient supposés aller au restaurant. Fitz aurait choisi, elle aurait essayé de trouver quelque chose de joli à se mettre... Peut-être qu'elle aurait demandé conseil à Daisy, même. Ils y seraient allés, peut-être un peu gênés, elle aurait eu peur de n'avoir rien à lui dire, bien sûr. Mais ils auraient fini par crever l'abcès, elle le sait. Et ils auraient passé une merveilleuse soirée. Peut-être même, qu'après tout ça, les choses auraient changé pour de bon, peut-être qu'il-- Non, elle se fait du mal. I'm scared, Fitz. répète-t-elle. Elle fait de son mieux pour que sa voix ne tremble pas, mais c'est difficile. Elle laisse une pause. « Do you remember when we first met? » Son visage s'éclaircit un peu quand elle dit ça. « I do. You were so quiet and pasty, and... so incredibly smart, handsome. » Elle se souvient de tout, de ses premières pensées. Comme si, maintenant qu'elle sait que ça ne reviendra jamais, tout se faisait plus clair, et qu'elle se rendait compte à quel point elle a ignoré pendant longtemps des choses qu'elle aurait du voir clairement. Elle s'en veut, oh qu'elle s'en veut. « Quite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone. » Elle sourit un peu, faiblement. Elle se souvient d'à quel point c'est très vite devenu viscéral. À partir du moment où leur amitié est née, elle n'a plus pu se passer de lui, sans trop se l'expliquer. Partout où elle allait à l'académie, elle le cherchait dans les foules, lui collait aux talons partout où il allait, sans même lui demander son avis. Jemma s'en veut, parce qu'elle a trop souvent fait comme si elle était très indépendante, n'avait pas réellement besoin de lui. Alors qu'au fond, elle sait qu'elle n'aurait jamais réussi tout ce qu'elle a réussi sans lui. Elle a, au fond, peut-être plus besoin de lui, même, que lui a besoin d'elle. « You must have been so annoyed, me following you around all the time. » Elle donnerait tout pour retrouver ces moments. Leurs querelles, leurs rires, leurs blagues. Tout. Leur proximité, leur gestes l'un envers l'autre, ces gestes que Fitz n'avait que pour elle, et qui la faisaient se sentir si spéciale sans qu'elle le réalise vraiment. Elle marque une nouvelle pause. « I imagine our dinner sometimes. Where we’d go, what we’d eat. » Elle fixe la caméra. Étrangement, elle ne s'est jamais sentie capable de parler clairement de ces choses-là avant aujourd'hui. Mais elle sait qu'elle n'a plus beaucoup de temps. « I wonder about us a lot, actually. » avoue-t-elle finalement. « There’s this small cottage in Perthshire we drove by once when I was a girl, some… family holiday, and I don’t know why, but I found it so lovely. I still think about it -- a place where you and I could have... » Elle s'interrompt. C'est vain, de toute manière. Et il ne lui reste quasiment en rien en batterie. « But that’s that, I suppose. » Elle hausse presque les épaules. « I'm not sure how long this battery will last. I should save it, just in case, for more important things. » Elle dit ça, mais elle n'est pas vraiment sûre qu'il existe des choses plus importantes, pour tout dire. Si elle ne devait avoir qu'un vœu, ce serait de le voir une dernière fois. Il n'y a pas de choses plus importantes, non. « But I'll still talk to you on my own, if that's all right. I'll always be with you, Fitz. » Elle éteint la vidéo et contemple l'écran de son téléphone sans vraiment le voir. Elle tremble un peu, et au bout de quelques minutes de silence, elle laisse tomber la machine dans le sable, et sans qu'elle puisse contrôler quoi que ce soit, il y a des larmes sur ses joues. Un peu, puis beaucoup. C'est injuste. Tout ça est injuste. Elle commence à crier de toutes les forces qui lui restent, martélant le sable de ses coups de poing, et finit par s'étaler par terre, brisée par tous les could have been qui n'auront jamais leur chance.
« Ce n'est pas le moment de parler de tout ça. Je- je crois que pour l'instant, il faut se reposer. Repose-toi. Je vais contacter le SHIELD et ils- ils vont nous aider. Ou au moins, ils nous diront quoi faire. » Elle acquiesce, sa tête bien calée contre son épaule. Elle a les yeux fermés, profite du moment. Plein de choses lui reviennent en tête. Des choses qu'elle s'en veut d'avoir oubliées. Des mots qu'ils se sont dits, des mains qui s'effleurent. Fitz tourne la tête vers elle, il embrasse son front. Jemma ressent comme une décharge électrique à ce contact, mais aussi quelque chose d'agréablement doux et chaleureux. « Je suis content que tu sois là et je suis content d'avoir été là. Je n'ose pas imaginer ce qui aurait pu arriver si- - » Elle ferme un peu plus les yeux, serre les paupières. Aurait-elle eu la force de s'en sortir, de faire quelque chose, si Fitz n'avait pas été là? Peut-être pas. Jemma est si perdue, si seule. Elle serait probablement entrée dans le jeu de l'homme, il l'aurait peut-être relâchée, peut-être tuée. Ce n'est pas que ça lui est égal, plutôt qu'elle a perdu beaucoup de ce qui la motivait à continuer, Jemma. « Toutes ces photos et ces vidéos... Je te les enverrai, si tu veux. Peut-être que ça t'aidera. Pour l'instant, repose-toi. Je ne vais nulle part. » Elle sourit. Au fond, elle n'est pas sûre de vouloir savoir, maintenant qu'elle est là. Tout ce qu'elle sait, c'est que pour la première fois depuis qu'elle est rentrée, elle ne se sent plus complètement à côté de la plaque. Elle se sent à sa place, même. Ça l'effraie et ça lui fait du bien en même temps. Elle laisse quelques minutes passer, avant de relever un peu la tête, sans pour autant mettre de la distance entre eux. Elle détaille son visage des yeux. Il y a des petites larmes qui commencent à border ses pupilles. Elle entrouvre la bouche, mais retient ses mots, pas vraiment sûre qu'ils soient appropriés après tout ce qui est arrivé entre eux. Mais elle se souvient de son désespoir quand elle pensait ne jamais le revoir. « I missed you, Fitz. » lâche-t-elle du bout des lèvres. « And I still miss you. » Ce n'est pourtant pas son genre de dire des choses comme ça. Mais tout a changé, depuis un an. « Sometimes so badly that it physically hurts. » Ses iris noisette rencontrent les siens, si clairs. « I hope you know that. » Elle se redresse un peu. « I'm so sorry. » Elle passe ses bras autour de son coup, niche son visage contre celui de Fitz, ses lèvres contre son oreille, une main dans sa nuque. « I hope you can forgive me. I don't know what I'm going to do if you don't. » Il y a une larme sur sa joue, maintenant.
WE ALWAYS FIND OUR WAY BACK TO EACH OTHER SOMEHOWQuite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone.
Ils restent silencieux et immobiles. Fitz a encore un peu mal mais surtout au delà de la douleur qui lui infeste le visage, il y a le corps de Jemma serré au sien et il refuse de bouger, pour qu'elle soit à l'aise et confortable. Fitz n'aime pas trop les contacts physiques, normalement, sauf ceux de Jemma. Elle l'a apprivoisé et domestiqué à son toucher, son contact, sa chaleur; il pourrait se perdre dans leurs rares embrassades et leurs étreintes rassurantes. Mais depuis qu'ils ont touché le fond de l'océan et depuis qu'il est parti en guerre, tout est différent... Ils ont passé plus de dix ans l'un avec l'autre, côte à côte. Et avant tout ça, ils n'ont jamais pris conscience de la peau de Fitz qui s'hérisse quand elle respire dans son cou, de son coeur qui bat sans doute trop fort et trop vite et ce n'est pas à cause de la douleur, et de... tout ça. Leurs mots et leurs promesses et leurs mains qui s'effleurent et leurs mouvements de concert et l'impression de ne jamais être complet, plein, compris et aimé à moins d'avoir son autre moitié dans la pièce. Fitz ferme les yeux. Il se laisse bercer par le rythme de la respiration de Jemma. Ça fait des mois, des mois et des mois, qu'il ne parvient pas à dormir correctement. Il sait que cette fois ce sera différent. Jemma bouge imperceptiblement et il rouvre brusquement les yeux. Il tourne la tête vers elle en même temps qu'elle relève la sienne et ils s'observent. Peu lui importe leur soudaine proximité, le fait qu'il peut compter des tâches de rousseur sous la fine couche de maquillage, le fait qu'à ses cils s'accrochent des minuscules larmes, le fait qu'il sent son souffle sur son visage. Peu lui importe. Peu lui importe. « I missed you, Fitz. » Quelque chose se joue sur le visage de Fitz. Un peu de douleur. Beaucoup de tristesse mais surtout, plein de regrets. « And I still miss you. » I'm right there, a-t-il envie de lui dire. I'm right there with you.
Mais il sait que ce n'est pas tout à fait vrai. Il n'est pas right there, elle n'est pas right there. Ils ne sont pas devenus des étrangers mais comme des... des touristes, qui vont et viennent dans la vie de l'autre sans jamais s'y arrêter. Quand le SHIELD interviendra, ils seront obligés de se séparer. Et faudra-t-il attendre une nouveau kidnappeur pour se revoir? « Sometimes so badly that it physically hurts. I hope you know that. » Il a du mal à déglutir. Il l'observe et essaie de trouver du sens à ses mots, en vain. « I'm so sorry. » Une nouvelle fois, elle est trop proche, trop rapidement et sa présence, sa chaleur et son parfum enveloppent Fitz tellement brusquement qu'il a le souffle coupé et qu'il ne sait pas quoi faire pendant un quart de seconde. « I hope you can forgive me. I don't know what I'm going to do if you don't. » Mais lentement, il se reprend malgré les frissons que ses lèvres effleurant le sensible cartilage de son oreille envoient le long de sa colonne vertébrale, et il se redresse contre elle, et passe un bras autour de sa taille. Il la serre contre lui, enfouit son nez contre son épaule et inspire profondément. Il s'en fiche, qu'elle le pense bizarre ou needy ou stupide ou quoique ce soit. Il a failli la perdre une nouvelle fois. Et il est tellement content qu'elle soit là. “ I was so angry at you for leaving, dit-il difficilement et dans sa voix aussi il y a des larmes coupantes et trop lourdes. I don't want to feel that way anymore. ” Il la serre contre lui. Il oublie la retenue et la timidité et l'idée qu'il puisse lui faire mal et l'idée aussi qu'elle ne veuille pas de lui, au fond de lui. Il laisse ses pensées s'évader vers des endroits auxquels il ne s'est pas permis de penser ces derniers jours et ces dernières semaines: un restaurant italien de Manhattan, une planète de l'autre côté de la galaxie, une Académie perdue dans l'Amérique rurale, un petit cottage du Perthshire.
Finalement il se détache brusquement et prend son visage entre ses mains. Il tremble un peu, Fitz, et il a les paumes moites; mais c'est avec détermination qu'il efface, des pouces, les petites larmes qui se sont échappées de la barrière de ses paupières; puis il l'observe, avec admiration et déférence, avant de pincer des lèvres. “ You want forgiveness? I'll give you that. O-of course. You're all forgiven, Jemma, fait-il avant de se retenir d'utiliser son nom de famille comme mécanisme de différence. You are, forever and always, all forgiven. Pl-please forgive me in return. ” C'est une supplique et une prière, sur ses lèvres. Une demande et un besoin irrépressible. La culpabilité le ronge plus sûrement que la solitude. Son pouce retrace sa pommette, souligne la forme de son oeil. “ I-I'm sorry I couldn't save you. I did every-everything I c-could, everything tha-that could be done b-but- - ” Il s'interrompt, les mots s'échappent de ses lèvres, se libèrent de leurs entraves et leurs règles et perdent leur sens. “ I was not strong a-and not sm-smart enough to save you. I'm so sorry I f-failed you. Jemma, I- - ” I couldn't live if you didn't. I'm just not strong enough to live in a world that doesn't have you in it. I'm sorry. I love you. Il relâche lentement son visage, l'observe puis baisse les yeux sur ses mains qu'il a posé sur sa cuisse, qu'il serre, serre, serre si fort que ses phalanges sont blanches, ses articulations nerveuses et tremblantes. “ I miss you too, dit-il finalement, presque durement. Everyday. ”
Il lui rend son étreinte, et avec un petit sourire aux lèvres, Jemma resserre un peu plus sa prise autour du coup de Fitz. Ça fait bien longtemps qu'ils ne se sont pas retrouvés là, comme ça, l'un contre l'autre, et ça lui fait un bien fou qu'elle a du mal à s'expliquer. Tout semble disparaître, ce qui les a séparés autant de temps, ce qui vient de leur arriver. Il noie son visage dans son épaule et elle ne le lâche pas, comme si un simple geste de recul allait tout briser. Elle ferme les yeux, et une petite larme vient glisser sur ses joues. Elle pourrait rester là des heures. Une météorite pourrait s'écraser sur terre qu'elle ne s'en rendrait même pas compte. « I was so angry at you for leaving, » fait-il finalement, toujours contre son épaule et ses cheveux. Le cœur de Jemma se serre à cette révélation. Oh, elle n'avait pas besoin qu'il le dise pour le savoir, mais le fait qu'il exprime à haute voix tout ça, chose qu'ils n'ont pas vraiment fait jusqu'à maintenant, ou du moins avec une gêne et un malaise qui faussait tout, ça lui fait mal. « I don't want to feel that way anymore. » Elle baisse un peu la tête, ses lèvres viennent effleurer sa joue. Une deuxième larme dévale sa joue. Elle non plus ne veut plus. Elle ne veut plus que tout les sépare. Elle refuse de passer une nouvelle journée loin de Fitz, de laisser la distance les rendre étrangers de nouveau. De laisser ses erreurs tout gâcher. Il finit par rompre leur étreinte, et s'éloigne avant de prendre son visage entre ses mains. Il remarque les larmes sur ses joues, et les essuie d'un geste du pouce, doux et rassurant. Elle laisse son regard glisser sur ses joues, ses yeux, ses lèvres. « You want forgiveness? I'll give you that. O-of course. You're all forgiven, Jemma, » Son prénom prend un sens tout particulier dans sa bouche. Elle ne bouge pas, assimilant ses paroles avec émotion. « You are, forever and always, all forgiven. Pl-please forgive me in return. » Son pouce continue à tracer les contours de sa joue, et elle ferme les yeux. « There's nothing to forgive. » dit-elle doucement, si bas qu'il ne peut que le lire sur ses lèvres.
« I-I'm sorry I couldn't save you. I did every-everything I c-could, everything tha-that could be done b-but- - » Elle secoue la tête, un peu, et ferme les yeux, avec un petit sourire douloureux. Il ne peut pas dire ça, il n'a pas le droit de penser qu'il a quelque chose à se reprocher là-dedans. « I was not strong a-and not sm-smart enough to save you. I'm so sorry I f-failed you. Jemma, I- - » Elle continue à faire non de la tête, incapable de supporter de l'entendre dire des bêtises pareilles. Il lâche son visage, et il y a une telle tristesse dans ses yeux que Jemma en a mal au cœur. « I miss you too, » fait Fitz, et elle sourit, même s'il ne la regarde plus et a baissé les yeux sur ses mains. Elle pose une main sur sa nuque quand il ajoute : « Everyday. » Le mot est prononcé durement, illustrant parfaitement la souffrance que Jemma a ressenti tout ce temps, ce truc sourd et un peu bizarre sur lequel elle ne mettait pas vraiment de mots. Qu'elle ne comprenait pas vraiment, mais qui prend tout son sens désormais. Les doigts de la jeune femme viennent trouver la naissance de ses cheveux dans sa nuque, et elle lui fait relever les yeux. « It's me who failed you. » Elle secoue la tête, grimaçant presque à ce qu'elle va dire. « I was lost, I was a mess. I didn't trust myself. I didn't even knew who I was anymore. » Elle se mord la lèvre inférieure. Elle ne lui a jamais parlé de ça. Elle ne lui a jamais fait part de sa confusion, même s'il l'a peut-être lue dans ses yeux à l'époque. « I was afraid that maybe, you wouldn't recognize the person I had become, that you wouldn't like her. I thought it was better to run away than to let you see all that. » Elle lève les yeux au ciel, avec toujours des larmes dans les yeux. « I've been so stupid. I should have known... » Elle esquisse un sourire triste. « I guess I was afraid that you would give up on me. » Sa main remonte dans les cheveux de Fitz. « I promise you, I won't make that mistake ever again. » Chaque mot est détaché du suivant, pour qu'il comprenne que c'est pas une promesse faite en l'air. Qu'elle pense chacun des mots qu'elle prononce, qu'elle a appris de ses erreurs, compris. Elle se penche un peu et pose son front contre le sien, les yeux fermés. « I promise you. » Sa voix est plus basse, cette fois. Ils sont de toute façon si proches qu'elle n'a pas besoin de parler tout haut pour qu'il l'entende. Elle finit par rouvrir les yeux, se détacher un peu de lui, et lui offrir un sourire. « For what it's worth, I still make incredible sandwiches. » Elle lâche un rire entremêlé d'un sanglot. Tentative un peu pauvre d'alléger l'atmosphère. Mais elle ne s'éloigne pour autant pas de Fitz, une main toujours accrochée à ses cheveux, l'autre sur le sienne, sur sa cuisse. Elle se sent incapable de mettre de la distance entre eux.
WE ALWAYS FIND OUR WAY BACK TO EACH OTHER SOMEHOWQuite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone.
« There's nothing to forgive. » There's everything to forgive, a envie de dire Fitz. Mais il a lu cette phrase sur les lèvres de Jemma et un instant, il s'y est perdu. Could have beens. C'est ça qui le rend fou, les could have beens, les univers où il l'embrasse avant de lui donner la respiration qui lui permettra de les sauver tous les deux, les univers où elle l'embrasse alors qu'il s'en va en guerre, les univers où il va la chercher sur sa planète alien et où ils s'embrassent une fois qu'ils sont dans les bras l'un de l'autre, en sécurité, les univers où ils s'énervent tellement l'un contre l'autre et où elle dit tellement de bêtises qu'il l'embrasse pour la faire taire, les univers où il n'est pas lâche et pas faible et pas stupide et pas incapable et les univers où elle sourit en le regardant et en déposant ses lèvres sur les siennes en le traitant d'idiot. Ses doigts sur sa nuque, qui frisent la limite de sa coupe de cheveux. Fitz s'abandonne un peu à ce contact, auquel il n'est pas habitué, avant de lever les yeux vers elle pour la regarder entre de longs cils hésitants. « It's me who failed you. » Il branle du chef. Non, non, non, jamais. Elle reprend la parole sans lui laisser le temps d'intervenir: « I was lost, I was a mess. I didn't trust myself. I didn't even knew who I was anymore. » Et là Fitz sait qu'il ne peut pas, ne doit pas parler et doit la laisser faire: elle ne lui a jamais parlé de ça. Peut-être qu'il est grand temps qu'ils... parlent? pour de vrai? Daisy lui a dit d'attendre. Il lui a dit qu'il ne pouvait pas passer toute sa vie à attendre. Mais peut-être... peut-être que c'est le moment qu'il fallait attendre, peut-être qu'il est venu plus tôt que prévu. À moins que partager l'expérience d'un kidnapping les ait aidés.
« I was afraid that maybe, you wouldn't recognize the person I had become, that you wouldn't like her. I thought it was better to run away than to let you see all that. » Fitz a la gorge nouée. Il ne sait pas comment lui dire ou lui faire comprendre que non, jamais, dans aucun univers il ne pourrait pas l'apprécier, l'admirer, la respecter, l'aimer. « I've been so stupid. I should have known... I guess I was afraid that you would give up on me. » Dans aucun univers il ne l'abandonnerait, dans aucun univers il ne penserait pas à elle, dans aucun univers il ne se taillerait pas les veines juste pour la faire survivre, dans aucun univers il ne plongerait pas dans trou de ver si il en avait l'occasion pour la sauver, dans aucun univers il ne ferait pas tout pour elle. Il ne sait même pas comment prononcer tous ces mots, toutes ces choses: il n'a jamais été bon avec les mots, Fitz, surtout quand elle est pas là pour l'aider à compléter ses phrases et ses pensées. Avant elle, c'était tellement compliqué de se connecter à quiconque, de les comprendre, de s'exprimer. Avant elle, c'était tellement compliqué, tout. « I promise you, I won't make that mistake ever again. » Il hoche la tête lentement. Il ne sait pas quoi faire d'autre. Il ne sait pas, si il ouvre la bouche, si il serait capable de parler. Ils sont front contre front. Jemma ferme les yeux mais Fitz n'y arrive pas, il n'arrête pas de guetter le moindre de ses mouvements à travers ses cils, les détails de son visage qu'il s'est refusé de voir auparavant, les tâches de rousseur sur son nez et ses joues, la minuscule cicatrice antique sur sa tempe, les ridules de soleil au coin de ses yeux. Sa beauté naturelle et normale.
« I promise you. » Il hoche la tête, la forçant à faire de même tant ils sont liés. Elle a toujours une main sur sa nuque et l'autre a rejoint la sienne, sur sa cuisse. « For what it's worth, I still make incredible sandwiches. » Et il sourit tristement, Fitz. “ I missed that, ” dit-il, en parlant d'elle, leur proximité, ses sandwiches, leurs conversation à coeur ouvert. Il ne précise pas mais Jemma doit savoir. Jemma sait. “ I would never give up on you, Jemma. Never. I- I never did. I tried every day, every day, I swear- I never gave up. There was nothing to do, that's what they all told me, nothing to do and I- I couldn't give up. Physically, I couldn't. The thought of it made me sick in my stomach. I was thinking of you... ” Morte, écrasée, brisée à jamais. “ I knew you were there. Somewhere in this rock or... somewhere else. I don't know I- I just knew. And I couldn't give up. ” Il ferme les yeux, enfin.
“ DO SOMETHING! ” Il avait hurlé crié tapé brûlé tiré gémi s'était éraflé le poing avait manqué de se casser le doigt il s'était déchiré la gorge il avait supplié, tellement supplié, s'il vous plaît, s'il vous plaît, ramenez-la, donnez-moi une chance de la ramener, s'il vous plaît, montrez-moi, dites-moi qu'elle va bien. Sa mère lui avait dit, quand il était petit, qu'il y avait un dieu aux noms interdits qui veillaient sur eux, qui les guideraient dans le futur. Et ce dieu, où était-il? Où était-il quand il avait perdu la raison et la santé et le sommeil dans une recherche vaine et terrible et longue et agonisante? Où était-il quand on lui avait tout arraché, tout, et qu'il était seul et seul et seul et seul? “ DO! SOMETHING! ” Anything, anything, anything; il avait supplié et hurlé des heures durant, mais rien n'y avait fait. Elle était partie, et il n'avait pas pu la sauver.
Il y a du mouvement du côté de Jemma et, du même mouvement, ils se redressent et se regardent dans les yeux. Ils sont si proches; malgré lui, les yeux de Fitz tombent sur ses lèvres, juste une seconde, avant de revenir se planter dans le regard mordoré de Jemma. Il n'arrive pas à sourire, n'arrive plus à parler, se souvient du désespoir de l'avoir perdue et du soulagement de la retrouver ensuite. “ I didn't know where you were, if you were alive... if you were thinking of me, murmure-t-il à son intention. And when you came back I thought- I thought you didn't want to see me because I couldn't save you. Because I had changed and you had changed and we were not- we were not who we had used to be. ” Et pourtant ils sont là, dix ans plus tard, toujours aussi proches et silencieux et maladroits et complices et parfaits ensemble, toujours parfaits ensemble. “ I saw the videos, répète-t-il. Il baisse les yeux. Do you remember, Jemma? ” Sa voix est toute douce. Pas tendre, juste douce, bienveillante et sereine. “ There was- there was someone with you on the planet, ” dit-il tentativement, difficilement, pour tester le terrain et voir si elle veut en parler ou non. “ I don't know his name but... he sav- he saved you you found him and it seems like you- shagged, to say the least helped each other. Do- do you remember, Jemma? ” Et le Perthshire?
« I missed that, » Elle aussi, ça lui a manqué. Beaucoup. Plus même qu'elle ne l'aurait imaginé. « I would never give up on you, Jemma. Never. I- I never did. I tried every day, every day, I swear- I never gave up. There was nothing to do, that's what they all told me, nothing to do and I- I couldn't give up. Physically, I couldn't. The thought of it made me sick in my stomach. I was thinking of you... » Daisy lui a touché deux mots de tout ça. Lui a dit à quel point Fitz s'est battu, ne voulait pas croire qu'elle soit perdue à jamais alors que tous les autres, même s'ils ne le disaient pas ouvertement, avaient perdu espoir, avait même parfois pitié de lui, qui redoublait d'idées et d'efforts. Il se battait ici, pendant qu'elle se battait là-bas. Finalement, ils étaient ensemble quand même, malgré tout. « I knew you were there. Somewhere in this rock or... somewhere else. I don't know I- I just knew. And I couldn't give up. » Le petit sourire qu'elle esquisse est presque gêné devant ces aveux. Elle s'en veut d'autant plus d'être partie après son retour, après qu'il ait tant bataillé pour la faire revenir. Sur le moment, elle était si persuadée qu'elle n'avait pas d'autre choix... Jemma a du mal à croire qu'elle ait pu être convaincue que les choses s'arrangeraient loin des autres. Elle sent qu'elle va mieux depuis qu'elle a renoué avec Daisy et que Coulson est venu lui rendre visite à Stark Industries pour lui dire qu'elle devrait revenir au Shield. Ceux qu'elle a repoussés pendant tous ces mois sont finalement sa solution. Elle a été si idiote de penser qu'il en serait autrement. Elle ne manque pas de jugeotte, pourtant, Jemma. Elle en a lu, des livres, qui prouvent qu'il faut de l'aide, du soutien, des personnes qu'on aime autour de soi pour remonter la pente ou surmonter une épreuve difficile. Et pourtant, elle a fait tout le contraire de ce qu'on lui a appris depuis des années, le contraire de ce qu'elle a appris au sein du Shield. La peur a véritablement une influence terrible sur les gens.
« I didn't know where you were, if you were alive... if you were thinking of me, » Les yeux de Jemma se font plus doux, derrière l'humidité. Il doit avoir la réponse à cette question, maintenant. Elle pensait à lui, bien sûr. Il a pu le lire dans ses notes, le voir grâce aux fichiers qu'il a réussi à extraire de son téléphone portable. « And when you came back I thought- I thought you didn't want to see me because I couldn't save you. Because I had changed and you had changed and we were not- we were not who we had used to be. » Elle secoue la tête de droite à gauche. Elle ne sait même pas quoi lui dire. Elle a été égoïste, terriblement égoïste dans une démarche qu'elle pensait pourtant altruiste. Ça valait mieux pour eux de ne pas la voir comme elle était, c'était ainsi qu'ils seraient plus heureux. Foutaises. Elle n'a pas pensé à tout le reste. Elle n'a pas pensé à tout ça. Elle n'a vu que sa douleur, ses angoisses, et maintenant, elle ne sait même pas si elle mérite d'être pardonnée. Pourquoi il veut toujours bien l'écouter et lui exprimer tout ça alors qu'elle ne le mérite pas. I'll make it up to you, Fitz. Elle se promet, encore et encore. Mais est-ce seulement possible? Elle a peur qu'il ne puisse jamais effacer son égoïsme, qu'il ne puisse jamais effacer cet abandon, ce manque de confiance. Elle fera tout ce qu'il faut. « I saw the videos, » dit-il finalement, après un petit silence pendant lequel elle a cherché des mots sans trouver les plus appropriés. « Do you remember, Jemma? » Bien sûr, elle se souvient de ce qu'elle a enregistré pour lui, pour la science. Mais quelque chose dans la voix de Fitz lui dit qu'il ne parle pas de ça. On dirait qu'il cherche à lui rappeler autre chose, quelque chose de... différent. Il lit sûrement l'air perdu dans ses yeux. « There was- there was someone with you on the planet, » Elle se recule un peu. « What? » -- « I don't know his name but... he sav- you found him and it seems like you- » Elle observe Fitz et ses hésitations, incrédule. « helped each other. Do- do you remember, Jemma? » Il sous-entend des choses qui lui paraissent impossible. Elle plisse les yeux, les baisse. Les images défilent derrière ses paupières, mais aucune ne confirme les dires de Fitz. « How do you know that? » demande-t-elle, même si elle connaît déjà la réponse. Le téléphone. « That can't be-- » La main de la scientifique quitte la nuque du jeune homme et vient trouver son front à elle, comme si ça allait l'aider. Elle ferme les yeux, si fort qu'elle s'en donnerait la migraine. « I don't remember anything about someone else. » Elle se redresse. La présence, le contact de Fitz l'empêche de réfléchir convenablement. Debout dans le salon, toujours une main sur le front, elle cherche dans ses souvenirs. « Are you sure about this? » Elle a beau froncer les sourcils, chercher, se concentrer sur le mur blanc, rien. Il n'y a rien qui vient. Ça la bouleverse, que ce soit le trou noir, comme ça. Elle était pourtant persuadée d'avoir reconstruit la plus grosse partie de son séjour sur la planète, sur le grand tableau qui recouvre le mur de sa chambre. Et voilà que ce nouvel élément change toutes ses certitudes? Elle prend sa tête dans ses mains cette fois. Elle a horreur de ça. Elle a horreur de ces amnésies. Le vide et la terreur de ne plus rien savoir reviennent la hanter, à tel point qu'elle en oublie presque la présence de Fitz tant son corps se crispe. « Why can't I remember? » Elle fait les cents pas, la tête dans les mains, maintenant. « Why can't I remember? » répète-t-elle, comme si cela alait avoir une quelconque incidence. Ses mains tremblent maintenant. C'est pour ça qu'elle est partie, elle se souvient maintenant. Parce qu'elle ne voulait pas qu'ils la voient comme ça. « Why can't I remember? » Sa voix est un murmure brisé. « Why can't I remember? »
WE ALWAYS FIND OUR WAY BACK TO EACH OTHER SOMEHOWQuite a strange feeling isn’t it? Never wanting to be without someone.
« What? » Fitz ne comprend pas. Sa surprise est réelle: il la lit sur son visage, dans son regard, dans les émotions qu'elle y laisse se distiller. Elle ne se souvient pas. Pourquoi est-ce qu'elle ne s'en souvient pas? Fitz revoit les images, les selfies, les photos toutes simples, même quelques secondes de vidéos avec cet homme. « How do you know that? » Il ne répond pas parce qu'il voit que, dès qu'elle a posé la question, elle devine la réponse. Le téléphone. Tout tourne autour de ce foutu téléphone. Fitz attend ses explications: il a besoin de savoir qui était cet homme, pourquoi il l'a aidée, comment il l'a aidée mais... le visage de Jemma est complètement effaré, complètement sous le choc, parce qu'elle ne se souvient de rien. « That can't be-- — It-it's alright, Jemma, ” fait Fitz, perturbé, quand la main de Simmons quitte sa nuque pour se poser sur son front et qu'elle ferme hermétiquement les yeux. Elle doit avoir mal à la tête, ou elle convoque ses souvenirs, et Fitz a envie de lui dire qu'il va l'aider, qu'ils vont l'aider, qu'elle va retrouver tous ces morceaux d'elle et de cet homme, que jamais plus il ne la laissera seule avec ses démons. Il a envie de le lui dire, de le lui promettre, mais il n'y arrive pas, il ne peut que rester silencieux et immobile face à la détresse de son amie de toujours. « I don't remember anything about someone else. » Elle se lève brusquement et Fitz l'observe, reste assis sur le canapé, alors qu'elle tournoie, la main sur son front, les yeux mi-clos. Fitz se demande combien de fois il l'a regardée comme ça, sans se rendre compte qu'il mémorisait tout à propos d'elle, des détails infimes et ridicules, alors qu'elle même ne le regardait pas. Il se demande combien de fois il a regardé Jemma, juste Jemma pas Simmons, comme ça. « Are you sure about this? » Il reste silencieux un moment. Sûr? Pas vraiment. Mais c'est très probable. Voire... raisonnablement logique. “ Yes, ” finit-il par lâcher, après avoir mesuré ses pensées.
Et puis, Jemma se prend le visage entre les mains. « Why can't I remember? » Elle commence à aller et venir dans la pièce et sur son visage, quand elle se tourne et retourne pour continuer à faire les cent pas, Fitz voit... il ne sait pas ce qu'il voit. De la douleur, peut-être, et beaucoup de confusion mais autre chose, aussi, qu'il n'arrive pas à nommer. « Why can't I remember? — Jemma? ” murmure-t-il doucement, parce que sa voix menace de se briser, il l'entend, et il n'aime pas ça. Mais Jemma ne l'écoute pas le moins du monde, continue de faire les cents pas, ses traits crispés coincés entre ses deux mains, « Why can't I remember? » comme un mantra sur ses lèvres. Elle a l'air si perdue, en cet instant précis, Jemma, et Fitz sait qu'elle ressent la même chose qu'il ressentait après son coma. Même après qu'on se soit soigné d'un traumatisme, on n'est jamais ce qu'on était avant. Au quatrième « Why can't I remember? », Fitz se lève brusquement et s'approche d'elle dans un mouvement rapide et nerveux et sans même lui demander son avis, l'attire contre lui. Elle résiste un peu au début. Il sent la tension et la nervosité dans ses membres, son immobilité rigide, et ses lèvres qui articulent toujours les mêmes mots silencieux; mais il l'attire contre lui, et la serre contre lui, et la garde contre lui, la serrant avec plus de force qu'il n'a jamais serré quiconque. Il ne sait pas quoi dire alors il ne dit rien, sa main sur sa nuque l'incitant à nicher son nez dans son cou, son autre passé autour de sa taille pour arrêter les légers tremblements qui l'agitent. “ It's okay, ” parvient-il à formuler après ce qui lui semble être un temps infini. “ Jemma, it's okay, ” et c'est une promesse et un serment et un mantra sur ses lèvres, qu'il murmure encore et encore et encore jusqu'à noyer ses peurs de ne pas se souvenir, jusqu'à ce que sa voix soit la seule chose réelle dans la pièce.
“ I'll help you, ” lui dit-il en se reculant un peu, prenant de nouveau son visage entre ses deux mains, l'observant de près avec intensité. “ I'll identify this guy and we'll find him and you will remember, yeah? ” Il caresse sa joue, machinalement, avec son pouce avant de relâcher peu à peu son visage, quand elle a cessé d'être nerveuse et de trembler légèrement. “ Trust me. ” Trust me. Trust me. “ I failed you once. I won't ever fail you again, Jemma. Trust me. I'll do anything— anything for you to get your memory back. ” Elle n'est plus vraiment la Jemma qu'il a connu et aimé, comprend Fitz. Peut-être c'est pour ça qu'elle s'est éloignée et qu'inconsciemment, il l'a repoussée. Mais ça ne change pas ses sentiments pour elle. Pas du tout, même. La douleur dans son visage revient brusquement, maintenant le calme règne dans la petite pièce, et il grimace légèrement. “ For now let's just... rest, okay? I'll call S.H.I.E.L.D. tomorrow. We're safe, Jemma. We're- il s'interrompt et la regarde, cherche quelque chose dans ses yeux et rajoute, dans un murmure timide -together again. Nothing can hurt us now, ” promet-il, peu sûr de lui. “ Rest. I'll keep watch. I'm not letting you out of my sight. ”
Elle est si perdue dans sa litanie qu'elle ne reprend conscience de la présence de Fitz que quand il la touche. Il l'attire à elle et elle est si figée qu'il pourrait prendre ça pour un refus. Elle ne recule pas, mais n'esquisse aucun geste dans sa direction, les yeux dans le vide, la question sans réponse toujours au bout de ses lèvres. Elle a l'impression que tous ses membres sont paralysés. Elle connaît ça, elle l'a vécu des tas de fois depuis qu'elle est rentrée. Mais elle a toujours été toute seule, quand c'est arrivé. Elle a horreur qu'il la voit comme ça. Elle ne veut pas qu'il sache dans quel état elle est, tous les jours, elle ne veut pas qu'il sache. Mais il persévère, et la serre un peu plus contre lui, même si elle est toujours aussi raide et tremblante. Sa main trouve sa nuque et c'est ce qui la sort légèrement de sa drôle de transe. Elle se détend, doucement, respire, tandis qu'il entoure sa taille de son bras. Elle relâche complètement son front sur son épaule, et peu à peu, l'obsession se calme, et elle arrête de murmurer. « It's okay, » Elle secoue la tête contre son épaule, comme pour dire non. Non, tout ne va pas bien. Elle n'arrive pas, elle n'arrive pas. Elle devrait être plus forte que ça, elle doit être plus forte que ça. Fitz lui aussi est passé par des choses horribles, qui l'ont profondément transformé, et pourtant, c'est elle qui s'effondre dans ses bras. « Jemma, it's okay, » Les mains de la brune viennent trouver la chemise de Fitz, dans son dos, et elle s'y cramponne comme à une ancre. Il a toujours été son ancre, au fond, et aujourd'hui, plus que jamais. Alors qu'elle croyait l'avoir perdu pour de bon. « I'll help you, » Il relève son visage strié de larmes. Il y a ses prunelles bleues qui l'observent avec attention, comme si elles essayaient d'envoyer un message à elles toutes seules. « I'll identify this guy and we'll find him and you will remember, yeah? » Elle acquiesce, sans rien dire pour autant. Il est si optimiste, Fitz. « Trust me. » Si optimiste qu'elle ne peut le contredire. Et elle lui a toujours fait confiance, ce n'est pas maintenant qu'elle va arrêter. Certainement pas maintenant. « I failed you once. I won't ever fail you again, Jemma. Trust me. I'll do anything— anything for you to get your memory back. » Elle n'a pas lâché sa chemise même s'ils se sont tous deux un peu redressés. De nouveau, elle acquiesce, et esquisse même un petit sourire. À l'entendre, tout est possible, et elle retrouvera forcément ses souvenirs. Elle a envie d'y croire, vraiment. Mais... Elle essaie depuis des mois déjà, seule, avec son psy... Même si les choses vont mieux qu'à une époque, c'est loin d'être fini. Elle n'est pas sûre qu'elle arrivera à tout retrouver un jour. Ce qui s'est passé sur la planète reste une énorme inconnu, énorme, même après tout ce temps.
« For now let's just... rest, okay? I'll call S.H.I.E.L.D. tomorrow. We're safe, Jemma. We're- » Il a raison. Il faut qu'ils se reposent. Elle est soulagée qu'il ne veuille pas appeler le Shield maintenant. Tout ce qu'elle demande c'est un peu de calme, et d'être toute seule avec lui aussi longtemps que possible. Ce n'est pas arrivé depuis si longtemps, et même si une part d'elle est complètement désemparée, il y a aussi une part d'elle qui se sent mieux pour la première fois depuis qu'elle est rentrée. « -together again. Nothing can hurt us now, » Jemma baisse les yeux vers ses lèvres, qui esquissent ces mots avec un naturel qui la surprend encore, même après toutes ces années. Dire qu'au Shield, ils pensaient tous qu'elle était le leader du duo, peut-être parce qu'elle était la plus sociable d'eux deux. Incroyable. « Rest. I'll keep watch. I'm not letting you out of my sight. » Elle entoure son cou de ses bras, ses lèvres à quelques millimètres de la peau de son cou. Elle reste là un bon moment, et il ne dit rien, la laisse faire. Elle se calme, sa respiration reprend un rythme normal, elle sèche ses larmes et reprend un visage plus... normal. Elle ne sait pas combien de temps a passé quand elle se recule un peu et adresse un sourire à Fitz. « You need to rest too. » dit-elle en penchant légèrement la tête sur le côté. « You don't need to keep watch, nobody can hurt us now, remember? » dit-elle avec une petite étincelle dans les yeux. Elle enroule ses doigts autour de son poignet et le serre légèrement avant de le lâcher de se diriger vers la salle de bain, où elle se passe un coup d'eau sur le visage. Elle sert deux verres d'eau dans la cuisine, et les ramène dans la chambre. Fitz est assis sur le lit, à feuilleter un livre qu'il a trouvé, sans aucun doute, sur la table de nuit. Elle pose un verre à côté de lui, puis un de son côté du lit. L'habitude. Elle enlève ses chaussures et se glisse sous les couvertures. Elle rapproche l'oreiller des jambes de Fitz et pose une main sur son genoux, avant de fermer les yeux. « Good night Leo. » dit-elle d'une voix plus apaisée, et fatiguée. « Good night Jemma. » Il pose son bras autour de sa tête, et le bout de ses doigts vient trouver la naissance de son cou. Jemma sombre dans un sommeil peuplé de sable et d'ambiance lunaire. Du visage d'un inconnu. Seule une heure est passée quand elle ouvre les yeux de nouveau, pour trouver Fitz étendu à côté d'elle, plongé dans un profond sommeil. Ça la fait sourire. Doucement, elle se rapproche, et passe son bras autour de sa taille. Ils sont face à face, enlacés presque comme des amants. Mais Jemma s'en fiche. Tout ça semble si naturel, si évident. Elle s'endort de nouveau, bercée par ses respirations et son parfum. And it feels like home.
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Jeu 5 Mai - 17:47
