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 LYNCHARDSON ·· don't come to my rescue [Terminé]

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don't come to my rescue


Il avait été stupide. Il se le répétait sans arrêt depuis qu'il était arrivé à l'hôpital, son bras droit tailladé par de larges coupures. Jimmy commençait à connaître presque par cœur les couloirs, il était déjà dégoûté de la couleur des blouses de patients, du papier peint trop formel des chambres. Assis dans la salle d'attente, il pressait sa blessure sans pour autant réussir à arrêter le flot de sang. Des gouttes écarlates venaient habiller le carrelage, et le bout de ses chaussures. Il jeta un regard autour de lui, observant les différentes urgences : une femme enceinte, qui semblait à bout de nerfs ; un petit garçon avec son père ; un couple dans la fleur de l'âge ; il y en avait pour tous les goûts. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Dans une heure, il avait cours d’iconographie, et il allait sans aucun doute le rater. Il lâcha son bras, laissant jaillir une gerbe de sang qui vint maculer son tee-shirt, sortit son portable et envoya un texto à Aaron, le priant de prendre le cours pour lui. Jimmy évita les détails. Il n'était pas question de parler des deux heures libres qu'il avait, de l'occasion saisie pour exercer son don de mimétisme, du jonglage de couteaux dans sa propre cuisine. De l'échec pitoyable qui le conduisait dans la salle d'attente de l'hôpital. D'abord, parce que personne ne savait qu'il était mutant, à part Teddy ; ensuite, parce que c'était vraiment un accident ridicule.

Le rouquin jetait des regards inquiets, à droite à gauche. Andrew, son petit ami depuis maintenant quatre ans, travaillait en tant qu'infirmier au sein même de ce service. S'il le voyait ici, ensanglanté, il prendrait peur, viendrait s'occuper de lui. Il lui demanderait sans aucun doute ce qu'il s'était passé. Et comment avouer à l'homme de sa vie, dont le frère et la mère sont morts à cause des mutations, que c'est exactement la même chose qui amène Jimmy ici aujourd'hui ? C'était hors de question. Jimmy se leva, la main à nouveau pressée sur son bras. Il avait perdu un peu de sang, entre chez lui et l'hôpital, bien que leur appartement soit à seulement quelques rues. Il était plus pâle qu'à l'accoutumée, sa tête commençait à tourner. « Excusez-moi, quelqu'un pourrait venir s'occuper de moi ? Je ne vais pas très bien ... » Il cilla plusieurs fois, l'infirmière leva à peine les yeux vers lui. Elle semblait complètement débordée. Elle était probablement nouvelle ici, et apprenait tout juste à gérer les urgences – elle répondit, la voix teintée de panique. « Personne ne va bien, monsieur, c'est un hôpital ! » Jimmy soupira et retourna s'asseoir. Qui fallait-il payer pour être recousu et partir de là au plus vite ? Coincé dans son fauteuil, le jeune étudiant commença à réfléchir à l'histoire qu'il pourrait raconter : un accident idiot, il cuisinait et a glissé sur le sol ? Il utilisait le couteau pour émincer je ne sais quel légume, et a fini par courir avec pour éteindre le four ? Il ne pouvait définitivement pas raconter la vérité. Dire qu'il avait lancé une vidéo de jonglage sur son portable, s'était mis à lancer couteau, fouet, spatule et ciseaux dans les airs avec l'adresse d'un homme de cirque, avant d'être distrait par un coup de fil et d'avoir complètement perdu sa nouvelle compétence extraordinaire, ça ne semblait pas être la version la plus logique. Il aurait fini à l'étage des malades mentaux.

« Merde » cracha-t-il pour lui-même, tandis qu'une flopée d'infirmiers et d'aide-soignants passaient près de la salle. Il avait reconnu Andrew : il reconnaîtrait Andrew entre mille. Pourtant, c'était pas un grand gaillard, il touchait pas le plafond de la paume de la main, mais il avait sa carrure à lui, ses cheveux de jais et sa démarche un peu crapule. Il entendit son rire, et il y était tellement habitué, à ce son là, qu'il tiqua directement. S'enfonçant contre son dossier, au maximum, il vit au ralenti, comme on voit un accident se produire sans rien pouvoir n'y faire, l'infirmière de la salle d'attente interpeller Andrew, son Andrew, et pointer Jimmy du doigt. Le rouquin vit le visage de son compagnon changer, son sourire disparaître. Et en quelques secondes, il était juste à côté. « Andrew ! T'en fais pas, c'est rien. J'ai eu un petit accident de cuisine ! » Ses lèvres s'étirèrent en une tentative pour le rassurer. « Tu as sûrement des patients plus importants à voir. » fit Jimmy doucement. Il ne voulait pas donner l'impression de refuser l'aide d'Andrew. D'un autre côté, il ne voulait pas que son copain soit là, il ne voulait pas qu'il lui pose des questions. Parce que merde, il ne voulait pas lui dire qu'il était mutant.

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Andrew passait une journée agréable. Une de ces rares journées à l’hôpital où tout se passait bien. Il n’avait pas eu de cas violents, pas de morts dans ses patients. Il avait juste dû s’occuper d’un jeune garçon un peu trop casse-cou qui s’était cassé le bras en faisant du skateboard. Celui-ci avait à peine quinze ans et était souriant, agréable. Bien sûr, il grimaçait dès que l’on manipulait son bras mais, au final, cela avait été un patient facile. Il lui rappelait son frère disparu, toujours souriant posant un regard confiant et innocent sur le monde. Cela lui avait donné une bouffée d’air frais mais aussi un pincement au cœur. Joshua lui manquait tellement… Et bien que Jimmy – son cher Jimmy – avait comblé ce vide dans son cœur, il ne pourrait jamais le réparer. Cette blessure resterait à jamais une plaie béante, sanguinolente et ouverte. Mais, chaque jour, un pas après l’autre, il apprenait à vivre avec. Il arrivait maintenant à regarder la photo de son petit frère qu’il gardait précieusement dans son portefeuille – à côté de celle représentant Jimmy et lui – sans pleurer. Un sourire triste se dessinait sur son visage mais aucune larme ne coulait désormais et tout cela grâce à cet homme qui l’avait connu avant cet événement, qui l’avait soutenu. Sans lui, il ne serait sans doute pas là, à aider des gens. Non. Il aurait sûrement fini comme son père, à essayer d’oublier dans l’alcool. Il n’avait plus que Jimmy à présent.

« Hé, Andrew ! » Le susnommé releva le visage du dossier d’un patient qu’il vérifiait avant de voir son collègue, Max, le héler. « On va déjeuner, tu viens ? » Il lui envoya un sourire avant d’écrire les dernières constantes dans le dossier et de le refermer. « Ouais, j’arrive ! » Il se releva et suivit ses collègues vers l’entrée des urgences afin d’aller au petit café qui se situait juste à côté de l’hôpital. Il rigola une nouvelle fois à l’une des nombreuses bêtises balancée par Max. Celui-ci ne pouvait s’empêcher d’être le boute-en-train de la bande. C’était sûrement pour cela qu’il était l’un des infirmiers préféré du service.

Sa marche fut interrompue par l’infirmière des urgences. Grommelant, Andrew se tourna vers Hélène. « C’est ma pause déjeuner, personne ne peut s’en occuper ? » Celle-ci fronça les sourcils de mécontentement. Elle avait plutôt l’habitude qu’on lui obéisse. Même si elle était jeune à l’hôpital, son caractère bien trempé et ses réparties bien placées faisaient en sorte qu’elle soit assez respectée à l’hôpital. « Tu penses que je n’aimerais pas non plus prendre une pause déjeuner, hum ? Mais il y a des patients et les urgences sont débordées. » Le jeune homme fronça les sourcils à son tour. Ce n’était pas son putain de problème mais avant qu’il n’ait pu répliquer, Hélène lui indiqua un jeune homme dans la salle d’attente. Il se tourna, par automatisme sans doute, et reconnut tout de suite Jimmy. Son Jimmy. Avec du sang sur lui et son teint plus pâle qu’à l’accoutumé ce qui était, en soit, un miracle vu sa peau blanche de rouquin. En une seconde, il fut sur Jimmy qui commença à protester avec une tentative de sourire aux lèvres mais Andrew n’était pas dupe.

« Andrew ! T'en fais pas, c'est rien. J'ai eu un petit accident de cuisine ! » Accident de cuisine mon cul ! Les entailles étaient, heureusement, moins profondes qu’il ne le pensait en voyant tout ce sang. Hélène avait dû le laisser se vider sur sa chaise pendant un bon moment. Il ne put s’empêcher de jeter un regard noir à l’infirmière de garde. Putain… Qu’est-ce qu’il avait foutu pour être dans cet état ? « Tu as sûrement des patients plus importants à voir. » Andrew releva des yeux dans lesquels l’inquiétude et la colère de ne pas avoir été là pour aider Jimmy se battaient. « Arrête de dire des putains de conneries, O’Lynch, et suis moi dans une salle pour t’ausculter. » Il ne pouvait s’empêcher d’utiliser le nom de famille de Jimmy quand il était nerveux, ou énervé, et son langage de charretier ressortait automatiquement. Les bonnes vieilles habitudes ont la vie dure, comme on dit. Sans attendre qu’il obéisse, il lui attrapa le bras faisant pression sur l’artère au niveau du coude afin d’empêcher le sang de ne trop s’écouler. Il fit un vague signe à Hélène lui montrant dans quelle salle il irait.

Arrivé dans la salle, il ordonna plus qu’il ne demanda à Jimmy de s’asseoir sur la table d’auscultation, préparant déjà la transfusion de sang et le nécessaire afin de le recoudre. Il savait qu’il aurait dû appeler un médecin ou même un internet pour faire ce genre de boulot mais il était hors de question que quiconque à part lui touche Jimmy. Autoritaire et possessif ? Sûrement. Hyperprotecteur ? Sans doute. Mais il ne pouvait s’empêcher de sentir encore dans ses veines la panique de voir Jimmy couvert de sang. Cela le replongeait dans de trop mauvais souvenirs. Il sentit ses mains trembler. Et il s’arrêta, attrapant le comptoir qui était contre le mur, dos à Jimmy. Il prit une grande inspiration avant de reprendre la poche de sang avant de se retourner et d’enfoncer l’aiguille dans le bras valide de son petit-ami. « Bordel de merde, Jimmy… Tu vas me dire ce qui t'es arrivé ou il faut que je t’y force ? Et me balance pas ces conneries d’accident de cuisine. » Il lui jeta un regard noir, avant d’apporter le plateau pour le recoudre et de s’asseoir sur un tabouret à roulette.
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Jimmy se perdait un peu dans le regard d'Andrew. Il avait perdu un peu trop de sang, peut-être ; et la salle d'attente tournait. Il voyait une lueur d'inquiétude dans les yeux de son amant, et cette petite flamme sortit de ses iris pour venir danser sur ses joues et mourir sur ses lèvres. Jimmy ferma les yeux, prit une grande bouffée, essayant de chasser les hallucinations que sa fatigue et sa blessure lui donnaient. « Arrête de dire des putains de conneries, O'Lynch, et suis moi dans une salle pour t'ausculter. » Il ne se fit pas prier, et si les paroles d'Andrew se perdaient un peu, il fut ravi que l'infirmier lui serre le bras, compressant sa blessure, et l'amène dans une salle d'examen. Il aurait dû manger un peu plus ce matin, il aurait dû éviter de jouer aux cons.

Assis sur la table, le rouquin se sentait patraque. Il voulait tout déballer à Andrew, lui dire sa mutation et lui expliquer les circonstances de son accident – preuve qu'il n'avait pas les idées claires – mais il se tut, plus par réflexe que par acte conscient. Andrew s'affairait dans un coin de la pièce. Jimmy le voyait de dos, et il entendit ses respirations brèves, avant qu'il n'inspire une grande bouffée : il avait peur. Évidemment qu'il avait peur. Il avait déjà perdu toute sa famille, et il avait vu son petit ami ensanglanté, qu'il le veuille ou non, il s'était probablement imaginé des choses. Des scènes trop gores, trop violentes, qui appartenaient à un autre temps. Il se retourna, le visage grave mais les yeux secs, avant de piquer la peau déjà blafarde de Jimmy. « Bordel de merde, Jimmy... Tu vas me dire ce qui t'es arrivé ou il faut que je t'y force ? Et me balance pas ces conneries d'accident de cuisine. » Le rouquin sentait le sang affluer à la veine, il reprenait des couleurs, et sortait doucement des vapes dans lesquels il était plongé depuis que son tee-shirt avait été tâché de gerbes écarlates, quelques minutes plus tôt. Il exposa son bras alors qu'Andrew ramenait le nécessaire pour faire des sutures : il l'avait vu s'entraîner de nombreuses fois, et encore chez eux, parfois, il retrouvait des bananes dont la peau avait été recousue sur le fruit. Il aurait aimé sourire, mais la douleur l'y empêchait, ainsi que la situation dans laquelle il se trouvait. Une situation des plus délicates.

Il ne pouvait pas dire la vérité à Andrew. Il ne pouvait pas lui avouer qu'il était un mutant, c'était hors-de-question. Alors quel choix lui restait-il ? Quelle possibilité s'offrait à lui, quelle histoire son petit copain pourrait croire ? Il se tut un moment. Quand il reprit la parole, sa voix tremblait. « J'ai cru … » Jimmy laissa ses lèvres frémir de crainte, il baissa les yeux sur ses chaussures. Instinctivement, il se voûtait – putain qu'il allait se détester. « J'ai cru que je pourrai me soigner. » Il ne pleurait pas, à proprement parler : il n'y avait ni trémolos, ni secousse inopinée, mais une larme ou deux venaient néanmoins frapper le dos de sa main indemne, sagement posée sur ses genoux. Jimmy n'était pas du genre à pleurer sur commande, il n'en avait jamais eu l'usage. Avant de découvrir et cacher sa mutation au reste du monde, il n'avait que peu menti. Ça n'était pas dans ses habitudes, et il se serait pensé bien pire acteur qu'il ne l'était en réalité. Mais le rouquin se détestait assez de raconter ces conneries, pour que ça le blesse, pour qu'il en lâche une larme ou deux. « Je croyais être un mutant, Andrew. » Il releva les yeux, accrocha le regard de son amant. Il y avait tellement de vrai dans cette phrase, tellement de lui, qu'il fit confiance à son visage dévasté pour convaincre Andrew. « Je devais en avoir le cœur net. » Il essuya salement les sillons sur ses joues, renifla un bon coup et garda le silence, laissant les mains d'Andrew faire machinalement leur travail. Qu'aurait-il pu dire de plus ? Il s'était approché au plus près de la vérité, et il n'était pas prêt à raconter le reste maintenant. A raconter l'histoire entière. Andrew devrait s'en contenter.

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Doucement, il sortit la seringue qu’il avait amené et piqua dans le bras de Jimmy afin d’insensibiliser son bras. Bon Dieu… Qu’avait donc fait son amour pour arriver à cette blessure ? Quelqu’un l’avait-il attaqué et le jeune homme n’osait pas lui dire à cause de son passif ? De peut qu’Andrew ait une réaction violente ? Si c’était le cas, il avait sûrement raison et n’hésiterais pas à tuer ces pourritures qui avaient fait du mal à l’homme de sa vie. Il fronça les sourcils sous la colère. Il ne devait pas faire de conclusions trop hâtives mais il ne pouvait s’empêcher de sentir l’adrénaline courir dans ses veines à l’idée que Jimmy ait été blessé par autrui. Il posa son regard sur le jeune homme en face de lui. Il avait l’air de reprendre des couleurs, la transfusion devait sûrement lui faire du bien et cela le rassura au fond. Il préférait son petit-ami comme ça, les joues roses. Il adorait le voir rougir quand il le taquinait un peu trop. Un sourire naquit sur ses lèvres en repensant à l’époque où ils n’étaient pas encore ensemble et passaient leur temps à flirter. Ces moments lui manquaient parfois. C’était le début, « la chasse » comme aimait parfois penser Andrew, et il était nostalgique de cette époque de paix où sa famille était encore en vie.

Il prit une grande inspiration, se sortant de ses pensées qui dérivaient vers un sujet un peu trop sensible. Il releva les yeux vers ceux de son vis-à-vis qui restait muet. Pourquoi Jimmy n’osait pas lui dire ? Mais le jeune homme ne laissa pas le temps à ses idées de dériver. Il prit la parole d’une voix tremblante. « J'ai cru … » Il s’interrompit alors que ses lèvres frémissaient. Il baissa son regard sur ses chaussures avant d’instinctivement se vouter. Merde… Était-ce si grave que cela pour que Jimmy prenne autant de précautions ? Andrew déposa ses ustensiles pour le recoudre sur la table prévue à cet effet avant d’attraper la main de Jimmy. « Tu peux tout me dire, honey. Tu sais que je t’aime, non ? » Il s’en serait presque voulu d’avoir été aussi virulent plus tôt mais il avait été si inquiet en voyant tout ce sang. Son univers se résumait à Jimmy. Bien sûr, il avait des amis, des collègues… etc. Mais Jimmy était spécial, il l’avait toujours été. Depuis le premier jour. « J'ai cru que je pourrai me soigner. » Se soigner ? Mais de quoi il parlait ? En voyant, les larmes sur les joues du jeune homme. Il tendit son autre main vers son visage le prenant en coupe. D’un geste du pouce, il effaça ses larmes. Ou voulait-il en venir ?

Jimmy ne pleurait pas facilement, bien au contraire. C’était quelqu’un de fort et pourtant, là, il craquait. Le cœur d’Andrew se serra à cette vision. Ce n’était pas normal. « Je croyais être un mutant, Andrew. » Celui-ci sentit son souffle se couper face à cette réalisation. Son cœur manqua un battement ou deux en entendant ce mot. Mutant. Bordel de merde… Comment aurait-il réagi si cela avait vraiment été le cas ? Aurait-il pu faire abstraction de sa haine pour ces êtres qui avaient détruits sa famille ? Sa respiration s’accéléra encore un peu plus tandis que les yeux de Jimmy s’accrochaient aux siens. Il avait l’air si… dévasté. Pourquoi était-il si dévasté si ce n’était pas le cas ? Serait-il … ? Non. Il venait de lui avouer le contraire. « Je devais en avoir le cœur net. » Le jeune homme essuya les autres larmes présentes sur son visage avant de renifler un bon coup.

Le silence prit place, pesant.  Andrew n’était pas sûr de quoi dire alors il baissa les yeux sur son travail et recommença à le recoudre. Il attendit quelques secondes afin de se remettre les idées en place. Il finit par reprendre la parole alors qu’il recousait sa blessure. « Mais… » Il se racla la gorge, pas sûr si c’était la chose à dire. « Hum… Tu ne l’es pas au final, non ? » Il relève les yeux vers le visage de Jimmy où les traces de ses larmes sont encore présentes. « Jimmy… » Il soupire avant de retourner à la blessure. « Pourquoi tu as cru que tu étais un mutant ? Tu n’as jamais eu aucun indice alors que ça », il ne put s’empêcher de presque cracher le mot en repensant à son petit frère, « se déclenche à l’adolescence et je pense que tu as de loin passé cette période de ta vie, non ? » Il relèva la tête avec un petit sourire, essayant de détendre l’atmosphère, avant de retourner son visage vers le bas. « Qu'est-ce qui t'a fait penser tout ça ? Et pourquoi, merde, n'as-tu pas utilisé un moyen plus simple pour le vérifier ? » Il sentit un dilemme en lui qui se réveilla. Qu'aurait-il fait si Jimmy avait été un mutant ? S'il était un mutant ? Son cœur s’accéléra à la perspective. Non. Il n'était pas un mutant. Pas vrai ?



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Il n'y eut aucun bruit sinon celui des outils d'Andrew, et un moment il crut qu'il ne l'avait pas entendu. Avait-il imaginé son semi-mensonge ? Sa voix était-elle restée l'ombre d'un murmure ? Apparemment, non. « Mais... » commença Andrew. Il avait lâché ce mot faiblement, d'un ton qui n'était pas le sien. Il toussa, chercha à reprendre contenance. Jimmy avait toujours les yeux perdus sur ses chaussures, incapable de regarder dans ceux de son amant. « Hum... Tu ne l'es pas au final, non ? » Un froid mortel s'insinua chez le rouquin. Il l'était, oh oui il l'était – mais comment le dire ? Après une remarque comme celle-ci, où Jimmy devinait une certaine peur, comment avouer à son petit ami la vérité ? Il garda le silence, tétanisé. « Jimmy... Pourquoi tu as cru que tu étais un mutant ? Tu n'as jamais eu aucun indice, alors que ça, et il crut l'entendre vomir le mot, il y eut une larme de plus à la suite des précédentes, se déclenche à l'adolescence et je pense que tu as de loin passé cette période de ta vie, non ? » Du coin de l’œil, Jimmy voit Andrew sourire. Ses esquisses bienveillantes, il les pense maintenant pleines de menace. Que ferait-il ? S'il apprenait la mutation de Jimmy, l'aimerait-il encore ? Parce qu'il ne pourrait rien faire, non rien de plus, rien de bien, rien du tout sans Andrew à ses côtés. Il ne pouvait pas le perdre.

« Je ne sais pas... » souffla-t-il. « Je n'avais pas les idées très claires. » Les sutures tiraient sur sa peau mais il ne sentait rien. Il était obnubilé par le manège de son petit copain, par l'agilité avec laquelle il recousait la blessure. « Qu'est-ce qui t'a fait penser tout ça ? Et pourquoi, merde, n'as-tu pas utilisé un moyen plus simple de le vérifier ? » C'était pas faux. C'était pas con. Putain, il n'avait pas pensé qu'il aurait autant de réponses à donner ; son histoire était bancale. Il se mordit la lèvre, essuya les larmes du revers de sa manche. « C'est assez flou, mais... » Il renifla encore, gagna un peu de temps. « C'était pendant la soirée d'intégration de l'université, et j'étais bien saoul. J'ai fait le con avec Aaron, et j'ai cru m'être ouvert le genou, y avait du sang sur mon jean, et puis j'avais super mal. » Il fuit toujours le regard de son amant, il ronge les ongles de sa main libre – ce mensonge lui vient trop facilement, il n'aime pas ça. Il déteste être malhonnête avec Andrew. « Mais mon genou était propre. La douleur était partie aussi vite qu'elle était venue. Alors j'ai cru... j'ai cru m'être guéri. »

Enfin, il plonge ses iris dans celles de son vis-à-vis. Ils ne parlent jamais de mutants, ou bien peu, et maintenant que le sujet est lancé, peut-être que le rouquin pourrait en profiter ? Tâter le terrain. Après tout, il compte faire sa vie avec son infirmier. Il devra lui avouer un jour ou l'autre. « J'ai sûrement été trop extrême dans ma vérification... » Il lâche un petit rire, le genre discret, gêné, qu'il avait déjà lorsque Andrew flirtait avec lui, quand il avait que quatorze balais et aucune confiance en lui. « Mais je voulais être certain. Je devais savoir. » Finalement, sa main libre se pose sur l'épaule d'Andrew. Il veut qu'il le regarde. Il veut pouvoir lire dans ses yeux ce que son cœur pense vraiment, savoir si un futur est toujours possible entre eux – même quand il saura. « Parce que tu aurais pu me quitter, si j'avais été mutant. » Cette fois, il ravale ses larmes. Il va devoir apprendre à être fort. « Et sans toi, moi, je suis pas grand chose. » conclut-il, déposant un baiser sur le front de son petit ami.

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Andrew se concentrait sur son travail, essayant de faire de son mieux afin que Jimmy n’écope pas de cicatrice. Il voulait que ce soit parfait, que le corps de son petit-ami reste immaculé et que l’un ou l’autre n’ait aucun souvenir de cet événement à chaque fois qu’ils verraient cette zébrure sur son bras. Il attendait qu’il prenne la parole, qu’il le rassure, car même s’il avait sous-entendus qu’il n’en était pas un, la peur restait au fond de ses entrailles, comme une pensée sourde qui l’obsédait. Du coin de l’œil, il vit le jeune homme essuyer ses larmes qui restaient de sa manche. « C'est assez flou, mais... » Il renifla. Son regard était presque perdu. Andrew fronça les sourcils. Il n’avait plus vu Jimmy aussi peu sûr de lui depuis des années. Au fur et à mesure de leur relation, le jeune homme avait appris à prendre confiance en lui-même, en ses capacités, et surtout en face du Richardson. Ils n’étaient pas du genre à hésiter. Bien au contraire. Ils étaient franc l’un envers l’autre et le voir hésiter ainsi n’était jamais bon signe. « C'était pendant la soirée d'intégration de l'université, et j'étais bien saoul. J'ai fait le con avec Aaron, et j'ai cru m'être ouvert le genou, y avait du sang sur mon jean, et puis j'avais super mal. » Les sourcils de l’infirmier se froncèrent un peu plus tandis qu’il se concentrait sur son travail. Il n’avait aucun souvenir de Jimmy revenant ce soir-là. Il avait voulu l’attendre afin de voir s’il rentrait bien de cette soirée d’intégration, mais il avait fini par s’endormir devant la télé après une garde éreintante à l’hôpital. Il lui serait impossible de confirmer ses dires ou non.

Il se relèva afin d’aller chercher le nécessaire pour panser sa plaie dans l’armoire avant de revenir s’asseoir en face de son petit-ami qui se rongeait les ongles de sa main valide. Pourquoi était-il aussi nerveux face à lui ? Il désinfecta doucement la plaie afin de ne pas lui faire mal. Il avait conscience qu’il avait déjà insensibilisé son bras et qu’il ne devrait rien sentir mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Il refusait de lui faire du mal. « Mais mon genou était propre. La douleur était partie aussi vite qu'elle était venue. Alors j'ai cru... j'ai cru m'être guéri. » Ses mâchoires se serrèrent face à cette phrase. Avait-il bu autant d’alcool pour avoir inventé cette histoire ? Tout ça ne collait pas. Jimmy avait toujours été quelqu’un de responsable qui n’allait jamais jusqu’à ne plus pouvoir se souvenir des événements. Bien sûr, il était jeune et étudiant mais il n’allait pas au point d’avoir des… hallucinations.

Il releva les yeux vers son vis-à-vis qui plongea ses iris dans les siennes. Il pouvait sentir toute l’intensité qui s’en dégageait. Andrew pouvait sentir que toute cette conversation avait une importance, sans savoir pourquoi. « J'ai sûrement été trop extrême dans ma vérification... » Oui, peut-être que ce n’était rien. L’alcool aidant. Mais l’infirmier avait du mal à y croire. Il ne savait pas pourquoi. Le jeune homme laissa échapper un rire gêné, comme si toute la confiance qu’il avait accumulé durant ses années avait disparu. « Mais je voulais être certain. Je devais savoir. » Pouvait-il lui en vouloir ? Pouvait-il en vouloir à son peti-ami, vu la situation, de vérifier s’il était vraiment un mutant ? Après tout, Andrew n’avait jamais caché son aversion pour les mutants mais surtout la mutation qui avait emporté sa mère et son frère. Si la situation avait été inversée, n’aurait-il pas voulu savoir lui aussi ?

L’infirmier baissa les yeux sur la blessure qu’il finissait de panser. Alors… était-ce de sa faute ? Avait-il provoqué cette blessure chez l’amour de sa vie à cause de ses convictions ? Il sentit la culpabilité le prendre la gorge, la nouant. Merde… Il ne pensait pas qu’un jour ses convictions pourraient provoquer une telle situation. Il sentit la main de Jimmy se poser sur son épaule, attirant son regard dans celui de son vis-à-vis. « Parce que tu aurais pu me quitter, si j'avais été mutant. » Bordel de merde… Tout ça était vraiment sa faute… Il avait provoqué tout ça. Mon Dieu… Il vit le rouquin ravaler ses larmes. Larmes qui étaient là à cause de lui. « Et sans toi, moi, je suis pas grand chose. » conclut-il, déposant un baiser sur le front d’Andrew. Celui-ci ferma les yeux, profitant de ce geste tendre. Il lâcha le bras de Jimmy, se releva et s’éloigna doucement de lui de quelques pas, presque en titubant. La culpabilité commençait à l’étrangler. Des larmes commencèrent à venir à ses yeux. Il ferma ses paupières, comme pour emprisonner les larmes derrière ses paupières. Il ne voulait pas qu’il le voit comme ça mais il ne pouvait s’en empêcher.

Il inspira un grand coup, regardant toujours le sol avant qu’il ne relève ses mains pleines de sang viennent devant ses yeux. Le sang de Jimmy. « C’est moi… » Il releva les yeux sur la blessure au bras du rouquin. « C’est moi qui t’ais fait cette blessure. C’est à cause de moi que tu t’es blessé. » Il serra les poings tandis qu’il lui tourna le dos. Il se rapprocha de la porte près à partir mais se retint. Il ne pouvait pas partir comme ça. Il enfonça son poing dans le mur. Il ne fit même pas attention à la douleur qui se propagea jusqu’à son coude. Il ramena sa main vers son torse, observant les dégâts. Il n’avait sûrement rien de casser mais mettre de la glace dessus ne serait pas du luxe.

D’un coup, il se retourna vers Jimmy, s’élançant vers lui avant de le prendre dans ses bras. Il le serra, sûrement trop, lui faisant du mal sans le vouloir. « Tu es ma lumière, Jimmy. Tu l’as toujours été. Tu m’as sauvé et je… » Il retint le sanglot qui voulait passer la barrière de ses lèvres. Il accentua son étreinte, cachant son visage dans son cou. Il prit une grande respiration, gorgeant son nez de son odeur ce qui le calma un tant soit peu. « Je te fais souffrir… Tellement souffrir. Comment peux-tu encore rester là ? Avec moi ? Je suis brisé... » Il ne savait pas comment réagir face à toute cette situation. Il se sentait perdu. Il s’éloigna un peu de lui, plongeant son regard dans celui de son vis-à-vis. Il prit son visage en coupe, frottant ses joues de ses pouces. « Je t’aime, sache-le. Cette maudite mutation n’existe pas. Elle ne peut pas nous détruire comme elle l’a fait avec ma famille. La question ne se pose pas. » Il eut un sourire doux avant d’embrasser délicatement les lèvres de Jimmy, lui donnant tout l’amour qu’il avait pour lui. Il savait qu’il parlait de la mutation comme d’une personne mais c’était ce qu’elle était pour lui. C’était un monstre qui détruisait des gens, des familles… Il n’avait jamais pu haïr son petit frère, c’était sa mutation qu’il avait haït et qu’il haïssait encore aujourd’hui.


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Il n'y a pas grand-chose à lire sur les paupières closes d'Andrew, et la frustration s'empare de Jimmy. Il voudrait savoir si sa mutation allait être un problème – il avait déjà des doutes, déjà une opinion. Mais il aurait aimé lire dans les yeux de son vis-à-vis un calme, une tranquillité qui l'aurait rassuré. Qui aurait chassé ses interrogations et ses craintes. Au lieu de cela, Andrew se lève et lui tourne le dos. Il ne peut pas voir son visage, à peine entend-il la voix faible de l'infirmier. « C'est moi... C'est moi qui t'aie fait cette blessure. C'est à cause de moi que tu t'es blessé. » Pour n'importe qui d'extérieur, Andrew faisait crapule. Il avait les bras tatoués et les cheveux sauvage, un regard dur et une démarche chaloupée, le genre de démarche de ceux qui viennent des quartiers sensibles. Jimmy avait appris, en quatre ans, que cette image n'était en réalité qu'une carapace. Andrew était fragile. Il avait perdu tellement, qu'il essayait sans cesse de se détacher du reste du monde, de ne pas trop ressentir, pas trop s'attacher – et il y arrivait, la plupart du temps. En revanche, quand il s'agissait du rouquin, Andrew perdait facilement pied. Jimmy se sentit coupable à son tour : coupable de lui infliger ça, de lui mentir, d'être mutant.

L'infirmier s'approcha de la porte, et un moment, l'étudiant pensa que son petit ami allait le planter là. Il était soigné, après tout. La plaie sur son bras était recousue, il n'y avait rien d'autre à faire. Il aurait pu partir mais il n'en fit rien. Il frappa le mur, à la place – avec violence. Le bruit sourd fit sursauter Jimmy. Soudain, il fit volte-face et Jimmy vit ses yeux, il vit une détresse qu'il ne connaissait que trop bien. Il se rua dans ses bras. « Tu es ma lumière, Jimmy. Tu l'as toujours été. Tu m'as sauvé et je... » Il aurait voulu le réconforter. Le prendre dans ses bras en lui disant que tout irait bien ; après tout, c'est ce qu'il avait fait durant toutes ces années. Il avait endossé le rôle du gamin responsable, du jeune adulte qui faisait tout comme il fallait. Qui prenait soin des siens, et qui ne commettait pas d'écarts. Il cachait sa mutation pour la même raison, pour ne pas blesser ses parents, ne pas blesser Andrew. Pour ne pas accepter qu'il avait changé, irrémédiablement. Le rouquin pourtant ne bougea pas d'un pouce, trop étonné de cette réaction, trop choqué aussi. « Je te fais souffrir... Tellement souffrir. Comment peux-tu encore rester là ? Avec moi ? Je suis brisé... » Jimmy restait interdit, le souffle court – pourquoi se blâmait-il autant, quand c'était Jimmy qui avait des choses à se reprocher ? Andrew desserra son étreinte et fit face à Jimmy. « Je t'aime, sache-le. Cette maudite mutation n'existe pas. Elle ne peut pas nous détruire comme elle l'a fait avec ma famille. La question ne se pose pas. » Il avait les larmes au yeux, le rouquin. La question se posait. La mutation existait. Mais après une telle crise de panique, une telle culpabilité, il ne pouvait pas lui avouer. Il n'avait pas le droit de tout ruiner comme ça.

Les lèvres d'Andrew vinrent se poser avec douceur sur celles du rouquin. Il ferma les paupières, savourant un moment cette danse intime qu'ils partageaient depuis maintenant quatre ans. Jamais il ne s'était lassé de son petit ami, de ses baisers, de ses caresses. Jamais il n'avait songé aller voir ailleurs, vivre autre chose. Il s'était construit avec Andrew, et d'une certaine manière, il était convaincu de l'avoir aidé à se construire aussi. Ils ne formaient qu'un, ils étaient symbiose et il ne serait pas celui qui romprait leur lien. Il ne pouvait pas. « Tu as raison, concéda-t-il dans un souffle, le cœur au bord des lèvres. Je suis désolé. » Il tente un sourire mais il n'y arrive pas. Alors il préfère poser sa main sur la joue d'Andrew, caresser tendrement sa peau et ses cheveux du bout des doigts. « Je t'aime, j'aime tes cassures et tous les petits bouts de toi qui sont encore brisés. On se construit ensemble. On te reconstruit, ensemble. » Il pose un nouveau baiser léger sur les lèvres de son petit ami. « Ensemble. » fait-il dans un souffle.

Et soudain, la porte s'ouvre à la volée. Jimmy laisse tomber ses mains sur le côté, embarrassé par l'intimité qu'ils partageaient. Il tousse, tourne la tête vers l'infirmière qui vient de les interrompre. « Andrew, on a une urgence ! » Et elle repart aussi sec. Il y a de l'agitation dans l'hôpital – le rouquin ne l'avait pas entendu, pas remarqué avant d'être aussi brusquement ramené à la réalité. Sans plus de concession, son infirmier le délaisse et ouvre la porte de la salle, curieux de voir ce qu'il s'y passe. Jimmy est descendu du lit d'auscultation, son bras le tire mais il s'en sortira sans dommage. Une petite cicatrice, peut-être. Il suit Andrew, jette un coup d’œil. Le spectacle est sanglant. Il y a une petite fille qui hurle, et son père qui l'appelle. Ce dernier a plusieurs compresses fermement attachées à ce qui reste de son bras, mais le sang gicle quand même, par gerbes. « On se voit ce soir. » fait Andrew, sans même le regarder. Il n'a plus rien de l'homme qui venait de faire une crise de panique, presque en larmes quelques minutes plus tôt. Jimmy hoche doucement la tête, regarde l'infirmier s'habiller et s'apprêter auprès du père. Le rouquin devrait partir. La discussion a été écourtée, ils n'en reparleront sûrement jamais – cet incident appartient au passé.

Mais Jimmy a regardé la télévision ce matin. C'était une émission médicale, ou une série télé, il ne se souvient plus. Il a vu des chirurgiens opérer, il a vu des cas graves. Des amputations, des lacérations. Il sait comment les traiter ; il ne sait pas comment il le sait, mais ses mains s'agitent dans son dos et il est certain que face à la blessure, il pourrait agir de suite. A ce moment-là, il aurait dû ramasser son sac et partir en courant. Andrew était là. Il venait d'éviter le pire, cet accident venait de lui épargner la dure confrontation avec son petit ami, et s'il intervenait … et bien, s'il prenait les devants, non seulement il passerait pour un étudiant en arts complètement taré, qui se pense médecin sans aucune connaissance théorique, mais il se dévoilerait aussi aux yeux d'Andrew. Ce qu'il cherchait justement à éviter. Il aurait dû prendre ses jambes à son cou, pourtant il ne pouvait pas détourner le regard. Il savait quoi faire, merde ! Tourner le dos maintenant, c'était mettre ces gens, ces accidentés, en péril. Non, il y avait des chirurgiens compétents ici. Andrew savait ce qu'il faisait. « Il va falloir amputer ! » entendit-il alors qu'il était déjà sorti de la salle d'examen, qu'il se dirigeait déjà vers la sortie. Amputer ? Non, le bras pouvait encore être sauvé. Certes, il était bien amoché, mais il y avait une possibilité. Il l'avait vue ce matin à la télé. Putain, quelle connerie.

Jimmy jette son sac dans un coin, et s'approche d'un pas vif du lit où a été installé le père. Il hurle encore le prénom de sa fille, mais avec moins de force. Il perd trop de sang. « Vous n'avez peut-être pas besoin d'amputer. » dit-il avec conviction. Il parle avant même de réfléchir, ses mains se tendent vers le paquet de gants stériles et il en enfile une paire. Il va se faire virer de là – merde, il va perdre Andrew. Pourtant, il continue de déblatérer, comme si sa bouche ne lui appartenait plus. « Faites un garrot un peu plus bas que l'épaule, à hauteur du biceps. Un garrot ferme. Et commencez la transfusion, putain ! » Il a le regard alerte, les gestes précis – mais personne ne fait rien. Personne ne l'écoute. Alors le rouquin attrape le premier garrot pneumatique qu'il trouve, pousse une infirmière qui, décidément, prenait beaucoup trop de place, et le pose à la racine du membre sanguinolent. Il regarde l'horloge, énonce l'heure à laquelle le garrot a été mis, et s'occupe de transfuser le patient. D'ici une minute, probablement moins, il sera jeté hors de l'hôpital. Il n'aura pas pu aider ce père de famille, et il aura ruiné sa relation avec Andrew à tout jamais. C'était une chouette idée, Jimmy, vraiment brillante ! Mais il n'a pas le temps d'y penser. Il s'attelle et fait les examens, inconscient qu'autour de lui, l'équipe le regarde sans trop savoir ce qu'il fait. Certains lui intiment d'arrêter, d'autres lui demandent qui il est. Il sent une main sur son épaule, une poigne ferme qui le tire en arrière. Dès qu'il est éloigné du patient, le personnel hospitalier reprend son travail ; et Jimmy est perdu. Il sort de transe, il sort d'un état second où son corps agissait à toute vitesse, son cerveau tournait sans reprendre son souffle. Il lève des yeux hagards vers celui qu'il suppose être le chef de sécurité de l'hôpital. Mais c'est Andrew, qui l'a tiré en arrière. Andrew, qui le regarde maintenant. Jimmy ne peut pas supporter ce regard. Il baisse les yeux, et les claques mentales qu'il s'inflige pour avoir agi de la sorte sont exemplaires. Il a tout foutu en l'air.

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Doucement, il s’écarta de son petit ami. Il avait l’air si triste, si perdu. Se sentait-il coupable de sa réaction ? Jimmy n’était pas responsable. C’était lui. Il avait encore le goût du rouquin sur ses lèvres et il passa sa langue dessus, comme pour s’en imprégner. Il ne se lasserait sans doute jamais de lui, de sa présence. Il était essentiel. Cela faisait quatre ans et, pourtant, il ressentait encore ce besoin, fort, puissant, de Jimmy. La voix de celui-ci le ramena sur Terre. « Tu as raison, concéda-t-il dans un souffle. Je suis désolé. » Désolé ? Pourquoi ? Andrew fronça les sourcils face à ses paroles. Il ne comprenait pas ce qu’il voulait dire alors, il garda le silence. Espérant des explications. S’excusait-il pour avoir douté ? Pour cette expérience qui avait malheureusement mal fini ? Andrew ne lui en voulait pas. Comment pourrait-il alors que le rouquin s’inquiétait juste pour leur couple ? Non. Jamais il ne lui en voudrait.

L’étudiant tenta un sourire, mais n’y arriva pas. Doucement, tendrement, il posa sa main sur la joue d’Andrew avant de la caresser. L’infirmier appuya légèrement sa tête dessus avant de pousser un soupir de satisfaction. Le jeune homme avait toujours réussi à le rassurer, le calmer. Il était le seul capable de cet exploit… Que ferait-il sans lui ? « Je t'aime, j'aime tes cassures et tous les petits bouts de toi qui sont encore brisés. On se construit ensemble. On te reconstruit, ensemble. » Oui… Il avait raison. Ils n’avaient pas besoin de penser au passé ou même au futur. L’important, c’était eux. Maintenant. A l’instant présent. Peu importe ce qui s’était passé ou bien ce qui allait se passer, ils n’en étaient pas encore là et n’avaient pas à s’en préoccuper. Andrew se rendait maintenant compte que si sa vie avait encore un sens, si elle arrivait à continuer, c’était grâce à lui, uniquement grâce à lui. Un baiser léger se posa sur ses lèvres et il se retint de retenir Jimmy quand celui-ci s’écarta pour reprendre la parole. « Ensemble. » Oui, ensemble. Pour toujours, l’espérait-il.

Ils sont interrompus par la porte qui s’ouvrit d’un coup. Le rouquin laissa tomber ses mains d’un côté, sûrement embarrassé de se faire surprendre. Andrew, lui, ne laisse rien paraître. Il finit par se tourner vers l’infirmière et présenter un visage neutre. Il se fichait qu’on les surprenne. Il n’avait jamais eu honte de sa sexualité et encore de son couple avec Jimmy. Si quelqu’un avait un problème avec tout cela, il lui ferait comprendre sa façon de penser. Il serait prêt à tout pour défendre Jimmy et le couple qu’il formait avec ce dernier. Quand il vit le visage de la jeune femme, il reconnaît Molly, une jeune femme charmante avec qui il s’entendait bien. Elle était d’une douceur incomparable mais était très concentrée dans son travail.  « Andrew, on a une urgence ! » Elle n’attendit même pas une réponse de la part de l’infirmier et repartit aussitôt. Le plus âge tourna son visage vers le jeune homme avant de lui lancer un sourire contrit. Jimmy allait bien, il était guéri. Il pouvait maintenant retourner à son travail. Cela faisait maintenant trop longtemps qu’il était resté dans la salle d’auscultation pour une simple coupure, même importante. Sans même jeter un derrier regard à Jimmy, il s’élance vers les urgences et le spectacle n’est pas beau à voir : une petite fille hurlait tandis que son père l’appelait. Les médecins et infirmières hurlaient des ordres à tout va alors qu’ils s’occupaient de l’homme dont les restes de son bras giclaient des litres de sang. Il ne prit même pas la peine de regarder Jimmy tandis qu’il prend la parole. « On se voit ce soir. » Il enfila rapidement des vêtements et des gants stériles. Il oublia tout de ce qui venait de se passer. Jimmy, sa blessure, la pseudo mutation… Tout ça n’a plus d’importance. Maintenant il se concentrait uniquement sur cet homme. Un des médecins lui demandait de faire un garot ce qu’il s’empressa de faire sans aucune hésitation. Ses gestes étaient précis, sûrs. Il avait déjà connu ça. Ce moment où il fallait être réactif. Il pouvait encore entendre la petite fille pleurer dans un coin. Il lui jeta un regard avant qu’une infirmière s’approchait d’elle afin l’emmener loin de ce spectacle horrifique. Ils tentaient tant qu’ils pouvaient de sauver ce bras. Que ferait cet homme s’il ne lui restait plus qu’un bras ? Andrew se concentrait, essayait de se souvenir s’il y avait un moyen de le sauver. Mais l’un des médecins ne lui laissa pas le temps de réfléchir et annonça, froidement, placidement, « Il va falloir amputer ! » Andrew releva un regard perdu vers ce médecin. Un jeune coq arrogant qui venait à peine de débarquer d’il ne savait quelle ville. Il essaya de le raisonner : ils avaient d’autres solutions ! Il le savait mais il n’arrivait pas à s’en souvenir. Le docteur ne l’écouta même pas : il n’était qu’un petit infirmier et lui, un médecin, un vrai. L’infirmier serra les dents, se retenant de balancer une réplique bien senti à cet abruti.

Et puis, d’un coup, il l’entendit. Cette voix qu’il aurait pu reconnaître entre mille. Jimmy. « Vous n'avez peut-être pas besoin d'amputer. » disait-il avec conviction. Andrew écarquillait les yeux. Que foutait-il, bordel de merde ? Il le vit enfiler une paire de gant stérile avant de reprendre la parole. « Faites un garrot un peu plus bas que l'épaule, à hauteur du biceps. Un garrot ferme. Et commencez la transfusion, putain ! » Qu’est-ce… Qu’est-ce qu’il se passait bon sang ? D’où Jimmy pouvait bien connaître tout cela ? Il savait que le jeune homme connaissait un minimum grâce à lui. Il l’avait aidé à réviser pour ses examens quand il voulait devenir infirmier et le rouquin avait été intéressé, lui avait posé des questions mais pas au point de connaître tout cela. Il vit son regard, alerte, et ses gestes, précis, comme s’il savait ce qu’il faisait, comme s’il l’avait toujours su. Comme si… Comme s’il avait fait ça toute sa vie. Tout le monde restait immobile face au jeune homme. Certains le connaissaient. Certains savaient que c’était Jimmy, le copain d’Andrew. Mais personne ne comprenait ce qu’il se passait. Il pouvait le voir aux regards perdus des gens autour de lui. D’un geste sûr, le rouquin attrapa un garrot avant de pousser une infirmière qui le gênait. Il était concentré sur sa tâche et posa le garrot. Comme s’il avait ça toute sa vie, il annonça l’heure de la pose avant de transfurer le patient. Bordel de merde… Andrew sentit la vérité poindre le bout de son nez dans son cerveau mais il la refusait. Il secouait la tête, observait Jimmy, se répétait que ce n’était pas ce qu’il pensait. Que tout ça n’était qu’un cauchemar, que le rouquin avait simplement étudié en cachette. Mais non. Tout cela était beaucoup tiré par les cheveux, il le savait bien…

Jimmy était inconscient du bordel intérieur qu’avaient provoqués ses actes chez Andrew. Celui-ci pouvait sentir la colère en lui mais surtout la douleur, la douleur d’avoir été trahis… La douleur de la trahison était si forte qu’il se retenait de tout envoyer balader, de tout détruire sur son chemin mais non. C’était un froid qui le prenait aux tripes. Un froid immense. Le trou dans son cœur qu’avait provoqué la mort de sa mère et son petit frère se rouvrait un peu plus à chaque seconde qu’il observait son petit ami – avait-il encore la force de l’appeler ainsi ?  – manipuler les différents appareils. Qui allait pouvoir l’aider dans sa douleur maintenant que Jimmy ne serait sûrement plus là ? Car, il le sentait, tout ça ne serait pas sans conséquences pour leur couple. Andrew avait cru, il avait toujours cru, qu’il serait à jamais avec lui mais… Non. Il n’était pas sûr de pouvoir passer par-dessus tout ça. Car il savait maintenant. Il ne pourrait plus jouer le jeu de l’ignorance. Tout ça était maintenant clair pour Andrew : Jimmy était un mutant.

La colère s’emparait de lui, sûrement, violemment. Reprenant ses esprits, il fonça, sans hésitation, vers Jimmy et l’attrapa à l’épaule, d’une poigne ferme. Il n’attendit même pas de voir la réaction de ses collègues et tira le jeune homme derrière lui. Il s’arrêta d’un coup, fixant Jimmy qui baissait la tête, honteux. Oui, son petit secret était maintenant sorti. Il ne pouvait plus faire semblant. Il ne pouvait plus mentir à Andrew. Le savait-il depuis longtemps ? Depuis combien de temps lui mentait-il ? Attrapant fortement le poignet de Jimmy au point de lui faire mal, il l’emmena dans une salle d’auscultation où il poussa violemment. Il se retourna et ferma la porte à clé. Il ne voulait pas être dérangé. Pas cette fois. Il se foutait de son travail. Il se foutait des gens qui avaient besoin de lui dans la salle d’attente. Il découvrait que sa vie n’était qu’un mensonge. Sa vie s’écroulait devant ses yeux et il ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Il se retourna d’un coup sec vers Jimmy et le bloqua contre la table d’auscultation. « Depuis quand ? » Il releva son regard colérique et se plongea dans ses yeux bleus qui l’avaient si souvent hypnotisé. « Depuis quand me mens-tu ? Depuis quand tu sais ?  » Plus que la mutation, plus que ça, c’était la trahison, le mensonge qui lui faisait mal, qui lui donnait envie de hurler de frapper les murs, de frapper Jimmy. D’un coup, il attrapa le bras du rouquin où se dessinait la blessure et l’amena devant leurs yeux. « Et ça ? C’est quoi, putain ? Comment tu t’es fait ça ? Et ne me mens pas avec tes conneries cette fois ! Bordel de merde ! Depuis quand tu me prends pour un putain d’imbécile ? » Il relâcha d’un coup le bras de Jimmy. Il ne voulait pas savoir. Il voulait partir, ne plus jamais pensé à tout ça. Mais fuir n’était pas une solution, ça ne l’avait jamais été et il ne le savait que trop bien. Alors, il plongea ses yeux dans ceux du jeune homme et prit la parole d’une voix froide. « Dis moi tout cette fois. Et je te préviens que si tu me mens, je le saurais. Plus de mensonge, O’Lynch. Plus jamais. » Il assena ses deux derniers mots avec force. Son nom n'était pas prononcé avec affection cette fois, non. C'était une manière de mettre de la distance, de se protéger. Il ne savait même pas comment il allait réagir. Mais il voulait la vérité cette fois…
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Il le savait, que ç'avait été une erreur. Mais c'était plus fort que lui. Il était obligé de faire quelque chose, comme si son don avait pris le contrôle. Maintenant qu'il était sorti de son état second, sorti de cette transe induite par sa mutation, il réalisait l'ampleur de sa décision. Il le voyait dans les yeux d'Andrew. Ce dernier lui agrippa le poignet avec violence, tordant sa peau sous la poigne de fer. Jimmy ne dit rien, cependant, et se laissa traîner. Il méritait cette colère, il méritait la puissante poussée avec laquelle l'infirmier le jeta dans l'une des salles d'auscultation. Il acceptait d'être la victime de sa furie s'il avait quand même une chance de s'expliquer. D'arranger les choses. L'espoir, c'était tout ce qu'il restait à Jimmy – et il n'avait jamais vécu la séparation, jamais perdu personne. Il ne comptait pas commencer maintenant. « Depuis quand ? » cracha Andrew alors que leurs visages, si près l'un de l'autre, se faisaient face. Pour la première fois depuis le début de leur relation, Jimmy eut peur de son petit ami. Il l'avait déjà vu dans des états semblables, déjà vu dans des colères folles – même si c'était rare. Seulement, il n'avait jamais été la cible de l'une d'entre elles. Ce n'était pas une sensation agréable.

Quand leurs yeux s'accrochèrent, Jimmy se perdit un moment. « Depuis quand me mens-tu ? Depuis quand tu sais ? » Et que pouvait-il répondre ? Le rouquin savait depuis un moment, déjà. Il ne savait pas quand, précisément. Plusieurs mois ? Est-ce que ça ferait vraiment du bien à Andrew de l'entendre ? Il en doutait. Mais cette tendance aux mensonges, ce manque de confiance envers son petit copain, étaient ce qui l'avait amené dans cette situation. Le plus intelligent serait de changer de tactique. « Eh bien... » A peine avait-il commencé, que déjà Andrew reprenait de plus belle, avec force, attrapant son bras et dessinant du doigt sa blessure, appuyant légèrement sur la plaie, sans s'en rendre compte. « Et ça ? C'est quoi, putain ? Comment tu t'es fait ça ? Et ne me mens pas avec tes conneries cette fois ! Bordel de merde ! Depuis quand tu me prends pour un putain d'imbécile ? » Son bras retomba contre son torse, et Andrew recula un peu, pour revenir de plus belle, pour replanter ces putains d'iris dans ceux de Jimmy. Un frisson parcourut le rouquin. « Dis moi tout cette fois. Et je te préviens que si tu me mens, je le saurais. Plus de mensonges, O'Lynch. Plus jamais. » Il y avait une telle froideur dans sa voix, que Jimmy chercha à reculer encore – mais il heurta la table d'auscultation et ne bougea plus. Il respira doucement, les larmes coulant sans bruit le long de ses joues. C'était la fin ; il n'y avait pas de solution à cette querelle. Du moins, Jimmy n'en voyait pas le bout. Alors il posa ses mains sur les épaules d'Andrew, et le recula doucement, pour ne pas le brusquer. Il avait besoin d'espace. Quand une certaine distance s'installa entre eux, il poussa un petit soupir. « Ça fait des mois. Je crois que ça s'est manifesté avant, mais j'ai compris il y a seulement quelques mois. » Il gratte sa plaie. Le sang recommence à couler doucement. « J'ai voulu te le dire, quand c'est arrivé. On s'est jamais mentis, Andy. Mais je sais ce que tu penses des mutants.... » Sa voix tremble et il attend que les larmes s'éteignent un peu. « J'avais peur de te perdre. » Puis dans un souffle, comme pour lui-même. « Je t'ai perdu quand même, semble-t-il. » Machinalement, ses doigts continuaient de gratter, sa peau continuait de saigner, ses yeux continuaient de chialer. Et s'il l'avait perdu, il continuait de l'aimer tout pareil.

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Andrew sent une colère froide parcourir lentemant ses veines mais il s'en fiche car ce n'est pas l'important. Ce qui est important c'est ce sentiment destructeur, insidieux, qui prend sa place dans son cœur : la trahison - la douloureuse et puissante trahison de la seule personne extérieure à sa famille qu'il ait aimé plus que lui, plus que sa propre vie. La seule personne à qui il a fait confiance, entièrement - aveuglément. Grossière erreur, lui murmure doucement sa conscience, son coeur. Qu'il a pu être bête ! Comment a-t-il pu croire que ce bonheur allait continuer alors que toutes les personnes qu'il aimait finissaient par partir, le trahir ? Jimmy avait été là jusqu'au bout quand sa mère et son petit frère étaient morts, renforçant un peu plus l'amour et la confiance que l'infirmier avait pour lui. Il aimerait remonter le temps et ne pas écouter Joshua - son cher petit frère - lui parlant de cet ami fait pour lui et fuire le plus loin possible. Mais non, tel l'idiot qu'il était et avait toujours été, il avait souri, attendri devant l'enthousiasme du jeune homme, et avait accepté d'être là la prochaine fois que ce Jimmy viendrait à la maison. Et il était tombé amoureux, totalement et irrémédiablement, de ce rouquin énergique mais en même temps si doux.

Doucement, Andrew recule, la souffrance transpirant à travers ses yeux. Ses mains se relèvent fourrageant son cuir chevelu avant de l'agripper fermement, fermant les yeux. Il se retient difficilement d'amener l'une de ses mains vers sa blouse -là où se trouve son coeur - afin de la serrer. Trop pris dans sa souffrance, Andrew ne comprend pas que Jimmy n'est pas responsable. Il ne comprend pas que lui aussi, au fond, est une victime dans cette histoire. Tout ce qu'il voit, c'est la trahison, le mensonge et la souffrance. L'infirmier n'a jamais été égoïste, loin de là. Il est même quelqu'un de très empathique et c'est pour cela qu'il a choisi ce métier. Mais là, à cet instant précis, il ne pense pas à Jimmy, il ne pense qu'à lui et est égoïste.

Doucement, la voix du rouquin le ramène sur terre comme un dur rappel de la réalité alors que le bruit métallique de la table d'auscultation se fait entendre. Andrew relève le regard vers lui et le voit acculé, dans son coin, les larmes coulant le long de ses jours. L'infirmier baisse les bras qui fourrageaient son cuir chevelu et serre doucement les poings, résistant à l'envie forte de le prendre dans ses bras et de le consoler. Il se rapproche doucement, prêt à lui dire d'arrêter sa putain de comédie et de répondre à ses questions mais Jimmy pose ses mains sur ses épaules, bloquant la voix d'Andrew dans sa gorge car il aimerait être insensible à lui mais il sent toujours ces foutus frissons qui le parcourent dès qu'il le touche. Le rouquin le repousse doucement et le brun ne résiste pas, reculant de deux pas alors que l'autre soupire. « Ça fait des mois. Je crois que ça s'est manifesté avant, mais j'ai compris il y a seulement quelques mois. » Putain... Des mois et il ne lui a rien dit ? Combien de temps aurait-il attendu avant de lui révéler ses doutes sur sa nature ? Des mois ? Peut-être des années ? Peut-être même n'aurait-il jamais eu le courage de lui avouer, basant leur relation un mensonge...

Il voit Jimmy gratter sa plaie, provoquant un écoulement de sang mais c'est comme si le rouquin ne le remarque pas, trop plongé dans ses pensées. « J'ai voulu te le dire, quand c'est arrivé. On s'est jamais mentis, Andy. Mais je sais ce que tu penses des mutants.... » Il n'a jamais haït les mutants, mais la mutation. Cette chose est une abomination qui détruit des vies, des familles, des mères, des petits frères... La voix de Jimmy tremble à cause des larmes mais Andrew reste fort, se reculant d'un pas à nouveau et crois les bras, comme pour se protéger de sa faiblesse face à Jimmy et ses larmes afin d'être fort. Il reprend la parole, toujours incertain. « J'avais peur de te perdre. » Bien sûr qu'il aurait eu du mal au début, merde ! On ne jette pas des années de croyance aux oubliettes comme ça mais c'était Jimmy. Il aurait tout fait pour lui. Tout. Mais il lui avait menti et pas sur une vulgaire broutille mais sur quelque chose d'important, d'essentiel, quelque chose qui définit le rouquin. Comment pourrait-il à nouveau lui faire confiance après tout ça ?

Le O'Lynch reprend la parole dans un souffle, comme pour lui-même mais Andrew tend l'oreille et veut entendre tout ce que le jeune homme aura à lui dire. « Je t'ai perdu quand même, semble-t-il. » Il descend les yeux et voit les mains de Jimmy continuer à s'activer sur ses agrafes, ses yeux pleurant encore. L'infirmier soupire et se dirige vers l'armoire des fourniture avant d'en sortir un bandage. Il se rapproche de son vis-à-vis et entoure son poignet de sa main, tendant son bras vers lui. Il arrête sommairement le saignement avec de la gaze et ne se rend pas compte que sous le coup de la colère, il appuie un peu trop fort. Mais il n'y fait pas attention car, au fond, il veut le faire souffrir comme il souffre actuellement. Il la jette négligemment sur la table d'auscultation avant d'entourer le bandage autour de sa blessure. Quand il prend la parole, c'est d'une voix froide, sans émotion, celui d'un professionnel à son patient, comme s'ils étaient des inconnus l'un pour l'autre. « Ne gratte pas. Ne touche pas à ta blessure sinon elle s'infectera. Tu devras revenir dans trois semaines afin de vérifier qu'elle n'est pas infectée et si tout se passe bien, on t'enlèvera les agrafes. Tu devras changer le bandage tous les jours, après ta douche et l'avoir désinfecté. » Il finit par poser un bout de scotch médicale sur le pansement et s'éloigne à nouveau de quelques pas. Il ne peut pas rester aussi proche de lui. Il ne le peut pas. Ça lui fait mal. Le contact de sa peau avec la sienne le brûle et quand il se sépare de Jimmy, il a encore l'impression que ses mains le brûlent là où il a été en contact avec lui.

Il se retourne, montrant son dos au jeune homme, refusant de lui montrer ses larmes, son visage dévasté et le fait que cela le touche autant. Il pousse un soupire et reprend la parole. « Je pense... », il avale difficilement sa salive, « je pense que l'on devrait faire un break. » Break. Ce mot dont il s'était tellement moqué quand il regardait ces séries stupides avec le rouquin. Pour lui, c'était simple : tu romps ou tu restes avec la personne, point. Mais là, face à cette situation, il se rend compte que les choses ne sont pas si simple et que ces séries à la con ne sont peut-être pas si stupides que cela et ont un peu de vérité en elles. « J'ai besoin de réfléchir. J'ai besoin... » Sa gorge se serre, bloquant sa voix et il inspire afin de se donner du courage. « Je ne peux pas continuer... » Il ne sait même plus s'il parle à Jimmy ou bien à lui-même. « Je ne peux pas me réveiller tous les jours en voyant ton visage. Pas en sachant que tu m'as menti pendant tout ce temps. » Il lève la main, efface durement les larmes traîtresses qui coulent le long de ses joues. « Je ne peux pas rester avec quelqu'un en qui je n'ai plus confiance. » Il se rapproche à pas lent de la porte. La main sur la poignée, il serre les poing durement. « Rassures-toi, je continuerais de payer le loyer, tu n'auras aucun soucis à te faire. Mais, moi... Je ne peux pas rester dans cet endroit. » Il abaisse rapidement la poignée, fait un pas en dehors de la pièce et s'arrête. « Ne rentre pas avant ce soir, laisse moi le temps de récupérer quelques affaires mais, je ne veux pas te voir. Pas maintenant. J'ai besoin de temps pour... » pour digérer cette trahison, pour digérer le fait qu'il ne connait peut-être pas autant le jeune homme qu'il le pensait, pour faire le tri dans ses sentiments tout simplement... Mais il ne finit pas sa phrase. Il reste juste figé, comme s'il savait que le fait de quitter cette pièce allait briser quelque chose et qu'il n'était pas prêt. Mais, finalement, au bout de quelques secondes de silence, Andrew tourne la tête vers Jimmy, lui jette un dernier regard et part à grandes enjambées vers le chef de service afin de lui demander son après-midi. Il a fait plus d'heures supplémentaires que n'importe qui dans cet hôpital donc il sait que ce ne sera pas difficile à obtenir.

Son cœur saigne et chaque pas loin du rouquin est un couteau de plus dans son organe mais il ne faiblit pas et continue car il le doit.

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