“Négatif. Même pas en rêve, tu ne sauras rien. Je ne te dirai rien. D'ailleurs oublie, j'ai menti, elle n'existe pas.” Comme par hasard ! La meuf s’est évaporée dans la nature, par magie ? Naaaaah, on ne la fait pas à Jared. Et puis, il n’a pas un cerveau qui fonctionne comme un ordinateur, oh ! Vous voulez effacer un truc compromettant sur le bureau de votre ordinateur ? Vous le glissez à la corbeille et vous la vider. Avec le cerveau de Jared, les choses sont légèrement plus compliquées. Il faut attendre soixante ans (et encore, sans la certitude qu’il oublie après toutes ces années), puis vous l’assommez un bon coup, vous le mettez dans une machine de cryogénisation et vous le réveillez dans trois siècles. Et là, enfin, vous avez une chance pour qu’il ne s’en souvienne plus. Autrement dit, Harry est dans la merde. Il ne sait pas ce qu’il vient de faire. Jared va lui rappeler son erreur à chaque fois qu’ils se verront, à coup de “comment va ta copine mystérieuse ?”, “quand est-ce que je la rencontre ?”, “Jazz kiffe ça et la tienne ? Elle aime aussi le chocolat ?”. Derrière son visage juvénile, il a tout de l’être machiavélique et fouineur. Ne jamais se fier aux apparences ! En tout cas, pas avec lui. Il est vicieux, le bonhomme. Il a l’air con comme ça, mais il retient tout ! Oui oui, il a une sacré mémoire là-haut. Et le soir, tel un psychopathe, il note tout dans un carnet et il relit les vingt carnets qu’il a déjà rédigés… Pardon, j’ai inventé cette partie. “J’suis sûr qu’elle est mignonne. Elle doit avoir les cheveux roux, aussi. Forcément qu’elle les a, sinon tu me ferais pas chier avec ! Elle est intelligente, j’espère ?” Il jette un coup d’oeil en direction de Harry. Sa copine secrète a intérêt à être intelligente. Même plus que lui. Parce qu’il faut quelqu’un pour remettre Harry dans le droit chemin. Vous voyez comme il tourne mal, là ? A force de boire de l’alcool avec des gens plus vieux. A seulement vingt-et-un ans ! M’enfin, c’est quoi cette tendance pour l’auto-destruction et la débauche ! L’éducation à la dure dans son ranch n’a pas dû lui inculquer l’amour de la vie. Tiens, d’ailleurs, faudra que Jared en parle avec madame Fisher. Il a tellement d’anecdotes à raconter à cette femme. Et des mises en garde. Beaucoup de mises en garde ! Elle laisse trop de libertés à ce garçon. Bientôt, on va le retrouver le cul en l’air, la bave au coin de la bouche, endormi. Si si, j’vous jure ! Il faut lui donner un cadre. Il faut le surveiller. Heureusement que Jared est là… pour empirer les choses. Okay, faut être réaliste.
“Ma mère ? Tu ne risques pas de la rencontrer, elle habite du côté de Boston. Et elle sait combien je tiens l'alcool. Ou du moins, elle s'en doute, ouais.” OH NON ! Déception. Bon, tant pis, il écrira une lettre. Ouais, à l’ancienne. Il cherchera son adresse dans l’annuaire. Il ne doit pas y avoir des centaines de Madame Fisher à Boston. Quoique… Pas d’inquiétude, Inspecteur Hemingway est sur le coup ! Il va trouver. Il ne se laissera pas décourager. Jamais ! S’il doit parcourir le monde entier, il le fera. Bon, pas vraiment. Je vous rappelle quand même qu’il ne roule pas sur l’or, le coursier. Par contre, il essayera. Un peu. Genre en fouillant dans le courrier d’Harry. Il doit bien avoir une carte postale bien pourrie de Boston qui traine dans un coin. “Ouais, vaut mieux pas que tu vois la drogue dure que j'ai laissée en évidence sur le guéridon des clés !” Ah tiens, il l’aurait parié ! Harry, ce gamin drogué et ivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il a typiquement la tête de l’emploi. Et puis, vu la pression que l’on met sur les étudiants de nos jours, faut pas s’étonner qu’ils aient besoin de décompresser. Ces pauvres gosses ont besoin d’oublier le stress des examens. Et où ils trouvent leur exutoire ? Dans la drogue et dans l’alcool ! Evidemment ! Jared aussi est stressé, vous voyez ? Raison pour laquelle il a besoin d’aller dans les bars, régulièrement. Mais si, voyons ! Se faire hurler dessus, c’est stressant. Et vous n’imaginez pas l’inquiétude que c’est quand, tous les matins, il doit courir partout dans son appartement pour limiter son retard ! “Okaaaay, mais si je m’explose le nez contre le mur, ça sera de ta faute ! Et t’auras pas intérêt à me laisser me vider de mon sang, j’te préviens.” Entre nous, Jared, on sait tous que tu n’as pas besoin d’être à moitié aveuglé pour te casser le nez. Il te suffit de deux pieds (les tiens) et d’avancer. Tout simplement. Il plaque ses mains sur ses yeux. Il entrouvre les doigts. Par pure précaution. Surtout pas pour tricher. Noooon. Bon d’accord, un peu. Faut dire qu’il est impatient de découvrir l’appartement d’Harry. Dans quoi peut bien vivre un étudiant qui joue les cons, mais qui n’en est pas un ? Mystère ! Jared entre dans l’appartement, non sans s’exploser l’épaule contre le chambranle de la porte. Pas de problème. Tout va biiiiien. Il retire ses mains pour mieux observer. Putain, c’est mieux rangé que chez lui. DES BOUQUINS ! HAHAHAHA. Voilà ce qui différencie un con (Jared) d’un faux con (Harry). Des livres.
Le gamin pourrait sans doute discuter pendant des heures avec Jazz. Ils aiment tous les deux lire. Un truc qui n’intéresse pas Jared. Vous imaginez le temps perdu à parcourir des mots quand le monde continue d’avancer autour de vous ? Le monde ne se met pas en pause le temps qu’ils finissent leur chapitre ! Noooon, le monde continue à avancer. Encore et toujours. Ils prennent tellement de retard en se perdant dans la fiction. “Mi casa es su casa.” Ah, mais Jared compte bien en fait su casa rapidement. Il retire déjà sa veste pour l’abandonner dans un coin. Il s’autorise un petit tour du propriétaire. Tiens, et si on abattait ce mur pour agrandir la pièce ? Il manque un meuble pour ranger tout ce foutoir. Oh et si on refaisait les murs ? La couleur est vraiment terne. Faudrait un truc qui stimule la créativité et l’intelligence de Harry… De l’orange fluo ! Partout. Dans la chambre, dans le salon et même dans les toilettes ! “Faut que je les mette au congel un peu, avant quand même. En attendant, t'auras un fus de la supérette du coin, m'en veux pas ok ?” L’arnaque ! On avait dit des bières de noël, pas des bières de premier prix ! C’est scandaleux. Remboursé ! En réalité, il ne crache pas sur une bière. Peu importe laquelle. A moins qu’elle soit vraiment dégueulasse. Il attrape la bière que lui tend Harry. Il se place devant sa baie vitrée. Un sourire naît quand il voit le minuscule balcon. Le mec a un balcon. Petit, certes, mais un balcon. Jared n’a même pas ce luxe ! Et puis, regardez la taille du truc, on pourrait y faire un remake de la scène du Titanic. Je suis roi le du mooooonde. Il désigne le petit espace extérieur de sa bière. “Sympa, ce balcon. C’est ici que t’as pécho ta copine qui n’existe pas ?” Quand je vous disais qu’il ne laissera pas Harry tranquille avec sa petite-amie pas si petite-amie que ça. Tant qu’il n’aura pas toutes les informations concernant cette femme, il y a de fortes chances pour qu’il n’abandonne pas la partie. Il va continuer à y faire référence. Il peut être particulièrement chiant et tenace, quand il le veut. Ce n’est pas faute d’essayer d’être moins curieux. Mais il y a de belles choses dans le monde et les gens qui l’entourent ont des vies passionnantes. Alors, il compte bien tout découvrir de ces existences. Même quand il s’agit d’une copine invisible et inexistante. Il veut tout savoir. Alors, où Harry a séduit sa belle ? Dans un bar, sur son balcon ? Avec une bière, un gin tonic ou une cacahuète ? Han mon dieu ! Est-ce qu’il lui a fait le coup du grain de café ? Naaaaah, il ne doit réserver cette connerie qu’à ses amis. Pas à une femme. Ça ne marcherait jamais !
“Alors quoi, tu t'attendais à un baisodrome qui pue le fauve ? Je suis un mec rangé, moi ! Pourquoi, c'est comment chez toi ?” Il hausse les épaules. Il ne sait pas trop à quoi il s’attendait. Sûrement le type d’appartement studieux, vous voyez ? Bien rangé, bien organisé, plein de livres, d’oeuvres d’art aux murs et des sculptures dispersées ici ou là. Il n’imaginiait pas un truc bordélique, même si Harry s’acharne à renvoyer une image médiocre de sa personne. Il peut dire, le gamin. Il voit en Jared un être intelligent. Mais Harry joue le même double-jeu. Il abandonne la vue de la baie vitrée pour se tourner vers son ami. “C’est un temple aux super-héros, comme tu peux le deviner. Y a des posters et des statuettes partout. Tu peux prier pour Thor au wc ou dormir sur la tête de Hulk. Tu kifferais !” Ironie quand tu nous tiens. 1/ Y a pas de figurines à l’effigie des super-héros. Il en a bien quelques unes (des collectors) qu’il range soigneusement dans un carton, à l’abri des regards indiscrets 2/ Son sanitaire n’a rien de particulier, si ce n’est qu’il y a un calendrier chinois de l’année 2014. Tellement tendance. Mais si ! Le vintage est revenu à la mode, j'vous jure. 3/ Harry serait plutôt content de découvrir un décor pareil pour se moquer. Si pendant une époque, son appartement laissait entrevoir sa passion pour les super-héros, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Jared s’est un peu calmé. Un peu. Devant les fuites à répétition des femmes qu’il ramenait, il a compris que c’était un tue-l’amour. Et puis, vous comprenez, il ne peut pas vivre perpétuellement au milieu des héros. Sinon, il se transformerait en un psychopathe. Faudrait pas que ça arrive ! “Je pensais que tu vivais dans un antre mi-intellectuel mi-sadomasochiste, tu vois le genre ?” Oui, il vient tout juste d’inventer ce style, et alors ? Ça vous pose un problème ?
Je marche sans me préoccuper des âneries de Jared. Qu'il cause ! Qu'il me pose des questions, ça n'a pas d'importance, je ne répondrai pas, c'est très simple ! Alors, un sourire en coin, j'avance sans rien dire.
Pourtant, même une fois dans l'appartement, il revient à la charge. Je ne chope personne chez moi. Je chope dehors, et, éventuellement, je ramène à la maison si c'est plus près/plus hygiénique ou que la nana vaut VRAIMENT le coup. Alors non. Je n'ai pas chopé cette fille sur mon balcon. Je relève les yeux sur Jared, parfaitement imperturbable et je réfléchis à comment lui répondre pour ne pas passer pour le mec qui défend le sexe féminin - ça ternirait ma réputation de gros connard - ou qui est trop timide pour parler du sexe féminin en question - ça ternirait ma réputation de Pierre couche-toi là. Je me presse le citron et je souris finalement de toutes mes dents.
"Un gentleman ne révèle pas ses secrets. Et puis, tu peux parler de copine qu'existe pas ! Tu sors la tienne de ton chapeau quand ça t'arrange !"
Tiens, Jared, prends ça dans tes chicos !
Quant à la description de son appartement, je hausse les sourcils en m'approchant du balcon à mon tour. Je ne suis pas étonné, en fait. En effet, c'est l'idée que je me fais de chez Jared. Je suis même quasiment sûr qu'il a un placard avec des costumes à l'essai. Genre, le dimanche, il se déguise en Hulk. Le samedi en Thor.. Et discrètement, la semaine, il cache un slip de Spiderman et les collants de Captain America sous ses jeans. On parie ?
"J'en attends pas moins que ça venant de toi, mon pote !"
Oui, je suis cruellement moqueur. Ca se voit à mon sourire en coin. Fais coucou à ma canine étincelante. Et puis je ris.
"Non, ça veut dire quoi, ça ? Pourquoi sadomasochiste ?"
Le pire, c'est que je mange sainement, je me tiens à une sorte de petit régime. Du moins, j'essaye. J'ai une forte propension à grossir à vue d'oeil, et j'ai pas envie de finir en Bibendum avant mes 30 ans. Je suis déjà pas maigre, alors si en plus je bouffe le Nutella à la cuillère... Les filles ont horreur des mecs avec la bedaine, j'essaye de leur plaire ! Les régimes, c'est pas que pour les gonzesses, je te dis. De toute façon, je ne mange rien sans en regarder la composition avant. Pas chiant, le mec. A la naissance, j'ai été livré avec un bon paquet de névroses et un gros sacs de tocs. A tel point que gamin, ma mère m'a pris pour un autiste, mais je crois qu'elle avait perdu le dico et la définition avec.
"En revanche, je suis un intellectuel, tu es le seul à en douter, mon pote."
Je porte ma bière à mes lèvres dans un sourire en observant la rue en contre-bas. Ici, même pas la peine d'espérer une meilleure vue. On peut entrevoir l'Hudson entre deux bâtiments, mais c'est tout. On est proche du centre de la ville, finalement, et les immeubles vont assez haut. On est très loin de la banlieue et de ses petites maisons avec leur jardin, leur clôture et tout et de leurs chiens qui beuglent à la lune.
"Faudra que je vienne chez toi, un de ces quatre ! Histoire que je vois ça de mes propres yeux !"
A croire que bientôt, on va s'échanger nos clés et finir par vivre ensemble. Prochaine étape : la présentation aux parents. Mmhhh... J'émets déjà un veto. Jared déclencherait sûrement une guerre civile dans ma maison entre ma mère et mon père et ma soeur finirait par sortir sa poele à frire et à hurler à tout va en cognant sur les tuyaux de cuivre pour se faire entendre.
Comment est celle de Harry ? Sa petite-amie, hein. Je vous vois arriver avec vos esprits mal placés ! Bande de petits pervers. Bon, elle (sa petite-amie, je répète) est rousse. Evidemment. Elle a de beaux yeux, peut-être verts ou alors, ils sont clairs. Elle est grande. Pas trop, pour ne pas que l’égo surdimensionné d’Harry en prenne un coup. Et évidemment, elle est intelligente. Un peu délurée, un peu décontractée pour qu’elle aille bien avec la personnalité du gamin. Ou alors, elle est complètement différente. Au moins, Jared est sûr qu’il ne s’agit pas de Black Widow ni de Jazz. Il peut déjà éliminer deux femmes de la liste. Deux femmes sur les milliards que compte la planète. Il n’est pas prêt de la trouver, cette petite-amie. Mais peut-être qu’en cuisinant un peu Harry, il pourra obtenir des détails. Des informations. Des trucs, quoi. Le gosse ne peut pas tenir un secret pendant des jours et des jours ! Y a bien un moment où son attention diminuera et où il laissera échapper quelque chose. Et Jared sera là, caché dans l’ombre, à écouter et à noter. Niark niark. D’ailleurs, les bières promises sont un bon début. Même si Harry tient bien l’alcool, il ne peut pas ne pas devenir bavard. A moins qu’en buvant, il ne s’endorme. Crotte. Ca n’arrangerait pas Jared, ça. “Un gentleman ne révèle pas ses secrets. Et puis, tu peux parler de copine qu'existe pas ! Tu sors la tienne de ton chapeau quand ça t'arrange !” Jared éclate de rire. Ben voyons ! Harry est un gentleman. Okay, il se comporte bien avec les femmes. Okay, il ne les séduit pas lourdement. Mais on est quand même loin des mecs du siècle dernier. Et puis quoi ? Jazz est si parfaite que le gamin n’arrive pas à croire qu’elle existe ? Bon, je vous l’accorde, Jared en a fait une description qui sort tout droit d’un rêve. La jeune femme parfaite, espionne le jour et héroïne la nuit. Il a peut-être grossi le trait. Peut-être un peu. Franchement, qui ne le fait pas ? Un simple steak haché se transforme en un plat gastronomique quand on en parle. C’est pareil avec Jazz. Sauf qu’elle n’est pas un steak haché. Elle est mieux que ça. “Depuis quand t’es un gentleman, hein ?” Il est drôle, ce Harry. Jared l’aime bien. Il s’amuse toujours avec. Il s’attache même à lui. Vous voyez, une espèce de complicité. Un truc presque mielleux. Qui l’aurait cru ? Ce crétin, avec son grain de café et ses blagues pourries, a réussi à conquérir le coeur si dur et insensible de Jared. Enfin, il n’en faut pas trop pour que le coursier apprécie quelqu’un. En fait, il ne faut rien du tout. Même une dispute lui suffit pour qu’il se fasse des idées. Ce mec a trop de gentillesse et d’affection à offrir. Alors, il la balance à tout le monde. Même à ceux qui font chier. Il n’a pas de limites ! “C’est pas parce que Jazz existe vraiment, contrairement à ta copine mystère, que tu dois être jaloux ! Je te la présenterai un jour, tu verras.” Ouais enfin, quand il aura décuvé, il pensera que c’est une mauvaise idée. Harry a des dossiers sur lui. On peut déjà prendre cette soirée comme exemple. Un parfait dossier. Le gamin serait capable de la faire fuir avec toutes ses histoires. Jared finira vieux, entouré de chats et de chaussettes sales. Voilà l’avenir que lui réserve l’humanité s’il présente Jazz à Harry. Tout compte fait, il va réfléchir.
Déjà que Jazz n’a pas encore vu sa collection de figurines, faudrait pas qu’elle découvre toutes ses histoires de beuverie. Non non et non ! Il tient à avoir son petit jardin secret. Et ce jardin secret est matérialisé par Harry. Voilà. Il sera un peu son amant amical. Oh mon dieu, que c’est beau et émouvant ! “J'en attends pas moins que ça venant de toi, mon pote !” Un appartement à la gloire des super-héros, sérieux ? Heureusement qu’Harry se moque, sinon Jared aurait pu se vexer… En fait, non. Il ne se serait pas vexé. Après tout, c’est plus ou moins à ça que ressemblait son appartement il y a encore quelques mois. Il ne peut pas le nier. Ce serait vraiment être de mauvaise foi. Et c’est bien connu, Jared n’est absolument pas de mauvaise foi. Pas du tout du tout. Hé oh, on parle quand même du gars le plus joueur de la planète ! Il ne peut pas être de mauvaise foi, oh ! Okay, c’est juste. Jared l’embête sur son appartement. Harry en fait de même. Il accepte. Non, il tolère, plutôt. “Non, ça veut dire quoi, ça ? Pourquoi sadomasochiste ?” Il hausse les épaules. Il n’y a pas vraiment d’explication. Le gars n’arrête pas de faire des allusions à des tenues en cuir. Le cerveau logique de Jared en est arrivé à conclure que le gamin apprécie certaines choses. Des choses pas très protocolaires. Mémé Josette se retournerait dans sa tombe, si elle les écoutait. Sauf que Mémé Josette est bien enfermée dans son cercueil et qu’elle va arrêter de nous casser les pieds. De toute manière, elle n’est plus en état pour les frapper avec sa canne. La jeunesse : 1 : La vieillesse : - 100. “Je t’imagine avec des délires bizarres. Dans ma tête, tu es un génie qui a des pratiques cheloues la nuit... Tu me promets qu’il n’y a pas de femme menottée dans ta chambre, hein ?” Il jette un coup d’oeil inquiet vers la pièce. Ce serait vraiment bizarre, non ? Ils boivent une bière tranquillement, pendant qu’une femme attend que Harry soit libre pour… pour quoi ? BEURK, non, Jared ne veut pas savoir. Il espère vraiment qu’il n’y a personne de l’autre côté de la cloison. Il a du mal à comprendre le plaisir qu’on peut avoir en souffrant. Peut-être qu’un jour, quand il se fera assez tabasser pour frôler la mort, il comprendra. Ca reste à prouver, cela dit. “En revanche, je suis un intellectuel, tu es le seul à en douter, mon pote.” Un intellectuel, un intellectuel, c’est vite dit ! Ces gens sont toujours trop sérieux et coincés. Ils cherchent toujours à rabaisser et à donner des leçons. Jared ne peut pas laisser son ami dire des choses pareilles. Il n’est pas de ces gens méga vieux, avec une barbe de trois mètres de long qui se prennent au sérieux. Nooon. Harry est mieux ! “Oh oui, j’ai vu que tu avais un dico dans ta bibliothèque. Moi aussi, je lis une définition chaque soir avant de m’endormir.” C’est le Petit Larousse, vous vous rappelez ? Le gros dico que l’on a à l’école. Avec des illustrations et des explications ludiques. Le sien remonte de ses années d’études. C’est une relique ! Un truc super fragile qu’il faut manipuler doucement. Raison pour laquelle il n’y touche presque pas, finalement. Ah si ! Il le sort quand il a besoin d’atteindre un DVD rangé derrière. C’est la seule raison qui le pousse à prendre le dictionnaire. Et évidemment, il reste bien fermé. Hé, faudrait quand même pas abîmer ses belles illustrations !
“Faudra que je vienne chez toi, un de ces quatre ! Histoire que je vois ça de mes propres yeux !” Je rêve ou il s’invite carrément, le gars ? Oh, ça y est, quoi ! Monsieur lui ouvre les portes de son palais (en l’occurence, l’unique porte de son petit appartement) et tout de suite, il se croit tout permis ! Nah, ça ne fonctionne pas comme ça avec Jared. Il faut mériter. Il faut avoir atteint un certain niveau dans la relation. Il faut… être prêt à renifler ses chaussettes sales. OUAIS. Si Harry est capable de le faire, okay. Dans ce cas, il aura gagné le droit d’entrer chez lui. Ca me fait penser que Jazz a bénéficié d’un passe-droit. Elle n’a même pas eu à renifler quoi que ce soit. Seulement à l’embrasser… Mais ça ne doit pas donner de mauvaise idée à Harry ! “Evidemment ! Mais attention, y a un code vestimentaire à respecter. Tu dois venir avec un caleçon Superman, sinon tu rentres pas.” Ah oui, et les chaussures sont à laisser à l’entrée pour mettre des chaussons. Et il doit absolument se laver les mains dès qu’il rentre. Et il n’a pas le droit de toucher à ses objets ou de s'asseoir sur son canapé sans son autorisation. T’en as d’autres dans le genre, Jared ? Non, ne réponds pas ! On ne veut pas savoir. “Je pense que tu seras déçu. Mon appart n’a rien de spectaculaire… et je n’ai même pas de balcon, c’est pour te dire !” Il n’y a rien d’exceptionnel et pourtant, c’est son chez lui. Il s’est aménagé un petit bureau pour travailler sur son blog. C’est pour vous dire comme il s’y sent bien. Même à l’école, il avait du mal à rester à sa table. Bon, faut dire que les chaises faisaient mal aux fesses et qu’il ne voyait pas correctement les réponses des devoirs. Fallait bien qu’il regarde les réponses du premier de la classe (en étant au fond de la salle, c'était difficile) ! “Bon, elles sont où ces bières ?” Et il est où, le sapin de noël pour aller avec les bières ? Et les chants de noël qui vous donnent envie d’étriper tous les choeurs d’enfants ? Et les pères noël qui prennent la moitié du trottoir pour collecter de l’argent ? Ah oui, ce n’est pas trop la période. Tant pis. Il se contentera d’une bière, si elle est assez fraîche. Evidemment. Sinon, quel scandale de boire une bière chaude !
Je hausse les épaules. Jared a vraiment une sale image de moi, à bien y regarder.
"J'ai toujours été un gentleman !"
Non ?
"Un génie ?"
Oui, c'est tout ce que je retiens de sa description. C'est un mot que je n'aime pas. Je me souviens un jour d'un prof qui m'avait demandé de rester après les cours, à la fac. Visiblement, quelque chose dans mon essai l'avait perturbé. C'était le mot qu'il avait employé. "Génie". Et il en avait parlé à un autre de mes profs, comme si ma vie était un ballon de foot qu'on se passe de l'un à l'autre. Ils en auraient discuté et s'étaient dit que ma place n'était pas là ? Quand j'étais plus jeune, j'avais surpris une conversation entre mon principal et mes parents. "Génie" n'était pas le mot employé, mais "institut spécialisée", oui. Fort heureusement, mes parents n'avaient absolument pas écouté. Je suis trop con pour être surdoué, ils ont dû se dire. J'ai juste eu de la chance. Du coup, depuis, j'essaye pas mal d'être mauvais. Ca marche plutôt bien ! Ils ont vite oublié l'idée et j'ai fait mentir mes profs en une dizaine d'examens et de tests. Ces vieux cons m'en ont même fait repasser quelques uns, histoire de me rattraper parce que, tu comprends, je vaux mieux que ça !
Hahem.
Revenons à nos mutants...
Jared a peur de ce que je peux cacher dans mon appartement. Il a vraiment une image de moi très particulière. Le goulot de ma bière bon marché aux lèvres, je tourne la tête vers la porte fermée de ma chambre. J'aime bien mon copain, mais pas de là à lui donner passe-droit à l'intégralité de ma vie privée. Il sera limité au salon et s'il est pas content, ce sera pareil. Ma vie n'est pas un musée, bon sang. Déjà que ma soeur refait toute la déco chaque fois qu'elle vient. Est-ce que je cache une femme menottée dans ma chambre ? Alors ça, ça serait vraiment quelque chose de rigolo, quand même. Je souris et regarde Jared avec un sourcil haut. Sans répondre. Histoire de laisser planer le mystère.
Qui sait si ma... RSM (Relation Suspecte du Moment) n'a pas voulu me faire une surprise et que je la cache jusqu'à ce que Jared parte, dès que j'aurais trouvé comment le foutre dehors ?
Et voilà, Jared repart dans la description de son appartement que j'imagine comme un autel aux super-héros. En revanche, Superman, c'est un gars que je ne connais pas non plus. Ca montre à quel point ce mec est un fanatique. Il est stalk, en réalité, c'est un harceleur. Et il veut que je lui parle de ma "copine" ? Je veux dire, de... La nana que je vois de temps en temps !
Et regarde le comme il revient vite au sujet. Je lance une oeillade à ma cuisine et me demande si le congelo a pu faire son office depuis. La bière appelle la bière, plus on boit, plus on a soif. J'avoue ne pas avoir moi-même envie d'attendre qu'elles soient prêtes. Je termine d'une traite la bière que je tiens entre mes mains et la jette... Dans le bac à verre ! Recycler, c'est important. Je sors deux bières du congelo et laisse les autres se rafraîchir encore. En revenant dans le salon, je les pose sur la table basse, une pour Jared et une pour moi.
Même pas en rêve que je lui parle de ma RSM.
"Ok, donc, pour venir chez toi, je dois mettre un caleçon. Par-dessus mes collants, j'imagine. Quoi d'autre ?"
Je tente mon goulot vers le sien pour trinquer. Je lui ai donné la bière de fille. C'est un assortiment de bières étrangères. Je lui ai donné la sucrée. Celle à la pêche. Je me suis gardé celle au sirop d'érable. C'est sucré, mais beaucoup moins et puis ça fait bûcheron canadien, tu vois, donc l'honneur est à peu près sauf.
“J'ai toujours été un gentleman !” Permettez-nous d’en douter. Vous avez vu Harry ? Il n’a pas la tête du gentleman (sans offense, Harry, hein). La seule manière de le savoir, ce serait d’être une femme. Jared n’a pas vraiment le physique approprié. Il n’est même pas roux ! Quoique, ça pourrait s’arranger. Une perruque. Une fausse poitrine. Un peu d’entraînement et il arriverait à être une femme. Faudrait qu’il bosse sur sa voix, aussi. Il a une voix terriblement grave et sensuelle, vous voyez ? Il lui faudrait quelque chose de plus fluet, de plus aiguë. Ou Harry n’aura qu’à imaginé que Jarelle (le féminin inventé de Jared, merci de ne pas critiquer) a fumé trop de cigarettes ou qu’elle est née avec cette voix. Allez, faut qu’il le fasse ! Enfin, pas que Jared ait rêvé de se travestir ou de se déguiser en femme, un jour, hein. C’est juste pour la science. C’est juste pour mettre au défi Harry. Et puis, franchement, si un jour il tente la jupe, il serait capable de marcher sur une évacuation d’air qui soufflerait pile à ce moment et qui soulèverait le vêtement. L’accident dévoilerait son magnifique boxer : coucou Hulk ! Ouais, il a des sous-vêtements à l’effigie de super-héros. Qu’il porte uniquement quand il ne voit pas Jazz, faut pas déconner. Il ne veut pas griller toutes ses chances avec elle ! Vous imaginez le moment gênant si elle était prise d’un fou rire en le voyant ? “Un génie ?” Quoi ? Il a quoi ce mot ? On dirait que Jared vient de l’insulter de connard ou pire, de trouduc. Wow, l’insulte de folie ! Qu’il est susceptible, ce Harry ! Faut vraiment qu’il se détende. Allez, bois une autre bière, mon vieux, ça ira mieux. Jared lui proposerait bien de lui faire un massage, mais il est nul. Ca ressemblerait plus à une torture qu’à une partie de plaisir. Après, si ça ne gêne pas Harry, ils peuvent essayer. Jared est toujours disponible pour aider un ami. Il est dévoué, vous comprenez ? Un bon gars, ce coursier. Toujours là pour ses amis. Toujours là pour les aider et les écouter. “Excuse-moi, mais t’en es un ! T’aimes juste avoir l’air con pour ne pas que les gens adoptent un comportement différent avec toi. Mais tu m’la fais pas à moi !” Jared agite son index sous le nez de Harry. Il a peut-être quelques grammes dans le sang, mais il n’est pas complètement aveugle. Il l’a rapidement capté. Entre faux cons, on se reconnaît. Il a un espèce de radar dans le cerveau, vous voyez ? Sauf que Harry est vraiment un génie. Autant, Jared est intelligent, mais sans plus, il est juste débrouillard et curieux. Autant, Harry est un vrai cerveau. Un gars qui pourrait trouver la solution de n’importe quelle équation archi-compliquée. Il aurait pu être pote avec des Einstein, Newton et compagnie. Alors, Harry n’a pas le droit de se la jouer outré. Nope ! Ca ne prend pas. Surtout que son discours moralisateur de tout à l’heure n’a rien à voir avec un crétin. Non, non et non. Sa volonté de tirer Jared vers le haut est le comportement typique du gars intelligent qui refuse que son pote gâche ses capacités. Ironique, non ?
A sa demande, Harry va chercher de nouvelles bières. C’est qu’ils n’ont pas toute la nuit, oh ! Faudra qu’ils se reposent. Un peu. Une ou deux heures. Ca devrait suffire pour décuver et être d’attaque pour une nouvelle journée, non ? Allez, on y croit ! Après tout, ce n’est que de la bière. Ca ne peut pas faire de mal… Jared termine sa bouteille pour enchaîner avec la nouvelle. Une bière à la pêche. Sérieux ? Harry veut payer le nouveau dentier de Jared ou quoi ? Avec un truc aussi sucré, il va perdre six dents, je vous jure. Mais bon, il ne va pas bouder la boisson. Ce ne serait pas poli, voyons. Et puis, de la bière, c’est de la bière. Ca ne se refuse pas. “Ok, donc, pour venir chez toi, je dois mettre un caleçon. Par-dessus mes collants, j'imagine. Quoi d'autre ?” Un caleçon par-dessus ses collants… Jared n’y avait pas pensé, mais maintenant que Harry en parle, c’est une excellente idée ! Vous voyez, c’est pour ça que le gamin est un génie : il pense à tout et il approfondit toutes les idées. Rah, qu’est-ce que Jared ferait sans lui, hein ? Il se laisse choir dans le canapé. Il n’en oublie par pour autant qu’il a posé une question. Question restée sans réponse. Ce ne sera pas si facile de faire parler Harry. Il va falloir attendre quelques bières en plus. Vous croyez que celle qu’il boit va l’achever ? Ce serait bien. Comme ça Jared pourra le torturer jusqu’à obtenir toutes les informations qu’il veut. “Dis donc, bonhomme, tu crois que j’vois pas ce que tu fais ? Tu essayes de détourner la conversation pour pas me parler de ta copine mystère ! Petit malin… mais okay, je vais te parler de mon appart.” Voilà sa stratégie : il va endormir la vigilance d’Harry avec de l’alcool et des détails ridicules sur son appartement. Et ensuite, quand le petit aura baissé sa garde, BIM, Jared lui tombera dessus et ne le laissera plus tranquille avant le lendemain 9 heures. Ouais, neuf heures parce qu’après, il risque d’avoir faim. Et on ne rate pas le petit-déjeuner. Sacrilège ! Il avale la première gorgée de sa bière. Non sans une jolie grimace. Sérieusement ? Y a des gens qui peuvent boire ça ? On dirait de la bière au sirop. Bon, tant pis. Il ne va pas la cracher à la gueule du gamin. Il risque de ne pas apprécier. Étonnant, pas vrai ? “Il te faut un masque, évidemment, pour préserver ton identité. On voudrait pas que ma voisine te reconnaisse au Starbucks la prochaine fois qu'elle y va.” Il suffit que ladite voisine ait une imagination débordante pour imaginer que Harry, le barrista qui lui fait son café, adooooore se déguiser et se prendre pour un super-héros. Crédibilité zéro. Un masque, c’est quand même mieux. Personne ne le reconnaîtra, ainsi. Entre le caleçon, les collants et le masque, son ami aura la panoplie parfaite du super-héros qui n’est pas si super. Il pourrait se faire agresser dans la rue. Vous imaginez ? Vaut mieux qu’il se change dans la cage d’escaliers…. Non, en fait, mauvaise idée. Suffit que Mathilda, la vieille de quatre-vingt ans, passe par-là pour qu’elle le prenne pour un pervers. Il se ferait tabasser par une grand-mère, le pauvre.
Jared prend quelques secondes pour réfléchir. Attendez, les gars, on ne peut pas inventer les règles de son appartement comme ça, d’un claquement de doigts. C’est du sérieux ! Il ne faut pas que ça tombe dans l’absurde et le ridicule ! “La cape est optionnelle, même si c’est mieux. Ca nous sert de nappes, tu vois ? Par contre, il y a quelque chose que tu devrais ABSOLUMENT faire pour entrer dans le club des super-héros : c’est te toucher le lobe de l’oreille avec tes orteils... et toquer trois fois contre la porte avec un intervalle de dix secondes entre chaque coup. Mais SURTOUT, te toucher le lobe de l’oreille avec tes orteils. Les Avengers le font, c’est bien connu.” On avait dit pas d’absurde et de ridicule, non ? C’est plutôt raté. On réessayera plus tard, hein. Et qui sait, peut-être que Harry a un passé de gymnaste et qu’il en est capable. Ce serait quand même drôle de le voir faire, non ? Je sais que vous en rêvez !
Le pire, c'est voir Jared insister. J'ai bizarrement envie de m'énerver, mais je vais pas le faire parce que je suis chez moi et que Jared n'est pas un mauvais bougre, pas vrai ? A la place, je souris et mes lèvres s'étirent de plus en plus avec malice.
"Mon pote, je crois que c'est la dernière bière pour toi... Tu commences à vraiiiiment débiter beaucoup de conneries à la seconde."
Un génie... Je déteste ce mot. Je le péjoratif, mal adapté et insultant. - Tu saisis le jeu de mot ? Génie... Sultan... Hem... - Qui plus est, ça n'a jamais été confirmé, j'ai toujours fait foirer les tests ! Je ne veux pas être mis à l'écart parce que je compte mieux que certains et que j'écris mieux que d'autres. Je suis pas autiste, encore que j'aime pas franchement qu'on me touche, ni qu'on soit proche de moi, mais ça fait pas non plus de moi un attardé mental ! Bordel ! J'ai horreur qu'on me regarde comme il le fait. A la place, je souris connement. Je la lui fais si je veux...
Et voilà, Jared revient à cette fille. Je soupire mais sans montrer que ça m'agace. Je ne veux pas qu'il croit que je suis timide ou psychorigide ou que sais-je, encore. Parce qu'en réalité, j'aime bien qu'il s'intéresse à moi. Je suis imbu de ma personne, tu te souviens ? Ok, j'aurais préféré qu'il s'intéresse à autre chose qu'à la nana que je vois de temps en temps et qui n'a aucune signification pour moi. Genre... Mon record de descente de bière en moins de 30s ! Ou la taille de mon gros orteil... Je sais pas moi ! Pourquoi est-ce qu'il est tellement obnubilé par ma vie secrète ? ... Hahhhinnnnnn... Parce qu'elle est secrète, justement ! Il croit que je sors avec un super-héros. OUUHHH la bonne idée !
"Ecoute, non, je ne te parlerai pas d'elle, elle m'a fait promettre ! C'est..." Je soupire et je finis par céder. Parce que c'est mon meilleur pote, tu vois ? "C'est une mutante. Et elle est un peu connue, alors..."
Ca devrait occuper Jared un petit moment.
Quant au reste, me voilà face à un challenge. Je veux dire, un bon gros challenge comme j'en ai pas eu depuis longtemps. Il veut savoir si je peux toucher mon lobe avec mon orteil ? MON GROS ORTEIL SUMMO vainqueur des jeux Olympiques ! Ceci. Est plus qu'un challenge. C'est un DÉFI !
"Ok, voyons voir ça..."
Je m'installe mieux sur le canapé mais j'ai déjà du mal à bouger à cause de mon jean serre-boules et de ma bière qui tangue. Attends, je peux le faire... Je me tords, je joue les acrobates... J'ai soif, donc je reprends une gorgée de bière.
Pair : Harry réussit. Impair : Same player joue encore.
Visiblement, d'être un p'tit génie ça me pousse pas à être LE génie capable de tout... Je m'étale entre la table et le canapé en renversant ma bière à moitié. Ma soeur aura encore une bonne raison de dire que je suis pas mariable. Avachi par terre, je me mets à rire comme un gros taré. Disons que je commence à avoir la tête qui tourne. Les mélanges au bar font effet sur la bière canadienne...
"Oh bah zut alors, je peux pas rentrer dans ton antre à super-machos !"
Et là, assis sur mes fesses, par terre, j'ai perdu mon sourire et porté ma main à ma bouche... Et j'ai lâché ce à quoi toutes les femmes répondent naturellement depuis des millénaires... Un son glutural, venu des entrailles de mon intestin... Un rot bien gras.
Dernière édition par Harry Fisher le Ven 26 Aoû - 11:54, édité 2 fois
“Mon pote, je crois que c'est la dernière bière pour toi... Tu commences à vraiiiiment débiter beaucoup de conneries à la seconde.” Dire des conneries, lui ? Vraiment ? Vous l’avez vu ? Jared est l’homme typiquement intelligent, à la tête bien faite et à l’esprit brillant, vous voyez ? Vous en doutez ? M’enfin, il a des idées complètement originales, il a une imagination sans limites ! Rien que pour ces deux choses, vous devriez le trouver merveilleusement intelligent, si ce n’est carrément prodigieux. Vous avez juste du mal à voir la vérité en face, bande de rageux jaloux ! Et puis, des conneries, il en dit tous les jours. Ce n’est pas une bouteille dans la main et de l’alcool dans le sang qui changent tout. En fait, il aurait tendance à être un peu plus sérieux en buvant. Ouais, je sais, c’est impossible. Sauf quand on est excessivement con une fois sobre. Alors, don’t touch à sa bouteille, vil Harry ! Il croit qu’on n’a pas vu sa tentative ? Il veut juste goûter à la pêche alcoolisée, c’est tout. Il veut garder toutes les bières pour lui, le gamin. Fallait le dire ! Jared ne serait pas venu ou il aurait acheté de l’alcool pour eux deux. Il n’aurait pas touché à ses cadeaux alcoolisés. Il n’est pas comme ça, Jared. Il prend seulement ce qu’on lui donne (chèque d'un milliard d'euros compris). Sauf quand il est question de cheveux de super-héros. Il se pourrait qu’il les arrache sans qu’on lui donne l’autorisation. A sa décharge, on lui répondrait non s’il demandait. Alors, il n’a pas vraiment le choix. “Ecoute, non, je ne te parlerai pas d'elle, elle m'a fait promettre ! C'est… C'est une mutante. Et elle est un peu connue, alors…” WHAT ? Vérité ou mensonge, Jared ne se pose pas la question. Il se redresse. Harry a dit “connue’, il n’en faut pas plus pour que le coursier réagisse au quart de tour. Qu’elle est la mutante en question ? Une mutante qui a sa petite célébrité. Une X-Woman ? Forcément une X-Woman. Hmmmm, Shadowcat ? Naaaaah, elle ne sortirait pas avec un con comme Harry. Elle serait plutôt du genre à zieuter un plus jeune, cette cougar qui s’ignore. Bon, qui d’autre ? Il fait un clin d’oeil à Harry. Hé oh, il est dans le secret, maintenant. Il est dans la combine. Il va se taire, promis, juré, craché. Motus et bouche cousue. “N’en dis pas plus ! Je vais trouver de qui il s’agit et la prochaine fois qu’on s’voit, j’aurais une liste à te soumettre. T’auras qu’à cligner des yeux deux fois si ta copine secrète est dedans, okay ?” Entre Jazz et la copine d’Harry, Jared maîtrise parfaitement les secrets. Il commence à bien gérer. Bon okay, il a carrément vendu le métier top-secret de sa petite-amie. Maiiiis, il n’avait pas réellement le choix. C’était soit il passait pour un célibataire affamé, soit pour un petit-ami infidèle. Il a choisi la deuxième option. Avec le recul, pas sûr que c’était la meilleure décision qu’il ait prise. Mais soit. Il assume, maintenant.
Il n’a pas le temps de regretter. Il a autre chose de plus important à faire : lancer un défi à Harry. Bon, il ne s’attendait pas vraiment à ce que le crétin le fasse tout de suite. Il imaginait qu’il y aurait un échauffement ridicule, à base de transpiration, de blessures, de pitreries et de rigolades. M’en fait, pas du tout ! Quand on défie Harry, le gars ne fait pas les choses à moitié. Enfin, si l’on considère que ne pas réfléchir représente 50 % de la chose, alors si, il les fait à moitié. “Ok, voyons voir ça…” Jared se décale pour lui laisser de la place (il ne veut pas se prendre un coup de pied dans la gueule). Il observe son ami se contorsionner de la manière la plus élégante qui soit. Qu’il est beau, le petit Harry, à se plier. Il fait même le pro à boire en même temps. J’vous jure ! Devant cette scène complètement idiote, Jared ne retient pas son rire. Ridicule, c’est le bon mot. Et après, on veut lui retirer sa bouteille, hein ? Vous avez vu ce crétin ? Harry est dans un pire état que le sien. Et bizarrement, ça rassure le coursier. Une photo ! Il doit prendre une photo ! Où est-ce qu’il a foutu son téléphone ? Merde, il ne le voit pas. Si ça se trouve, le gamin le lui a volé quand ils étaient encore dans le bar. Ce connard ! Il profite que Jared boit, boit et boit encore pour lui confisquer son téléphone. Le vilain. AH NON ! Il vient de le trouver. La bouteille est posée sur la table basse (il lui faut au moins ses deux mains pour stabiliser l’appareil tant il rigole). Il capture pile le moment où Harry se casse la gueule. La photo est un espèce de truc flou. On ne reconnaît même pas l’étudiant, pffffuu ! “T’EXAGERE ! Tu as bougé ! Tu peux pas recommencer ?” Il faut une photo. Il faut une preuve pour que l’humanité s’en souvienne à jamais. On l’accrochera dans un musée et les gamins viendront en groupe pour voir ce héros qui a tenté de côtoyer les héros et qui s’est effondré comme une merde. Harry deviendra célèbre ! Allez, qu'il recommence et qu'il nous fasse un beau sourire, s’il te plaît. Et puis, il pourra l’ajouter à son CV. Avec ça, aucun doute qu’il trouvera le métier de ses rêves. “Oh bah zut alors, je peux pas rentrer dans ton antre à super-machos !” S’il n’y a que ça pour faire plaisir à Harry, Jared peut bien faire une entorse au règlement. Et puis, ça manque de folie dans son sanctuaire. Les super-héros ont besoin de se détendre. Ils ont besoin de s’amuser, entre deux aliens à affronter. Harry pourrait être ce divertissement. Il leur donnerait des cours d’Histoire... ah non, c’est chiant à mourir, ça. Tiens, il pourrait être un clown qui ferait des tours de magie ! Il aurait tellement la classe avec un nez rouge et des graaaandes chaussures. Harry adorerait cet uniforme, aucun doute ! “T’en fais pas, j’peux essayer de te trouver un poste comme barman ou homme de ménage...” Jared lui administre une tape dans le dos. Il fera jouer ses relations. Mais juste pour Harry. Parce que le petit est privilégié. Tout le monde n’a pas le droit au même traitement, faut pas déconner ! Sinon, il serait entouré de tous les fans de super-héros et il n’arriverait plus à avoir de privilèges. Hé oh ! Il est le fanboy numéro un ou il ne l’est pas ? Et d’un coup, c’est comme si la fin du monde était là. Explosion nucléaire. Bruit assourdissant. A moins que ça ne soit juste le rot de Harry. Comment un truc aussi mignon peut faire des trucs aussi affreux ? Et dire qu’il se décrivait comme un gentleman... “... non, en fait, tu peux oublier !” En plus d’être le pire barman (il serait capable de boire tout l’alcool à lui tout seul), le morveux roterait à la gueule de Hulk. Et vous avez déjà essayé de roter sous le nez du géant vert ? Hé ben, je ne vous le conseille pas. Il se pourrait que vous finissiez en purée humaine. Enfin, à moins que vous ayez des envies de suicide.
Bon, cette photo, on va en faire quoi ? Peut-être bien la partager sur facebook. Les gens seront ravis de savoir qu’il a passé une soirée arrosé avec un machin bizarre et flou. RA-VIS. Ils seront jaloux, même ! Allez hop, c’est fait. Il remballe le téléphone pour poser un regard sévère sur le gamin. Attendez, il est le plus adulte (si on se base uniquement sur l’âge et qu’on laisse de côté la maturité). Il doit donc veiller sur le gosse. Comme un papa poule… en moins bien et en moins poule. “T’sais, je serais pas à ma centième bière, je te dirais que tu as trop abusé et qu’il est temps de te coucher. Mais comme je ne suis pas un exemple, je peux rien te dire !’ Quand il sera sobre demain, il pourra lui dire quelque chose. Quoique, il n’est pas non plus très réfléchi comme mec. Autant vous dire qu’en matière de morale, il n’est pas le mieux placé pour en faire. On va plutôt considérer qu’il peut conseiller. Oui, voilà, conseiller. Et il conseille particulièrement à Harry d’abandonner sa bouteille (pour que Jared la finisse, on ne perd pas une goutte !) et à aller se coucher. Vaut mieux arrêter les dégâts maintenant, avant que le gamin ne s’explose le nez contre la table. Vous n’êtes pas d’accord ?
Je soupire. Je savais qu'attirer Jared sur les plateformes héroïques seraient une idée... Mais pour le coup, elle s'annonce pas brillante. Pourquoi un tel acharnement pour savoir avec qui je sors ? ... Pardon, qui il m'arrive de fréquenter, de temps en temps, quand je m'ennuie, et qu'un certain besoin se fait sentir en me disant "Tiens, par là, ce sera plus facile parce que j'ai la flemme de chasser." Non, vraiment, je ne comprends pas. Ce n'est pas comme si nous étions amis de longue date ou... Même frères ! L'intérêt que Jared porte à ma vie est assez surprenant et d'ailleurs, pour un peu, je me sentirais presque coupable de ne pas m'intéresser plus que ça à lui.
Et le fait qu'il prenne une photo de moi ? Je m'en fiche. Ca fera des histoires à raconter aux marmots. Si j'en ai un jour. Ce qui est pas sûr. Est-ce que j'en veux ? Pas sûr. J'en sais rien. On verra. Trop de discussions intérieures pour mon si jeune âge. Après mon expulsion gazeuse, je me sens mieux. Alors, je lève le bras.
"Nan nan, barman, c'est très bien. J'ai déjà un poste de barista, ça me changera des cafés. Ouais... Un vrai bar, tu vois ? Avec des cocktails, et tout. Et tu as raison. Allons nous coucher !"
Je me lève en manquant de tomber à nouveau et l'alcool monte directement. Pourtant, ce sont des bières légères ! Ou alors, Tess m'aurait menti ? En fronçant les sourcils, je regarde l'étiquette mais je n'arrive pas à trouver le pourcentage d'alcool. Peu importe, il faut les boire avant qu'elles soient périmées à force de prendre la poussière sur mon meuble souvenir. J'engloutis le reste de celle que j'avais et je crois qu'en fait, plus que la bière, c'est la rapidité à laquelle je la descends qui me monte au cerveau. Et quand je récupère les deux autres bières - bien moins fantaisies, plus fortes et corsées, mais je ne me souviens plus à quoi elles étaient - je reviens dans le salon pensif.
"Tu sais..." Je décapsule les bouteilles et fronce les sourcils. "Je l'aime bien. Elle est cool. Et en plus, elle a la peau douce. Je me sens bien avec elle, pis on a pas besoin de parler pour se comprendre, tu vois ? Ca a beau être une relation basée sur la fesse... Elle est toujours hyper délicate." Je pose la bière devant Jared, les yeux dans le vague. "Elle est super canon, en plus. En vrai, une fille pareille j'y aurai même pas droit de regarder. Mais elle, personne la voit. C'est pas cool. Mais elle, elle est cool."
Je porte ma bière à mes lèvres pour en boire de bonnes lampées. Sauf que cette histoire de barman me tourne dans la tête. Et j'ai la tête qui tourne. Je claque des doigts et regarde Jared, les yeux ronds.
"Viens, on ouvre un bar. UN BAR ! On aurait les boissons à volonté." Et je trinque avec sa bière. "On l'appellerait..."
On ne le répètera jamais assez : l’alcool, c’est mal. Au même titre que la drogue. Bouuuuh, beurk, caca ! C’est vilain-vilain. Faut se laver les mains après y avoir touché, on ne sait pas où ça a traîné. Bref, vous avez compris le genre ? Donc, vraiment, faut pas toucher à l’alcool (ni à la drogue). Faut se contenter d’un sirop à la grenadine. Et d’une cacahuète ou deux. Hey ! L’avantage de ne pas être ivre, c’est que vous pouvez manger les cacahuètes sans risquer de vous étouffer ! Bon okay, ce n’est pas garanti à 100%. Y aura toujours des pas doués de la vie (comme Jared) qui arriveront à l’avaler de travers. Que voulez-vous ! On ne peut pas être derrière tout le monde ! A un moment donné, faut prendre ses responsabilités et se débrouiller tout seul. Quitte à découper la cacahuète en trois petits morceaux. Et là, me dites pas que vous vous étouffez ! Sinon, je ne sais plus quoi faire de vous. Bref, tout ça pour dire qu’il ne vaut mieux pas boire. Et puis, vous voyez comme ils sont ridicules, ces deux alcooliques ? Okay, Jared garde sa classe légendaire. Par contre, Harry, on en parle de son rot ? Non, franchement, non. Pas besoin. Il a perdu tout son potentiel charismatique en une seconde. C’est ça que fait l’alcool. Ca vous enlève vos qualités pour ne laisser qu’une loque pleine de défauts. Ravissant. “Nan nan, barman, c'est très bien. J'ai déjà un poste de barista, ça me changera des cafés. Ouais... Un vrai bar, tu vois ? Avec des cocktails, et tout. Et tu as raison. Allons nous coucher !” Ah ben oui, faire des cocktails est aussi facile que de préparer un café. Tout le monde sait qu’ils trichent, derrière leur comptoir. Ils mettent des dosettes Nespresso dans des machines et POUF ! A votre avis, pourquoi le café est mis dans un gobelet en carton opaque ? Hm ? Je vous le donne en mille : parce que ce n’est pas Starbucks qui fait ses cafés ! Tout simplement. Y a pas de grain. Encore moins de grains moulés. Nop ! D’ailleurs, faudra que Jared mène une enquête là-dessus, un jour. En attendant, il ne manque pas de se moquer de son pote qui s’effondre lamentablement dans le canapé. Harry ferait mieux de rouler. Rouler encore et encore. Jusqu’à sa chambre. Rouler pour monter dans son lit. Rouler pour baver sur son oreiller. Et après, il disait qu’il tenait bien l’alcool, hein ? J’vous jure ! Cette arnaque sur pattes. “Mais, dites-moi m’sieur, vous seriez pas un peu pompette ? T’veux quand même pas que je te porte sur mon dos jusqu’à ta chambre ?!” Et comme si l’exemple d’Harry ne suffisait pas, Jared termine sa bière. Cul sec. Je vous rappelle qu’elle est dégueulasse ? Il n’a pas le choix pour se débarrasser du goût le plus rapidement possible ! Il fait claquer la bouteille sur la table basse. Grrr, viriiiiil. Non ? Oh... juste bruyant, okay. Manière, il ne peut pas se lever pour aller jusqu’à la poubelle. Il n’est pas sûr que ses pieds le supportent aussi longtemps. Il préfère regarder son ami tenter sa chance. Après tout, on est chez Harry. A lui de prendre tous les risques, non mais.
“Tu sais…” Han nooooon. Jared sent venir l’histoire super longue. L’anecdote que tous les ivrognes ressortent inlassablement. Qu’est-ce que Harry va lui dire ? Quand j’étais dans mon ranch, y a cinq ans, je m’imaginais pas à New-York. Je pensais que j’épouserais une vache et que nous ne pourrions jamais avoir de veaux qui nous ressemblent. Un truc dans le genre. Pour se donner du courage, Jared avale une gorgée de la nouvelle bière. C’est normal qu’il ne discerne plus les goûts ? Son palet doit être anesthésié par le sucre. “Je l'aime bien. Elle est cool. Et en plus, elle a la peau douce. Je me sens bien avec elle, pis on a pas besoin de parler pour se comprendre, tu vois ? Ca a beau être une relation basée sur la fesse... Elle est toujours hyper délicate.” Haaaan, c’est le moment confession émouvante, pardon. Il s’est trompé ! Rien à voir avec une anecdote larmoyante sur sa vie. Noooon, on parle de la copine d’Harry. La mystérieuse petite-amie qui est en fait une mutante presque célèbre. Ou juste une femme rencontrée dans la rue qu’Harry aime bien suivre en prenant des photos d’elle discrètement. D’ailleurs, si on va dans sa chambre, on voit un mur tapissé de ses clichés. Han merde, regardez la tête que le gamin fait ! Il est amoureux. Harry est amoureuuuuux. Mais vraiment. Il est mordu, le mioche, et il ne s’en rend même pas compte. C’est mignon à souhait ! Heureusement que tonton Jared est là pour lui faire ouvrir les yeux. “Elle est super canon, en plus. En vrai, une fille pareille j'y aurai même pas droit de regarder. Mais elle, personne la voit. C'est pas cool. Mais elle, elle est cool.” Hé oh ! La fille cool, c’est Jazz !Je dois vous rappeler qu’elle est une espionne du gouvernement ou de on-ne-sait-quoi et qu’elle a des pouvoirs ? La copine d’Harry peut pas être aussi bien ! IM-POS-SI-BLE. Mais bon, Jared est prêt à lui pardonner. Parce que c’est bien le discours du mec qui en pince pour quelqu’un. Il porte le goulot de la bouteille à sa bouche. Franchement, le gamin a de la chance de tomber sur lui. Il n’aurait pas profité d’autant de bienveillance et de gentillesse de la part d’un autre. Vous imaginez, ils auraient pu se taper sur la gueule pour savoir laquelle de leur petite-amie est la plus cool ! Le combat aurait été ridicule, je vous l’accorde. “Mec, t’es complètement accro ! Mais j’te comprends, moi aussi, avec ma Jazzounette, j’ai du mal à me l’avouer. On veut pas dire qu’on a un coeur sensible derrière nos carrures de colosse, mais on les aime, putain !” Qui imaginerait que derrière leurs muscles (enfin, leur corps de coquelet) qu’il y a un coeur qui bat ? Un coeur qui ne demande qu’à aimer et être aimé. Un coeur qui a besoin de rencontrer l’âme soeur, vous voyez ? Ils ne sont pas des hommes insensibles. Oh que non ! Ils en sont loin. Jared avait un doute pour Harry, cela dit. Mais maintenant qu’il l’a entendu parler, il n’en a plus. Le petit a un coeur. Un coeur d’alcoolique qui bat pour une jeune femme. Trop d’émotion !
Il est fier de son protégé. Il serait capable de pleurer et de prendre Harry dans ses bras. Il ne le fera pas. Ils ne sont pas assez intimes, oh ! Ils n’ont pas encore échangé leurs chaussettes. Quand ce sera fait, ils pourront enfin s’enlacer et chialer pendant des heures. Pas avant. “Viens, on ouvre un bar. UN BAR ! On aurait les boissons à volonté.” MAIS OUI ! Quelle idée de génie ! Ils pourraient boire gratuitement. Ils n’auraient pas à se soucier de partir sans payer. Ils pourraient même offrir des tournées à leurs potes. A ce rythme, ils feraient rapidement faillite. Faut pas se faire d’illusion. “On l'appellerait…” Okay, ils feraient faillite, mais l’enthousiasme d’Harry est communicatif. A moins que ça ne soit l’alcool qui aide pas mal. Mystèèèère. Dans tous les cas, Jared se laisse porter par l’idée. Il se voit bien, derrière son bar, se la péter en servant une bière. Il pourrait même faire des clins d’oeil à Jazz comme un boss. Trop de classe ! “Le repère des alcoolos !” Hé oh, hein ! Il a de l’alcool dans le sang. Faut pas vous attendre à du pur génie. C’est déjà un miracle qu’il trouve une idée de nom. Alors, ne lui en demandez pas trop ! Ce gamin n’a pas toute sa tête, ni toute son intelligence. Ni tout son équilibre, quand on y pense. “On fera de putains de cocktails ! Même qu’ils s’appelleront Harry et Jared.” Ils tiennent un truc, les gars. Vite, un bout de papier et un stylo ! Viiiiiite ! Sinon, ils vont tout oublier ! Et surtout, pitié, n’oubliez pas une cheminée pour faire brûler ce bout de papier. Histoire qu’ils ne concrétisent jamais ce plan foireux. Le monde s’en portera mieux. Jared termine sa bière et l’abandonne sur la table. Il se frotte les yeux. La fatigue. Il a eu une journée fatigante, vous savez. Il a pédalé. Beaucoup. Beaucoup trop. On devrait limiter les kilomètres à… 800 mètres. Voilà. Il ne devrait pas faire plus de 800 mètres par jour. C’est vrai que ce serait plus simple de prendre une voiture, dans ce cas. Mais même là ! Quoique, il pourrait faire des siestes… hein hein. Faut qu’il négocie avec son patron. Et qu’il passe son permis, accessoirement. “C’est l’heure de te coucher, le gamin. Ta copine t’attend dans ta chambre et moi…” Il prend une inspiration et se redresse sur ses pieds. Oh gosh ! Depuis quand est-ce qu’il est aussi lourd ? il aurait besoin d’une grue pour le soulever du canapé, s’il vous plaît ! Il retombe immédiatement, attiré par le canapé. Bon, il ne partira pas tout de suite. Personne ne l’attend chez lui, il peut rester quelques minutes. Histoire de s’assurer qu’Harry enfile bien son pyjama Bob l’Eponge et qu’il se brosse correctement les dents avant de se coucher. “Moi, j’vais rester là et finir tes bières, si ça te dérange pas.” Ou il va s’endormir. Ca, on ne sait pas trop encore. Ca dépendra si ses yeux restent ouverts longtemps ou pas. Ah oui, et si il arrive à lutter contre la vague de sommeil qui le submerge. Allez, s’il ferme les yeux quelques secondes, ça fait de mal à personne. Vas-y, Jared, laisse-toi aller. Juste quelques secondes.
Accro... Il se sent pousser des ailes le p'tit Jaja...
"Naaaaooonnnnn !" Je laisse ma tête retomber sur la table et la fait rouler sur mon bras en soupirant. "Suis pas accro, j'ai dit je l'aime bien. C'est pas pareil. Et d'ailleurs tu vois, je voulais l'appeler pour qu'on se voit ce soir, mais finalement, je me suis dit que je passerais plutôt la soirée avec toi. Tu vois." Je dresse mon index. "Pas accro."
Je suis pas assez rond encore pour aller dans le sens de Jared. Et je veux pas qu'il me porte jusqu'à ma chambre. En voilà des manières ! Mais en tout cas, c'est un bon pote, on manque jamais de s'amuser tous les deux. Bon, on se colle quelques kangourous sur la nuque à chaque fois, mais au moins, on a ri et on a refait le monde pendant une soirée.
Parfois, je sursaute dans un rire de gamin. 'Le repaire des Alcoolos' 'Jazzounette' 'Carrure de Colosse'. Moi, je pense les appeler Jarry et Hared. Je pouffe de rire à l'idée en buvant ma bière. Le calme revient doucement dans le salon et la fatigue me gagne. Je me passe vivement une main dans les cheveux en fixant les bières. Voilà qui est fait et qui n'encombrera plus mon esprit chaque fois que j'entre chez moi. Après la fatigue, c'est la déprime qui menace. Je suis peut-être accro à mon plan du moment, mais je l'étais bien de celle qui m'avait offert ces bières. J'aime toutes les bières, je me moque pas mal à quoi elles sont, mais je suis content de les avoir vidées avec Jared pour cet anniversaire. Je lève ma bouteille vers celle de Jared.
"Santé."
Je bois à Tess et à cette ville. A tout ce qui nous arrive et à ce qui nous arrivera encore.
"Une part de moi ne veut pas être accro à cette fille, parce que j'ai pas envie de perdre quelqu'un d'autre. J'ai pas envie de foutre en l'air une autre relation encore. Parce que je suis pas un cadeau, que je suis bon pour l'asile selon mes vieux et que je préfère rester seul." Un temps. Un silence plombant et je regarde autour de moi, comme si je tentais de percevoir quelque chose. Je relève les yeux sur Jared. "J'ai dit ça à voix haute ?" Oups.
C'est l'heure de me coucher, de filer me cacher sous ma couette. Je me lève sans demander mon reste, la main tendue vers Jared. Des fois qu'il tente de me dire quoique ce soit... 'parle à ma main.' Je me réfugie dans ma chambre, laissant Jaja faire ce qu'il veut de sa vie et je m'effondre sur mon lit en serrant mon oreiller. C'est tout juste si j'ai le temps d'enlever mon jean et mon t-shirt avant de fermer les yeux... En tout cas, je m'endors comme une masse. Mon réveil sonnera, de toute façon alors je ne crains pas d'être au retard à travail. Mais ça... C'est sans compter sur les joies de la vie de famille.
** *
Ma soeur a toujours eu un sens de l'humour particulièrement développé et bien propre à sa personnalité. Dès qu'elle a pu me faire chier, elle l'a fait. Je suis le petit frère, elle m'adore et c'est sa manière de ne pas se comporter en mère, parce que j'en ai déjà assez d'une. C'est comme ça qu'elle développe notre complicité et qu'elle fait qu'on s'entend bien. J'imagine que sans ça, on ne se verrait déjà pas. Entre sa vie de famille et notre différence d'âge, nous ne partageons aucun sujet de conversation. Je ne sais pas trop si c'est sa manière de se mettre à mon niveau, ou si c'est moi qui la tire vers le bas par pur sadisme.
Comme je travaille en horaires décalés et que son emploi du temps est parfois chargé, elle a les clés de chez moi pour venir me déposer des choses ou venir en récupérer. Je vis en pleine ville, mes parents à la campagne et elle n'a pas le temps d'aller à la poste ou ce genre de trucs. Bref, je suis un point relais pour ma famille. Je me demande si un jour, mon neveu viendra crécher chez moi. Ce que je pourrais lui apprendre et tout... T'imagines ? J'appellerai Jared ce jour-là, on l'embarquera lui apprendre la vie à New-York ! Il rencontrera Hulk, tiens. Il sera content.
La porte s'ouvre doucement, elle sait qu'à cette heure-ci, je dors. Voyant l'amas de couverture sur le canapé, elle pose délicatement son sac dans l'entrée et s'approche à pas de loup avec un sourire démoniaque sur les lèvres. What else ? Elle a remarqué les pieds qui dépassent - Jared est quand même grand finalement - et agite ses doigts crochus impatients. Et puis... Elle lui gratouille la plante des pieds avec le bout de ses ongles dans un rire satanique.
Qu'il s'agisse du rire ou de la réaction de Jared, je sursaute en me réveillant et je me lève immédiatement pour venir voir. Elena est debout à côté du canapé, la main sur la bouche et les yeux ronds. Elle vient de comprendre.
D'accord, je ne ramène pas de filles dans l'appartement... Mais elle sait que j'ai des potes, quand même ? Et que, de toi à moi, pourquoi j'irai dormir sur mon canapé si j'ai un lit ?!
“Naaaaooonnnnn !” Heeeeeey, mais il fout quoi, Harry ?! Il va écraser toutes les cacahuètes (invisibles) et se faire des bleus sur la tête ! Vous imaginez sa gueule, demain ? Des hématomes partout ! Il sera beau, le petit Harry. C’est pas avec cette tronche de boxeur qu’il pourra charmer sa petite mutante, là. Faut qu’il se calme sur le comportement suicidaire ! On dirait qu’il est possédé par un démon. Est-ce qu’il y a un exorciseur dans la salle ? S’il vous plaît ! Ca devient urgent ! Regardez-le ! “Suis pas accro, j'ai dit je l'aime bien. C'est pas pareil. Et d'ailleurs tu vois, je voulais l'appeler pour qu'on se voit ce soir, mais finalement, je me suis dit que je passerais plutôt la soirée avec toi. Tu vois.” Mais oui, mais oui, chaton, t’es pas accro. Jared lui tapote le dos. Il comprend. C’est dur d’assumer ses sentiments. C’est dur de s’accrocher à une femme. On dit adieu à sa liberté. On dit adieu à son indépendance. Mais faut voir le bon côté des choses, on a moitié moins de tâches ménagères à faire. On a moitié moins besoin de cuisiner. Y aura toujours quelqu’un pour le faire à sa place quand il n’aura plus le courage. Le partage des tâches, vieux ! Rien que pour ça, Harry devrait déclarer sa flamme à sa dulcinée et lui proposer de le rejoindre dans son château… Enfin, dans sa garçonnière. Rhalala, la mauvaise foi d’Harry ferait presque fondre Jared. Non parce que sérieux, le mec est tellement effrayé de s’engager qu’il voit pas la vérité en face. Mais bordel, ça pue l’amour ! Ca coule de partout. Ca dégouline. C’est dégoûtant. Evidemment, le gamin pourra jamais être autant amoureux que Jared. NON ! C’est lui qui a le monopole de l’amour fou. Parce qu’il l’a dit le prem’s ! C’est tout. Bien sûr que si, ça marche comme ça. On s’inscrit sur une liste et on marque des points pour avoir le classement des plus amoureux. Y a même un championnat du monde. Qui a lieu dans la tête de Jared, on l’a bien compris. Putain, la bière n’arrange pas son intelligence. Il serait temps qu’il arrête de toucher à l’alcool. Ce régime ne pourrait pas lui faire de mal. Au contraire. Peut-être qu’on aurait le droit à un Jared bien plus adulte et intelligent… Non, vous avez raison, c’est impossible. Il ne pourra jamais être très intelligent. A moins de pouvoir lire tous les livres de Jazz. Sauf qu’une vie ne suffit pas, pour ça. Il met trois ans avant de finir un livre de cent pages. “Une part de moi ne veut pas être accro à cette fille, parce que j'ai pas envie de perdre quelqu'un d'autre. J'ai pas envie de foutre en l'air une autre relation encore. Parce que je suis pas un cadeau, que je suis bon pour l'asile selon mes vieux et que je préfère rester seul.” MOOOOOOH. Quelle mignonnerie ! Allez, il mérite bien un câlin, ce petit Harry au coeur tendre. Jared fixe le gamin, la bouteille dans la bouche et le faciès attendri. Il est tellement fier de son protégé. Hey, vous avez vu, c’est ce mec au coeur d’artichaut qui lui sert son café et qui lui offre des bières. Hein qu’il a de la chance, hein hein hein ? “J'ai dit ça à voix haute ?” Jared hoche lentement la tête. Je vous rappelle qu’il a toujours sa bière dans la bouche. Il veut pas se casser une dent, le con. Alors, il fait doucement. Et puis, ce serait un scandale de perdre une seule goutte de bière !
Le pauvre petit Harry. Il se sent si mal-aimé. Il se sent tellement insupportable. Mais noooon. Il ne l’est pas. Okay, il a mauvaise haleine. Okay, il boit comme six personnes. Okay, il est très têtu. Okay, il a un humour pourri. Mais… il est cool. Et ça, ça compense tout ! Et regardez, il a un super pote avec qui il peut boire des coups. C’est bien la preuve qu’il n’est pas si chiant. Harry est trop trop trop critique envers lui-même. Oh qu’est-ce qu’il faiiiit ? Il l’abandonne ?! Jared le suit du regard. Il se retourne, avant que le gamin n’aille dans sa chambre. “Heeeeeeeeey ! Mon pote… t’es pas un cadeau, mais j’t’aime putain !” Oh oui, il l’aime son pote. Bon, il ferait pas sa vie avec lui. Vous imaginez ce qu’Harry apprendrait à leurs enfants ? Et puis, il leur donnerait des prénoms pourris. Alors que Jared a déjà des idées bien précises : Bianca et Brandon. Et Caramel. Parce qu’il avait un chat qui s’appelait Caramel et puis, il a toujours aimé ce prénom. Quoi ? il aurait pu appeler ses gamins Black Widow, Thor et Hulk. Ils ont échappé au pire ! Vous croyez qu’il peut squatter ici ? Il ne se sent pas le courage d’aller jusqu’à la porte de chez lui. En fait, il ne pourrait même pas atteindre la porte d’Harry. Trop de fatiiigue. C’est dur d’être un businessman, vous n’imaginez même pas ! Allez, il va dormir là. Juste le temps de décuver et après, pouf, il disparaît. Promis, juré, craché.
_ _ _
AU SECOURS ! Il est attaqué ! Un caniche le poursuit ! A l’aiiiiiiiiiiiiiiiide. Il va lui bouffer son mollet ! Non, ne fonce pas dans la poubelle, Ja… Trop tard. RELEVE-TOI, GROSSE LOQUE. Si t’avais pas le ventre rempli de bière, tu irais plus vite ! Cours, roule, saute, fais quelque chose, bon sang. Le caniche va te bouffer ! Qui a osé ne pas nourrir Médor, encore (ça rime) ?! C’est Mémé, c’est sûr ! Oh attendez, elle ne serait pas morte depuis trois semaines, sur son fauteuil, alors qu’elle tricotait ? Faudrait vérifier.... OH BON SANG. C’est la fin. Il sent quelque chose à ses pieds. Il sent les crocs du caniche féroce s’enfoncer dans sa plante de pied et… “AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH” Le hurlement aiguë n’est pas dans son rêve. Non. Il aurait bien voulu, cela dit. Ah oui, et il se réveille donc en sursaut et tombe du canapé. Le rire satanique lui a filé des frissons partout sur le corps. Bordel ! Il est dans un film d’horreur ! Non, attendez… il est où, déjà ? Il ne reconnaît pas les lieux. C’est bon, il a été kidnappé. On a profité de son ivresse et de sa naïveté pour l’embarquer dans un repère de sataniques. Maman, je t’aimais bien. Même si tu me faisais bouffer des brocolis tous les mercredis midi, comme pour me punir de ne pas avoir cours l’après-midi. Oh bordel, et cette lumière ! Qui a mis des projecteurs ?! Il porte une main à ses yeux, alors qu’avec l’autre, il tente des attaques de ninja. Oui, il est toujours par terre. Oui, il a l’air clairement ridicule. “ME TOUCHEZ PAS OU JE VOUS EXPLOSE LES DENTS.” On a peur, Jared. Terriblement peur. On en tremble. Bouhouuuuhouuuu. Il arrête de gigoter quand il réalise que : 1/ il est ridicule 2/ il est chez Harry 3/ il ne connaît rien des arts martiaux 4/ personne n’essaye de le tripoter. Il retire ses doigts. Oh gosh, le mal de crâne ! Mais c’est sûrement parce que sa tête a heurté le sol. Sûrement pas parce qu’il a bu la veille. Noooon. Il fronce les sourcils. On peut éteindre la lumière, maintenant ? Non ? “Qu’est-ce que… ?” Qui est cette femme ? Harry se serait transformé en jolie femme pendant la nuit ? Nom d’un petit Hulk… la transformation est saisissante ! Mais quand même, on ne dirait pas totalement que c’est lui. Ou alors, c’est sa copine. Bien sûr que c’est sa copine. Il capte la présence d’Harry dans la pièce. En le voyant, il est rassuré. Déjà, cette femme n’est pas Harry. Ensuite, ils ont tous les deux l’air très con. Très très con. “C’est qui, bordel ?! ” OUAIS, c’est qui cette folle qui interrompt son rêve cauchemar ! Il a failli faire une crise cardiaque, est-ce qu’elle s’en rend compte ?! Il pourrait porter plainte contre elle ! Il pourrait la faire condamner à plusieurs années de prison, juste pour l’avoir réveillé en sursaut ! Ca se fait pas, non mais oh ! Il a encore le coeur qui bat. Et les fesses par terre, accessoirement. Il lui jette un regard suspicieux, à la recherche d’un sac. “Vous avez au moins ramené les croissants ?” Tant qu’à faire, autant qu’elle ramène de quoi manger. Il a tellement faim ! Et faut éponger tout l’alcool.
Autant te dire que son cri à lui ou à elle, je suis bien réveillé. Les yeux ronds, je fixe ma soeur. Je suis interdit parce que je ne sais pas quelle réaction serait la plus appropriée. Mon pote est à moitié humilié par terre et elle ne sait même plus où se mettre. Je me demande pour qui il va la prendre. J'ai mal jusque dans les cheveux, j'ai autre chose à gérer que les fantaisies de Jared au réveil. D'ailleurs, comment est-il au réveil ? C'est pas le genre de trucs qu'on se demande au sujet d'une fille dont on se souvient pas le prénom ?! Au moins, je peux me féliciter de pas avoir été assez rond pour dormir AVEC Jared.
"Qu'est-ce que tu fous ?!"
J'ai la voix qui part dans les aigus tellement je suis abasourdi par la présence de ma soeur. Elle relève ses grands yeux bleus dans les miens, la main toujours sur sa bouche. Elle doit avoir le coeur qui bat à cent à l'heure à cause de la réaction de Jared qui l'a poussée à reculer de plusieurs pas. D'un coup, elle montre mon pote au sol d'un index tendu.
"Je te savais tordu sur tes relations, mais là, on atteint un tout nouveau niveau ! Est-ce que Papa sait ?" Son front part en arrière et elle prend une mine désolée. Je vais la tuer. "Oh mon dieu, tu l'as dit à Maman et tu attends le bon moment pour l'annoncer à Papa..." Garce. "Dire qu'il s'inquiète parce que tu lui as présenté personne depuis des mois ! Tu nous as tellement habitués à ramener tout et n'importe quoi à la maison... On en a fait un jeu, tu sais ?" Elle se marre et je commence à voir rouge. "Tu sais, j'avais parié sur la petite dernière dont j'ai vu les cheveux flamboyant dépasser de ton plumard l'autre matin, connaissant tes goûts, mais vu qu'au bout d'un mois, tu l'avais toujours pas présentée, j'ai dû filer 10 billets à Papa... Tu pourrais faire un effort, les temps sont durs, j'ai besoin d'argent, Harrison !"
Je... vais... la... buter. Blasé, j'abdique et soupire.
"Non, je veux dire, qu'est-ce que tu fous ici, là, aujourd'hui, chez moi, dans ma vie, à cette heure, à draguer mon pote alors que tu as tout ce qui faut à la maison. Laisse moi deviner..." Je porte mon index à mes lèvres. "Tu... as encore besoin d'argent !"
Je la désigne vivement et fièrement d'un index. Mais avant de vexer ma soeur, il faudrait une apocalypse qui changerait la face du monde. Son rire a quelque chose de mécanique, ça lui donne beaucoup de personnalité en plus de sa voix éraillée. Elle serait pas ma soeur, elle serait sûrement mon fantasme d'ici une dizaine d'années. Ou une vingtaine. Quel âge a ma soeur, déjà ?
"Euh... DAAAAA, abruti, c'est ton anniversaire ! Je suis ta soeur, je fais les choses bien, je voulais te préparer un p'tit dej, mais je te pensais pas accompagné..." Sourire lubrique vers Jared puis elle lève un petit sachet, toutes dents dehors. Elle a l'art et la manière. "J'ai amené des croissannnnts ! Encore que tu pourrais en profiter pour commencer par t'en passer, t'aurais bien besoin d'un régime." Elle lève un croissant et fait mine de viser en s'adressant à Jared : "Ça rebondit si j'en envoie un sur le bide, tu crois ?"
J'attrape le premier t-shirt qui me passe et je l'enfile un peu rageusement par dessus mon short. Je l'ignore en me dirigeant vers la cuisine.
"Dehors." "Oh allez quoi, on commence tout juste à s'amuser ! J'ai prévu plein de trucs fun aujourd'hui ! T'es content ?"
Même pas je réponds. Un regard à Jared et elle tire une langue malicieusement sadique quand je ne la vois plus. Redevenant sérieuse, sans retirer ce stupide sourire espiègle de son visage, elle tend la main à Jared pour le saluer et l'aider à se relever accessoirement du même geste.
"Enchantée. Elena. La soeur de Harry. J'ai jamais entendu parler de toi ! J'adore tes pieds."
C’est quoi ce délire ? Deux Fisher sous le même toit ? Est-ce que c’est seulement possible ? Non. Bien sûr que non. Enfin, si. Ca l’est. Il le sait pourtant. Il sait qu’Harry a une soeur. L’information a dû se perdre entre le bar et l’appartement du gamin. Une soeur qui n’est pas dégueulasse à regarder, si vous voulez mon avis. Non, vous ne le voulez pas ? Tant pis, je le donne quand même ! Quand on voit la gueule défoncée de son frère, on pourrait penser qu’elle lui ressemble. Hé bien, non, les amis. Elle relève complètement le niveau ! Bon, Jared pourrait s’en réjouir s’il n’était pas blessé dans sa virilité. Je vous rappelle qu’il a hurlé aussi fort et aigüe qu’une princesse Disney. Il y a mieux comme première impression. Cela dit, les deux Fisher sont en train de se prendre la tête. On peut donc supposer que la soeur s’en fiche du hurlement de Jared. Tant mieux. Ça le rassure. Presque. Il observe les deux énergumènes se chamailler. La tête faisant des allers et retours entre le frère et la soeur. WOW, comme ça donne mal à la tête ! Ils ne peuvent pas baisser d’un ton et se parler l’un à côté de l’autre ? Sérieux, faites un effort ! A les regarder, Jared ne regrette pas d’être fils unique. Ca a l’air tellement chiant d’avoir une soeur pour vous pourrir la vie. Tellement ! Regardez comme ça amuse la frangine ! On dirait qu’elle a un regard sadique, vous ne trouvez pas ? Il a presque de la peine pour Harry. Pauvre gamin. Il comprend maintenant. Il comprend son calvaire. Il comprend son caractère. Il comprend son indépendance. Il mérite un câlin ! Mais pas aujourd’hui. Un autre jour. Jared finit quand même par bouger. Il ne va pas rester toute la journée, le cul par terre. Il ramène ses pieds dans son champ de vision pour s’assurer qu’ils n’ont rien. On ne sait jamais, avec une soeur pareille ! “J'ai amené des croissannnnts ! Encore que tu pourrais en profiter pour commencer par t'en passer, t'aurais bien besoin d'un régime.” Croissants. Elle a bien dit croissants ? Enfin ! La conversation devient ENFIN intéressante. Jared relève la tête. Où qu’ils sont ces croissants ?! Juste là ! Il sent leur magnifique odeur jusqu’ici. Son estomac se manifeste. Oh oui, des croissants. Il en salive d’avance. Il change d’avis : il l’aime bien, cette petite. Elle a les bons arguments ! Et rien que pour ça, il serait prêt à aller dans son sens. Hé oh, c’est une question de survie. Qu’est-ce que lui a proposé Harry jusque là ? Quels sont ses arguments ? Il n’en a pas ! Tout simplement. Alors, Jared se tourne vers le plus offrant (ou la plus offrante). Fisher Femelle gagne haut la main. Fisher Mâle perd. “Ça rebondit si j'en envoie un sur le bide, tu crois ?"” Il pivote la tête en direction d’Harry. Pardon, du bidon d’Harry. Hmmm...Il réfléchit… Laissez tomber, il n’aura jamais la réponse. Il hausse les épaules et esquisse une moue d’excuse. Elle a les croissants, mais le gamin reste son pote avant tout. Et les amis avant tout, non ? “C’est de ma faute, je lui ai fait boire un peu trop de bières.” Voilààààà. Bon, Harry, profites-en parce que c’était la seule fois où il te défendait devant ta soeur. Pour le reste de la discussion, il ne faut pas t’attendre à son soutien. Hé oh, c’est une chance à saisir de taquiner le gosse !
Il vient de trouver une alliée. Il ne va pas se la mettre à dos. Ce serait con. Très con. Et Jared n’est pas très con, malgré ce qu’il veut faire croire. Il arrive à saisir les opportunités qui se présentent. Et là, il en voit une grosse. Et en plus, elle sent bon le croissant. Que demander de plus ? Il se met finalement sur ses pieds (aucune griffure, aucune coupure, tout va bien). Heureusement qu’il a eu la présence d’esprit de dormir tout habillé. Ou plutôt, la non présence d’esprit de se déshabiller. Merci l’alcool. La situation aurait été encore plus embarrassante s’il avait été à moitié nu, chez Harry. "Dehors.’ Oh non ! Il n’est pas drôle ! Pourquoi faut toujours que le gamin fasse son rabat-joie ? Allez, c’était juste une petite moquerie. Bon okay, se moquer des gens n’est pas sympa. C’est irrespectueux. Mais c’est sa soeur. Elle a le droit de tout faire, non ? En plus, Jared fait le pari qu’ils se sont déjà vus tout nus des centaines de fois pendant leur enfance. C’est pas un ventre tendu par l’alcool qui va chagriner Harry. Surtout que le morveux est plutôt bien gâté, oh ! “Oh allez quoi, on commence tout juste à s'amuser ! J'ai prévu plein de trucs fun aujourd'hui ! T'es content ?” OH OUI ! Des trucs funs. Vous croyez que Jared peut y participer ? Il a bien envie de se faire adopter par la famille Fisher, lui ! Ca a l’air d’être tellement drôle d’embêter Harry toute la journée… En fait, si cela suppose d’être le frère de la jeune femme ET de s’en prendre plein la gueule aussi, il va plutôt rester du côté des Hemingway. C’est bien, aussi. Après tout, ce n’est pas chez les Fisher qu’il trouvera les mêmes traditions. Celle de la glace dévorée la veille de noël, par exemple. Ah non, ça, ce n’est pas une tradition. C’est la gourmandise de Jared qui s’acharne sur la bûche de noël… “Enchantée. Elena. La soeur de Harry. J'ai jamais entendu parler de toi ! J'adore tes pieds.” DON’T TOUCH SES PIEDS ! 1/ Il est chatouilleux 2/ Elle est une fétichiste des pieds 3/ Il complexe des pieds 4/ TU TOUCHES PAS A SES PIEDS. C’est quoi ces manières, oh ! Il y a des règles de savoir-vivre à respecter. Ses parents ne lui ont donc rien appris ? La première, c’est de ne pas manger les cookies des autres. La seconde, c’est de ne pas triturer les orteils des gens. Et après, il y a “on ne tue pas blablablabla”. Des trucs futiles, vous voyez ? Quoi ? Je vous sens me juger ! Bien sûr qu’assassiner des gens est vilain, bouuuuh méchant ! Mais toucher les pieds de quelqu’un devrait être condamnable. Heureusement que Jared se retient, sinon il pourrait la trainer en justice. Elle a de la chance de tomber sur lui ! J’espère qu’elle s’en rend compte. “Mes… pieds ? Merci… je crois.” Ouais, on ne sait jamais avec ce genre de personnes. Est-ce qu’elle ne le lui dit pas pour ensuite, les voler trois secondes après ? Mystère ! Attendez, on compte. Une. Deux. Trois. Trois secondes et rien. Il tient toujours sur ses pieds. On peut donc considérer que c’était un compliment sincère. Ou une moquerie. Allez savoir ! Il attrape la main qu’Elena lui tend. “Je suis Jared, un ami du gamin là-bas.” Il fait un signe en direction de Harry. Vous croyez qu’ils peuvent s’asseoir et discuter pendant des heures de lui, sans que le gamin n’intervienne ? Non parce que Jared meurt d’envie d’entendre des anecdotes sur le garçon qu’il a été. Sur ce qu’il a pu faire comme conneries.
C’est que Jared est curieux. Et sa curiosité doit être assouvie. Dommage pour toi, Harry. Il aurait dû barricader sa porte d’entrée. Jared a déjà dépensé toute son énergie pour le défendre sur son poids. Maintenant, il est faible face à Elena et à tous les secrets qu’elle possède. Fallait mieux choisir ses amis ! “C’est drôle parce qu’il m’a justement parlé de toi et de ta mère, hier soir. Il m’a dit des choses horriiiiibles sur toi ! Comme quoi tu lui volais ses caleçons, tu le forçais à porter des soutiens-gorges et tout des trucs comme ça.” Hein ? Il exagère ? Comment ça ? Okay, il a peut-être menti sur le vol des caleçons. Peut-être aussi sur les soutiens-gorges. Uniquement pour que la jeune femme comprenne l’ampleur des révélations ! Uniquement pour qu’elle parle ! Il faut bien cela pour que l’humanité survive, vous ne croyez pas ? “J’étais prêt à le recueillir chez moi, jusqu’à ce qu'il rote. La perruque de ma grand-mère s’en est décollée, j’te jure !” Ah non ! Ca, c’est vrai ! Depuis le Nouveau-Mexique, sa grand-mère a senti son souffle fétide. La perruque n’a pas survécu. Elle a abandonné la partie, sans s’être battue une seule seconde. Si Harry s’était excusé au lieu de se bidonner, ils n’en seraient pas là. Bien fait pour lui !