Passant sa langue sur sa lèvre, Matthew sentit le sang. Son ennemi était plus coriace qu’il l’avait imaginé. Il avait pourtant écouté les battements de son cœur, il avait réussi à voir les contours de sa personne et il avait pu évaluer la dureté de ses poings et ses jambes. Les coups lui permettaient en général de connaître le physique de la personne lui faisant face. Ainsi, il savait s’il devait être plus dur à certains endroits qu’à d’autres. Malheureusement celui lui faisant face n’était pas du tout comme il l’avait pensé. Il devait donc se remettre debout et il le fit, avant d’enchaîner les coups. Lui qui avait eu une longue journée au tribunal, n’avait pas pensé finit dans une ruelle sombre à se battre. Bon d’accord, il avait eu besoin de se défouler et il avait commencé par le faire en frappant dans un pushing-ball. Seulement, un cri quelques rues plus loin l’avait fait sortir son costume de Daredevil et il avait couru jusqu’à la source du cri. Une femme se faisant attaqué par deux hommes. Un était étendu face contre terre et avait perdu conscience. Le second avait prit la fuite et il était parvenu à le retrouver avant d’engager le combat.
Il était plus petit que son compère, mais il était plus musclé. Devant redoubler d’efforts, Matthew décida de se focaliser sur les points faibles de l’homme. Arrivant à entendre qu’il mettait plus de poids sur son pied droit et qu’il donnait plus de coups de ce côté-là, il évita un coup de poing et se baissa, pour envoyer un dans sa hanche gauche. Le sentant reculer, il se redressa et reprit ses attaques, faisant en sorte de viser là où l’homme ne se protégeait pas assez. Mais au bout de quelques minutes, il entendit un bruit qui n’était pas en rapport avec son adversaire. Faisant un pas en arrière, il entendit un autre battement de cœur. Ce dernier plus lent que son ennemi, mais quelque peu … excité ? Fronçant les sourcils, il sentit un mouvement sur sa droite et il évite de justesse un coup de pied. Ils étaient trois dans la ruelle, mais il ne pouvait pas encore déterminé qui était la troisième personne. Apparemment l’agresseur n’avait pas encore comprit qu’ils étaient trois, mais Matthew ne pouvait pas se laisser distraire. Alors à la place, il reprit sa concentration uniquement sur l’homme face à lui et reprit son combat laissant de côté l’autre personne, même si son instinct lui disait que quelque chose clochait vraiment. Mais ce fut à ce moment-là que son ennemi comprit qu’il y avait quelqu’un d’autre.
Il paraît que tu viens en aide aux innocents ? Qui choisiras-tu ? Lui ou moi ?
Il avait vu l’homme lever la main pour lui montrer quelque chose qui se trouvait sur le côté, mais Matthew ne pouvait pas se permettre de perdre l’homme des yeux. Selon lui il y avait un civil pas loin et sa première réaction était de protéger les civiles, mais ça voudrait dire laisser l’homme partir et ça il ne pouvait pas le permettre.
Tu ne choisis pas ? Laisse-moi le faire pour toi.
Entendant la lame d’un couteau être déplié, il serra les dents et tourna la tête vers le civil.
Ne restez pas là. Mettez-vous à l’abri.
Sentant alors le couteau entrer dans son bras gauche, il cria sous la douleur et revint regarder son adversaire, avant de lui donner un coup de tête dans le nez, l’entendant craquer. Retirant le couteau de son bras, il sera à nouveau les dents, mais cette fois-ci sous la douleur et il garda le couteau dans sa main droite. Il pourrait toujours servir au besoin.
“HEMINGWAAAAY !” L’appel traverse les locaux. Un appel où transparaît une pointe d’agacement mélangée à deux doses de colère. Un appel qui arrache un sourire à la secrétaire. Un appel qui provoque une grimace chez le concerné. Encore. Il va encore se faire disputer. Ce n’est pas faute d’avoir fait des efforts, ces derniers temps. Avant, il venait avec une heure de retard. Maintenant, il arrive une demie heure plus tard. Avant, il prenait son temps pour livrer les courriers, il s’arrêtait boire des cafés, il discutait avec les employés, il s’autorisait des pauses à rallonge. Maintenant, il réduit ses pauses et discute moins avec les clients. Ses efforts n’ont pas été salués. Ses efforts n’ont pas été récompensés. Une grande déception. Son patron devrait revoir ses techniques de management. Il devrait mettre en place des techniques de récompenses et de félicitations. Un peu comme à l’école. Enfin, l’école n’a pas réussi à Jared. Il se lève de son siège pour rejoindre le bureau de son supérieur. “Oui monsieur ? OH ! Mais vous avez une nouvelle cravate ! Elle est magnifique, vous l’avez achetée où ?” Il fait mine de s’émerveiller devant l’accessoire. Une cravate des plus hideuses. Une cravate jaune. Une cravate pleine de chats noirs. Il se penche pour mieux la regarder. Il se penche au risque de perdre la vue. Il se penche au risque d’être traumatisé à vie. “Un cadeau de ma fille, vous savez, la plus grande ? Elle a… HEMINGWAY !” Jared sursaute. Le pot de crayons se renverse sur le bureau. La diversion est un échec. La diversion n’a pas fonctionné. Zut. Il remet le pot droit et y range de nouveau les stylos. Avec précaution. Avec tendresse. Il ne faudrait pas qu’il casse un stylo. Cela pourrait être un motif de licenciement, non ? “Un client s’est plaint que vous l’avez livré trop tard.” Ce n’est pas une nouveauté. Ce n’est pas une surprise. Jared termine d’ajouter les derniers stylos dans le récipient, avant de se redresser et de faire face à son supérieur. Ils ont l’habitude de cette conversation. Elle a lieu régulièrement. Toutes les semaines, pour être précis. A chaque fois, il doit trouver une nouvelle excuse. A chaque fois, il fait en sorte de paraître parfaitement innocent.
“Ah non, monsieur, je proteste ! C’est impossible. Im-pos-sibleuh. Je suis toujours à l’heure chez les clients, mais c’est les agents de sécurité à l’entrée qui me ralentissent !” Une part de vérité se cache dans son excuse. Une part de réalité s’est glissée dans cette phrase. Celle selon laquelle il est retardé à l’accueil. Sûrement pas qu’il arrive à l’heure. Ça se saurait. Mais tant que son patron ne le suivra pas, il ne pourra pas remettre en doute sa parole. Son patron sur un vélo. Son patron exposé au froid. Son patron suant pendant l’effort. Une autre bonne blague. Encore meilleure que celle où Jared serait à l’heure. “ Que ça ne se reproduise plus, Hemingway. Sinon, je vous fous derrière un ordinateur.” La menace devrait générer une peur. La menace devrait être effrayante. Au lieu de cela, elle provoque un sourire chez le coursier. Coincé derrière un ordi, ce serait parfait. Parfait pour rédiger ses articles. Parfait pour préserver la santé de ses poumons. Son supérieur ne peut pas mieux le punir. “C’est vrai ? Oh, c’est génial… enfin, j’veux dire, non, je ne voudrais surtout pas.” Il secoue frénétiquement la tête. Il n’est pas censé se réjouir. Il n’est pas censé apprécier cette ‘punition’. Mais il préfère cela plutôt que de rouler toute la journée. Plutôt que de livrer des courriers. Plutôt que de courir après les secondes qui défilent. En plus, ce serait un métier plus valorisant. Un métier plus confortable et tranquille. Un métier plus agréable. Le patron semble avoir remarqué son erreur. Il a changé d’expression. Il a le visage rouge de colère. Il a les mains crispées sur la souris de son ordinateur. “Dégagez de mon bureau, je vous ai assez vu pour aujourd’hui !” Il rugit, tel un lion agressé. Jared ne se fait pas prier. Il fait demi-tour et retourne à sa place. La journée ne pouvait pas mieux se terminer. Sauf peut-être avec une soirée dans un bar. Une soirée à profiter de la vie. Une soirée à évacuer les problèmes. Une soirée à respirer. C’est dans Hell’s Kitchen qu’il décide d’aller. Il apprécie le quartier pour ses restaurants et pour ses bars. Une diversité de culture et de gastronomie. Un concentré d’animation et de dynamisme. Mais Hell’s Kitchen est également le repère de la pègre. Le nid de la corruption. Ce n’est pas le genre d’endroits que l’on conseille de visiter seul, la nuit. Mais il ne s’inquiète pas. Comme la plupart des clients qui fréquentent ces établissements. Il ne s’inquiète pas parce qu’un héros veille sur les rues. Un héros s’assure que tout le monde rentre en sécurité. Un héros protège et sauve les victimes.
Quand il sort, il a bu. Un peu. Deux verres. Il a bu, mais il se sent bien. La démarche sûre et droite. La vision claire. Il pianote sur son téléphone. Il ne fait pas attention à son environnement. Il ne fait pas attention où il va. Pas besoin, il connaît par coeur le chemin jusqu’à son appartement. Alors, il fixe son écran. Il répond aux tweets reçus. Il consulte ses mails. Il lit les informations de dernières minutes. Les rues se succèdent. Les ruelles défilent. Le brouhaha qui sort des bars et des restaurants ne l’atteignent pas. Ne l’interrompent pas. C’est seulement lorsqu’il entend des bruits étouffés qu’il décroche de son smartphone. Des gestes rapides. Des souffles coupés. Des craquements. Il fronce les sourcils. Il reconnaîtrait ces bruits entre mille. Ce sont ceux d’un combat. D’une bagarre. Il hésite. Juste un instant. Il pourrait s’agir d’un règlement de compte. Il pourrait être question de drogue ou de vol. Il ne devrait pas s’en mêler. Il ne devrait pas s’y intéresser. Pourtant, il fait un pas en arrière. Il repasse devant cette ruelle. Un coup d’oeil rapide. Un coup d’oeil discret. Pour ne pas attirer leur attention. Pour ne pas se faire remarquer. Mais rapidement, la discrétion n’a plus d’intérêt. C’est Daredevil. Il en est sûr. Ce costume. Ces mouvements. Tout. Le héros se bat contre un homme. La raison voudrait qu’il s’éloigne. Qu’il laisse les deux hommes se bagarrer tranquillement. Qu’il observe à distance. Sauf que Jared est tout sauf raisonnable. Il est tout sauf conscient lorsqu’il s’agit de héros. Et de toute manière, son corps avance. Il avance tout seul. Les pas s’enchaînent jusqu’à se trouver à trois mètres derrière les deux hommes. Il a les yeux émerveillés. Il a le coeur excité. Il a le cerveau en ébullition. C’est beau. Ce combat est beau. Les coups sont assénés avec précision. Les attaques sont contrées. Les corps se déplacent avec synchronisation. “Il paraît que tu viens en aide aux innocents ? Qui choisiras-tu ? Lui ou moi ?” Oh oh. La situation tourne légèrement au drame. Jared secoue la tête et fait signe au criminel de continuer sa bataille, sans se soucier de lui. Il veut seulement être spectateur, pas acteur. Pas besoin de l’impliquer. Pas besoin de le mutiler. Pas besoin de l’utiliser. Il s’en passera. “Tu ne choisis pas ? Laisse-moi le faire pour toi.” Okay. Il est foutu. Il va finir écorché. Découpé. Scalpé. Il n’a pas dit ses dernières volontés. Il na pas appelé sa mère. Il n’a pas envoyé bouler son patron. Il n’a pas demandé le numéro de téléphone de Thor. Il ne peut pas mourir. Non. Ce n’est pas possible. L’excitation a disparu. La peur a pris le dessus.
“Ne restez pas là. Mettez-vous à l’abri.” Ne pas rester. Se mettre à l’abri. Les informations montent doucement jusqu’au cerveau. Il a le regard fixé sur la lame. Fixé sur le danger potentiel. Ce n’est qu’en la voyant s’enfoncer dans la chair de Daredevil qu’il se bouge enfin. Oui, se mettre à l’abri. Mais où ? L’espace de quelques secondes, il fait vraiment l’effort de chercher un endroit où se cacher. Où se réfugier. L’espace de quelques secondes, il pense vraiment qu’il va mourir. Et puis, il est de nouveau hypnotisé par la force déployée pour battre l’autre. Il ne bouge pas. Il reste planté dans la ruelle. Trop concentré sur Daredevil en train de botter les fesses d’un gars. Trop concentré sur le fait qu’ils soient si proches l’un de l’autre. Trop concentré sur l’idée qu’un héros vient d’être blessé à cause de lui. Trop d’informations. Trop de données à prendre en compte. “Mais v-vous êtes blessé.” Il tend le bras dans la direction de la blessure. Daredevil est blessé. A cause de lui. Par sa faute. Parce qu’il n’a pas été assez vigilant. Il en est responsable. Il ne peut pas partir, sans savoir comment va se terminer le combat. Sans savoir comment va le héros. Sans avoir eu une discussion avec lui. Pour une fois qu’ils se croisent. Pour une fois qu’ils peuvent parler. Jared ne va pas passer à côté de cette opportunité. “Pendant que vous lui bottez l’cul, je peux vous poser quelques questions ?” Parce que c’est bien ce qu’il se passe. Dardevil est en train de prendre le dessus. Il a récupéré le canif, il peut le planter directement dans le coeur de son adversaire. Même blessé, le héros gagne. C’est toujours comme ça dans les comics. “Hé ! Qu’est-ce que…” L’adversaire proteste. Il le fusille du regard. Jared hausse les épaules. Il le coupe dans sa protestation. “Faut être réaliste, mon vieux, il te bat. Je suis là depuis cinq minutes et je l’ai déjà compris.” Mauvaise réponse. Le gars n’a pas apprécié. Il fonce tout droit sur sa cible. Sur Daredevil. Ou est-ce sur Jared ? Difficile à dire. En tout cas, sa colère semble redoubler d’intensité. Sa colère semble violente et agressive. L’affront de Jared a décuplé son énergie. Oups ? Des yeux grands ouverts. Des yeux paniqués, tandis que l’homme charge dans sa direction. Tel un taureau chassant quelques crétins qui ont osé s’aventurer sur son territoire. Jared a un gros problème en approche. Du genre missile qui va lui exploser la face. Du genre décès dans la demie seconde qui arrive. Pourtant, il n’a rien demandé. Il n’a rien fait. Il n’a pas envie de se batture, lui. Il lève des mains en signe d’apaisement. Dans un un vain espoir de se sauver. “On va se calmer, hein. On va… au secouuurs.” Il recule encore. Il recule jusqu’à toucher le mur. Il recule jusqu’à ne plus pouvoir. Il va se faire défoncer. Il va se faire écraser sous les poings d’un dangereux criminel. Il va finir sa vie ici. Adieux.
Voilà une chose qui n’était pas prévue. Normalement quand une personne voit un combat dans une ruelle sombre, cette personne continue son chemin. Apparemment ça n’était pas le cas du jeune homme qui venait d’approcher. Matthew ne reconnaissait pas sa voix quand ce dernier prit la parole. A la place, il était face à un choix. En finir avec son assaillant ou protéger l’homme proche de lui. Seulement à trop réfléchir, il n’eut pas le temps de prendre la bonne décision. En ordonnant à l’homme d’aller se mettre à l’abri, il n’avait pas entendu le changement de poids de son ennemi sur sa jambe gauche et ce dernier pu donc venir lui enfoncer un couteau dans le bras. Retirant ce dernier et le gardant en main, l’avocat décida de donner toute son attention à l’agresseur. Il resta face à lui, tout en écoutant l’autre homme parler.
Je vais bien. Partez !
Seulement, ça ne semble pas être dans les intentions du plus jeune. Ce dernier semblait même préférer parler à cet instant. Dans d’autres circonstances pourquoi pas. Daredevil ne voulait pas qu’on découvre sa vraie identité, mais ça ne voulait pas dire qu’il ne pouvait pas parler. Il l’avait déjà fait avec quelques personnes, mais la question du troisième homme le surprit et le fit sourire. Apparemment, il était confiance sur le fait que Matt puisse venir à bout de cet homme en peu de temps. C’était clairement possible, mais l’homme en face, n’appréciait pas le commentaire qui venait d’être fait le concernant. Entendant les bruits de pas s’éloigner de lui, Matt se tourna, cherchant comment stopper l’agresseur qui filait droit sur le jeune homme qui était désormais dos au mur … littéralement. L’agresseur se rapprocha encore et Matt parvint à voir où se trouvait sa jambe. Dans un élan, il leva le bras et lança le couteau qui vint se planter dans le mollet gauche de l’assaillant qui se mit à crier de douleur avant de tomber au sol. Daredevil partit rejoindre les deux hommes et il attrapa le bras du plus jeune.
Partez.
D’un seul coup, il sauta sur place, évitant la jambe de l’homme blessé qui avait voulu le faire tomber. Cette fois-ci, il l’avait entendu déplacer son poids d’un côté de son corps à l’autre. Poussant Jared contre le mur, il se mit devant lui et entendit le bruit du couteau être enlevé du mollet de l’homme. Il ne semblait pas vouloir abandonner et Matt ne pouvait pas tout faire en même temps.
Continuez n’est pas une bonne chose. Ton ami devrait avoir repris connaissance, tu devrais aller l’aider, plutôt que rester là à tenter d’en finir avec moi … et lui.
L’homme se mit debout et Matt ne pu s’empêcher de soupirer, comprenant que le combat n’était pas fini. Il allait donc devoir protéger Jared et faire en sorte d’amener l’autre homme à se calmer avant que quelqu’un d’autre ne soit blessé.
Les choses ne se déroulent pas tout à fait comme prévues. Dès le départ, rien ne se passe normalement. Il voulait juste rentrer chez lui. Il voulait juste cuver les trois bières bues. Il voulait juste se reposer. Il voulait juste dormir. Pour une fois qu’il ne courrait pas après un super-héros. Pour une fois qu’il s’autorisait une soirée de libre. Il a fallu qu’il tombe sur Daredevil en train de frapper un gars. Il a fallu qu’il tombe sur cette scène. Et maintenant, il est clairement menacé par un homme. Un inconnu qui semble rugir comme un lion… ou un cochon, au choix. Jared aurait peut-être dû ignorer la bagarre. Il aurait peut-être dû poursuivre sa route. Mais Jared ne tourne jamais le dos à un justicier de la nuit. Il ne fuit jamais devant le danger. C’est son problème. Son gros problème. Il recule de quelques pas, mais jamais de plusieurs kilomètres. Ces hommes masqués se battent à longueur de journée pour les protéger. Jared peut bien se mettre en danger une ou deux minutes, non ? Si eux survivent, pourquoi pas lui ? Peut-être parce qu’il n’est pas entraîné. Peut-être parce qu’il ne sait pas frapper convenablement. Peut-être parce qu’il ne peut pas prévoir les coups de son adversaire. Peut-être parce qu’il n’est pas fait pour ça. Il est plus doué dans la livraison de lettres et de colis que dans les combats. Il s’en rend compte lui-même. “Je vais bien. Partez !” Daredevil a du sang qui suinte de sa blessure. Il a le bras couvert d’hémoglobine. Et il va bien ? Jared ignore quelle est la définition de ‘bien’ dans le vocabulaire héroïque, mais dans le sien, ça ne ressemble pas à ça, du tout. L’homme pourrait se vider de son sang. Hors de question que le coursier l’abandonne. Il reste. Aussi longtemps qu’il le faudra. Il ne peut pas aider, mais il peut au moins surveiller. Il ne peut pas sauver, mais il peut au moins l’emmener se faire soigner. Quoiqu’un homme en costume bizarre dans un hôpital serait… étrange. Est-ce que les héros ont leur propre dispensaire ? Une bonne question qu’il devra poser plus tard ! “Partez.” Il se répète. Les coups sur la tête semblent lui faire perdre quelques neurones, à ce cher Daredevil. Jared lève les yeux au ciel. Il est très bien, là. En plus, il sert de diversion à l’agresseur et il fait un parfait appât. Daredevil n’a plus qu’à se dresser sur son passager et le tour est joué. SI on omet la blessure au bras, il se débrouille bien, même. Alors, pourquoi changer de méthode ? “Je préfère rester, si ça vous dérange pas. Vous avez une super technique de combat, vous l’avez apprise où ?”
En un quart de seconde, il est projeté contre le mur. Ce qui est largement douloureux. Un souffle s’extirpe de sa bouche. Il grimace. Daredevil pourrait être plus doux, tout de même. Il se masse l’arrière du bras pour tenter d’effacer la douleur. Le héros se dresse entre l’agresseur et la victime. Comme un barrage. Comme un bouclier. Jared est protégé par Daredevil. Daredevil protège Jared. Daredevil est prêt à prendre les coups pour Jared. Jared va s’évanouir. C’est incroyable. Il est catapulté dans la peau d’une victime qui profite de la bienveillance d’un sauveur. Heureusement que le mur est dans son dos, sinon, il aurait pu perdre l’équilibre. Sinon, il aurait pu s’émouvoir d’un geste pareil. “Continuez n’est pas une bonne chose. Ton ami devrait avoir repris connaissance, tu devrais aller l’aider, plutôt que rester là à tenter d’en finir avec moi … et lui.” C’est la première fois que Jared assiste vraiment à l’intervention d’un héros. A la résolution d’une bagarre. A la négociation avec un adversaire. Alors, il regarde, les yeux grands ouverts, les oreilles tendues. Il prend des notes mentalement. Il mémorise les phases. Il retient les étapes, les phrases. Il espère s’en souvenir pour une occasion. Pour le jour où il devra aider une personne en danger. Sait-on jamais. Cela pourrait arriver bien plus tôt qu’on ne le pense. Il a tendance à vouloir aider, même quand la raison voudrait qu’il fuit. Il a tendance à se mettre en danger, même quand il fait ses courses. “Oh ne t’en fais pas pour ça. Je compte bien le rejoindre, mais après vous avoir étripé.” Quel programme charmant. Étrangement, la nouvelle ne réjouit pas Jared. Étrangement, il la trouve même dérangeante. Et il n’a rien pour se défendre. Il a juste sa maladresse. Il a juste sa malchance. Il a juste ses petits poings. Une brindille face au couteau que l’autre tient. C’est peut-être le moment de courir, de fuir, de crier à l’aide. Mais c’est mal connaître Jared que de penser qu’il va le faire. On peut lui reprocher sa maladresse, mais pas sa peur. Il n’a pas peur. Ou alors, très rarement. “Hé ! Vous auriez pas une arme pour que je vous aide ?” Son super-costume doit forcément receler d’armes cachées. Il doit forcément avoir un attirail pas possible. Un bazooka planqué sous son bras, peut-être ! Même si Jared n’est pas d’une grande utilité, il sera plus efficace armé d’une simple pierre que les mains vides. La vie de justicier n’est vraiment pas facile. Sans super-pouvoir. Sans super-sens. Sans super-puissance. Sans super-équilibre. Sans super-tout. Ils ont une sacrée chance, ces Hommes qui combattent le crime. Ils ont tout pour réussir. Leur mission est même facilitée grâce à leurs capacités. Jared, lui, n’a rien. Même pas une habilité dans les combats.
Mais il est sur le point de se battre aux côtés d’un héros. De combattre un dangereux criminel (ou un simple agresseur). De subir quelques blessures. De mettre sa vie en danger. Il va devenir le personnage d’un film d’action. Il va se transformer en personnage de comic. Avant d’aller plus loin, il veut avoir une dernière certitude. Une dernière raison de se lancer dans la bagarre. “Si je suis blessé, vous m’emmènerez dans votre hôpital de super-héros, hein ?” Préoccupation particulière alors que le gars s’apprête à leur sauter dessus. Préoccupation déplacée alors que Daredevil est déjà blessé. Mais il veut savoir. Il veut s’assurer qu’il va rencontrer d’autres héros. Il imagine déjà Captain America, allongé sur un lit, se faire soigner une fracture du tibia. Il voit déjà Black Widow menacer un médecin de le tuer si il ose lui arracher l’éclat d’obus qu’elle a dans le bras. Il a hâte d’y être !
Se battre et défendre les autres, c’était ce que Matthew avait toujours voulu faire. Son père lui avait inculqué des bases solides et c’était pour cela qu’il avait devenir avocat. Il avait d’abord travaillé pour un cabinet qui n’aidait que les gros clients, ceux remplit d’argent, mais ça n’était pas ce qu’il souhaitait. Heureusement, son meilleur ami était pareil et il appréciait de pouvoir compter sur lui. Avec Foggy au cabinet, plus l’aide de Karen, Matt pouvait être un bon avocat. Mais de nuit, il était seul. Même si son ami connaissait désormais son identité, il savait aussi que ce dernier ne viendrait plus lui faire autant de remarques qu’avant. Il avait compris pourquoi il mettait ce costume, pour protéger Hell’s Kitchen et c’était ce qu’il était en train de faire une fois de plus, avant qu’un troisième homme ne débarquer d’un seul coup. Oui, Jared avait débarqué d’un seul coup et Daredevil se devait de le protéger, vu que son ennemi avait décidé de s’en prendre au pauvre livreur. Hurlant au jeune homme de partir, il savait qu’il pourrait retenir l’agresseur, mais aux paroles de Jared, il en fut surprit. Pourquoi voulait-il rester là ? Il pouvait se faire frapper, poignarder, mais non, il voulait rester. Etait-il une sorte de héros ou était-il juste suicidaire ? Matt ne connaissait pas tous les super héros qui foulaient le monde, mais à la question du plus jeune, il décida que ce dernier était plutôt suicidaire qu’héroïque. Mais peut-être qu’en répondant à ses questions, il parviendrait à le faire partir.
Dans la rue.
Il ne comptait pas parler de Stick. C’était ce dernier qui lui avait appris les arts martiaux et à comment se concentrer sur ce qui l’entourait, mais Stick l’avait déçu dernièrement et il ne parlerait plus de lui. Seulement, il ne pu en dire plus, car l’agresseur revint à la charge et Matt plaqua Jared au mur, s’interposant entre lui et l’autre homme. Malgré ses questions, il ne le laisserait pas être une victime de plus au sein de Hell’s Kitchen. Parlant alors de l’ami de l’agresseur qui devait avoir reprit ses esprits à l’heure qu’il était, il espérait que ça le ferait reculer. De plus, avec sa blessure, il savait qu’il allait devoir mettre tout son poids dans son poing droit pour terrasser l’homme. Il allait devoir garder son bras gauche à l’écart du danger. Malheureusement l’homme n’était pas prêt à l’écouter et Matt se mit bien devant Jared, en position de combat, prêt à en découdre à nouveau. A la question du jeune homme, il soupira, mais resta concentré sur l’homme face à eux. Mais il n’eut même pas le temps de répondre qu’une autre question fut prononcée. De quoi parlait-il ?
Je n’ai pas d’arme à vous donner et pour l’hôpital …
En y repensant, il devrait peut-être mentir.
Je vous y amènerai.
Il savait que ça n’était pas une bonne chose de mentir de la sorte, mais ça éviterait peut-être que le garçon se lance dans une bataille qu’il perdrait d’avance. Entendant des bruits de pas, il eu le temps de reculer la tête sur la gauche et il bloqua le bras de son assaillant, arrivant à empêcher le couteau de l’homme de finir dans le front de Jared. Le poussant en arrière, il fit un tour sur lui-même pour bloquer le bras de l’homme et lui donner des coups de genoux dans le ventre. Entendant le couteau tomber au sol, il donna un coup de coude dans le visage de l’agresseur, le laissant faire quelques pas en arrière. Attrapant alors le couteau, il alla vers Jared.
Gardez-le, mais n’intervenez que s’il vous menace.
Ca pourrait aussi peut-être lui permettre de faire en sorte qu’il l’écoute maintenant qu’il avait un couteau entre les mains. Se retournant, il sentit le poing de l’homme dans son ventre et il se courba sous le coup avant de prendre son poing dans sa main et de tordre son poignet. Ce dernier craqua assez fort et l’homme cria sous la douleur. Se redressant, il lui mit un coup de tête en plein visage et le laissa tituber en arrière. Il reprenait le dessus, mais son bras lui faisait vraiment mal et il allait devoir faire en sorte d’en finir avant que la blessure ne s’ouvre de trop.
Il regrette de ne pas avoir de carnet de notes pour écrire ses réponses. Il regrette de ne pas avoir préparé cette interview. La retransmission des réponses sera approximative, sera bancale. Il ne pourra pas s’en servir pour son blog. Ses lecteurs attendent des informations vérifiées, des informations sûres. Cela dit, il ne manquera pas de parler de sa rencontre impromptue avec Daredevil. Il ne manquera pas de raconter la fluidité de ses mouvements et sa technique de combat remarquable. Il ne manquera pas de souligner la prévenance et la protection du héros. Même sans les réponses de Daredevil, l’article sera intéressant. Enfin, il l’espère. Il est déjà en train d’imaginer les premières lignes, les premiers mots. Il est déjà en train de réfléchir à la manière d’articuler son texte. Oh ! Il lui faut une photo. Bien sûr qu’il lui faut une photo. Pour prouver ses dires. Pour illustrer son article. Est-ce que Daredevil accepterait qu’il le prenne en photo en plein affrontement ou est-ce qu’il préfère prendre le pose ? Certains héros peuvent se révéler de vraies divas. Par exemple, Deadpool. Il est certain qu’il voudra prendra prendre une position spéciale. Et puis, Jared ne souhaite pas s’attirer leur foudre. Il préfère les avoir de son côté. Il préfère se croire l’ami des héros, plutôt que leur ennemi. Personne ne voudrait avoir un Hulk sur le dos. Même pas Jared. Sa folie a ses limites. Son inconscience n’est pas sans bornes. “Dans la rue.” Jared mémorise l’information. Daredvil a appris à se battre dans la vie. Cela peut signifier plusieurs choses. Soit il s’est jeté dans la défense des victimes sans savoir se battre. Soit il est un enfant qui a grandi dans la rue et qui a dû se battre pour survivre. Jared penche davantage pour la seconde possibilité. Cela donne un côté dramatique et émouvant à la vie du héros. Qu’ils prennent le temps de discuter semble embêter leur agresseur. Qu’ils ne prennent pas au sérieux cette situation semble agacer leur agresseur. Il a une drôle de lueur qui brille dans son regard. Une drôle de menace. Face à ce genre de types, Jared aurait déjà pris ses jambes à son cou. Il aurait jeté un obstacle sur le chemin de l’agresseur. Assez pour le ralentir. Assez pour gagner du terrain et disparaître. Jared n’a rien d’un héros. Mais si il a bien appris une chose pendant son enfance, c’est de courir. Courir vite. Courir loin. Courir jusqu’à avoir les poumons en feu. Courir jusqu’à sentir ses jambes ne plus le porter. Courir jusqu’à être transpercé par des points de côté. A ce moment précis, courir est inutile. Il a Daredevil pour le protéger. Il a Daredevil pour veiller sur sa survie. Alors, il enchaîne sur une autre question. Il enchaîne sur une pointe d’audace. Il est nul en combat, mais il peut éviter à Dardevil de trop s’inquiéter pour ses fesses si Jared est armé. Il peut lui enlever ce poids sur ses épaules. Même si mettre une arme entre ses mains est suicidaire. Il pourrait s’auto-poignarder en perdant l’équilibre. Il pourrait se tirer une balle dans le pied en soupesant le revolver. Autant éviter le plus possible qu’il soit à proximité d’un objet dangereux.
“Je n’ai pas d’arme à vous donner et pour l’hôpital …” Oh zut. Jared soupire. Il aurait pensé que Daredevil se battait armé. Il aurait espérer qu’il ait une arme à lui prêter. Il aurait voulu tenir un objet de Daredevil entre ses doigts. Mais visiblement, l’homme est plus suicidaire que lui. Descendre dans la rue sans être armé, on aura tout vu ! Le héros pourrait au moins avoir un canif sur lui ou un mini-revolver. Et après, on dit que Jared est fou à se mettre en danger volontairement. Après, on le pense inconscient. Ils n’ont rien vu. Daredevil est encore pire. Sauf que Daredvil a l’avantage d’être plus doué. D’être plus entraîné. D’être plus fort. “Je vous y amènerai.” Donc l’hôpital existe vraiment. Et il va y aller. C’est trop pour son petit coeur. C’est trop pour son cerveau. C’est trop pour lui. Il ne pensait pas vraiment que le justicier accepterait. Il ne pensait pas vraiment qu’il parviendrait à le convaincre. Il faut croire qu’il est doué en persuasion. Bon sang, il va rencontrer les héros et super-héros ! Ceux qu’il admire. Ceux qu’il voit dans les médias. Ceux dont il parle dans son blog. Il va les rencontrer. Il ne serait pas face à un agresseur, il prendrait le temps de sortir son téléphone pour partager la nouvelle sur les réseaux sociaux. Mais il préfère garder un oeil sur le gars. Il préfère s’assurer que l’agresseur reste à une bonne distance de lui. “Oh vraiment ? YES ! Ça va être grave cool, j’ai trop hâte !” Sauf que ce qu’il se passe ensuite n’a rien de grave cool. L’agresseur en a assez de leurs bavardages. Il se lance dans le combat. Il redonne une dynamique à l’affrontement. Il déboule, poignard à la main, dans leur direction. Durant une micro-seconde, Jared a le sentiment que la lame va s’enfoncer dans son front. Durant une micro-seconde, il imagine qu’il va crever bêtement dans une rue sombre, sans avoir eu le temps de découvrir l’hôpital. Durant une micro-seconde, il voit la scène au ralenti. Une micro-seconde. C’est le temps dont a besoin Daredevil pour intercepter l’agresseur. Celui-ci se retrouve rapidement à terre, après plusieurs coups dans l’estomac et dans le visage. Jared ne peut s’empêcher de grimacer, en écoutant les sons produits par l’homme. Le pauvre. Ça ne doit pas être très agréable. “Gardez-le, mais n’intervenez que s’il vous menace.” Son regard passe de l’arme à Daredevil. Un poignard. Le héros est sûr de lui ? Il pourrait s’en servir pour poignarder leur agresseur et débarrasser le monde d’un con. Il pourrait terminer la bagarre rapidement. Il pourrait s’en servir pour neutraliser l’homme. Au lieu de cela, il le confie à Jared. Le coursier attrape le manche du poignard. Il le tourne dans la paume de sa main. “Okay, compris, m’sieur !” Il ne compte pas vraiment foncer sur l’agresseur, poignard à la main. Il est là pour interroger Daredevil. Il est là pour collecter de petites informations croustillantes. Il est là pour voir un héros faire son travail.
Le poignet se tort. Les os se brisent. Le craquement se répercute contre les murs de brique. Résonne dans toute la rue. “Erk…” C’est vraiment dégueulasse. C’est vraiment répugnant. C’est vraiment… Beurk. Il en a des frissons dans le dos. Il en a le ventre retourné. Il ressent de la compassion pour l’agresseur. Le gars doit souffrir d’une fracture sévère. Et Jared en connaît quelque chose. Il est préposé aux os cassés depuis qu’il sait marcher. Cela dit, il n’a jamais entendu un craquement aussi fort et violent. Daredevil n’y va pas de main morte. “C’est impressionnant ! Est-ce que je peux vous prendre en photo ? C’est pour mon blog...” Sa demande ressemble à celle d’un enfant qui travaille sur un devoir. La comparaison n’est pas si fausse. Il prend son blog au sérieux, comme un enfant studieux prendrait son exposé au sérieux. Il se sert de sa main libre pour sortir son téléphone portable. Il active l’appareil photo, en notant qu’il devrait s’acheter un vrai appareil photo. Du genre capable de prendre des photos de bonne qualité, même pendant un mouvement. Il cherche le meilleur angle. Pas trop près. Pas trop loin. pas trop à droite. Pas trop à gauche. Le cadrage doit être parfait. Le cadrage doit permettre à Daredevil d’être mis en valeur. Il regarde la scène à travers son téléphone, concentré. “Mais vous pouvez continuer à faire vos trucs, à moins que vous préfériez poser ?” A aucun moment, il ne pense déconcentrer le héros. A aucun moment, il n’imagine l’embêter pendant son ‘travail.’ A aucun moment, il ne croit donner une opportunité à l’agresseur. Pourtant, dans le coin à gauche de l’écran de son téléphone, il voit un mouvement. Son regard passe de l’écran à la réalité. “Att… !” Trop tard, l’agresseur est déjà revenu à la charge. Jared en perd son couteau. La lame déchire la peau du doigt dans sa chute. Mais il ne sent rien. Il est trop concentré par la scène. Il est trop hypnotisé par les coups. Il a été idiot. Idiot de sous-estimer leur agresseur. Idiot de penser qu’il pouvait discuter avec un héros pendant un combat. Idiot de demander une photo à ce moment précis. Il fera plus attention, la prochaine fois. S’il y a une prochaine fois.
Répondre à des questions pendant un combat était quelque chose qu’il avait l’habitude de faire. Mais en général c’était l’agresseur qui posait des questions, pas un inconnu venu de nulle part. La situation était donc véritablement étrange et Matthew ne savait pas vraiment ce qu’il devait faire. Sa concentration n’était plus entièrement tournée vers l’homme, mais vers Jared. Ce dernier voulait savoir tellement de choses, mais Matt n’avait pas toutes les réponses et même s’il les avait eu, il n’aurait pas pu en parler. Sa propre identité ayant déjà été mise à mal par plusieurs personnes, il ne voulait pas qu’on sache qu’il était avocat de jour et encore moins qu’il était aveugle. Evidemment, ce dernier point était sa particularité et sa force, mais il n’avait pas besoin que ceux qu’il affronterait soit au courant. Malgré tout, il expliqua qu’il avait appris à se battre dans la rue. C’était en partie vrai, car Stick et lui avaient vécus dans la rue et même si c’était à l’époque où il avait fini dans un orphelinat, ce dernier était bien pire qu’une ruelle sombre. Le plus jeune enchaîna avec le fait qu’il voulait une arme pour pouvoir aider. L’idée de le savoir une arme à la main et de vouloir aider, étaient deux concepts qui ne plaisait pas franchement à Daredevil. Les deux idées ne semblaient pas du tout s’allier avec le coursier. Evitant donc de lui donner une arme, il parla de l’hôpital. Un hôpital fictif vu qu’il n’en avait pas, mais il préféra mentir.
En l’entendant répondre qu’il avait hâte, Matt n’en dit rien. Il savait que c’était une mauvaise idée de lui mentir de la sorte, mais au moins ça semblait le faire accepter de rester tranquille pour le moment. Cependant, Daredevil aperçu le changement de poids d’un pied sur l’autre de leur assaillant et il parvint de justesse à agripper le bras de l’homme pour le bloquer et le forcer à rester immobile. Quelques secondes de plus et Jared se retrouvait avec un couteau dans le front. Décidant de faire lâcher le couteau à l’homme, Matthew parvint en plusieurs coups à le lui faire abandonner et le faire reculer. Attrapant le couteau, il alla vers le plus jeune pour le lui donner en expliquant qu’il avait désormais une arme et qu’il pouvait donc se défendre, mais uniquement si l’agresseur venait à le menacer. Jared semblait comprendre la marche à suivre, ce qui était une bonne chose. Finalement, le héros se tourna et reçut un poing dans le ventre. Finalement, il attrapa son poignet et le fractura assez fort pour que le bruit se fasse entendre et que l’homme cri de douleur. Il entendit le dégoût chez Jared, mais il ne se laissa pas distraire. Une photo ? Pour son blog ? Etait-il sérieux ? Apparemment oui. Il n’en revenait pas d’entendre ce genre de choses, mais encore plus à la question suivante. Comme s’il avait le temps de prendre la pose. Seulement, l’agresseur en décide autrement et Matt arrive à le retenir par le col de sa veste pour le ramener en arrière.
Arrêtez de parler. Il semble plus irrité par vous, que par moi.
Ca ferait peut-être taire Jared, il l’espérait en tout cas. Mais le combat prenait trop de temps, alors Daredevil sortit les deux matraques qu’il avait sur sa hanche et commença à frapper l’assaillant dans les côtes et le dos avant de le faire s’agenouiller. Le serrant au niveau de la gorge, il voulait le faire perdre connaissance pour avoir un peu la paix, mais il n’y parvint pas. Se retrouvant projeté en arrière, il se redressa rapidement pour recommencer à le frapper de ses matraques, espérant frapper à un point stratégique. Il écoutait sa respiration et la façon qu’il avait de se déplacer pour pouvoir atteindre son but rapidement.
La situation dégénère totalement. Ce n’est plus un moment parfait pour discuter avec un héros. Ce n’est plus une occasion rêvée d’en savoir plus sur Daredevil. Ce n’est plus une opportunité en or pour s’en faire un ami. Au contraire. Sous les yeux de Jared, l’agresseur se redresse et fonce sur le justicier masqué. Il aimerait pouvoir aider. Il aimerait se jeter sur l’homme pour l’arrêter dans sa tentative. Il aimerait avoir une technique pour le stopper dans son élan. Mais au lieu de cela, il s’entaille le doigt avec le canif qu’il perd. Maladroitement, il amène son doigt au niveau de ses yeux. Se demandant si il peut mourir. S’interrogeant sur la possibilité d’attraper une maladie mortelle. Se disant qu’il aurait dû laisser le couteau à Daredevil. Il aurait fait un meilleur usage de l’arme blanche. Jared essuie négligemment la plaie sur son jean. Il détaille la coupure. Il s’est entaillé la chair, comme un professionnel. Il aurait vraiment voulu se blesser qu’il n’aurait pas mieux fait. Il garderait probablement une cicatrice à vie. Souvenir de sa rencontre avec Daredevil et un malfrat. Il pourra l’exhiber fièrement, quoique qu’elle n’est pas très visible. Le sang continue d’affluer, à croire que les globules se sont données le mot. A croire qu’ils sont au courant qu’il y a une sortie par-ici. Il n’aime pas trop la vue du sang. Est-ce qu’il l’a déjà dit ? Est-ce qu’il a déjà prévenu quelqu’un ? Il aurait peut-être dû. Il aurait peut-être dû informer une personne comme on prévient si l’on veut donner ses organes ou si l’on veut être maintenu à la vie par un appareil. “Arrêtez de parler. Il semble plus irrité par vous, que par moi.” Le ton est autoritaire. Sec. Catégorique. Pour une personne normale, cela aurait suffi. L’intonation aurait été suffisante pour se taire. L’intonation aurait été suffisante pour avoir peur. Mais ce n’est pas le cas de Jared. Il a un problème avec l’autorité. Il a un problème avec les ordres. Non pas qu’il soit réfractaire à l’autorité. Au contraire. Mais c’est plutôt qu’il s’en fiche. L’autorité lui passe par-dessus la tête. L’autorité est un concept qui le dépasse et qui ne l’intéresse pas. “Mais je saigne ! Regar… okay, je me tais.” Lorsqu’il a relevé les yeux, le simple regard de Daredevil a suffi pour le faire taire. Il a compris le message. Il essuie de nouveau la plaie. Il ramasse le canif et s’éloigne des deux hommes. Il leur laisse la place pour se battre l’un contre l’autre. Il leur permet de terminer ce qu’il a interrompu. Finalement, il a compris. Il a compris qu’il ne pouvait pas continuer à discuter et à déconcentrer les deux hommes. Il a compris qu’il valait mieux qu’il garde le silence. Il ignore ce qu’il est censé faire. Il ignore si il doit rejoindre Daredevil et lui prêter main forte. Il ignore si il lui doit lui donner le couteau. Il ignore si il ne devrait pas écouter le tremblement de sa main et partir en courant. Non, sûrement pas.
Le héros est dans cette situation à cause de lui. Il ne peut pas fuir, maintenant qu’il l’a mis dans la merde. Maintenant qu’il l’a mis en danger. Il doit au moins rester jusqu’à la fin. Quitte à devoir mourir. Quitte à voir le justicier se faire tuer par sa faute. Il est prêt à assumer sa faute jusqu’au bout. Son cerveau fonctionne à plein régime. A la recherche d’une solution. A la recherche d’une idée. A la recherche d’une aide à apporter. Lancer le canif à Daredevil est hors de question. Il serait capable de ne pas bien viser et de 1/ le planter dans le front du justicier 2/ le donner à l’agresseur. Les deux possibilités ne sont pas réjouissantes. Devant lui, le héros se défend, attaque, frappe. Il enchaîne les gestes. Il enchaîne les attaques. Mais Jared est incapable d’aider. Il regarde le couteau. Il devrait peut-être poignarder l’agresseur pendant qu’il est aux prises avec Daredevil. Peut-être. Parce qu’il n’est pas sûr de vouloir tuer une personne. Parce qu’il n’est pas certain de vouloir blesser quelqu’un, même un criminel. Il déglutit difficilement. Dans quelle merde il s’est encore mis ? Il prend une inspiration. Il prend une dose de courage. Il oublie les doutes. Il oublie son instinct de survie (si tant est qu’il en ait un) et il se poste derrière l’agresseur. Canif à la main. Il prend une voix sévère. Une voix grave. Une voix autoritaire. Une voix dont il ne se pensait pas capable. “Tu vas te laisser assommer tranquillement ou je t’embroche, compris ?” Il fait un clin d’oeil à Daredevil. Il maîtrise la situation. Tout va bien. Tout est okay. Mais Jared vit dans un monde de bisounours. Il vit dans un monde où tout est rose, tout est beau. Il vit dans un monde où les méchants arrêtent de se battre parce qu’on le leur demande poliment. Il ne voit pas le coup de coude qui vient s’enfoncer dans sa mâchoire. Il se mord la langue à sang. L’arme blanche lui échappe de nouveau. Il recule, sonné. Pas cool. Pas cool du tout. Il ne pourra plus manger avant plusieurs jours avec une plaie pareille ! Il ne pourra plus boire de bière sans que ça lui brûle la langue. Vraiment, c’est pas sympa. L’avantage est qu’il va vraiment avoir besoin d’un séjour à l’hôpital des super-héros. Il crache le sang qui remplit sa bouche. Il doit trouver un autre plan. Une autre stratégie. Mais ça y est, il sait. Il va faire ce que les gens normaux font dans ce genre de situations : il va appeler des secours. Il va appeler la police. Daredevil sera rapidement débarrassé du gars. Il n’aura plus à essuyer des coups. Et Jared aura réparé sa bêtise.
Il ne voit pas d’autres solutions. A part peut-être… un couvercle métallique d’une poubelle est abandonné par terre. Il hésite un instant. Mais après tout, il est désespéré. A situation désespérée, décision désespérée, non ? Il court chercher le couvercle et l’attrape de part et d’autre. Il revient au plus près de la bagarre. Il prend une une inspiration. A trois. Un. Deux. Tr… Il a déjà commencé son geste quand l’agresseur se baisse. Il a déjà commencé son geste quand le couvercle s’abat sur la tête de Daredevil. Oups ? Impossible d’arrêter son mouvement. Impossible de dévier. Le coup aurait dû assommer l’agresseur. Le coup a désorienté et sonné le justicier. Jared aurait vraiment dû aller se coucher. Le couvercle tombe par terre, dans un son métallique. Il est figé. Figé par sa connerie, par sa maladresse, par la violence de son coup. Comme quoi, la violence n’est vraiment pas faite pour lui. “OH MERDE ! Pardon, pardon… vous allez bien ?” Il se dirige vers Daredevil, prêt à l’aider. Prêt à lui tendre son bras pour le soutenir. Prêt à essuyer tous les reproches possibles et inimaginables. L’agresseur explose de rire devant la situation. Il arbore un sourire méchant. Il récupère le canif et s’enfuit de la ruelle, non sans un ‘merci’ en direction de Jared. Mais ce dernier s’en fiche. Trop préoccupé par l’état du héros. “Je ne voulais pas… je voulais juste assommer l’autre et… je suis désolé ! Vous ne saignez pas, hein ? Vous n’allez pas mourir ? Dites-moi que je ne vous ai pas tué !” Il est inquiet. Vraiment inquiet. Peut-être que le coup a créé un traumatisme crânien. Peut-être que le coup a endommagé une partie de son cerveau. Peut-être que le coup a été suffisant pour créer une amnésie. Il n’en sait rien ! Et l’inquiétude le rend bavard. Un peu trop bavard.
Concentré sur l’assaillant, Matthew reprend le combat, faisant en sorte de ne plus être blessé, seulement il finit par sentir le sang. Il a été amoché, mais ça n’est pas le sien, il le sait. Quelqu’un d’autre saigne et comme ça n’est pas non plus l’homme qui tente de le frapper, ça ne peut être que le troisième homme. Le plus jeune a apparemment fait fort pour s’entailler. Même s’il ne voit pas, l’odeur du sang se fait plus présente et tout cela commence à bien faire. Alors, Matt fait comprendre à Jared qu’il doit absolument se taire, parce qu’il énerve l’homme qui veut lui faire la tête au carré. Il avait le regard tourné vers le coursier pour bien faire comprendre qu’il ne voulait plus l’entendre prononcer un seul mot. Quand il l’entendit reprendre la parole, il était prêt à l’assommer s’il le fallait, mais apparemment le message était passé. Se retournant, il décida de sortir les matraques. Il était temps d’en finir et pour cela, il devait mettre toutes ses chances de son côté. Faisant en sorte que ça soit le cas, il tentait d’étouffer l’homme avant d’être projeté en arrière.
Recommençant à le frapper à de multiples endroits, il finit par entendre à nouveau des bruits de pas et la voix de Jared. Cette dernière était différente, mais il la reconnaissait. S’il avait pu, il aurait roulé les yeux et les auraient levés au ciel, mais à la place, il entend le coude de l’assaillant entrer en contact avec la mâchoire de Jared. Fronçant les sourcils, il décida alors de s’en prendre à l’homme. Jared n’allait pas revenir à nouveau, il en était certain et il frappa à nouveau l’homme parvenant à lui donner quelques coups. Malheureusement, aussi sûr qu’il avait été que Jared ne viendrait plus les ennuyer, il avait tort. A la place, il entend les bruits de pas du coursier, mais n’y fait plus attention. Non, à la place, il frappe l’agresseur, avant de voir un mouvement où il se baisse, mais Matt n’a pas le temps d’éviter le couvercle qui lui arrive en plein visage. Ses oreilles sifflent, sa joue le brûle, sa mâchoire craque. Désorienté, le justicier prend appui contre le mur, secouant la tête. Au loin il entend Jared s’excuser et l’autre homme le remercier avant de partir.
Les gens normaux appellent la police ou passent leurs chemins. Vous auriez dû faire les deux !
Son ton est dur, mais son crâne lui fait mal et il sent qu’il va avoir du mal à se lever demain matin et être efficace au boulot. Se redressant, il secoue à nouveau la tête et fixe vers Jared.
Vous l’avez laissé s’échapper, c’est de votre faute s’il recommence à agresser des gens dans la rue !
Il voulait faire comprendre à plus jeune son erreur et que ce dernier prenne en compte le fait qu’il n’avait pas aidé du tout.
Vous êtes idiot ou c’est naturel chez vous d’être aussi empoté.
En temps normal, il n’aurait pas été si méchant, mais le type était partit, il était encore un peu sonné et il était totalement frustré.
Merde. Merde. Merde. Merde. Il vient d’assommer un super-héros. Il vient de s’en prendre à un gars dix fois plus fort que lui. Merde. Merde. Merde. Il va avoir des ennuis. Surtout si Daredevil meurt dans cette ruelle. Il est dans la merde. Il espère qu’il va bien. Non, il prie pour qu’il aille bien. Il ne voulait pas lui faire mal. Il ne voulait pas l’assommer. Il voulait seulement aider. Juste donner un coup de main. Juste être utile pour une fois. Au lieu de cela, il a été contre-productif. L’agresseur est déjà loin et Daredevil est sonné. Il ne peut pas être plus maladroit. Plus idiot. Plus inutile. En plus de cela, l’homme n’a pas l’air en très bon état. Il se tient difficilement contre le mur. Il semble désorienté. Il pourrait s’évanouir d’un moment à l’autre. Il pourrait trébucher, s’affaler, tomber. Il pourrait peut-être même se casser la mâchoire en chutant (si elle n’est pas déjà cassée par le coup de poubelle). Jared lui tendrait bien son bras pour l’aider à rentrer chez lui, sauf qu’il n’a pas vraiment l’impression que Daredevil est prêt à lui faire confiance. Il a l’air… énervé ? A croire qu’être frappé par un couvercle de poubelle justifie le mécontentement. Il est légèrement excessif, non ? Alors, Jared reste dans son coin. Sagement. Il attend de voir la suite. Il attend de voir s’il va se prendre une fessée ou s’il va être puni. Il attend de voir s’il va se faire disputer. Il n’y tient pas vraiment. Il voulait seulement être proche d’un héros, vivre son quotidien, le voir travailler. Il a tout fait foirer. Quel talent ! “Les gens normaux appellent la police ou passent leurs chemins. Vous auriez dû faire les deux !” Daredevil n’est pas content. Pas content du tout. Jared a le sentiment de se faire gronder par son professeur d’Histoire du lycée. Il a le même ton. La même colère. Il sait qu’il a eu tort. Il sait qu’il a merdé royalement. Il le sait. Il n’a pas besoin qu’on le lui dise pour s’en rendre compte. Il ne pensait pas faire de mal en secondant l’homme masqué. Au contraire, il imaginait le secourir héroïquement. Il s’est fourré le doigt dans l’oeil. “Je sais… je suis vraiment navré ! J’voulais pas… j’ai…” Il se tait. Il n’arrive pas à se justifier. Il a conscience qu’il aurait dû s’abstenir. Il a conscience que sa maladresse lui fait faire le contraire de ses souhaits. Il n’y peut rien. Il ne contrôle pas ses mouvements. Il ne contrôle pas ses gestes. Il n’est pas assez habile pour avoir la pleine maîtrise de ses membres. Pourtant, il a voulu donner un coup de main. Il a voulu jouer les justiciers du dimanche. Il se doutait que c’était potentiellement dangereux. Mais il n’a pas anticipé la feinte de l’agresseur. Il mérite la colère et la froideur de Daredevil.
“Vous l’avez laissé s’échapper, c’est de votre faute s’il recommence à agresser des gens dans la rue !” Il sursaute. Si il recommence. Jared n’a pas pensé à ça. Il n’a pas pensé qu’en libérant un agresseur, celui-ci pourrait continuer. Il pourrait retrouver des victimes. Il pourrait faire le mal autour de lui. Jared croise les bras sur sa poitrine. Il fait les cent pas. Il a complètement fauté. Il a a fait une erreur monumentale. Il a aidé à un criminel. Si des gens se font agresser ces prochains jours, ce sera de sa faute. Uniquement de sa faute. Il n’a rien d’un héros. Il n’a rien d’un protecteur de la ville. Il est seulement un coursier nul et incompétent. Pourquoi est-ce que soudainement, il a pensé qu’il pourrait aider Daredevil ? Le justicier s’en sortait très bien tout seul. Même si il a pris quelques coups, il aurait pu en venir à bout de l’agresseur. Mais non, Jared s’en est mêlé et voilà où ils en sont. En même temps, qui a dit que Jared était un gars normal, logique et sain d’esprit ? Il a eu l’occasion de prouver qu’il ne l’est pas. Il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il court chercher de l’aide. Ce n’est pas le genre de la maison ! “Vous êtes idiot ou c’est naturel chez vous d’être aussi empoté.” Il s’arrête. Il se retourne vers Daredevil. Il ne comprend pas. D’accord, il a merdé. Il se mettrait bien une claque si il ne trouvait pas ça ridicule. Mais au point de le traiter ainsi ? Au point de lui manquer de respect ? Tout le monde n’a pas ses talents, son instinct, pour se battre. Tout le monde ne peut pas prétendre défendre la population. Okay, Daredevil vient se prendre une raclée et d’être assommé par sa faute. Okay, il aurait pu arrêter l’agresseur et le rendre à la police. Okay okay. Sauf que Jared voulait être son Robin. Il voulait être là en cas de besoin. Il voulait le débarrasser de cet encombrant agresseur. Il se rapproche du héros. Il n’a pas peur. Il ne craint rien. SI il tremblait devant le criminel, il n’en est rien face à Daredevil. C’est un justicier, jamais il n’oserait lever la main sur lui… Pas vrai ? “Heeey ! Je suis responsable de sa fuite, d’accord, et je me suis excusé. Ouais, j’suis maladroit, mais vous vous êtes vu ? Je voulais juste vous apporter mon aide !” Il fait un geste en direction de l’homme. Daredevil est loin de faire honneur à la glorieuse réputation dont il est auréolé. Il est blessé, avachi contre le mur. On dirait un vieillard. Alors oui, Jared a simplement voulu mettre un terme à cette bagarre. Et voilà les conséquences. Le héros se prend un coup de couvercle dans la tronche et le New-Yorkais se fait disputer comme un gamin. En réalité, plus qu’énervé, il est vexé. Vexé de ne pas avoir été à la hauteur. Vexé d’être vu comme un idiot empoté par un héros. Vexé d’être maladroit. Il y a peu d’occasions où il regrette d’être malhabile. L’être face à un super-héros en fait partie. Ce sont des personnes qu’il idolâtre. Qu’il admire. Il a toujours voulu être comme eux. Daredevil vient de lui rappeler que ce n’est pas possible. Jared est loin d’être le mec super costaud, capable d’enchaîner des balayages de jambes et des coups de poing. Il est le mec qui se cache derrière une table en attendant que les adversaires s’entre-tuent. Même si il a du courage, il n’a pas l’étoffe d’un héros.
Il prend un air sérieux. Il s’apprête à dire quelque chose qui lui brise le coeur. Il s’apprête à faire un grand pas. Il s’apprête à prendre son indépendance. “Je vous aimais bien, vous savez, mais je crois que vous et moi, c’est fini.” Rupture. Il a le courage d’aller jusqu’au bout. Il a le courage de le dire. Il aimait bien Daredevil pour son style et sa capacité à sauver les gens dans la rue. Il est le seul à le faire vraiment. Mais là, le coeur de Jared ne peut pas en supporter davantage. Il ne peut pas accepter d’être jugé d’imbécile. Il ne peut pas apprécier les accusations, alors que son geste a été mal perçu. Que d’injustices dans ce monde ! Il refuse de continuer et de faire comme si rien ne s’était passé, dans cette ruelle. Il a le coeur cassé en mille morceaux, mais il reste digne. De toute manière, il a toujours Thor pour se consoler. Le magnifique et grandiose Thor. Néanmoins, pas rancunier pour un sou, Jared est déjà passé à autre chose. Son coeur se répare à la vitesse grand V. Il est déjà en train de penser à la suite. Aux conséquences de son comportement. “Vous allez faire quoi maintenant ? Le poursuivre ? Vous voulez pas qu’on s’occupe de vos blessures ?” Il y a de faibles chances pour que Daredevil soit en état de poursuivre l’agresseur et surtout, qu’il puisse le retrouver dans New-York. Il a beau être un héros, il ne peut pas avoir le corps parfait et les sens sur-développés. Ce serait inhumain !
Il était certain qu’il ne s’était pas attendu à recevoir un tel coup. Il avait déjà reçu pire, mais il avait pu anticiper un peu les autres. Malheureusement, celui-ci était violent et plus qu’inattendu. Essayant de se reprendre pour être moins désorienté, Matthew se concentre comme il peut, mais il ne peut s’empêcher de faire remarquer à Jared qu’il a été complètement inconscient. Commençant par lui dire qu’il aurait du appeler la police et passer son chemin, comme tout le monde aurait fait, il eu mal au crâne en parlant en étant aussi énervé. Il entendit le garçon qui cherchait ses mots, ce qui le fit soupirer. Parfait, il venait d’en perdre la parole. Seulement l’avocat ne compte pas le laisser s’en sortir facilement et il en rajouta une couche en lui indiquant que ça serait de sa faute si quelqu’un d’autre venait à être agressé par l’homme qui avait fui. Il était sans doute de mauvaise foi, mais c’était la colère qui parlait. Entendant le garçon marcher en tous sens, il comprit qu’il retrouvait un peu ses repères, mais pas encore assez. A la place, il cria à nouveau contre Jared en lui traitant d’empoté. Entendant des bruits de pas venir vers lui, il décida de ne pas se défendre. C’était uniquement le garçon et il l’écouta d’une oreille, tout en essayant de se concentrer sur les bruits environnants pour se remettre. Vous vous êtes vu ? A cette question, il aurait pu l’attraper à la gorge et lui faire regretter ses paroles, mais il n’en avait pas la force. A la place, il grogna, toujours plus concentré sur ses sens. Ca lui était déjà arrivé de ne plus s’entendre parler et de perdre tous ses points de repères et il ne voulait pas que ça recommence. Mais les paroles du garçon lui firent froncer les sourcils. Je vous aimais bien, mais c’est fini ? Quand est-ce que ça avait commencé ? L’avocat ne sait pas ce qu’il doit comprendre avec tout ça, mais il resta silencieux avant d’écouter les questions du coursier.
Je ne peux pas m’occuper de lui dans mon état actuel, mais vous pouvez faire quelque chose.
Se redressant, il resta malgré tout dos au mur.
Appelez la police et donnez-leur le signalement de votre agresseur. Dites-moi que vous l’avez au moins regardé et que vous pourrez faire ça ?
Pourvu qu’il ne soit pas complètement emporté. Matthew ne pourrait pas le décrire physiquement pour être assez précis. Mais si Jared pouvait au moins faire ça, ça serait un très bon début. Puis, il se décida à répondre à la suite de ses interrogations.
Vous êtes médecin, infirmier ou vous travaillez dans le milieu médical ?
Ca serait une chance. Même s’il pouvait se soigner lui-même, un petit coup de pouce ne serait pas de trop. Il ne comptait pas appeler Foggy, surtout pas après tout ce qu’ils c’était dit dernièrement. Karen n’était pas au courant pour sa double identité. Peut-être devrait-il appelé Claire ? Non, il lui avait promis de ne plus la déranger pour ça. Son ami Spider-Man pourrait l’aider, mais il ne voulait pas le déranger. Alors, il attendit simplement la réponse du garçon pour savoir si ce dernier pourrait vraiment être utile ou pas.
Il en a fait des conneries. Des plus ou moins importantes. Des plus ou moins monumentales. Il a arrêté de les lister. Il a arrêté de les noter. Cela ne sert à rien. Il sait qu’il est maladroit et la maladresse conduit forcément à des erreurs. Des conneries. Il regrette assez souvent de ne pas être assez agile pour retenir ses bras, de ne pas être assez habile pour maîtriser ses jambes. Surtout à ce moment précis. Surtout là, alors qu’il vient d’assommer un des héros qu’il idolâtre. Il l’aimait bien, Daredevil. Le justicier avait l’air d’un gars sympa, généreux, protecteur. Sauf que Jared se sent déjà assez mal. Il s’en veut assez. Il n’a pas besoin qu’on lui hurle dessus. Il n’a pas besoin qu’on le traite d’empoté. Il n’a pas besoin qu’on sous-entende qu’il est idiot. Il le sait très bien. Il en a parfaitement conscience. Mais il faut savoir laisser de côté la mésentente pour se concentrer sur le principal. Sur l’homme qui vient de s’enfuir. Sur l’agresseur qui reste impuni. Jared pose des yeux plein d’espoir sur le justicier. C’est Daredevil. Il doit bien avoir une solution. Il doit bien pouvoir faire quelque chose. Il va se remettre sur pieds et courir après le mec. Forcément. Mais non. L’homme reste sur place. Déséquilibré. Sonné. Un mythe qui s’effondre. Ils doivent faire quelque chose. Non, Daredevil doit faire quelque chose. Non, il n’est pas en état. Jared doit faire quelque chose. Mais quoi ? Bon sang, il ne sait même pas se servir d’un couvercle de poubelle, il ne peut pas arrêter un criminel ! Mais il sent le sentiment d’urgence. Cette sensation d’être pressé par le temps. Cette sensation que les minutes jouent contre eux. Il doit faire quelque chose… il doit, il doit, il doit… mais par où commencer ? Courir ? Crier ? Appeler à l’aide ? “Je ne peux pas m’occuper de lui dans mon état actuel, mais vous pouvez faire quelque chose.” Jared se tourne vers Daredevil. Oui, voilà. Mais quoi ? Jared sèche totalement, complètement. Il n’est pas doué pour les situations pareilles. Il n’a jamais été confronté à un héros qui se fait assommer, à un criminel qui les agresse, à un homme qui s’enfuit. Il ne sait pas quoi faire. Il est perdu. Totalement perdu. Il se noie dans la panique. Il se noie dans l’empressement. Il patauge complètement. Il nage. Il va faire une crise de panique. Bon sang, il a du mal à respirer. Son coeur s’affole. Ses poumons refusent de se déployer. Sa gorge se serre. Une crise de panique. Il va mourir. Il va crever. Il va suffoquer dans une ruelle. On va retrouver son corps dans quelques années, décomposé, rongé par les rats. Daredevil ne l’aura même pas sauvé. Il n’aura même pas prévenu sa famille. Adieu maman, mamie, papy. Adieu monde cruel. Adieu…
“Appelez la police et donnez-leur le signalement de votre agresseur. Dites-moi que vous l’avez au moins regardé et que vous pourrez faire ça ?” Mais oui ! La police ! C’est logique. La crise d’angoisse disparaît ou alors, c’est son talent de comédien qui s’efface. Il a les doigts tremblants. L’émotion. La peur. L’inquiétude. Il attrape son téléphone. Qui lui échappe des mains. Qui finit par terre. Après un juron, Jared se penche en avant pour le récupérer. Bon, l’appareil fonctionne encore. Il le déverrouille, ouvre le clavier. Un instant. Pouces en l’air. Lueur idiote dans le regard. C’est quoi déjà le numéro ? Ah oui ! C’est bon. Il compose les trois chiffres et colle le téléphone à son oreille. “Vous êtes médecin, infirmier ou vous travaillez dans le milieu médical ?” Jared se tourne vers Daredevil. Qu’est-ce qu’il dit ? Médecin, infirmier ? Il n’a clairement pas la tête d’un médecin respecté et apprécié dans un hôpital. Jared a plutôt la tête du coursier qu’il est. Il ne peut rien faire pour le justicier, si ce n’est diagnostiquer les fractures. Il s’y connaît en os cassés. Il en a eu beaucoup au cours de sa courte existence. Sûrement moins qu’un homme occupé à frapper les vilains et défendre les plus faibles. Il secoue la tête. Il pose un doigt sur ses lèvres. Ce n’est pas le moment de discuter. Il est au téléphone. “Chuuuuut… ça sonne !” Il se dit soudain que ça va être compliqué. D’expliquer la situation. De convaincre de l’urgence. D’être clair, concis, direct. Il n’est pas réputé pour être le gars le plus posé et le plus clair de tous les temps. Il est plutôt le contraire. Il est bavard, il se laisse emporter par les idées, il parle vite… Il n’y a rien pour l’aider. Alors, pendant que ça sonne, il prend une longue inspiration. Il doit essayer de se calmer et de réunir toutes ses pensées. Il doit s’assurer de donner toutes les informations essentielles. Il doit être à la hauteur de sa bêtise. Il peut le faire. Il doit le faire. Finalement, la sonnerie s’arrête pour laisser place à une voix masculine. “Oui, bonjour… euh bonsoir plutôt. J’suis présentement avec Dardevil, on vient de laisser s’échapper un mec… ouais ouais, c’était une erreur. Je… de ma faute. Oui oui… bref, j’vous décris le gars ou vous vous en branlez ? … Okaaay, je surveille mon langage. Vous êtes qui déjà ? Un prof ou un policier ? Non parce que… ouiiiii, m’sieur. Donc, il avait… des cheveux noirs et des yeux… Hey, Daredy, il avait quoi comme couleur ? Bleus, hein ? Ouais, ça doit être ça. Des yeux bleus…. Quoi ?! Mais non ! Il est encore dans le coin, faut l’attraper avant qu’il fasse une nouvelle victime… J’ai pas le temps d’aller au commissariat, ça va pas ! Bande d’incapables !” Il raccroche. Bon. Il n’est pas resté calme longtemps. Il n’a pas été très clair. Mais il a été concis et il a donné le signalement. C’est le principal, non ? Ah oui… il a oublié de donner l’adresse. Bordel. Il va se faire étriper par Daredevil. Être tué. Être découpé. Être jeté à la poubelle.
“Ils vont venir. ‘Fin, je crois.” Il range son téléphone dans la poche. Et maintenant ? Daredevil ne va sûrement pas vouloir attendre que la police débarque. Si ils débarquent un jour. Ils ont peut-être réussi à tracer son appel. Ils ont peut-être localisé l’antenne utilisée. C’est ce qu’ils font dans les films. C’est ce qu’ils font toujours. Jared se rapproche du justicier. Il laisse son regard couler vers ses différentes blessures. Il prend le temps d’observer le sang qui s’en échappe. Il n’est pas sûr, mais les blessures ne semblent pas jolies. Le héros doit être emmené à l’hôpital. Il doit être soigné. Il doit être opéré ou peu importe. Il faut qu’il soit pris en charge. Jared a laissé un agresseur s’enfuir, mais il ne laissera pas un héros mourir. Il ne le regardera pas se vider dans son sang. Il est impossible que ça se passe ainsi. “Pour répondre à votre question, non, j’suis pas médecin… Vous voulez que j’appelle une ambulance ? Vous avez l’air de beaucoup saigner…” Il est déjà en train de sortir son téléphone une énième fois. Ses doigts ne tremblent plus. L’appareil ne lui échappe pas des mains. Impossible d’appeler un taxi. Le chauffeur n’accepterait pas qu’on salisse sa banquette arrière. Par contre, une ambulance reste le meilleur choix.
Il était certain qu’après avoir été cogné de la sorte, ses sens étaient dans un sale état. Prenant quelques minutes pour tenter de se concentrer, il entendit Jared lui dire qu’il devait faire quelque chose. Il ne pouvait rien faire, mais il demanda au jeune homme de prendre le relais. Ce qu’il pouvait faire était d’appeler la police et de donner la description de l’homme qui venait de prendre la fuite. Matthew espérait vraiment que le garçon pouvait faire ça. Il perçu certain bruit, mais le plus fort fut quand le téléphone du coursier tomba au sol. Grimaçant sous le choc, il se rend alors compte qu’il va devoir se faire examiner. Le fait qu’il soit aveugle est un avantage pour lui et personne ne sait cela, mais il doit se faire examiner. Demandant à Jared s’il faisait partie du milieu médical, il était prêt à écouter sa réponse, quand le garçon lui demanda de se taire parce qu’il avait de la tonalité avec la police. Mais rien qu’aux premières paroles que le brun prononça, l’avocat savait que ça serait fichu. Même pour ça il ne semblait pas doué. Super ! Il entendit le surnom que vint lui donner son vis-à-vis et il fronça les sourcils. Sérieusement ? Daredy ? Mais, il n’eu pas le temps de répondre à sa question, parce que le brun reprenait la parole. Après qu’il ait raccroché, Matthew devait avouer qu’il aurait bien voulu se dépêtrer de ce type. Malheureusement, il n’eu pas cette chance. A la place, il l’écouta lui dire qu’il devrait appeler une ambulance. Se rapprochant de Jared, il posa sa main sur les siennes.
Non, pas d’ambulance.
Pas d’appel pour en avoir une. Relâchant ses mains, l’avocat ferma les yeux et se concentra sur les sons autour de lui. Il ne comptait pas ramener Jared chez lui. Ca n’était pas une bonne idée du tout. Ca n’était pas la chose à faire. Il devait donc trouver un endroit où il serait en sécurité pour pouvoir être soigné. Des bruits de pas … une télévision … une dispute entre deux femmes … Tournant la tête vers la gauche, il écouta à nouveau. Un chien qui aboie … un bébé qui pleure … une clé dans une serrure … de la musique dans un appartement …
Par là.
Faisant signe à Jared de le suivre, il savait où il pourrait être tranquille. Evidemment, ça ne plairait pas à Foggy, mais son appartement était la seule issue possible. Il ferait en sorte de ne pas mettre du sang partout et s’il pouvait faire en sorte que Jared se concentre, peut-être qu’il parviendrait à le faire se rendre utile. Avançant donc vers la gauche, il marcha, avant de se tenir au mur.
C’est à deux rues d’ici, il faut y aller.
Il aurait pu tenter de courir ou de passer par les toits, mais dans son état, cela n’était pas possible. Alors, il tendit le bras vers le garçon, ayant besoin de son aide pour marcher. Il croisait les doigts pour que le coursier vienne l’aider et qu’il se contente juste de faire ce qu’il lui dirait.
Numéro 230, appartement 5D. La clé est sous le paillasson.
Daredevil lui a dit d’agir normalement. Comme une personne normale. Comme une personne censée. Une personne normale et censée s’inquiéterait de voir tout ce sang couler de ses plaies. Une personne normale et censée appellerait une ambulance. C’est ce qu’il compte faire. Il est déjà en train de composer le numéro d’urgence quand la main de l’homme vient se poser sur le téléphone. C’est malin. Il ne peut pas voir ce qu’il fait maintenant. Il lève les yeux vers Daredevil. Le héros est vraiment dans un sale état. Il doit avoir mal partout. Il doit souffrir à chaque mouvement. Jared grimace. Il a mal pour lui. Il s’est déjà cassé plein d’os et ouvert différentes parties de son corps. Mais jamais avec autant de violence. “Non, pas d’ambulance.” Il lève les yeux au ciel. On se fout de sa gueule. Daredevil lui demande d’être normal et de le laisser se battre. Jared ne le fait pas. Il se fait disputer. Daredevil lui demande d’être sympa et d’appeler la police comme n’importe qui. Jared le fait. Mais il n’a pas le droit d’appeler des secours pour le soigner ? C’est à ce moment précis que Jared devrait hausser le ton et lui ordonner de monter dans une ambulance. Sauf qu’il n’a aucune autorité. Il vient de l’assommer. Il ne peut pas vraiment lui dire qu’il s’inquiète pour sa santé. Alors, il efface l’appel. “Et c’est moi qui n’ai pas un comportement normal, hein.” Il marmonne. Il remballe son téléphone. Bon, il va faire quoi ? Le regarder se vider de son sang ? Hors de question. Dans les films, les héros se font des garrot et des pansements avec un bout de ficelle et des morceaux de journaux. Il doit bien y avoir ça dans le coin. Il se rapproche d’une des bennes. L’odeur est désagréable. Dégueulasse. Même si il trouve un truc utile dans le coin, il ne pourrait pas l’utiliser. Ce ne serait pas hygiénique. Il ne manquerait plus qu’il donne une maladie à Daredevil et sa vie serait fichue. Lorsqu’il relève la tête de la benne, il voit le justicier en pleine réflexion. Ou sieste ? Ou mort ? Est-ce que l’on peut mourir et rester debout toute sa vie ? Il ne saurait pas le dire. Il ne croit pas. Il se rapproche. Il décide de venir à quelques centimètres de lui. Pour sentir son souffle. Pour s’assurer qu’il est en vie. Il avance, pas après pas. Doucement. Très doucement. Pour ne pas le réveiller. Si jamais il se repose. Si jamais il est un zombie. Sauf que Daredevil se remet à bouger. Jared suraute. Le coeur battant. Il est dans un film d’horreur. Il a manqué de faire une crise cardiaque. Bravo Daredy ! Il aurait été malin, le super justicier, avec un cadavre sur le dos.
“Par là.” Par-là ? Par-là où ? Où est-ce qu’ils vont ? Sa maman lui a appris à ne pas suivre n’importe qui et surtout pas les inconnus. Sauf que Daredevil en est, d’inconnu. Jared ne devrait pas le suivre. Il ne devrait pas l’accompagner. Mais c’est Jared. Les précautions, la méfiance… il ne connaît pas. Il suit l’homme masqué. Il le dépasse avant de s’apercevoir que Daredevil ne suit plus. Il revient sur ses pas. “Si j’avais appelé l’ambulance, vous auriez eu un super brancard…” Il ferait sûrement mieux de se taire. Il ferait sûrement mieux de garder ses pensées pour lui. Encore une fois, c’est Jared. Il ne faut pas s’attendre à autre chose. Il lui offre son épaule pour y passer un bras. Béquille de Daredevil. La classe. Ils avancent doucement jusqu’au bout de la rue. L’hôpital le plus proche est loin. Terriblement loin. Ils n’arriveront jamais à temps pour soigner le héros. Et si il mourrait dans ses bras ? Qu’est-ce que Jared était censé faire, dans ces cas-là ? L’emmener à la police ? Le déposer dans un coin de New-York ? Le donner à l’association des “Corps de super-héros ? “C’est à deux rues d’ici, il faut y aller.” Ils y vont. Ils y vont. Mais ce n’est pas de sa faute si ils avancent doucement. Jared lance un regard en arrière. Faudrait pas que leur agresseur revienne, armé et accompagné. Ce ne serait clairement pas le bon moment. Surtout qu’ils sont à découverts. Surtout que Daredevil est couvert de sang. Heureusement qu’ils n’ont pas beaucoup de mètres à parcourir. Sinon, Jared s’inquiéterait. Ils ne sont pas dans le quartier le plus calme et le plus sécurisé de New-York. Quand un gars se promène couvert de sang, ça inquiète et ça apporte des problèmes. Alors, si en plus, la personne en question se révèle être l’insaisissable Daredevil… Vous imaginez. Ils arrivent devant la bonne rue. Il n’y a clairement pas d’hôpital, ici. A moins que ce ne soit un hôpital clandestin. Pour les super-héros. Donc, il va le voir. Il va observer des médecins soigner les super-héros. C’est un grand jour. Il est ému. Il est tremblant. “Numéro 230, appartement 5D. La clé est sous le paillasson.” Appartement 5D. Ce n’est pas le numéro d’un sous-sol. Alors quoi ? Peut-être qu’il ne s’agit pas d’un hôpital. Ils ne prendraient pas le risque de soigner des patients connus dans les étages. Alors, Daredevil doit forcément l’emmener dans son repère secret. Il doit forcément le diriger dans son appartement. Jared va vraiment entrer dans son logement ? L’excitation revient. Encore mieux que d’emmener Thor chez lui ! Là, il va découvrir comment vit un héros. Il va poser ses fesses au même endroit. Il va boire dans les mêmes verres. Il va… Il doit se concentrer. Pour ne pas gâcher toutes ses chances. Quand il trouve le bon numéro, il conduit Daredevil à l’intérieur. C’est fou. Complètement fou. Il doit rêver. Évidemment qu’il rêve. Quoique le sang du justicier semble très réel. Tout comme le coup qu’il lui a mis. Ils montent jusqu’au bon étage. Il dépose doucement son acolyte contre le mur, avant de soulever le paillasson. Comme promis, la clé est en-dessous. Trop cool ! Il pourra revenir quand il voudra et fouiner dans ses caleçons propres quand Daredevil aura le dos tourné ! Bien sûr, il ne le fera pas. Il n’est pas complètement fou.... il faut l’espérer.
La porte s’ouvre sur l’appartement. L’endroit est plongé dans l’obscurité. Jared récupère le justicier et l’aide à entrer. Il cherche à tâtons l’interrupteur. La lumière jaillit. La lumière dévoile l’appartement. C’est classe. C’est beau. Il aime bien. Il imaginait quelque chose de plus sombre. Quelque chose de plus discret. Il imaginait un vrai repère de héros, avec des armes partout et des voitures volantes. Mais au final, l’endroit est agréable à vivre. Il referme la porte avec un coup de pied. “C’est cool comme endroit ! C’est chez vous ? Woooow, c’est à vous ce truc ? Trop la classe !” Il dépose Daredevil dans le canapé, avant de courir toucher une figurine. Il la récupère entre ses doigts maladroits et la détaille dans tous les sens. Il se retourne vers le justicier. Il réalise sa connerie. Oups. Un peu trop d’enthousiasme, peut-être. Il pivote de nouveau. Il remet en place l’objet et retourne vers son hôte. Tel un enfant disputé par ses parents. Il va être docile. Il va être serviable. Il va être le Robin de Daredevil. Il peut le faire. C’est un rôle à sa hauteur. Sans trop de responsabilités. Sans trop de dangers. Quoique, quand même ! Robin suit Batman partout. Il prend autant de risques que l’homme chauve-souris. “On va peut-être vous enlever votre costume, hein ? Vous inquiétez pas, je ne vais pas vous reluquer.” Pas le temps de protester. Il est déjà en train de chercher le début de son costume. Ce truc est doit être infernal à mettre. Il finit quand même par trouver comment soulever le haut. Il retire le costume avec précaution. Il ne faudrait pas aggraver la situation ou lui faire mal. Il se retrouve avec le vêtement tâché de sang. Sans trop savoir quoi faire. Sans trop connaître l’étape suivante. Il cherche du regard un endroit où poser le costume. Il ne veut quand même pas le laisser traîner sur son beau canapé. “Et maintenant ? Je le mets au lave-linge à 30° pour enlever le sang ou je m’occupe de vos blessures ?” Il a besoin d’être guidé. Il a besoin qu’on lui donne des instructions. Il veut bien faire, le petit Jared. Il est juste émerveillé par un héros. Il est juste déboussolé par ce qui lui arrive.
Si le coursier appelait une ambulance, Daredevil serait dans une mauvaise posture. Il refusa donc la chose, mais il n’ajouta rien aux propos du plus jeune. On repassera sur le comportement normal. Maintenant le plus important était de partir d’ici pour pouvoir être soigné. Se concentrant sur ses sens et en particulier son ouïe, Matthew chercha l’endroit le plus proche qui lui permettrait d’avoir une pause. Le premier endroit fut l’appartement de Foggy. Ce dernier lui en voudrait certainement, mais tant pis. C’était le lieu le plus proche et il savait que son ami aurait de quoi pouvoir le soigner. Indiquant finalement la direction à l’autre homme, il apprécia son aide pour pouvoir marcher. L’entendant parler de brancard, il roula des yeux, mais n’ajouta rien. Ce type avait de l’humour et savait utiliser le sarcasme, mais en cet instant, il ne voulait pas en parler, parce que ça voulait dire qu’ils n’avanceraient plus. Indiquant combien de temps de marche ils auraient, Matt resta silencieux. Il voulait préserver sa respiration le plus possible et faire en sorte de retenir la douleur qu’il ressentait dans tout son corps. Oh, il allait devoir pendant une journée entière minimum pour reprendre toutes ses forces. Donnant finalement l’adresse exacte, ils finirent par y arriver et l’avocat fut soulagé. Dos au mur, il entendit Jared prendre la clé sous le paillasson avant d’ouvrir la porte. Une fois fait, Daredevil suivit les mouvements du plus, pour pouvoir enfin s’asseoir dans le canapé.
Il entendait les questions et remarques de Jared, mais il prit d’abord le temps de se poser tranquillement. Grimaçant, il récapitula mentalement le combat, pour savoir où il avait exactement été touché. Pas mal de blessures à réparer, mais c’était faisable. Il l’entendait toucher ce qui était dans l’appartement, mais il n’avait pas envie de lui dire d’arrêter. Il croisait surtout les doigts pour qu’il ne casse rien. Cependant, il fut surpris quand Jared lui indiqua qu’il fallait le déshabiller. Non, il ne pouvait pas voir son visage. Malheureusement le coursier étant valide, il est plus rapide et Matthew se doit de se laisser faire. Tournant la tête, il fait en sorte que son visage soit le moins visible possible. Se retrouvant sans son costume, il grogna à cause du froid qui s’abattit sur sa peau. En poursuivant le voleur, il avait forcément eu chaud et là son corps lui faisait regretter de s’être battu de la sorte. Aux questions du garçon, il soupira doucement.
Laissez tout par terre. Allez dans la salle de bain, il y a une trousse de premier secours, ça devrait suffire pour me soigner.
Le laissant s’en occuper, Matt se leva doucement, pour se rendre dans la chambre de Foggy. Il savait qu’il ne trouverait rien qui conviendrait, vu qu’ils n’avaient pas les mêmes gouts vestimentaires, mais ça n’était pas ça le plus important. Attrapant un sweat à capuche, l’avocat l’enfila et se préoccupa surtout de la capuche qu’il rabattit sur son visage avant de revenir dans le canapé.
Vous trouvez ?
Il ne savait pas si Jared avait décidé de vérifier tout ce qu’il y avait dans la salle de bain, mais il voulait juste s’assurer que tout allait bien.
Pas la peine de fouiller, ça n’est pas mon appartement.
Peut-être que comme ça au moins il reviendrait. Il pouvait déjà imaginer la déception chez le coursier, mais ça pouvait être amusant de l’entendre lui dire qu’il lui avait promis d’aller dans l’hôpital des super héros et qu’il lui avait mentit.
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Mar 2 Fév - 2:01
