Mes journées étaient de plus en plus difficiles à vivre, à supporter avec l'idée de ce que j'avais pu faire il y a à peine deux jours. Je songeais encore à comment cela avait pu être possible. J'en étais même venu à me demander si l'ignorance n'aurait pas été plus profitable au final...vivre dans le déni complet, ne jamais savoir que The Ghost Claw était mon miroir. Chaque jour, j'angoissais à l'idée de découvrir de nouvelles victimes, à revoir ces en-têtes de journaux avec les mêmes phrases d'accroche bidon, ou encore les entendre déblatérer à ce sujet à la radio. Et il y a une cinquantaine d'heures, j'avais encore frappé. Dans le lot, il y avait eu trois enfants. Je ne savais pas si c'était simplement du dégoût ou de la peur, de la colère ou du désespoir. Toujours est-il que le résultat était le même : j'étais impuissant et tout ça allait vraiment finir par dégénérer.
Aujourd'hui, je n'avais fait que 6h. Je n'aurais pas pu travailler davantage, tant mes pensées s'entremêlaient. Sans compter que j'étais particulièrement désagréable, et c'était le début des festivités, je me connaissais. Il fallait que je me tire de la ville au plus vite et ce pour un petit moment. Oublier pour de bon et m'éloigner. Pour préserver un maximum de personnes, car cette fois-ci je savais que j'étais capable d'éviter des désagréments inutiles. J'étais encore en pleine possession de mes moyens, autant en profiter tant que ça dure. Je m'étais donc échappé aux alentours de 13h30. Sans manger. Ce fut l'une de mes erreurs, je l'avoue. J’étais encore plus exécrable le ventre vide. Mais j'étais tellement poussé par mon instinct que je n'avais pas songé à autre chose que de partir. Loin. À cheval sur ma bécane à deux roues. Ma Honda se décrassait par la même occasion. Et même si les marques japonaises n'étaient pas très appréciées par les bikers locaux, je continuais à la faire tourner, peu importe leurs jugements ringards et peu élevés. Mais certains étaient vraiment cons et poussaient le vice trop loin. J'étais donc quelque peu prudent, moi qui tenais à ce tas de ferraille comme de mon premier fiddle.
L'estomac grondant, je m'étais arrêté chez un routier afin de manger un peu. Enfin...un peu, dans la mesure du possible me concernant. J'étais littéralement affamé. Je m'étais arrêté au "seuil acceptable" pour un homme de mon gabarit, mais cette satiété quasi-inexistante était définitivement gênante. Je m'étais retenu, j'avais tout de même fini par être jugé comme morfale sans pour autant tomber dans l'inhumain. Cette frontière dépassée, la suspicion aurait pu naître de leur côté. En soi, le fait d'avoir à me modérer m'agaçait aussi. Mais le moral du jour n'aidait pas non plus. J'aurais dû prendre mon repas entre quatre murs, face à moi même : le problème de jugement ne se serait alors pas posé.
J'étais reparti. Toujours plus loin. La vitesse, je la modérais pour les beaux yeux de l'Etat américain, mais aussi parce que je ne voulais pas être considéré comme un trouble fait pour si peu. Il ne manquerait plus qu'on m'ôte le seul moyen de m’évader... Étant parti qu'avec la moitié d'un plein, je dû me débrouiller pour trouver une station service dans le patelin le plus proche. Je n'étais pas dans la cambrousse mais je n'étais certainement pas dans une mégalopole non plus...au final, j'en trouvai une. Je payai le pompiste et m'apprêtai à repartir de nouveau une fois le carburant chargé. Sous le soleil devenu faiblard de 17 heures, je me suis forcé la main pour aller me prendre une boisson dans la boutique. Une fois à l'intérieur, j'avais décidé de me fermer aux autres afin de ne pas réagir démesurément. Un voile d’indifférence qui pouvait faire beaucoup. Instinctivement je gardais un œil sur la moto qui était à l'extérieur. J'avais pris une bouteille d'alcool qui m'avait fait de l’œil : d’un autre côté, l'eau citronnée qui la précédait ne faisait vraiment pas le poids. Et je savais ce que j'allais en faire, loin d'ici, posé dans un coin isolé. C'était le plan. Je passai à la caisse et regardais de nouveau par delà la vitre qui séparait l'intérieur de la boutique aux pompes de l'extérieur. Trois motards s'étaient arrêtés à la station également, et tournaient autour de la bécane, semblant chercher son propriétaire. En fait, je n'avais aucune idée de ce qu'ils trafiquaient. Mais ils semblaient bien parler et pas de la couleur du ciel...
Ressortant avec mon sachet au bout du bras, je me dirigeais vers ma monture mécanique, casque toujours sur la tête. Comme un appel au secours connu, j'avais une furieuse envie de fumer. Mon pouls s'était emballé de lui même alors que leurs yeux s'étaient levés vers moi. Je les dépassais tous de quelques centimètres, parfois plus. Mais je n'étais pas ici pour prendre des mensurations. « Un problème ? », lançai-je, au taquet. Des rires s'élevèrent, les leur, et mon instinct me hurla de les faire taire. Je tentai de calmer mes ardeurs, mais cela n'était qu'une vaine tentative. Je resserrai mes poings sur eux-mêmes. J’étais certain de retarder ce qui devait inévitablement arriver...
« Ici c'est not’ territoire, tu ferais mieux d'retirer ton vieux débris d’niakoués si t’veux pas avoir d’ennuis. »
Pour qui ils se prenaient ces mange-merde ? Je vis rouge instantanément. Nous n'étions pas seuls, le pompiste assistait lui aussi à la scène et j'en étais navré pour lui. Il décida de ne pas intervenir. Ca me laissait une vague idée sur ces personnes, qui ne semblaient pas être inconnues au bataillon.
« Allez vous faire foutre », glissai-je en gaélique à leur encontre, rangeant la bouteille dans mon box arrière. Leur réaction fut plus agressive. Le poids du nombre, toujours. « Qu’est-ce qu’t’as dit ? », crus-je entendre. Mais ils n'allaient pas gâcher ma journée déjà pénible émotionnellement parlant. « J’ai vous ai dit d’aller vous faire foutre. », corrigeai-je en anglais fourché de mon accent écossais. Leurs regards s'entrecroisèrent, l'un d'eux tenta de s'approcher de moi mais ses chiens le tinrent. Le temps qu’ils agissent et j'avais enfourché ma Honda, démarrant le moteur. Je ne leur laissai pas l'occasion de réfléchir davantage et accéléra.
S’ils en restaient à une forme de lâcheté, ça m’irait parfaitement. Au moins, les deux camps seraient éloignés l’un de l’autre. Néanmoins j’avais gardé en hypothèse de possibles pulsions revanchardes. Je ne les vis pas derrière moi tout de suite, j'avais pris de l'avance. Connaissant le coin mieux que moi, ils ne perdirent pas de temps pour me rattraper, mangeant les kilomètres en me talonnant de près. Il n'avait pas été difficile pour moi de les voir se rapprocher dangereusement, jouant avec mes nerfs. Me jouer un sale tour en pleine route, très peu pour moi, j’avais senti le vent. Je ne parvenais pas à stopper ce flot d'émotions négatives qui m’étouffaient et m’empêchaient de réfléchir convenablement. Je serrais sur le côté pour pouvoir m'arrêter sur un terre plein...ils firent de même. Cette fois-ci je ne m'en sortirais pas avec pacifisme. Si je ne savais pas qui j'étais, j'aurais réagi autrement, pour sûr. Mais là...là, c'était trop pour moi.
Ils en avaient après moi, leur fierté leur braillant de me mettre une raclée. J'étais descendu au plus vite de ma moto après l’avoir immobilisée. À leur hauteur, je n'avais pas attendu - pas une seconde de répit, j'étais parti au quart de tour. J'en avais assommé deux, le premier en lui ayant balancé un coup de casque dans le visage et l’autre d’un bête coup de poing localisé à l’identique…mais le dernier était armé. « Bouge pas connard ! », hurla t-il à mon encontre. J'allai droit sur lui. « Bouge p… »
Un coup de feu me fit siffler un instant les oreilles, et il ne me fallut peu de temps pour me rendre compte qu'il m'avait touché sur le flanc droit. Ce n’était pas grand-chose en soi, mais ça faisait foutrement mal. J’avais cependant eu le temps de lui porter un coup décisif, facilité par la colère que j'avais canalisée suite à la douleur. L'homme avait valdingué à deux mètres, sa mâchoire fracassée. Ce que j'ignorais, c'était que sa langue avait été sectionnée durant l'opération. Ma main se porta instinctivement à l'endroit où j'avais été touché, pressant sur la blessure afin de freiner le saignement. Je souffrais mais je ne m'étais pas mis à terre. J’étais infirmier pas casseur de briques…même si la question pouvait se poser. J’étais en train de repasser les dernières minutes écoulées dans ma tête, et l'incompréhension, puis l'angoisse me happèrent. Je n'avais jamais eu autant de force dans mes bras qu’à l’instant. Ce n'était pas normal. Quelque chose clochait. Je sentais la frontière entre moi et l'Autre apparaître comme les portes de l’Enfer. J’étais dépassé, mais jusqu’où pourrais-je tenir ?
« Non, non, non et non », marmonnai-je dans ma barbe, en colère contre moi-même. « Damnú air ! »
Il fallait que je disparaisse maintenant, il n'était pas question de rester ici plus longtemps et de prendre le risque de me mettre en danger. Ou même eux, quant bien même ils étaient des couillons de bas étage. Ils étaient tous vivants mais inconscients, je croyais percevoir des respirations calmes...combien je l'ignorais - et l'urgence ne me laissait pas le temps ni l'envie de m'y pencher. Risquer de mettre des traces de mon sang ici en prime...très peu pour moi. Au moment de reprendre mon cheval en ferraille japonais, je me fis stopper dans mon élan.
Du bruit et une putain de voix. Ce n'était pas celle d'un des gars. Le contraire m'aurait étonné...mais j'aurais préféré que ce fût le cas.
Vega Fawley devait vite rencontré n°6, en effet leur expérience était maintenant à New York et commençait à faire parler de lui. Alors quand elle avait sut qu'il partait de la ville, elle s'était dépêchée de le suivre de loin. Elle avait pris sa voiture et avait suivie la moto de l'homme. Vega sentait que c’était le bon moment pour lui parler de son affiliation prochaine avec Hydra. L'homme devait les rejoindre et il deviendrait une arme de choix pour Hydra mais il devait faire confiance en Vega. Il s'aretta une première fois et Vega le regarda de loin en cachant sa voiture. Elle n'avait pas fait l'erreur de ne pas manger. Elle attendit un peu avant de pouvoir le suivre sans éveiller de soupçon.
L'homme continuait sa route et Vega se demandait jusqu'au il voulait allez. Vers 17 heures, il s'aretta à une station service. Vega n'avait pas besoin de faire le plein mais elle regarda N°6 aller dans le magasin. La rousse vit arriver ces motards qui semblaient vouloir chercher les problèmes. N°6 s’énerva et repartit toujours plus loin. Vega attendit un peu et vit que les motards suivaient aussi l'homme. Elle suivit de loin et arriva sur un terre plein, N°6 était blessé et un homme était en mauvaise posture. Vega sourit à l'injure écossaise de sa cible. Alors que N°6 allait remonter sur cette moto, Vega l’arrêta d'un sourire.
Monsieur, vous allez bien ? Laissez moi soignez cette blessure.
Vega devait jouer la gentille personne pour qu'il ne se doute de rien. Elle était la diplomate et la stratège de l'organisation. L'homme était en mauvaise posture, il fallait vite le sauver, mort il ne servirait plus à rien. Les motards étaient vite partis sans broncher. Vega retourna sa voiture ou elle avait toujours une trousse de secours, on ne savait jamais. L'homme semblait un peu ours mais elle s'en doutait par apport à son double. Vega savait qu'elle devait faire attention car il fallait que la situation soit plus calme.
Je vais vous soigner. Je vais retirer la balle, ça peut faire mal.
Vega déchira le jean de l'homme et commença à enlever la balle. Il fallait qu'elle fasse doucement, évitons une trop grosse hémorragie. Méticuleusement, elle réussit à enlever cette balle sans toucher un organe. L'homme semblait aller bien mais bon, il fallait qu'elle fasse un bandage qui tiendrait le temps d'aller dans un endroit plus apte pour soigner qu'en plein milieu de nul part. Son bandage fait, Vega fut assez contente car elle s’était plutôt bien débrouiller.
J’espère que ça va tenir assez longtemps, vous pouvez marcher ?
Vega était prête à aider l'homme à se relever. Elle se tenait près de N°6 en espérant que son soin expresse tienne assez longtemps. Vega nettoya ses mains qui étaient pleine de sang. Cet homme allait les rejoindre et deviendrait l'armes ultime d'Hydra.
Je me tenais le flanc d’une main en pressant de toutes mes forces, cela suffisait amplement à freiner l’hémorragie naissante. J’étais passablement agacé, sur le chemin vers l’énervement. Le genre d’état dans lequel je ne voulais pas tomber car je savais ce que cela signifiait. Aujourd’hui j’en étais conscient. Si j’avais su…
J’allais enfourcher ma moto de nouveau lorsque la voix me parut plus nette, vibrante à moins de deux mètres de moi. Je redresse le nez un instant, la fixant d’un regard que je n’aurais jamais voulu croiser moi-même. Elle était calme, arborait un sourire qui semblait renvoyer chez elle un sentiment de satisfaction fantôme. Comment être sereine ? Était-elle du métier elle aussi, ou l’avait-elle été ? Allez savoir. Elle ne semblait, en tous cas, pas inquiète pour ceux qui souillaient le sol caillouteux. J’étais happé par tant d’émotions que je n’avais pas capté le mouvement des deux motards vivants qui rampaient jusqu’à leur carrosse à deux roues. « Est-ce que j’ai l’air d’aller bien, selon toi ? », lui avais-je lâché au nez sans avoir réfléchi un seul instant. Pas de vouvoiement, c’était le signe que la réflexion ne m’avait même pas effleuré l’esprit. C’était parti tout seul, et j’espérais que je n’allais pas aller plus loin dans mes élocutions.
Je n’allais pas prendre le risque qu’elle me dénonce, et c’est ainsi, en attendant (presque) sagement qu’elle aille chercher quelque chose dans sa voiture pour me soigner, que j’entendis les deux motards partir. Je me relevai du sol sur lequel je m’étais affaissé brièvement, l’angoisse montante. « Il ne faut pas qu’ils se… », commençai-je. J’aurais pu les courser, mais je n’en avais pas réellement envie…pour la simple et bonne raison qu’il ne devait pas avoir une seule goutte de sang m’appartenant au sol. Je grogne dans ma barbe alors que je vais vers sa voiture. C’est là, assit sur le rebord du coffre, qu’elle parvint à extraire la balle qui s’était logée dans ma chair. Je n’avais strictement rien dit et avait laissé faire, bien que mon instinct aie voulu que je fracasse quelque chose, quelqu’un à portée de main. J’ignore comment j’ai réussi à tenir, mais c’était le cas. Moi qui détestait qu’on me tripote, j’avais dû prendre sur moi au maximum pour ne pas exploser de rage.
J’avais regardé une ou deux fois pour être certain qu’elle faisait bien le bandage. J’aurais voulu le faire moi-même, mais j’aurais été trop énervé pour faire quoi que ce soit : j’aurais bâclé plus qu’autre chose. D’autant que je lui aurais donné trop d’informations sur moi. On ne se connaissait pas et je n’avais aucune envie de connaître quelqu’un qui m’avait, qui plus est, vu dans cet état. J’espérais simplement qu’elle n’était pas là plus tôt. Là où mes coups défiaient la norme…là, je serais foutrement plus inquiet que je ne l’étais déjà. Elle me demanda, une fois son oeuvre terminée, si je pouvais marcher. Dans mon cerveau, pas de problèmes. Dans les faits, ce fut la même chose. « J’ai connu pire. », lui dis-je simplement en me relevant du bord du coffre ouvert. J'avais effectivement connu pire et j'étais loin de m'imaginer qu'elle y tenait sa part de responsabilité. J’étais déjà à me rediriger vers ma moto pour repartir, à un rythme assez lent ceci dit, car je souffrais. Mais il me semblait avoir oublié quelque chose. Un mot. Posé là, juste au cas-où. « Merci. »
Vega était assez contente de son petit bandage. L'homme semblait aller bien. Elle sourit doucement face à ses réponses. L'homme semblait aller bien et il ferait une assez bonne recrue. Vega vit très bien qu'il semblait un peu énervé. Il fallait qu'elle évite de trop le titiller. Vega devait trouvée un moyen pour qu'il reste avec elle et qu'elle puisse le recruter. C'était un plaisir, je n'allais pas vous laissez vous videz de votre sang dans cet endroit. Vega sourit à l'homme gentiment avec un peu d'hypocrisie. Hydra avait surveiller ses hommes et lui avait permis de venir en Amérique. Son implication dans l'organisation sera très intéressante. Comment le faire rester ici ? Il fallait que Vega puisse le recruter. Vous pensez pouvoir rentré avec votre moto ? Cette question était banale mais peut être qu'il pourrait faire un bout de chemin ensemble et se parler. Vega ne savait pas trop comment l'homme pouvait réagir. Il lui fallait d’être plus prudente. L'homme devait faire partie à la suite de sa rencontre à Hydra, Vega ne devait pas se rater. Je pourrais, vous raccompagner et j'aurais de la place pour votre moto. Je n'aimerais pas savoir que vous vous êtes fait mal alors que je vous ais bien guérit. Sa phrase resta en suspens et elle se demanda vraiment comment il pourrait la croire. Vega se devait de paraitre la plus sincère possible dans cette mascarade. Au fait, je m’appelle Corona Obermayer, enchantée de vous rencontrer. Vega donnait souvent son second prénom et le nom de famille de feu son mari. Comme cela, elle pourrait garder un certain mystère sur sa personne. Ce nom là faisait beaucoup plus membre de l'Hydra. Vega sourit gentiment à l'homme alors qu'elle s’asseyait sur le capot de sa voiture. Vega aurait cet homme avec beaucoup de persuasion. Il fallait qu'elle trouve comment converser avec lui sans qu'il ne se rende compte qu'elle essayait de le recruter. Vous alliez ou avec votre moto ? Une question toute banale encore une fois. Comme deux personnes se rencontrant à peine. Sauf que pour l’œil extérieure cette scène pouvait paraitre assez intrigante. Vega s'amusait toujours à jouer des scènes de recrutement. Elle regardait l'homme tranquillement. Vega savait ce qui se cachait à l’intérieur de cet homme. N° 6 ne devait en aucun cas leur échapper. Il n'aurait pas le choix de refuser, il serait piéger dans leur organisation. N°6 ne comprendra pas ce qui lui arrivera. Vega allait recruter ce petit loup pour Hydra et il deviendrait une arme de choix. On dirait que le peu que j'ai appris en médecine a fonctionné. Je me suis pas mal débrouillée pour votre bandage. Oui Vega était assez fière d'elle surtout que sa spécialité c'était plus les sciences humaines. Vega sourit encore lentement à l'homme. Elle la jouait assez hypocrite mais bon elle devait tout faire pour arriver à avoir N°6 avec Hydra.
J’entends sa voix, encore une fois, qui m’interpelle. Je jette un coup d’oeil par dessus mon épaule alors que j’étais encore sur le chemin pour rejoindre mon carrosse. Elle savait coudre, c’est bien, j’aurais pu le faire moi-même aussi. Je me demande alors pourquoi je l’ai remerciée à cet instant, mais une fois de plus, elle semble se préoccuper de mon état. Je pivote un peu plus pour la voir.
Première pensée à la voir, là, réagir ainsi face à moi. Est-ce qu’elle est sérieuse ? Ou encore… elle se fout de ma gueule…elle se fout de ma gueule, que je me répétais inlassablement, l’esprit embrumé par la colère. C’était évident. Comment pouvait-elle être aussi…sereine ? Ces gars ne s’étaient pas fait des croche-pieds entre eux, les autres aux gueules décharnées contre terre non plus. Ils ne puaient pas l’alcool - ils puaient tout court, mais c’était une autre histoire - ce qui signifiait que la théorie de la bagarre bête et méchante ne tenait même pas la route. C’était des bikers, et les bikers, ça traîne toujours en bande. Là, ils étaient peu. Elle a laissé filer deux d’entre eux. Ils vont me retrouver et vont rendre obsolètes tous mes efforts pour ne pas laisser l’Autre sortir. Mais pire encore, elle aurait dû tilter que c’était moi qui était responsable de toute cette casse. Ça crevait les yeux. Alors pourquoi s’était-elle arrêtée, pourquoi avait-elle prit ce risque ? Et pourquoi diable me souriait-elle - alors qu’à mesure que les secondes défilaient, j’avais l’envie irrépressible de le lui arracher du visage ?
« Non voyons, et si je le méritais ? Ça vous a pas effleuré l’esprit ? », évidemment qu’elle ne s’était pas posé la question si je méritais d’avoir pris cette balle ou non. Le seul debout ? Blessé ? Des couillons laminés au sol ? Attendez voir, est-ce que c’est pas une caméra cachée ? Dans tous les cas, j’étais loin d’être aussi calme que l’avant-veille. Les nouvelles n’avaient pas été bonnes, l’Autre avait frappé sans réelle raison, puis cette bande de cons avaient voulu jouer les gros durs. J’étais épuisé moralement et en plus de ça, je m’étais pris une balle. Une belle journée comme on en fait plus. L’Autre gratte, j’ignore qu'il veut sortir pour que mes tissus se régénèrent. Pour moi, il représente un réel danger et rien d'autre. Il ne doit pas sortir. C'est là qu'elle ajouta le fait qu’elle voulait me savoir en sécurité et, étrangement, ses mots ne me touchèrent pas. Je réagissais au quart de tour, encore. « Vous voulez mon numéro aussi ou ça ira ? Je connais le chemin… » Sans crier gare, elle se présente à moi. Qu’est-ce qui était en train de se passer au juste ?
« Corona… », je peux m’empêcher de penser à autre chose que ce prénom aux sonorités exotiques. Et dans ce merdier, j’arrive même à trouver de la bière…mais pas blonde comme je l’imaginais. De telles pensées auraient pu faire jaillir un sourire, même forcé, sur mon visage. Mais il n’en fut rien. Par contre, chez cette prétendue Corona, il y avait toujours un sourire, et m’y attarder m’hérissait au plus haut point. « Où j’allais ? », répétais-je, regardant un moment cette route qui se perdait vers un horizon des plus lointains. « Peu importe, » avais-je simplement notifié avant de la regarder de nouveau, l’air sévère. Le silence ambiant était presque étrange. Une voiture passa à toute allure sur ladite route, laissant un courant d’air nous faucher. Le silence revient. Et là, j’entends les battements de son cœur. Dans ma colère, je n’y avais pas prêté attention. Ils sont anormalement rapides. Je crois que ce n’est pas le fruit du hasard. Madame n’est pas atteinte de tachycardie. Madame me ment. J’en ai l’intime conviction.
Je revins vers elle, elle qui était postée sur l’avant de sa voiture. La douleur me tiraille, j’en comprime mes mâchoires afin de penser à autre chose que ça. Arrivant à sa hauteur, la surplombant, je lui demande de but en blanc, l’œil mauvais. « Qu’est-ce que vous me voulez ? » La question est simple. J’attends une réponse tout aussi concrète. J’osais espérer qu’elle ne mente pas davantage. J’étais beaucoup plus proche, je percevais ce qu’elle ne percevait pas. Mais dès lors, si elle était vraiment apeurée, je ne saurais jauger si c’était du fait de la peur ou du mensonge. Triste vérité, c’était là où je m’étais fait prendre à mon propre piège. Je grimace légèrement lorsque je sens ma blessure tirer sous son bandage, n'ayant pas été précautionneux vis à vis de mes mouvements. « Et ne vous avisez pas de me mentir…Corona. »