1 1 Y E A R S O L D
Aussi loin qu'elle s'en souvienne, Moïra avait toujours entendu des voix. Enfant, ce n'étaient que des murmures, à peine distinctes. Elle trouvait cela étrange, voire même embêtant car elle avait toujours l'impression qu'on lui parlait. Tout naturellement, elle en avait parlé à ses parents, qui n'avaient pas pris la chose très au sérieux. Ils ont certes consulté quelques pédagogues à droite et à gauche et ces derniers les avaient vivement encouragé à voir des spécialistes pour creuser et mettre un doigt sur le problème. Mais bien entendu, les parents n'en avaient fait qu'à leurs têtes et n'avaient pas suivi les recommandations des médecins ; ils étaient bien trop préoccupés par d'autres choses. Le père était le directeur d'une école prestigieuse de New York tandis que la mère multipliait les soirées galas et autres rendez-vous mondains. Moïra et Edward faisaient partis de ce joli tableau de famille new-yorkaise ; une famille aisée, deux enfants et des parents souriants. Les apparences étaient parfois bien trompeuses. Et Moïra avait toujours ces murmures qui bourdonnaient ses oreilles. Cela lui causait des maux de têtes atroces surtout lorsqu'elle était entourée de monde. Seul son grand frère, Edward veillait sur sa petite sœur. Il était véritablement le seul inquiet dans l'histoire. Mais peu à peu, ces murmures devinrent plus distinctes et Moïra pouvait les entendre plus nettement. Et sans le savoir, elle entendait des choses qu'une jeune enfant comme elle ne devrait même pas savoir.
« Oooh ! Clotilde, comme je suis ravie de te voir. Entre donc. » La voix chantante de sa mère s'entendait de loin ; Madame Lancaster avait toujours l'habitude de parler fort lorsqu'il y avait un invité à la maison. Cela signifiait que les enfants devaient venir saluer le nouvel arrivant. Moïra arrêta donc ses devoirs et entreprit de descendre au rez-de-chaussée pour saluer l'amie de sa mère. Malheureusement, elle était toute seule ; on était mercredi et Edward était parti à son entraînement de rugby. Cependant, il n'y avait pas de quoi s'alarmer ; Madame Tanner était une femme douce et compréhensive. Si Moïra sortait l'excuse du travail scolaire, Madame Tanner persuaderait son amie de laisser sa fille terminer ses devoirs. Ah oui, il faut préciser une chose ; quand il y avait une invitée, Madame Lancaster obligeait ses enfants à participer au thé qu'elle organisait. Une manière d'apprendre à se sociabiliser selon elle. C'était ce que craignait le plus l'enfant ; devoir participer à un thé qui pourrait durer longtemps. Cependant, en enfant bien élevée qu'elle était, elle descendait embrasser Madame Tanner.
« Moïra, voudrais-tu te joindre à nous ? » Cette question innocente se devait s'entendre comme un ordre.
« Ana ! Ta fille doit avoir certainement du travail pour l'école ... » « Moïra a déjà fini son travail, cela ne lui dérange absolument pas de prendre un thé avec nous ! » Bon, c'était raté ; Moïra était prise au piège. Madame lui envoya un regard désolé que Moïra répondit par un petit sourire ; tant pis, elle devait s'y faire. Elle s'y était toujours faite de toute manière.
Les deux femmes et l'enfant s'installèrent dans le petit salon et la bonne leur apporta un service à thé. Pendant qu'elles se servaient, les femmes discutèrent de le prochaine soirée de gala et de son organisation, mais également d'un futur remariage d'une de leurs amies. Moïra se contentait de les écouter ; lui imposer de participer à un tête-à-tête entre adultes était peu pédagogique, mais cela l'amusait un peu. Voir deux femmes cancaner était presque drôle à voir.
« Sinon, toi Clotilde, comment ça va ? » Moïra se tourna vers Madame Tanner. Le regard de cette dernière s'était éteint. Elle avait certes la même expression souriante mais cette question apparemment anodine avait déclenché quelque chose. L'enfant l'avait relevée.
« Bien, bien. Tout se passe merveilleusement bien. » Elle mentait, c'était certain. Moïra le savait. Comment ? Une autre voix, identique à celle de Madame Tanner, disait le contraire. Au lieu de s'interroger sur l'étrangeté de la situation, la fille interrompit la conversation pour s'adresser à l'adulte.
« Madame Tanner, pourquoi vous nous dîtes rien ? » « Moïra chérie ! Clotilde, excuse-la ; parfois elle oublie ... » « C'est Monsieur Tanner, c'est ça ? Pourquoi fréquente-t-il une autre femme ? » L'écart entre la question innocente de l'enfant et le sujet de la question était déstabilisant. Madame Tanner lâcha sa tasse qui se laissa tomber et se briser par terre, et Madame Lancaster se tut, comme muette. Un silence s'installa. Seule Moïra ne se semblait pas désarçonnée par la situation présente ; elle ne faisait répéter ce qu'elle avait entendu.
Elle avait du mal à croire. Elle, une mutante ? En toute honnêteté, elle n'avait aucune idée du sens du mot, mais cela lui semblait ...
cool à entendre. Comme si elle était spéciale. Certes, dis comme ça c'était un peu prétentieux, mais c'était la sensation qu'elle relevait. Et autre sensation qu'elle ressentait à ce moment était le soulagement. Enfin un qui avait mis un mot sur ce qu'elle avait ; la télépathie. Autre terme qu'elle avait du mal à saisir. En tous les cas, cela l’enthousiasmait. Mais pas ses parents. Installés dans deux fauteuils séparés face à un bureau, ils digéraient la nouvelle que lui avait apporté cet homme en fauteuil roulant. Suite à l'épisode avec Madame Tanner, la situation était devenue dérangeante ; les Lancaster ne savaient plus quoi faire de leur étrange fille. C'est alors que l'un des amis de son père lui avait parlé d'un endroit dans lequel où il avait envoyé son fils qui agissait également étrangement ; l'institut Xavier. Les parents rencontrèrent donc le directeur de l'établissement, le professeur Xavier. Il a suffit d'une conversation entre l'enfant et l'homme chauve pour que ce dernier détermine la nature de l'enfant ; elle était une mutante tout comme lui. Et tout comme les personnes résidant l'Institut. Il prenait son temps pour l'expliquer aux parents qui avaient blêmi en entendant la nouvelle. Eux, ils n'appréciaient pas du tout cela ;
« Mais ... Vous allez guérir notre fille, n'est-ce pas ? » Le professeur se tourna vers le père ; du visage bienveillant, il devint plus sombre. Il adopta une expression et une attitude de défense comme si on venait de l'insulter ;
« Monsieur Lancaster, Moïra est loin d'être malade. La mutation n'est pas une maladie, mais une évolution. Elle possède un don unique en son genre. » Un don ? Tout cela commença à lui plaire. Contrairement à ses parents, cela ne lui faisait pas peur. Elle en était même heureuse.
A la fin du rendez-vous par lequel on conclut l'inscription immédiate de la fille, les parents et Moïra sortirent du bureau suivis par le professeur. Ils circulèrent ensemble l'immense demeure et atteignirent ensemble la sortie. Madame Lancaster se baissa pour se mettre à la hauteur de sa fille et lui demanda sur un ton inquiet ;
« Ma chérie, tu es sûre que ça va aller ? » « C'est génial maman ! Il y avait ce garçon qui avait une langue de reptile. » Une expression de dégoût se dessina sur les visages des parents. Après quelques embrassades et la promesse de revenir bientôt pour lui déposer quelques affaires, les parents repartirent. La joie qu'avait ressenti tout au long de l'après-midi se dissipa pour laisser place à la tristesse. Comme pour se parler à elle-même, elle ne put s'empêcher de dire ;
« Ils ne vont pas revenir me voir ... » Encore présent sur les lieux, Charles Xavier s'approcha de l'enfant et lui parla d'une voix douce ;
« Tu l'as vu, n'est-ce pas ? Parfois le don de télépathie nous échappe et nous ne pouvons nous empêcher d'écouter les pensées les plus secrètes d'autrui, même celles de nos proches. Moïra, tu n'es pas seule dans ton cas ; nombreux de tes camarades ont connu la même situation que toi. » Elle se retourna, et croisa le regard de nombreux adolescents, témoins d'un départ précipité de parents s'échappant à leur monstre de fille.
« Sache juste une chose ; l'Institut t'accueille comme l'un des nôtres. Tu as une nouvelle famille. » Le sourire rassurant de l'homme étira les lèvres de Moïra. Au final, aujourd'hui elle aura expérimenté différents sortes d'émotion ; d'abord la joie de comprendre qui elle était réellement, la tristesse de se voir abandonnée par ses parents, et un sentiment d'espoir de meilleurs lendemains.
1 6 Y E A R S O L D
« Tu as encore fait de beaux progrès, Moïra. » La jeune fille enorgueillit de ces petits moments, de ces petits têtes à têtes entre elle et le professeur Xavier. Depuis son entrée dans l'Institut, elle avait suivi de manière assidue tous les cours donnés par l'établissement. Comme lorsqu'elle était à l'école élémentaire, quoi. Elle recevait les appréciations de ses professeurs, chose qui la motiva à travailler encore plus. Mais il n'y avait qu'une personne à qui elle voulait plaire et se faire apprécier ; le professeur Xavier. Partageant le même don, le professeur donnait des cours particuliers pour aider Moïra à maîtriser son don de télépathie. D'année en année, elle faisait des progrès spectaculaires ; outre d'écouter les pensées les autres, elle pouvait communiquer par la pensée ! C'était quelque chose de grisant pour elle. Mais le professeur l'avait mise en garde ; il faillait qu'elle use de son don efficacement et raisonnablement. Un conseil qu'elle s'efforçait d'appliquer tous les jours. A force, elle avait adopté une attitude qu'on pourrait juger de sage ; elle n'entrait pas dans l'esprit des autres si elle le jugeait pas nécessaire. Certes, au départ, elle ne le faisait pas exprès puisqu'elle ne maîtrisait pas totalement son don. Mais à force, elle parvenait à ne plus lire dans la tête des autres. Cela lui était vraiment bénéfique car elle avait de moins en moins de maux de tête. Bien que tous ces progrès lui faisaient plaisir, elle n'en était pas satisfaite. Elle voulait plus, elle voulait progresser.
« Professeur, j'aimerais vous parler de quelque chose. » Le principal concerné ne répondit pas mais il croisa les doigts pour montrer qu'il était tout ouï.
« Voilà, je me demandais si je ne pouvais pas aller plus loin avec mon don ... Vous voyez, vous pouvez influencer les autres par la pensée. Vu que maintenant j'arrive à communiquer les autres par la pensée, vous pensez que je peux passer au niveau supérieur ? C'est-a-dire ... faire comme vous ? » Le professeur resta silencieux, le regard pensif. Il mit un certain temps à répondre ; il voulait chercher les bons mots pour s'adresser à la jeune fille.
« Comme je l'ai souvent répété à tous mes élèves ; certains d'entre vous peuvent avoir les mêmes mutations mais elles peuvent se différencier entre elle. Prenons exemple entre toi et moi ; nous sommes certes télépathes, mais nous l'exploitons pas de la même manière. » Jusque-là, elle le suivait mais elle avait tout de même peur de ce qu'il pouvait dire par la suite ;
« Le fait que nous n'utilisions pas le télépathie de la même manière peuvent s'expliquer pour les raisons suivantes ; par la manière de l'utiliser, pour les raisons pour lesquels nous l'utilisions, par la durée de l'utilisation. Parfois, il arrive que parmi les deux télépathes, l'un ne sache que communiquer par la pensée tandis que l'autre ne peut qu'écouter les pensées des autres. » Moïra resta pensive sur ces mots ; tout ce qu'il disait faisait sens mais elle préférait lui laisser le fin de l'histoire.
« Je suis touché de voir ton implication dans ton apprentissage et ta volonté d'approfondir tes capacités, mais qui sait ; es-tu capable des mêmes choses que moi ou qu'un autre télépathe ? Je l'ignore. Peut-être que tu pourras faire les mêmes choses que moi ou non. Surtout, ne te précipite pas. Laisse les choses suivre son cours. Tu sais, à ton âge, je n'étais pas forcément capable de faire tout ce que je peux faire aujourd'hui. Ou bien de faire ce que toi tu peux faire. » Cette dernière phrase la fit sourire. La séance se terminait donc ainsi. Elle quitta le bureau et tomba nez à nez avec Miles. Miles, c'était son petit-ami et il l'avait attendue.
« Alors ? » « Tu me connais ; j'ai géré comme un chef ! » Répondit-elle en lui déposant un baiser sur la bouche. Bras dessus bras dessous, les amoureux se dirigèrent vers leur lieu personnel.
Miles était également un pensionnaire de l'Institut. Tout comme Moïra, il venait d'une famille aisée new-yorkaise. C'était également à cause de son don qu'il a été envoyé dans cet endroit. Son père l'avait également abandonné ici. Petite précision ; le père de Miles était celui qui avait communiqué l'Institut aux parents de Moïra. Comme quoi, le hasard faisait bien les choses. Miles était déjà présent lorsque Moïra arriva pour la première fois à l'Institut et deux ans après, ils s'étaient mis en couple. Lorsqu'ils voulaient être seuls, ils montaient ensemble sur le toit de l'institut. Bon, le toit de l'Institut n'était pas connu comme étant l'endroit le plus secret ; c'était le lieu de prédilection des jeunes. Ils s'en fichaient ; ils n'avaient qu'à se mettre dans un coin et profiter d'être ensemble. Un petit détail concernant Miles ; il est télékinésite. C'est-à-dire qu'il peut faire bouger les objets à sa portée. Lui aussi il aimait son don au point qu'il n'arrête pas de le pratiquer. Comme en ce moment où il faisait courir entre ses doigts son briquet offert par Moïra. Cette dernière le gronda un peu ;
« Miles, tu peux arrêter de jouer avec ça ? Tu vas finir par le perdre. » « Je ne joue pas, je pratique. » Cette désinvolture pourrait agacer plus d'un, mais pas Moïra. Elle trouvait cela même mignon. Peu de personnes appréciaient Miles à l'Institut ; on le trouvait trop imbu de lui-même et se prenait la tête avec les professeurs à cause de son insolence. Il agissait toujours comme s'il était supérieur aux autres et ne le cachait pour le faire savoir. Face à ces défauts, Moïra fermait les yeux ; elle savait que Miles avait malgré tout un bon fond. Il pouvait se montrer doux, attentionné avec elle. Elle n'avait certes pas d'exemple en tête pour vous le démontrer mais lorsqu'ils étaient ensemble sur le toit, il l'approchait de lui, l'étreignant fortement contre lui. C'étaient ses fameux moments tendres. Miles s'alluma sa cigarette avec son briquet, objet offert par Moïra pour fêter leur an d'histoire et qui avait la particularité d'être frappé de deux M collés l'un sur l'autre. Elle avait dépensé une fortune pour avoir fait fabriquer ce briquet ; c'était bien une immense preuve d'amour de la part de Moïra. Elle espérait sincèrement que leur histoire aillait durer, qu'ils aillaient un jour se marier. Mais ce n'était pas l'objectif premier de Miles ; elle le savait. Elle avait lu malgré elle dans ses pensées. Au moins, se disait-elle, elle était fixée ; elle savait qu'elle n'avait pas grand-chose à attendre de lui. Mais elle l'aimait malgré tout. Même lorsque Miles lui parlait qu'il était destiné à accomplir de grandes choses plus tard. Que cette Institut ne lui apporterait rien de bon et qu'il sera un jour un héros. Moïra le laissa parler, amusée par sa folie des grandeurs ; c'était sa manière à lui de communiquer.
« Tu sais, je crois que je suis en train de devenir plus puissant ; le mois dernier, j'ai crée un champ de force. » La tête posée sur l'épaule de Miles, elle se releva, surprise d'une telle révélation. Ce n'était pas quelque chose d'anodin ; Miles lui faisait vraiment part d'un pouvoir qu'il venait de découvrir. Puis elle repensait à la conversation qu'elle avait eu avec le professeur Xavier plus tôt.
« Tu en es sûr ? » « Je t'assure que c'est vrai ! Ma télékinésie n'a pas agi comme d'habitude et je ne me souviens plus comment ça s'est produit ... » « Et tu en as parlé avec l'un des professeurs ? Le professeur Xavier pourra sûrement t'aider. » « Lui ? Surtout pas ! Tout ce qu'il a toujours réussi à faire avec moi c'est de m'empêcher de progresser. Tu sais quoi, laisse tomber ... » C'était typique de Miles ; dès qu'il s'ouvrait et qu'on le vexait, il se renfermait comme une huître. Elle s'y était faite depuis le temps, mais la seule chose qu'elle avait du mal à comprendre dans l'attitude de Miles c'était son comportement envers le professeur Xavier. Cela lui déplaisait fortement, et il manquait véritablement de respect envers le professeur pour une raison qu'elle ignore. Elle n'osait toutefois pas creuser la question avec lui et ne voulait surtout pas fouiller dans son esprit pour le découvrir ; ce serait malvenu de sa part, surtout envers son propre petit ami. Alors, elle se contenta de poser de nouveau sa tête contre lui, observant le soleil se coucher à l'horizon.
Miles était en train de fumer sur le toit, dans le coin habituel des amoureux, lorsque Moïra arriva en courant vers lui. Il n'était pas nécessaire d'être télépathe comme elle pour comprendre qu'elle était heureuse, et qu'elle avait une envie irrésistible de confier la raison de sa joie.
« Tu ne devineras jamais ! » « Bien sûr que je ne le devinerai jamais ! Moi je suis pas télépathe comme toi ! » La taquina-t-il.
« Le Shield veut que je joigne leurs rangs. » La nouvelle était tombée ce midi. Convoquée par le professeur Xavier à son bureau, quelle ne fut pas sa surprise en le trouvant entouré d'hommes en costumes noirs. Ces derniers s'étaient présentés comme étant les agents du Shield. Ils lui expliquaient quel genre d'organisme ils étaient, ainsi que des choses liées à l'agence que Moïra savait plus ou moins. Ils lui disaient également qu'ils avaient eu vent de son don de télépathie et souhaiteraient qu'elle se joigne à eux. Qu'elle devienne en gros une agent. La surprise était vraiment totale. Le professeur l'avait cependant enjointe à prendre son temps pour réfléchir à la proposition, mais la réponse avait déjà germé dans son esprit ; elle acceptait la proposition. Qu'un organisme l'avait remarquée la flattait déjà beaucoup, mais qu'on lui proposait en plus de se joindre à eux, de leur être utile en un idéal. Elle le savait ; elle savait que ce n'était pas pour sa personne qu'ils étaient venus, mais bien sûr pour son pouvoir comme ils l'avaient précisés. Elle avait compris que son don leur pouvait être utile lors de mission d'espionnage ou pour communiquer avec d'autres agents. Elle pouvait se sentir offensée qu'on s'adresse à elle pour cela et qu'on veuille se servir d'elle, mais ... non. Elle était grisée. La simple idée d'être une espèce d'espionne la faisait trépigner sur place. Malgré le conseil du professeur, elle avait pris sa décision ; elle rejoignait le Shield.
« Bon pas tout de suite tout de suite ; je dois d'abord passer par leur Académie pour avoir une formation adéquate - et puis je suis bien trop jeune pour être une agent faut le dire. T'entends ça ? Je rejoins le Shield !! » « Oui oui on a entendu. » rétorqua Miles. Son ton dur la surprit. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction. Elle la désapprouvait même. Mais d'un autre côté, cela lui révélait le véritable visage de celui qu'elle aimait.
« Il y a un problème ? » « Je ne sais pas. Comme je l'ai dit tout à l'heure ; c'est toi la télépathe. » « Arrête de faire le con et dis-moi ce qui ne va pas ? » « Tu ne l'as pas lu dans mes pensées ou quoi ? Bon okay, si tu tiens à ce que je te le dise à voix haute : je ne vois pas pourquoi ils ont choisi quelqu'un comme toi alors que j'ai bien plus de capacités. » Là, elle était complètement atterrée. Elle laissa sa mâchoire inférieure tomber. Jamais Miles ne lui avait fait un tel coup ; elle voyait là son véritable visage ; hautain et prétentieux.
« Tiens, pendant qu'on y est ; je crois qu'on a plus rien à faire ensemble. » Sur ces mots, Miles se dirigeait vers la sortie, laissant seule Moïra, tentant tant bien que mal à digérer la nouvelle.
Ne pleure pas ne pleure pas. ne se cessait-elle de répéter, sentant malgré tout les larmes couler.
2 0 Y E A R S O L D
« ALERTE ! L'Académie est attaquée par HYDRA. Ceci n'est pas un exercice, je répète ; ceci n'est pas un exercice. » « Que se passe-t-il ? » « HYDRA ? Je croyais qu'il a été éradiqué ? » « Ils sont là ! » « Mon Dieu ! Je ne veux pas mourir ! » Moïra tomba à terre, un mal de tête lui prenant soudainement. Cara, sa camarade de classe se jeta à ses côtés.
« Ça va ; c'est ma télépathie qui fait des siennes. » Il lui suffisait juste de penser à quelque chose d'autre ; le fait qu'elle ne pensait à rien laissait en actif son don, donc, de ce fait, elle entendait tout sans le vouloir. Le professeur Xavier lui avait appris cette technique pour ne pas être assaillie de toutes les pensées d'autrui. Cela ne lui était pas difficile à cet instant ; elle se focalisa sur un moyen de fuir l'attaque.
« Bon, vous avez entendu l'alerte ? Il faut qu'on file d'ici. » Aidée par Cara, Moïra rejoignit le reste du groupe hors de la salle. Une fois dans le couloir, elle vit tous les étudiants courir dans des sens opposés. C'était vraiment la panique.
« Par où doit-on passer ? » Réfléchis Moïra ! Pour trouver rapidement une solution, elle usa de nouveau de son pouvoir ; elle entendit tous les cris des gens. Ils étaient tous terrifiés et ne savaient pas quoi faire malgré leur entraînement dans l'Académie. Elle était même entrée dans les pensées des assaillants ; ils étaient déjà là.
« Il faut qu'on aille à l'issue de secours de l'aile ouest ; HYDRA a déjà attaqué l'aile est. » informa-t-elle. Personne ne la demandait comment elle le savait, tous la croyaient. En fait, tout le monde était au curant de son don. Et cela n'avait dérangé personne et Moïra a bien été accueillie parmi les étudiants ; elle s'était sentie pour la première fois intégrée dans une communauté. Mais ce n'était pas le moment de se ressasser les bons souvenirs ; l'heure était à la fuite. Tous accoururent alors vers la sortie de secours. Le groupe d'étudiants passa de couloirs en escaliers, et inversement pour atteindre l'issue ; ils avaient croisé les alliés d'HYDRA et les échappèrent aussitôt. C'était un véritable cauchemar. Tandis qu'ils traversèrent une salle avec une immense baie vitrée, le meneur arrêta la course, observant le paysage dehors. Tous firent de même ; un héliport se tenait face à eux. Ils n'eurent pas le temps de réagir que l'engin leur envoya un missile qui ailla se frapper à des étages au-dessus d'eux.
« A COUVERT !! » Tous se jetèrent à terre et lorsque le missile frappa, le plafond s'effondra sur eux. Moïra se sentit tirée vers le bas et fut jetée à terre violemment. Un mal de crâne la saisit de nouveau, mais cette fois-ci, à cause de la chute. Sa vision troublée, elle se releva tant bien que mal et un nuage de poussière la séparait du reste du groupe. Elle entendit malgré la voix de Cara au loin ;
« ... Moïra ... Moïra ! » « Par ici ! » Sa vue retrouvée, elle se fraya un chemin vers l'origine de l'appel et distingua enfin Cara avec le reste du groupe.
« ATTENTION ! » Trop tard. Moïra n'eut pas le temps de réagir qu'une poutre lui tomba sur la tête. Elle s'affaissa de nouveau, sonnée par le choc. Elle se toucha la tempe et sentit quelque chose de chaud lui couler sur le visage. Sa vue était de nouveau brouillée ; elle distingua à peine les silhouettes se diriger vers elle. Et tout s'assombrit.
A son réveil, elle se trouva dans une chambre blanche. Elle nota qu'il faisait gris dehors et qu'une chevelure blonde se trouvait à ses côtés ;
« Moïra ! » « Combien de temps je suis restée inconsciente ? » Elle s'en souvenait ; de l'Académie Shield, de l'alerte, de l'héliport et de ce choc qui l'avait plongée dans un profond sommeil.
« Trente-trois jours. Les gens normaux auraient dit dans ce genre de situation un mois, mais tu sais, je ne suis pas comme les autres. Tu sais, je suis restée à tes côtés depuis le début de ton comas ; c'est pour ça que je me souviens parfaitement de nombre de jours. En fait, on est plutôt le trente-quatrième jour mais je ne le compte pas vu que maintenant tu es réveillée ! » Moïra voulait qu'elle se taise ; l'entendre parler lui donnait un mal de crâne. Elle ne s'entendait plus penser.
Une seconde ?! La jeune fille porta ses mains à son visage. Ses doigts frôlèrent une texture qu'elle identifia comme étant un bandeau lui entourant son crâne et se posèrent sur ses tempes. Elle ferma les yeux un instant et fit le vide dans son esprit.
Rien ! « Cara, j'entends plus rien ! » « Quoi ? Comment ça ? T'es sourde !? » « Noon ! C'est ... La télépathie ! Je ... Oh non non non ! J'entends plus rien ! J'entends plus RIEN ! » La panique la saisit ; elle garda ses paumes à la hauteur de ses tempes et se mit à se balancer, répétant la même phrase. Elle ne fit pas attention à son amie qui alerta les médecins, ni à leur arrivée, ni à l'aiguille qu'on lui plantait dans l'épaule et qui la plongeait dans un profond sommeil. Tout ce qui la préoccupait était que son pouvoir était parti ; elle n'entendait vraiment rien du tout.
Même décor, mais le temps avait changé ; il pleuvait à présent. Moïra était assise sur le lit, face à la fenêtre, le regard dans le vide. Son bandage lui avait été retiré, délivrant ainsi ses cheveux qui avaient beaucoup poussé. A la place, on lui avait mis un gros pansement, lui recouvrant le côté gauche de son visage. Elle sentait la présence du professeur Xavier derrière elle. Elle l'entendait parler ;
« Tu as subi un trauma crânien violent. Les médecins devaient réagir rapidement et devaient t'opérer immédiatement. Malheureusement, la zone du cerveau qui était connectée à ta télépathie a été endommagée. Je crains que cela explique le fait que tu n'entendes plus les pensées. » Moïra ne réagit pas, mais des larmes lui coulaient sur le visage. Elle était fan de Grey's Anatomy. Elle pleurait toujours par empathie les proches des malades lorsqu'on leur annonçait la mort d'un des leurs ou bien qu'un patient avait perdu un membre, voyant sa vie ruinée. C'était son ressenti ; sa vie était ruinée. Elle avait perdu son don, elle avait perdu tout sens à la vie.
« Cependant, je pense sincèrement que ton don n'est pas endommagé ou parti, comme tu peux l'imaginer. Il est probablement encore là, en sommeil. » Il avait lu dans ses pensées, c'était certain. Sinon, il n'aurait pas dit cela, qu'il y avait une possibilité que son don puisse un jour ... revenir. Elle avait perdu tout espoir. Elle se contentait de garder le silence et d'observer les gouttes de pluies courir sur la vitre.
« Allons-nous-en Cara. Elle a besoin d'un peu de temps ... » Un peu de temps pour quoi ? Pour penser qu'elle était devenue une moins que rien, qu'elle n'avait plus aucun sens dans sa vie. Pour ça, elle avait tout son temps dès à présent.
2 2 Y E A R S O L D
Guidée par l'alcool, elle sortit d'un bar, accompagnée d'une bande d'amis. Des amis ? Moïra ne savait même pas qui ils étaient ; elle était tombée sur eux, ils lui avaient proposé de venir boire un coup. Elle a accepté. Après, c'était l'anniversaire de la disparition de son don. Deux ans. Deux ans qu'elle n'était plus télépathe. Elle a refait cependant sa vie depuis ; elle a repris ses études, mais dans l'histoire de l'art cette fois-ci. Ses propres parents ont refusé de la reprendre, du coup, le Shield et le professeur la financent juste le temps qu'elle puisse prendre sa vie en main, économiquement parlant. Elle vit seule, erre seule, tel un fantôme. Quand la fameuse date fatidique arriva, elle buvait comme un trou pour éviter de pleurer. Aussi, elle couche à droite et à gauche, cherchant un semblant de réconfort. Rien à faire. Tous ses anciens contacts continuent de l'appeler, prendre de ses nouvelles ou bien de l'encourager à revenir à l'Académie pour rejoindre le Shield. A quoi bon ? Elle ne leur est d'aucune utilité. Elle serait même un boulet pour eux et elle en avait honte. Elle fuyait ses camarades de l'Institut Xavier et de l'Académie ; leur pitié lui faisait peur. Elle avait horreur d'être vue comme faible. Tous prétendent partager sa peine ; ils ont tort. Personne ne peut vivre ce que Moïra vit en ce moment. Alors, elle tente de vivre encore, de s'échapper à son ancienne vie. Mais cela lui est impossible car elle ne cesse de se ressasser tous ses vieux souvenirs. Comme ce soir-là.
L'alcool lui brouillant l'esprit, elle se mit à penser à Miles, son ex-petit-ami de l'Insitut. En pensant à lui, elle crut le voir. Instinctivement, elle le suivit. "Miles" marcha tranquillement dans une allée sombre et Moïra en fit de même. Ils étaient loin de l'un à l'autre et Moïra veillait à garder cette distance. Miles s'arrêta et elle en fit de même. Il se retourna et jeta un regard vers elle. La jeune femme commença à se douter ; s'agissait-il vraiment d'une illusion ? Il lui semblait tellement réel. Son regard lui faisait cet effet-là, ainsi que la cigarette qu'il avait à la bouche. Elle resta là à l'observer, avant qu'une envie soudaine de vomir la saisisse. Elle se plia en deux et déversa tout ce qu'elle avait conservé dans le ventre. Une fois fini, elle se releva et constata que Miles avait disparu. L'illusion avait finalement pris fin. Elle se dirigea vers l'endroit où s'était tenu Miles et s'arrêta ; par terre, il y avait un mégot de cigarette consommé encore fumant.