Past can't be fixed
Il y a des choses dans la vie qu’on ne contrôle pas, c’est comme ça. Et on ne peut pas dire que la naissance ne fasse pas partie de ces choses. La jeune Maria en a vite fait les frais, comme son père n’aura de cesse de le lui reprocher. Il faut dire, mourir en donnant la vie, ça laisse un arrière goût plutôt amer dans la bouche, aussi bien pour le père esseulé qui perd sa femme que pour le bébé qui se retrouve déjà orphelin d’un parent. Et ça, Maria vivra avec cette culpabilité toute sa vie, du moins toute une partie de sa vie, tant l’absence d’amour de la part de son parent restant sera très vite assimilé au décès de la maman. C’est peut-être cela qui conduira Hill à devenir une personne fermée, aux traits de visage essentiellement froids et indifférents, les émotions traversant rarement ce visage d’apparence si posé. L’absence d’une mère, l’absence d’un minimum d’affection d’un père, on ne va pas se mentir : cela contribue forcément à la construction du caractère d’un enfant. Se rendant ainsi très vite compte qu’elle ne pouvait rien attendre de son paternel, Maria dû s’élever pratiquement toute seule. L’ambiance se faisant pesante à la maison, entre engueulades à n’en plus finir, se retenant presque d’en venir aux mains tellement la violence parasitait leur relation, la jeune fille ne demandait qu’à fuir cette maison, préférant rester dans la rue à chercher les emmerdes plutôt que d’affronter le paternel dont elle ne voulait rien de plus, à défaut d’un pardon,qu’une compréhension.

Jusqu’à sa majorité, l’enfance et l’adolescence d’Hill ne fut pas très joyeuse, jalonnée entre coups de gueule et coups dans le dos, atterrissant dans la rue non pas par choix mais par obligation. L’ordre, elle ne connaissait pas, et avec son attitude d’ado rebelle à n’en plus finir, on aurait pu croire que le respect lui faisait défaut. Pourtant, quand elle fut majeure, elle s’orienta vers ce qui lui avait tant manqué : un symbole d’autorité. S’engageant dans l’armée, à défaut de pouvoir se payer une école de médecine qui correspondait au peu de rêves qu’elle pouvait avoir, Hill trouva dans les forces de l’armée de terre quelque chose qui faisait écho à ses convictions intérieures. Plus qu’un désir de fuir son père et de trouver quelque chose à faire, c’est un besoin, une vocation qui fut le résultat de cette orientation. Quand on y pense, peut-être bien qu’elle était prédestinée à ce qui allait suivre. Quand son commandant l’appela en gueulant que quelqu’un était venu spécialement pour elle, oui peut-être bien que ça aurait du faire tilt. Au fond, elle est ce genre de personne pour qui les valeurs propre à son pays ne sont pas changeables, pour qui la protection de ce dernier doit passer avant tout. Sa loyauté, c’est ce qui l’a fait remarqué, tout comme ses capacités naturelles à se glisser dans la peau d’un parfait soldat, à obéir aux ordres sans discuter.

Ainsi donc, ce fameux invité n’était autre qu’un représentant du SHIELD, qui souhaitait approcher la jeune femme. Sans surprise quand on connait l’organisation, l’homme savait déjà tout ce qu’il y avait à savoir sur Maria Hill, son passé, ses compétences et les évaluations de ses supérieurs. Peut-être qu’elle aurait pu refuser, à ce moment-là, la proposition qui lui a été faite. Elle aurait pu rester ce parfait soldat dans les forces de l’armée de terre, elle aurait pu faire carrière sans se poser de questions. Mais à la vérité, ça ne lui ai jamais venu à l’esprit. Reconnaissons-le : ça ne doit pas être très souvent que le SHIELD débarque au pas de votre porte pour vous proposer une formation au sein de l’académie, pour ensuite devenir un agent expérimenté et surentraîné du SHIELD, n’est-ce pas ? Alors, naturellement, Maria a suivi. Elle s’est rendue à l’académie du SHIELD, devenant exactement ce qu’on attendait d'elle. Et puis finalement, tout son parcours et l’aide de son mentor Nick Fury l’ont mené au sommet, à la Direction de cette organisation tant renommée.

Future is unpredictable
Il y a des choses qu’un agent se passerait bien de faire. Il y a des choses qu’une directrice du SHIELD rechigne également à faire, notamment lorsqu’on est foncièrement contre ces choses-là. Mais qu’était censée faire Maria Hill alors qu’elle était presque forcée d’agir à l’encontre de ses principes, de moduler cette organisation qu’elle chérissait tant pour faire plaisir à la présidence des Etats-Unis ? Faire plaisir. Un rictus furtif se dessina sur les lèvres de Maria, alors qu’elle se préparait bientôt à annoncer son grand discours. Qui l’eut cru ? Elle avait vu, vécu, traversé pas mal d’épreuves Maria. Elle avait réalisé parfois des tâches qui l’avait dégoûté, elle avait parfois dû faire des courbettes, mais uniquement pour le bien du SHIELD. Uniquement parce que sa position le demandait, que la diplomatie ça passait toujours mieux qu’un plan d’attaque direct. Elle avait appris de Fury, même si lui était beaucoup plus du genre à faire des cachoteries qu’à jouer franc-jeu. Mais plus ça allait, plus elle comprenait pourquoi son mentor avait préféré préparer ses petits plans dans le dos de tout le monde, y compris le sien. Là, alors que Hill allait ouvrir la grande débâcle, là elle comprenait la difficulté de l’emploi. Oh, elle l’avait déjà saisit avant : faudrait être cinglé pour ne pas réaliser ce qu’impliquait de travailler pour une organisation comme le SHIELD. Mais tout ça, c’était avant. Avant que Trump ne meurt. Avant qu’on lui foute Jones en travers de son chemin, et qu’il soit toujours à ses basques. En apparence, Hill prétendait ne pas être touchée par tous ces événements. Elle hochait la tête, croisait les bras, ou bien gardait les mains dans le dos et adoptait une posture de soldat si propre à elle-même. Elle avait toujours ce regard fier et droit, dur et froid surtout. Elle agissait pour le bien du SHIELD, elle se sermonnait mentalement, parce que c’était ce à quoi elle inspirait. Elle ne pouvait décemment pas se permettre de penser autre chose, de croire au contraire de son idéologie. S’il fallait que le gouvernement prenne les rênnes par son intermédiaire pour que le SHIELD puisse continuer d’exister et d’éradiquer le mal sur cette planète, et bien soit. C’est pas comme si y avait une autre alternative à proposer n’est-ce pas ?

Un soupir. On y est, tout le monde l’attend au réfectoire. Mon dieu, la salle est tellement pleine que c’est impossible de discerner les présents des absents. Quelques visages lui apparaissent familiers, ici et là, mais elle ne va pas personnaliser son entrée en scène pour rassurer les agents. Parce qu’ils ne seraient pas rassurés après son annonce, peut-être même qu’ils voudront sa chute. Mais qu’à cela ne tienne, elle était préparée, depuis le temps, à ce qu’on ne croit pas en elle. Elle arriverait à affirmer ses principes, à convaincre tout le monde du bien-fondé de ce changement. Il le fallait. Elle pouvait tout voir à travers l’écran, en live, comme on dit. Jones était non loin d’elle, il n’attendait qu’une chose avec impatience, et c’était bien l’annonce officielle qui l’autoriserait à agir avec tous les droits. Et malgré elle, elle l’était, prête à annoncer ce que tout le monde redoutait plus ou moins. Son regard acéré parcourt une dernière fois l’ensemble de la salle et enfin, enfin, elle prend la parole. D’une voix claire et puissante, pour que tout le monde l’entende comme il se doit même à travers l’écran. Elle parle à un rythme soutenu, appuyant certains mots, récitant mot pour mot le discours spécialement préparé pour l’occasion. Elle ne prend pas la peine de saluer les Agents, allant droit au but. Parce qu’elle au moins, elle avait le don d’aller directement dans le fond des choses. Pas la peine de perdre du temps et de prendre des pincettes, les hommes et femmes ici présents étaient faits pour assimiler et emmagasiner des chocs sans précédents.

« Comme certains d’entre vous doivent déjà le savoir, le SHIELD est en liaison avec le Gouvernement depuis des années grâce à notre estimée Olivia Keynes. » Un bref regard vers elle, au premier rang et qui ne lui échappe pas, presque désolé, et déjà elle reprend et dit d’une traite : « Nous avons été contactés par Monsieur le Président après la mort tragique de Donald Trump pour pousser plus loin ce partenariat. » Elle ne grince pas des dents, ne serre même pas les points. Professionnelle, Maria Hill, comme toujours. « Ce sont des temps sombres et changeants, et le SHIELD se doit d’évoluer en même temps que la société. C’est avec un grand plaisir que je vous présente monsieur John Jameson Jones, notre nouveau correspondant avec la maison blanche, qui travaillera avec nous pour aider le SHIELD à redevenir ce qu’il a un jour été : une organisation fédérale et gouvernementale faite pour protéger ses citoyens et non pas pour vivre dans l’obscurité et la peur. Merci de réserver un accueil chaleureux à Monsieur Jones. »

Elle se recule et laisse place à Jones pour qu’il s’avance devant la caméra. Y aurait eu une estrade au réfectoire, Hill aurait été capable d’applaudir faussement. Un accueil chaleureux ? Tu parles, autant demander à une banquise d’apprécier de fondre au soleil. Pourtant aussi bien elle que les agents qui assistent à l’annonce savent qu’il n’y a pas moyen de lutter contre ça. C’est un mal pour un bien. Elle se le répète, elle s’en convainc même. Et il faut que les autres y croient aussi, comme elle. Même si cela implique des changements dont on se serait bien passé, et ce n’est pas Olivia qui dira le contraire. Mais il faut parfois mettre ses mains dans la merde pour la nettoyer et cette tâche incombe malheureusement à Maria. Et c’est comme ça. Alors elle remercie tout le monde, toujours au travers d’un écran et se tourne vers Jones qui lui sourit désagréablement. Après tout ce par quoi ils étaient passés, le SHIELD allait bien se remettre de ça non ? Ce n’est pas le pire qu’aura vécu Hill, elle en est persuadée. Game is on.