« Retire immédiatement ce que tu as dit ! » Le regard sombre, sourcils froncés, poings serrés, je suis à deux doigts de me jeter au cou de cette petite peste … enfin petite, le mot n’est pas le bon. Joséphine fait deux têtes de plus que moi et sa masse musculaire est bien plus impressionnante que la mienne. Moi je suis qu’une gamine de dix ans trop petite et trop mince. A me voir comme ça on pourrait croire qu’une simple claque pourrait m’envoyer au tapis ou même me faire voler sauf que ce n’est pas le cas. Je suis peut-être fluette mais avec mon sale caractère j’ai toujours su prouver à quel point je suis une teigne. Plus d’une fois ça m’a valu des soucis avec les sœurs, des punitions, mais jamais ça ne m’a arrêté. Je déteste cet endroit, je déteste l’orphelinat et toutes les personnes qui s’y trouvent. Ici, je ne suis pas à ma place, comme la plupart des filles sans doute, mais mon malaise me semble plus important que celui de mes camarades. Il n’y a que le père Sullivan que j’apprécie et qui est la seule personne à qui je parle … en confession du moins. Les sœurs vont encore me passer un savon, mais je m’en moque, je ne supporte pas le fait d’être critiquée, encore moins lorsque c’est à propos des parents que je n’ai jamais connu. Un sourire mauvais au coin des lèvres, Joséphine se redresse et croise les bras contre sa poitrine, une posture qui exprime que trop bien le fait qu’elle ne compte pas retirer ce qu’elle a dit. Mes ongles enfoncés dans la paume de mes mains jusqu’au sang, un cri m’échappe avant que je ne lui saute dessus et la roue de coups. Les minutes qui suivent sont un mélange des cris des autres filles venues assister au spectacle et des nôtres à chaque fois que l’on se frappe. Rapidement, ma lèvre finit en sang, j’ai mal aux côtes où Joséphine me tape encore et encore, pourtant je ne m’arrête pas, je lui rends coup sur coup jusqu’à ce qu’on nous sépare. Maintenues chacune par deux sœurs, je continue de me débattre dans l’espoir de pouvoir lui donner un dernier coup mais je finis presque traînée vers le dortoir où se trouve mon lit. « Mary Sue, ça suffit ! » Gronde la mère supérieure en pénétrant dans la pièce. Boudeuse, je me laisse tomber sur mon lit en passant ma langue sur ma lèvre blessée. Les deux autres sœurs m’ayant amené quittent la chambre et referment derrière elles me laissant seule avec la sœur supérieure. « Je ne sais plus quoi faire de toi ! » Soupire-t-elle en restant à distance. Pour ma part, je baisse les yeux. Ce n’est pas la première fois que je l’entends dire ça mais jusqu’à présent je n’avais pas ressenti la crainte d’être abandonnée une nouvelle fois. Ce sentiment je ne veux plus jamais avoir à le ressentir à l’avenir. Ce n’est déjà pas facile d’être orpheline depuis la naissance, abandonnée sur les marches d’un orphelinat, toutefois ça n’a pas été le pire. Une fois j’ai été placée dans une famille où j’ai pensé être à ma place, j’ai même tenté d’appeler la femme "maman" pour finalement retourner à la case départ parce que je ne convenais pas. L’orphelinat, malgré que je le déteste, est mon foyer, le seul endroit où je n’ai pas été rejetée … pas pour le moment. « Ça ne peut pas continuer comme ça. Tu ne peux pas frapper une personne sous prétexte qu’elle a eu des propos déplacés, il faut que tu apprennes à prendre sur toi. » Toujours silencieuse, je ne relève pas même la tête lorsque j’entends ses pas se rapprocher de mon lit ou lorsqu’elle s’assoie sur ce dernier. Je fixe fermement mes pieds jusqu’à sentir la main de la smère supérieure sous mon menton me forçant à relever la tête et à la regarder. « Cette situation n’est facile pour personne, Mary Sue, je n’ai aucune envie de te renvoyer de l’orphelinat, néanmoins si tu continues de t’obstiner à suivre cette voie je n’aurais pas d’autres choix. Tu comprends ? » Ses iris verts plongés dans les miens, j’acquiesce timidement en pinçant mes lèvres malgré la douleur que ça provoque. «  Bien. Tu demeureras ici toute la soirée, on t’apportera à manger à l’heure du repas et tu resteras ici ce week-end, pas de voyage à Washington pour toi. » Je suis sur le point de lui dire que de toute manière j’en avais strictement rien à faire de ce fichu voyage mais je ravale mes paroles consciente que ça n’aidera pas mon cas. Mon visage relâché, je fixe à nouveau mes pieds et reste muette. La mère supérieure reste assise quelques secondes encore sur mon lit puis elle se lève et se dirige vers la porte. Au temps qu’elle met à l’ouvrir et à partir je devine qu’elle s’est arrêtée pour me regarder toutefois je ne relève pas la tête. Ce n’est que lorsque je me retrouve seule que je m’allonge sur mon lit, les jambes repliées contre moi et que je m’autorise enfin à pleurer.

« Tu es certaine que c’est une bonne idée ? Je veux dire, t’as nulle part où aller. » Assis sur mon lit Eliott me regarde mettre le peu d’effets personnels que je possède dans mon sac. La pièce est vide ce qui explique qu’il puisse être présent sans créer une émeute mais également que je sois en train de prévoir mon départ sans avoir à craindre d’être arrêtée. J’ai volontairement déclenché une bagarre quelques heures plus tôt pour m’assurer de subir la punition à laquelle j’ai tant eu le droit par le passé : finir seule dans le dortoir. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour pouvoir m’échapper de Ste Agnès sans souci. N’étant pas majeure, les sœurs m’empêcheraient de mettre mon plan à exécution et malheureusement je ne compte rester dans cet orphelinat une journée de plus, pas depuis que j’ai fait certaines découvertes. Devenue plutôt douée pour mettre la main sur des informations via un ordinateur, j’ai pu découvrir quelques documents sur mes parents malgré les informations volontairement masquées mais voir le nom du SHIELD revenir à plusieurs reprises m’a poussé à prendre ma décision. Eliott a promis de m’aider comme il le fait depuis des années. Nous nous sommes rencontrés il y a environs quatre ans après que je me sois sauvée de l’orphelinat en pleine nuit pour me vider la tête. Lui-même fuyait ses propres parents – ce que j’ai compris qu’en rencontrant ces parents indignes – et nous avons passés toute la nuit à faire connaissance. Ce soir-là a été suivi de plusieurs autres dans les rues sombres et calmes ou à l’orphelinat lorsque je parvenais à le faire entrer, comme ce soir. Mes dernières affaires dans mon sac, je ferme ce dernier et détourne mon attention vers mon ami. « J’ai ma camionnette. » Affirmé-je avec beaucoup d’entrain. Pour nous permettre de nous en sortir une fois la vie d’orphelinat derrière nous, les sœurs nous ont permis de passer notre permis que j’ai depuis un an maintenant et cette camionnette est un achat que j’ai pu faire de manière pas franchement légale. « Tu vois ce que je veux dire, Skye. » Skye. C’est de cette manière que j’aime me faire appeler et depuis que j’ai découvert de quelle manière effacer de la face du monde l’existence de Mary Sue Poots, je sais que c’est ainsi que je me ferais appelée une fois que je serais partie. Quant à voir ce qu’il veut dire, c’est le cas en effet. Je soupire et m’assois à côté de lui en posant mon sac sur mes genoux. « Je n’aurais jamais nulle part où aller tant que je n’aurais pas découvert la vérité sur mes parents. C’est la seule piste solide que j’ai depuis des années, je dois tenter ma chance. » Je ne suis pas idiote, je sais que ça ne va pas être simple mais j’ai toujours été débrouillarde, je parviendrais à m’en sortir, j’en suis persuadée. La main d’Eliott glisse sur la mienne qu’il serre doucement. « Si tu as besoin tu sais que tu pourras toujours te tourner vers moi et que tu auras toujours un toit sous lequel dormir. Et puis je peux te faire rencontrer quelques personnes qui pourraient t’aider. » C’est difficile à deviner en le voyant, mais il est loin d’être le genre de garçon fils à papa. Si ses parents sont riches, ils n’en restent pas moins absents depuis qu’il est né. Elevé par une nourrice puis par diverses jeunes filles au pair, Eliott a appris à se débrouiller tout seul de la même façon que moi mais, plus libre, il a fait de multiples rencontres que ses parents ne considèreraient pas fréquentables s’ils savaient. «  Je sais, Eli et je ne te remercierais jamais assez pour l’aide que tu m’apportes. Je reviendrais aussi souvent que possible pour te donner de mes nouvelles mais je ne voudrais pas t’attirer des ennuis. » Le SHIELD c’est tout de même une organisation gouvernementale, je l’ai rapidement découvert et puisque je compte entrer dans leurs données en les hackant – lorsque je serais assez douée pour ça – je ne veux pas qu’il ait des problèmes par ma faute. A défaut de paroles, Eliott passe son bras autour de mes épaules et m’attire contre lui. Dans ses bras je ferme les yeux et profite de ces moments rares tandis qu’il embrasse le sommet de sa tête. « Fais juste attention à toi, c’est tout ce que je te demande. Maintenant on devrait partir avant qu’une des sœurs n’arrivent. » J’opine et me sépare de lui. Il est le premier à quitter le lit. Je me lève juste après et passe mon sac par-dessus ma tête avant de le suivre jusqu’à la fenêtre par laquelle nous passons. Même si je n’ai jamais été très douée en sport, Eliott m’a appris à grimper un peu partout, à faire littéralement le mur pour sortir de l’enceinte de l’orphelinat et ce soir c’est encore avec son aide que je le fuis … pour toujours. La suite ne dépendra que de moi.

Bras croisés contre ma poitrine, j’expire doucement pour m’assurer de ne pas m’énerver face à la réaction d’Ethan que l’on pourrait qualifier de démesurée. Moi ? Je ne le ferais pas parce que je comprends sa colère sans pour autant l’exprimer de la même façon. Oh je pourrais et ça ne surprendrait personne mais à quoi ça servirait hein ? M’énerver, risquer de perdre mon poste et ainsi l’assurance de pouvoir protéger mes proches … inutile, vraiment ! « Comment tu peux cautionner ça ! » Crie-t-il en pointant du doigt la porte qu’il vient de claquer comme si tous nos problèmes se trouvaient derrière cette dernière. Métaphoriquement parlant c’est le cas. Je hausse les épaules et dans son regard je devine que ma réaction ne fait que de redoubler sa colère. «  Qu’est-ce que tu veux que je dise ? Que je ne suis pas d’accord ? », « Ça serait un bon début ! », « Je ne suis pas d’accord. » Dis-je avant d’aller m’asseoir sur une chaise non loin. C’est sincère et Ethan me connait assez maintenant pour le savoir, forcément ça le calme. Ses épaules jusque-là contractées semblent se détendre et il s’assoit sur le lit bien moins confortable que celui que je pouvais avoir autrefois dans mon appartement ce qui me semble être dans une autre vie honnêtement. « Je n’étais pas non plus pour cette histoire de recensement mais si c’est fait pour rassurer la population ça servirait à quoi de s’y opposer ? Créer des émeutes ?! Je n’aime pas l’idée d’être sur un fichier et je n’aime pas les réformes qu’on subit mais toi et moi nous savons que c’est la seule façon de rester au sein du SHIELD et on doit y rester ! » J’insiste bien sur mes derniers mots. Si j’ignore ce qui se passe réellement dans notre monde – qui part clairement à la dérive – je sais toutefois que je veux être là pour le découvrir et aider aux besoins. Seulement tout ça, ça nécessite des sacrifices que je suis prête à faire si ça permet de protéger les autres et surtout mes proches. « Tout le monde ne partage pas ton avis, Daisy. » Ça je le sais bien mais je le comprends. Beaucoup pensent que c’est un mal pour un bien et après tous les évènements qui ont eu lieu je le comprends parfaitement. La sécurité est plus importante que le reste et même si ce n’est pas fait de la meilleure manière qui soit il y a au moins des choses de tenter. Je ne suis pas d’accord avec pas mal de choses et je trouve presque intolérables que mutants et inhumains soient privés de certains de leurs droits seulement je ne servirais à rien si je suis mise sur la touche, si je deviens une fugitive et sachant cela je ne peux qu’accepter et me taire. « Je sais mais on fera en sorte de s’assurer que tout reste en ordre. On est partenaires, on doit pouvoir compter l’un sur l’autre. » Ethan relève la tête et me regarde intensément. Je pourrais presque voir les engrenages de son cerveau tourner si je me concentrais assez. Finalement, il soupire preuve qu’il est d’accord avec ce que je dis. Tous les deux inhumains, notre situation n’est pas idéale mais ce n’est pas la pire. Malgré toutes les règles auxquelles nous devons nous plier ne serait-ce qu’à cause de notre pouvoir à chacun et au fait de travailler au SHIELD, nous pouvons nous en sortir et donner le meilleur de nous-mêmes pour les nôtres.