Dans un mouvement las, t'effleuras ce qui avait toujours fait de toi qui tu étais. Un mauvais souvenir pour certains, des siècles d'héritage à tes yeux. T'étais supposément différent à ce jour, t'évoquais la douceur au lieu de la peur, t'étais acclamé plutôt qu'hué. C'était une sensation nouvelle, presque plaisante au point de se perdre dans l'immensité de cette farce. Tu ne céderais cependant pas aux pulsions douceâtres d'être un bien-pensant comme ils s'étaient proclamés. T'avais un jour voulu un monde parfait où la petite humanité se serait plu, parce que t'avais été comme ça. Bon. Dans un sens que ton père t'avait donné, différent de ce que l'éthique exigeait. T'aurais peut-être aimé t'investir un peu plus dans des causes, être un véritable héros en apposant tes idéaux sans pitoyablement suivre ceux qui étaient déjà établis. Tu n'étais pas comme ça. Tes valeurs n'étaient pas les leurs et c'était ça, qui les dérangeait. Un soupir passa la barrière de tes lèvres tandis que tu te faisais force pour arrêter d'y penser. Arrêter de regretter ton pays que tu avais dû quitter. Arrêter d'avoir le cœur lourd pour les morts que tu n'avais su sauver. Tu pensais t'être endurci mais dans certains moments de vulnérabilité, tu te haïssais. Et sans y songer, les dents serrées, tu délaissais la cagoule des Zemo.
Lentement, les portes de l'armoire se fermèrent pour laisser place à ton reflet, ce visage sur lequel tu aurais souhaité ne pas t'attarder. L'équipe ne connaissait que ces traits, lisses et pales, sans ride malgré ton vieil âge. Certains savaient, d'autres non, ça n'avait pas d'importance. Karla était au courant de tout, c'était à la fois essentiel et dangereux. T'aurais voulu que ça soit insignifiant, que tes petits plans soient à la portée de tous ceux que t'avais sous ton aile. L'étaient-ils vraiment ? Simples instruments de perte que tu aurais préféré pleinement manipuler plutôt que de découvrir à moitié ce que t'avais réellement en tête, ils n'étaient pas de petits chiots que tu te contentais de ramasser. Ils pouvaient être puissants mais étaient trop perdus. Trop psychotique, lorsqu'il s'agissait de Moonstone. On t'évoquait comme pas mal timbré mais tu n'étais rien à côté de sa folie des grandeurs. Sa folie tout court, elle avait de graves problèmes qui t'étaient pourtant utiles lorsque vous partagiez les mêmes opinions ainsi que les mêmes buts. C'était la seule, lorsqu'on délaissait la candide Lauren. Ils devraient tous te détester. Ils te suivaient.
Sur le chemin de la salle commune, enfin du salon comme on l'appelait vulgairement, tu attrapas une pomme dans laquelle tu ne tardas pas à croquer pour sentir le frai liquide couler dans ton gosier. C'était aussi rafraichissant que de constater les unes sur lesquelles vous apparaissiez, en plein essor. Les journalistes jouaient leur rôle de marionnettes sans avoir une once d'idée de ce qu'ils accomplissaient. Des idiots. Tu réprimas un sourire aisément dissimulable alors que tu reprenais une bouchée que tu mastiquas longuement tout en lisant les divers articles déposés ici et là, qui traînaient, annonçaient que ton groupe entrait dans la lumière et que l'oubli des anciens groupes de super-héros ne tarderait pas à suivre. C'était long et fatigant de tous les lire lorsque les lignes d'encre noire ne savaient déblatérer qu'à propos de la guerre qui sévissait et qui ne t'importait pas le moins du monde. Des mutants, t'en sauvaient, mais t'en avais strictement rien à cirer. T'étais pas comme Melissa, chez qui l'âme tourmentée poussait apparemment à prendre trop à cœur le rôle que tu lui avais confié. Elle pensait que tu n'en savais rien, mais tu savais tout. Tu ne prendrais cependant pas plaisir à l'accuser injustement alors qu'elle t'était trop précieuse. Peut-être pas assez pour que tu ne considères à lui répondre dès les premières secondes qui suivirent sa question. « Mhm.. » sans motivation, tu humas simplement. T'étais absorbé par ta lecture et ce ne fut qu'après la fin de la phrase que tu daignas lever les yeux vers elle, t'approchant lentement non sans l'envie de lui demander de quoi elle parlait. « Tu le feras. » et c'était le ton sans équivoque que tu tranchais ses tergiversations. Inclinant la tête pour paraître plus empathique à sa situation, tu crus bon d'ajouter « On en a besoin pour le visage de l'équipe. » parce que Melissa semblait douce, Melissa semblait bonne. Melissa avait les mots justes lorqsu'elle était poussée à en poser et il ne doutait pas de sa capacité à le faire lorsque besoin en était. « Montre-toi disponible, ils apprécieront. » et toi de même, tu le lui fis comprendre en esquissant un sourire qui se voulait appréciable bien qu'une part de toi savait qu'elle n'était pas dupe à ce point. Elle ne l'avait jamais été.
« Bien. » comme l'on traiterait un chien après avoir remarqué son obéissance. Même si tu ne le montrais pas, t'avais un semblant de respect pour elle. Assez pour l'apprécier sans vouloir te l'avouer. Auquel cas tu ne l'aurais pas voulu dans tes projets et pourtant, elle était là, à désormais se dresser contre tes lois. Tu la sentirais presque rougir sous ton regard et le temps d'un instant, tu ne saurais dire si cette réaction était amusante ou risible. Ta stature ne trompa pourtant pas tes pensées et lorsque tu pensas cette entrevue achevée, elle en rajouta. Petite poupée qui faisait face à ta suprématie, tu l'observas sans piper mot pendant qu'elle abandonnait cette frêle enveloppe pour t'accuser. Ce n'était pas grand chose mais c'était assez pour t'animer, réfutant son droit d'être en colère alors qu'ici, c'était toi qui dirigeais.
Tes yeux brûlaient de cette lueur qui crachait ton venin ce ne sont pas tes affaires, qu'elle aurait pu y lire. Elle remettait tout en question, c'était l'une de ses dernières spécialités lorsqu'elle fourrait son petit nez dans des affaires qui n'étaient en rien les siennes. T'avais la brutale envie de la rabaisser, de lui faire comprendre que Lauren, ça te regardait. Toi et toi seul. Ça te monta dans la gorge comme une vilaine toux que tu ravalas dans le plus grand des calmes. Des années de pratique pour arriver à t'apaiser. Ton équipe. T'essayerais d'en prendre soin sans avoir l'envie de les étouffer. Il était pourtant nécessaire de lui faire comprendre qui commandait ici. Que ce ton qu'elle employait, ça pouvait marcher avec Abe mais pas avec toi. Qu'on ne te parlait pas comme ça à moins d'y être convié. Tes commissures se relevèrent une nouvelle fois dans un éclat de malice qui n'atteignait en rien tes prunelles glacées, ces dernières parlant pour toi alors que tu allais cueillir son menton du bout des doigts. Tu appuyas, sentant la délicatesse de ses os, pinças presque au point de l'empêcher de reparler par la suite. « Elle a fait ses propres choix, comme tu as fait les tiens. » c'était perçant, empli de connotations. T'avais pas honte d'en jouer. Ni de manipuler puisqu'il était évident des tromperies que tu étais obligé de déverser pour arriver à réunir cette petite troupe.
À cet instant, c'était à la limite sur ses sentiments que tu jouais bien que tu le savais dure avec toi. Dure tout court, elle ne souhaitait pas retomber à s'en brûler les ailes. Cependant, tu avais la ferme intention de lui rappeler qu'au même titre que ta plus fraîche recrue, elle avait choisi cette vie et qu'elle n'avait pas à se plaindre mais à te remercier. « Elle voulait de la sympathie, un but pour vivre, et c'est ce que je lui ai donné. Ça me rappelle quelqu'un d'autre.. » tu fis mine de flancher sur ce que tu avais dans la tête, comme si la personne à laquelle tu pensais ne se trouvait pas sous ta prise. Ton emprise. « On ne néglige pas des atouts lorsqu'il en passe, Melissa. » presque accusateur, la lenteur de ta langue qui en claqua presque de désapprobation. Ta saisie se desserra tandis que tes mains vinrent glisser le long de ses joues pour finir leur course dans sa nuque que tu attrapas. Forcée à te regarder, à quelques centimètres près « J'espérais que tu puisses comprendre mais ce n'est visiblement pas le cas. C'est fâcheux, très fâcheux. Mais mets-toi dans la tête qu'elle est un élément très estimable, pour nous tous. » Tu te décidas enfin à complètement la lâcher pour porter ton intérêt sur autre chose dans le genre des journaux précédemment abandonnés. Avec grâce, tu te saisis de l'objet en prenant place sur un fauteuil comme si cette conversation était déjà terminée. N'avait pas eu lieu. Il y avait de bonnes raisons de croire qu'elle enragerait et ça te donnait une vague satisfaction. « Si tu lui dis quoique ce soit, il y aura des conséquences. » aucunement besoin de t'informer sur les quelques banalités qu'elles avaient échangées lorsqu'elles s'étaient rencontrées, tu aurais déjà des problèmes à masquer si Melissa n'avait pas su tenir sa langue. En lui disant ça, tu ne tentais même pas de la menacer, juste de réprimer ses pulsions que tu jugeais un peu trop violentes sur le moment et qu'elle ne tarderait pas à regretter si elle s’aventurait sur cette pente glissante.