Si elle avait eu besoin d’un bon canapé, elle aurait été dans le quartier Italien. La télé lui rabâchait assez les oreilles avec la qualité et le design italien. Mais, heureusement pour elle, c’était de matériel informatique dont elle avait besoin alors, direction le quartier Chinois où elle y connaissait une petite boutique sympa. Le genre d’endroit qui ne paye pas de mine, qui ne donne même pas envie d’y foutre les pieds de peur de se faire refiler une statue de la liberté avec un beau made in china en dessous. Cependant quand on connaissait le gérant, on avait le droit d’aller dans l’arrière-boutique et là, sérieux, c’était le paradis. En tout cas, pour Eileen, ça s’en rapprochait – Oui, pour elle le paradis c’était un endroit rempli d’Irlandais, de bière, de match de rugby et d’une connexion wifi de malade !
« ‘Lut Lee. » Grand sourire, signe de la main, elle n’avait rien oublié en entrant dans la boutique… Rien oublié ou presque puisque le gérant ne se gêna pas pour lui rappeler qu’il ne s’appelait pas Lee. « Mouais, c’pareil. » Laissa-t-elle entendre en roulant des yeux parce qu’elle n’aimait pas se faire sermonner. Pas de sa faute à elle si ce type avait une tête à s’appeler Lee, à défaut d’avoir une tête qui permettait d’avoir une idée de son âge. Mais qu’on ne se méprenne pas, elle l’aimait bien.
« Dis-moi, j’ai b’soin de deux ou trois trucs. » Elle sortit un papier de sa poche sur lequel était écrit le nom de deux pièces dont elle avait besoin. « Je n’ai pas encore d’objet te permettant d’apprendre à bien articuler. » Elle releva son regard sur Lee – qui ne s’appelait pas Lee – avec une mine boudeuse sur le visage. « J’vois pas d’quoi tu parles. » Non parce qu’elle faisait des efforts à force d’entendre qu’elle parlait super mal. « Vous les Irlandais, vous ne savez pas articuler. » Il soupira comme si le monde ne tournait pas rond en se dirigeant vers l’arrière salle. « J’crois qu’ça vient du fait qu’les premières personnes qu’on entend parler on d’jà quelques pintes de bières dans l’bide. Forcément ça aide pas. »
Eileen lui emboita le pas dans l’arrière-boutique où elle prit sur elle de ne pas ressembler à une gamine devant un sapin le soir de noël. Pas toujours facile de laisser croire qu’elle n’y connaissait rien en informatique mais, au moins, ça permettait de la protéger un peu dans ses activités. « Donne-moi ta liste, tu vas encore m’écorcher tous les noms qu’il y a dessus. » Lee, ou peu importe son véritable prénom, tendit une main vers elle en agitant les doigts. « C’pas d’ma faute. » Jamais de sa faute, question de principe. « Vos mots sont trop compliqués aussi, sérieux. C’du charabia. » Lee leva les yeux au ciel en se demandant, encore une fois, comme ce fameux contact avait pu prendre une demeurée en informatique comme cette fille pour jouer les intermédiaires. Il fouilla dans un bordel sans nom, où il était le seul à pouvoir se repérer avant de revenir vers elle avec les deux pièces qui lui fallait. « Tient voilà, et… » « Je sais… Fais attention dans les transports… » « … C’est fragile ces petites choses-là. » Ça la fit sourire de voir que Lee était exaspéré de la voir l’imiter mais il disait toujours la même chose aussi. Eileen le remercia avant de tout ranger dans son sac et après un salut, elle quitta la petite boutique.
Jusque-là tout s’était bien passé, Eileen ne voulait plus qu’une chose : rentrer et pouvoir installer ses nouvelles pièces. Le moyen le plus rapide restait le métro mais c’est là que les choses commencèrent à se compliquer. Il avait fallu qu’elle choisisse la même rame qu’une bande d’abrutis. Un abruti c’était chiant mais une bande d’abrutis, c’était pire que tout. A croire qu’ils s’entrainaient mutuellement dans leur connerie. Enfin bref ils étaient là à lui prendre la tête sur le jean trop serré – selon eux, parce qu’il était parfait ce jean – qu’elle portait, sur les différentes couleurs qu’elle avait dans les cheveux et tout un tas de choses. Franchement, en temps normal, elle les aurait juste envoyés se faire voir et serait passé à autre chose. Mais ces types combinés à un arrêt brusque du métro dans un bruit horrible, et voilà qu’elle se mise à paniquer. Sur le coup elle garda pour elle, ne voulant rien montrer de son trouble mais il faut croire que son enlèvement avait laissé quelques séquelles pour que des situations deviennent plus stressantes que d’autres.
Elle n’attendit pas son arrêt et descendit au prochain, un mal de tête lui perçant carrément le cerveau. Ça commençait toujours comme ça. Un évènement qui la stressait, une panique qu’elle n’arrivait pas à contrôler et ses pouvoirs lui rappelaient qu’ils étaient bien là. Arrivée dans la rue fut une épreuve sans nom, un tas de choses se bousculaient dans sa tête et ce n’était pas que ses pensées. Pourquoi est-ce qu’il n’existait pas des quartiers sans personne ? Hein ? Non parce que là, tout de suite, ce serait bien plus facile à gérer. Quoi qu’il en soit, ne voulant pas faire n’importe quoi, et encore moins quelque chose qui serait susceptible de la faire culpabiliser, elle prit la direction de l’endroit qui lui semblait le plus calme.
Un panneau avait indiqué le chemin à prendre vers le cimetière. Parfait. Glauque mais parfait pour elle. A bout de souffle elle arriva là-bas, pour se recroqueviller derrière une pierre tombale. Désolé Monsieur Smith – puisque c’est ce qu’indiquait l’écriture sur la pierre – mais c’était un cas d’extrême nécessité. Elle ne sut pas vraiment comment elle avait réussi à prendre son téléphone portable pour pianoter un texto. Surement une sorte de mémoire des mouvements pour se servir d’un téléphone, tous les jeunes de ce siècle devaient posséder une telle capacité. Et c’est avec l’impression que son crâne allait imploser qu’elle envoya un message à son père, il n’y avait que lui qui savait quoi faire dans ce genre de situation. Il fallait qu’il vienne, il fallait qu’il le fasse vite, parce qu’elle avait vraiment l’impression qu’elle allait y rester. Les genoux remontés contre son corps, elle se balança, les mains serrant sa tête, serrant les dents en espérant que son père allait venir.
Dernière édition par Eileen Waters le Jeu 12 Nov - 2:27, édité 1 fois
En attendant les temps qui feront de nous des héros. En attendant les temps, veux-tu les conter? En attendant les temps qui nous emmèneront là haut, j'apprendrai doucement à aimer. Le petit homme est jeune mais connait le souffle de la guerre. Vivant seulement pour être à la hauteur des contes de fées qu'il lisait déjà depuis tout gamin.
S'il n'y avait qu'une seule chose à savoir sur le dénommé Shane Waters, c'était qu'il ne fallait pas toucher à sa fille. Elle était son tout, son univers, sa seule raison de vivre. Tout le reste n'avait presque aucune foutue importance. Si elle se faisait enlever, il irait la chercher, que ce soit Dieu ou même le Diable, il irait leur défoncer la tronche, avec, ou sans pouvoir. Il l'avait déjà prouvé, un an auparavant quand une sorte de milice anti-mutant l'avait kidnappée, notre ami s'était rendu sur place seul, et avait tué tout le monde avant de faire exploser le complexe. Il fut certes aidé par une charmante alliée répondant au pseudo de Mystique, mais ce fut sans peur et sans la moindre hésitation que l'irlandais se jeta dans la gueule du loup. Depuis la mort de sa très regrettée épouse, toute sa vie ne fut tournée que vers Eileen. Comment pouvait-il en être autrement ? Il ne pouvait guère remplacer la douceur d'une mère, ni sa sagesse et son intelligence, alors, il fit de son mieux. Malheureusement, notre ami était plus une espèce de gros bourrin qu'autre chose alors, la façon de procéder ne fut jamais forcément la meilleure, mais, en tant que père l'on disait qu'il faisait ce qu'il fallait. Jamais son petit trésor n'eut de réels problèmes, se contentant juste d'enlever les divers problèmes avant qu'ils ne surgissent. Et par enlever, comprenez bien que, l'on parle bien de fracasser, exploser ou tout ce qui s'y apparente, tout cela ne dépendait que de la nature du problème au final. Cependant, soyez sûr que, quel que soit l'obstacle qui le séparait de sa fille, le quarantenaire foncerait dans le tas, fut-ce même Hulk ou encore La Chose. Inconscient ? Peut-être. Déterminé, idiot et sans peur ? Sans le moindre doutes. Ce qui est sûr cependant, c'est que, lorsque notre ami apprenait que son petit ange avait le moindre problème, il devenait presque fou, lâchait tout ce qu'il faisait et fonçait dans le tas, sans réel plan, comme toujours. Force est de constater, qu'en général cela marchait, comme ce fameux jour.
La journée avait semblé être des plus banales, comme n'importe quelle autre avant celle-ci. Eileen était sortie vaquer à ses occupations, sans que son vieux père ne demande réellement de quoi il s'agissait. Bien entendu qu'il mourrait d'envie de savoir ce que faisait sa chère fille mais, il avait peur d'un peu trop l’étouffer. Ce dont il redoutait le plus était qu'elle tombe sur un gars, un mauvais gars. Qui lui jouerait de la flûte pour lui faire des méchancetés. Oh certes, ce gars là, il le retrouverait et … Plus personne ne le retrouverait après lui mais … Ce qu'elle subirait, il ne pourrait l'effacer. Malgré tout, l'homme mûr faisait confiance à sa très chère fille, qui, de toute façon était bien plus maligne et plus intelligente que lui, cela ne faisait aucun doute. A vrai dire, c'était souvent elle qui réfléchissait pour lui et ce, dans bien des domaines. Particulièrement lorsqu'ils montaient un coup avec Joseph, où la pro de l'informatique servait d'opérateur. Avant cela, les plans de notre ami étaient toujours très similaire. On fonce tout droit, on fracasse la garde, on fait tout péter et on repart avec ce qui nous intéresse. Soyons franc, cela marcha étonnamment bien et ce, bien trop souvent, au grand désarroi de son ami d'enfance. Cependant, sa chère et tendre finit par lui faire entendre raison et laissa Joseph prendre les directives tout en les assistants.
Mais, je m'égare, pardonnez-moi. Je disais donc, que la journée semblait être des plus banales. De fait, Shane avait passé une partie de sa journée aux côté de Joseph à discuter d'un peu tout et rien, avant de partir s'occuper de ses éventuels clients, qui ne furent que trop peu nombreux. Il y eut bien une personne qui vint le voir, plus pour demander des informations qu'autre chose malheureusement, suivi rapidement par un junkie qui s'était trompé d'endroit. Enfin, il y eut un homme, venant se débarrasser d'un fléau. Un pouvoir fort gênant, qui fut très rapidement perçu par le dealer. En effet, l'inconnu avait débarqué, suivi de très près par une armée de rats, ragondins et autres rongeurs en tout genre. Un gros tas que Hakim fit cramer joyeusement. Pour remettre dans le contexte, Hakim fut le premier à obtenir un pouvoir grâce au don de Shane, ce fut certes une erreur au début, mais la chose lui servit bien des fois. Ce pouvoir fut donc celui de créer et de manipuler le feu. Donc, pour en revenir au client, ce dernier charmait les rongeurs sans le vouloir et n'avait absolument aucun contrôle sur eux, ils ne faisaient que le suivre et, le défendre dans de très rares occasions. Petit fait important, il était prêt à payer pour qu'on s'occupe de son problème. Chose qui intéressa d'ailleurs tout particulièrement notre ami qui s'empressa de lui absorber son don, le délivrant de sa malédiction. Mais, au moment d'encaisser le client bien heureux, Shane reçut un sms accompagné d'une sonnerie très spécifique, une sonnerie propre aux messages de sa fille. Le message était étrange, mais elle avait des problèmes et lui demandait de le rejoindre au cimetière Green Wood. Se relevant d'un bond il rangea son téléphone, prit sa veste et s'adressa à son confrère.
« Eileen a des emmerdes, occupe toi du gars, encaisse-le et essaie de nettoyer tes trucs là, faut je bouge, tout de suite. »
Alors, sans réfléchir, notre ami fonça, courant à toute allure vers le cimetière, avant qu'une triste réalité ne vienne le frapper en plein visage ; il irai sans aucun doutes plus vite avec une voiture, ou plutôt une moto. Pour dire vrai, l'irlandais n'avait jamais été très fan des voitures, préférant plutôt l'agilité octroyée par des deux roues. Par chance, juste devant lui, à un feu rouge attendait sagement un motard. Alors, avec sa finesse légendaire, Shane l’attrapa par le casque pour l'envoyer valser vers l'arrière, faisant ainsi tomber l'engin. Mais, alors que la victime s’apprêtait à protester, un violent coup de pied fut balancé dans son buste pour le dissuader de faire quoi que ce soit. Enfourchant sa nouvelle bécane, l'homme fonça a toute allure vers le fameux cimetière. D'ordinaire, l'irlandais était quelqu'un de relativement bon, prêt à aider son prochain s'il le pouvait. Mais quand sa fille avait le moindre problème, il n'avait plus aucun Dieu ni aucun maître, ni même remord à faire quoi que ce soit. Fonçant à toute allure, le motard fut rapidement poursuivi. Par la police ? Non, par une traînée de rats que l'on aurait pu croire dopés qui suivaient de loin le dealer qui n'avait pas pensé à obstruer l'effet secondaire de son don.
Arrivé enfin au cimetière, le quarantenaire ne prit guère la peine de garer le véhiculer, ralentissant tout juste suffisamment pour bondir de ce dernier sans se faire mal, tandis que « son » deux roues continuait seul son chemin. Seul quelques rats réussirent à le suivre jusqu'ici, semblant heureux d'être encore proche de leur nouveau messie, ou quelque chose dans le genre. Rapidement, le père inquiet retrouva son petit ange, devant une tombe, recroquevillée sur elle-même, montrant bien que ça n'allait pas. Ainsi, toujours escorté de sa garde personnelle, l'expert s'approcha de sa fille pour venir lui tenir les deux mains et la rassurer.
« J'suis là mon p'tit ange. Allez, respire, calme toi. C'est encore parti en couilles hein ? Allez, concentre toi sur mes pensées, doucement, tranquillement. Si tu t'en sors pas, j'prendrai le contrôle. Et … »
C'est alors qu'il remarqua enfin la présence du petit bataillon de rongeur, reniflant violemment juste à côté de lui. Un peu trop rapidement énervé, l'irlandais se releva pour leur mettre quelques coups de pieds pour les faire partir en leur criant dessus.
« Cassez vous putain ! Cons de rats de merde ! »
Voyant qu'ils ne partaient pas, il tenta alors de les caillasser sans grand succès avant de se rendre compte de ce qu'ils foutaient là et obstrua son pouvoir pour leur rendre leur liberté, ce qui lui fit lâcher un grand soupir. Il ne pouvait désormais que trop bien comprendre cet homme enfin libéré de ce malheur.
« Putain, quel pouvoir à la con bordel. »
Ainsi, il se repositionna en tailleurs devant sa fille, lui tenant délicatement les mains, essayant de faire en sorte de la calmer. En général, l'homme essayait de penser à quelque chose de calme et de relaxant, tel une mer avec de très légères vagues ou encore un air de musique celtique doux et joyeux. Cela avait marché assez souvent, il ne suffisait qu'à Eileen de se concentrer uniquement sur l'esprit de son père et, si cela ne marchait pas, ce dernier prouvait lui ôter ses dons et prendre le contre-coup à sa place. La voir souffrir était tout simplement la pire chose qu'il pouvait endurer, tout simplement.
Elle aurait dû faire du yoga. Ce truc à la con où il fallait se mettre dans des positions improbables, soi-disant que ça apprenait à faire le vide et à se calmer. Tu parles, ça l’aurait énervé plus qu’autre chose en ne comprenant pas comment on pouvait faire un angle aussi bizarre avec ses jambes. Il restait les exercices de relaxation : inspirer… Expirer… Inspirer… Non, ça aussi ça l’énervait plus qu’autre chose, comme si on avait besoin de lui dire quand elle devait respirer ou non. On ne lui disait rien… Sauf si c’était son père mais, lui, ce n’était pas pareil. Il avait tous les droits, c’était son père et ça suffisait amplement comme explication. Gardant une main sur sa tête, elle attrapa son téléphone pour savoir depuis combien de temps elle avait envoyé son fichu texto. Le temps avait ralenti, ce n’était pas possible autrement, il ne pouvait pas s’être passé aussi peu de temps.
Il allait venir. Il venait toujours. Elle le savait, il n’y avait plus qu’à prendre son mal en patience, ce qui était plus facile à dire qu’à faire. Ce que les gens pouvaient être bruyants, même dans leurs pensées. Ce serait une bonne chose si, de temps en temps – quand elle en avait besoin en réalité – ils pouvaient la mettre en veilleuse. Même en s’isolant elle restait trop proche de certaines habitations pour être tranquille. Ok, penser à quelque chose d’agréable : son père, sa mère, l’Irlande… Rien à faire, elle n’arrivait pas à se concentrer. Heureusement que son père arriva dans son champ de vision. Ça avait d’abord commencé par un bruit de moto – elle aurait tout le temps de s’interroger sur ce fait à un autre moment – et des pensées basées sur l’inquiétude. Chose qu’elle essaya de mettre de côté, jusqu’à ce que ses mains se retrouvent dans celles de son père.
C’était con mais rien que de le voir, de l’entendre, ça avait déjà presque un effet apaisant. Et elle incendierait le premier qui lui parle de complexe d’œdipe rester plus présent. Rien à voir. Aucun psy ne pouvait comprendre ce qui l’unissait à son père, non mais oh ! Elle l’écouta : respirer… Voilà, quand ça venait de lui, tout de suite, c’était beaucoup moins énervant. Elle lui serra les mains, essaya de se concentrer sur les pensées de son père, il avait toujours été doué pour ce genre de moment. Mais, le calme qu’elle essayait de retrouver se barra aussi sec quand le paternel se mit à hurler sur des rats. Des rats sérieusement ? Mais qu’est-ce qu’il avait été chopper comme pouvoir encore ? Ça aurait été quelqu’un d’autre, Eileen lui aurait déjà demandé de baisser d’un ton, ce n’était pas le moment de hurler à côté d’elle… Encore cette histoire de passe-droit.
« Des fois, j’me d’mande si t’as pas un autre pouvoir latent, t’sais, genre tomber sur des pouvoirs d’ce genre. » Eileen garda les yeux plissés sous la douleur que lui faisait endurer son cerveau mais elle rattrapa bien vite les mains de son père, à moins que ce ne soit l’inverse, franchement elle n’en savait trop rien. Tout lui échappait un peu tellement ça se bousculait dans sa matière grise. « Me l’reprend pas. »
Là, en revanche, elle parlait de son pouvoir. Elle n’était pas encore au point vraiment critique, celui où elle ne contrôlerait vraiment plus rien. L’irlandaise voulait y arriver, elle devait se reprendre et pourquoi est-ce qu’elle n’y arriverait pas alors qu’il était enfin arrivé ? Elle devait le faire, y arriver. Un jour un petit homme vert, très sage, a dit qu’il fallait le faire, ou ne pas le faire. Il n’y avait pas d’essai. Alors elle y arriverait, voilà.
« J’ai juste envie de frites… Non, d’un massage… Euh… D’un chapeau à paillettes bleues. P’tain mais qui a envie de ce genre de chapeau. »
Elle secoua la tête. Le problème à se taper les pensées des autres c’est que parfois elle s’y perdait un peu. Eileen commençait à dire une phrase et c’était une pensée d’une autre personne qui la finissait. En gros, dans un périmètre proche, un type était chez lui en train de rêver de son chapeau ridicule. Elle ferma les yeux aussi fort qu’elle le put histoire de se recentrer sur ses propres pensés et arriver à sortir une phrase qui venait d’elle et non des envies des autres.
« J’ai juste envie d’y arriver sans qu’tu l’reprenne. »
Une simple requête parce qu’elle savait que, de toute façon, s’il venait à lui prendre son pouvoir c’était qu’elle avait atteint le stade critique. Il avait toujours su quand le reprendre ou non, il ne viendrait pas à l’esprit d’Eileen de critiquer les méthodes de son père. Jusqu’à présent, ça avait toujours fonctionné. Du coup, retour à la case départ, elle devait se concentrer sur les pensées de son paternel et, pour cela, elle ouvrit à nouveau les yeux pour poser son regard sur lui. Ce qui était supposé la calmer, l’énerva pourtant.
« T’es sérieux là ? » Vu de l’extérieur, Eileen pouvait avoir un regard qu’on associerait à celui d’une mère qui s’apprête à faire des remontrances à son gamin. « Tu t’pointes en moto et… » Elle soupira en secouant la tête, l’air de ne pas être contente du tout. Remarquez que le fait d’engueuler son père lui permettait, pendant quelques secondes d’oublier que plusieurs cerveaux essayaient de rentrer dans le sien. « Et même pas tu penses à piquer l’casque qui va avec ? »
Non mais c’était clairement de l’inconscience. Le type il était inquiet, avait dû rouler à une vitesse plus élevée que ne l’autorisaient les limitations et, en plus de ça, même pas il ne pensait à mettre un casque en cas d’accident. Non mais je vous jure, toute une éducation à refaire.
« Et m’dit pas qu’les rats auraient fait un tapis d’fourrure pour amortir ta chute. »
Non parce que des excuses à tout, il pouvait en trouver à la pelle quand il voulait. De manière complètement involontaire, elle imagina dans quel état elle aurait été en imaginant qu’il avait eu un accident, par imprudence, parce qu’elle lui avait demandé de l’aide. Un pensée qui, toujours de manière involontaire, fut transmise à son père.