« Alors cette fois, j'ai une idée de génie. » Si ce n'est pas une aspirine dans un grand bol de café, je ne vois pas trop ce que ça peut être. J'ouvre un œil, aperçois les rideaux à demi-ouverts et quelques rayons de soleil qui donnent une superbe vue sur la poussière qui s'envole du canapé, particulièrement quand Kenny se jette dessus. Comment il est rentré d'ailleurs ? Je lance une œillade autour de moi et finalement, il décide d'agiter ce qui semble être un double de ma clé d'entrée. Je lui demande s'il sait que c'est un délit de pénétrer dans un appartement dont il est certes le propriétaire mais pas le locataire. Il balaie ma question d'une réflexion de trois secondes à peine qui n'aboutit à aucune réponse. Je m'extirpe de mon lit puis me dirige à pas lents vers la cuisine. Je prends le lait dans le frigo et ma boîte de céréales au-dessus pour me servir un bol. Je reviens sur le canapé puis cale le bol entre mes genoux.
« Alors cette fois, j'ai une idée de génie. » Oh putain, je sursaute quand il me dit ça puis lève les yeux sur lui, assis en face de moi. Je lui demande comment il est entré et il secoue la clef, avant de reprendre sur son idée de génie. Je regarde son doigt et la cicatrice qu'elle comporte. Et j'ai des doutes sur l'idée mais bon, laissons-lui le bénéfice du doute. « Et si Magnéto te retirait les éclats que tu as dans la tête ? » Adieu bénéfice du doute. Je mâche doucement mes céréales, est-ce que le bruit provoqué par ma mastication des céréales pas encore ramollis m'a empêché d'entendre un bout essentiel de ce plan suicidaire ? Ça voudrait dire qu'il faudrait que je demande à un mutant internationalement recherché de m'arracher, moi flic pour la NYPD, de la tête des bouts de métal que je ne fais pas retirer pour ne pas finir comme un dément précoce dans le meilleur des cas, comme un légume dans le pire ? J'entrouvre la bouche puis reprends ma dégustation de mes chocapics. Finalement j'opte pour la réponse la plus logique : « Mais j'avais pas prévu de mourir cette semaine... » J'esquisse un sourire puis me lève du canapé pour aller attraper une bouteille de jus d'orange que je lui balance. « Dès que j'en ai marre de la vie, je lui demanderai un petit rendez-vous. Promis. » Il proteste et je n'ai pas le temps de lui expliquer que je ne suis pas devenu un mutant, et que quand bien même, tous les mutants ne sont pas une grande et belle famille... Ah, déjà treize heures en fait. Note à moi-même : arrêter les karaoké du mardi soir.
Je termine mon bol rapidement puis file dans la salle de bains. À peine suis-je entré dans la douche que Kenny poursuit la discussion depuis l'autre côté du rideau de douche. Je passe simplement la tête pour lui demander s'il compte aussi être là quand je sortirai. Il réajuste ses lunettes rondes sur son nez pour unique réponse puis recommence à parler. Bon d'accord, finalement, après un moment de silence, je réalise en sortant qu'il est parti après avoir pris le soin de jeter la bouteille vide, il a même lavé mon bol. Je me prépare tranquillement puisque ma prochaine patrouille n'est que dans deux heures. Cela me laisse le temps de passer au commissariat discuter et prendre les dernières informations sur les enquêtes que j'essaie de suivre. Le légiste est overbooké même s'il semblerait qu'il puisse bientôt fournir une liste officielle de victimes dans « le cas école Xavier ». J'ai hâte de pouvoir être au contact des pièces à conviction quand les experts auront terminé leur travail dessus. Le plus dur sera d'en subtiliser si j'en ai réellement besoin... ou de ne pas le faire si je n'en ai pas besoin.
Et nous voilà partis en voiture, moi et mon coéquipier. Il ne manque d'ailleurs pas de râler quand je lance du Boney M dans le véhicule. Il ne manque pas de me demander si c'est pour repousser les ennemis et on engage la conversation sur mes goûts musicaux assez hétérogènes. En général, je ne conduis pas durant les patrouilles. Ce n'est pas que je n'aime pas ça, c'est juste devenu une habitude ; quand mon équipier freine un peu durement, je suis son regard vers un batiment qui semble en bien mauvais état. Il me demande si je n'ai pas entendu crier. Je secoue la tête mais lui dis que je vais jeter un œil quand même. Je sors de la voiture et passe le grillage – qui ne sert à rien – avant de rentrer. L'une de mes mains gantées tient ma lampe torche et je jette un œil aux alentours. « Police, il y a quelqu'un ? » Mes pas font grincer un plancher qui me laisse moyennement confiant. « Tout va bien ? »