Les mains de Kayden contre moi et le contact de sa peau contre la mienne ne me dérangeaient pas, à aucun moment. Pas par quelque habitude mais parce que j'aime bien qu'il n'ait aucune intention dégueulasse derrière son regard brillant. Quand je le regarde, je ne me dis pas que j'aimerais le voir mort, comme un gros porc, mais au contraire, c'est comme si rien d'important ne comptait. On boit un coup, on baise, on discute, sans vraiment se poser de questions. Je ne sais pas ce que pourrait représenter Kayhole pour moi mais je m'en fous, je me sens bien dans l'instant que je partage avec lui et je ne m'occupe que de ça, heureusement. En même temps, c'est toujours ce que je fais, j'essaie de me concentrer sur le positif, sur les petits moments qui font une bonne journée pour compenser ce qui pourrait m'empêcher de me lever le lendemain. Et c'est pour ça que je me lève chaque jour. À la remarque de Kayden sur le politiquement correct, je lance moi-même une œillade vers l'intérieur du bar et soutiens les regards qui nous observaient. Jusqu'à ce qu'ils se détournent, j'ai tout mon temps et je veux clairement utiliser mes dernières minutes avec Kay pour faire chier, ça ne me dérange pas... Finalement, ils reprennent leur conversation et je me retourne vers l'homme qui m'accompagne avant de sourire à sa remarque sur la table, ajoutant qu'on aurait un peu froid aux fesses.

Faute de nous jeter l'un sur l'autre comme des sauvages, nous parlons un peu « franchise », je hoche la tête quand il dit avoir dû mesurer ses propos, je pense alors à mon impulsivité, celle-là même qui m'a coûté mon travail quand j'aurai grandement eu besoin de le garder. Mais on ne refait pas le passé et je suis bien content d'avoir pu coller mon poing dans la gueule de cet abruti pour lui faire ravaler ses paroles. On n'insulte pas la famille, c'est tout. Il semble soudain songeur, à mon tour je lui souris et rétorque rapidement : « Tu peux m'embrasser, mais je poserai quand même ma question. Je suis une vraie tête de mule mon gars, tu peux pas lutter. »

Je termine ma bière et lance, à moitié sur le ton de l'humour : « Alors ce taff qui t'obligeait à la diplomatie et qui t'a déplu, vu la tronche de l'au-delà que tu as tiré ? Moi j'ai foutu sur la gueule de ceux qui ont dit des saloperies sur les miens. Normal... » J'ai enchaîné, parce que je ne veux pas qu'il réponde. Pas aujourd'hui, une autre fois, quand il le voudra. Je baisse la tête, retrouvant la bêtise d'il y a quelques années en arrière : « Ils ont utilisé le taser sur moi, ces cons. » Sur le coup de l'adrénaline, j'avais réussi à faire encore quelques pas, et je ne sais pas trop comment j'avais fait. Mon corps était aussi tétu que moi... J'abandonne le verre pour me consacrer à ma cigarette, celle de plan-cul ayant pris la fuite. Je tire une bouffée, réfléchissant à peine une seconde à sa question : « Dis-lui que oui, mais c'était l'autre soir et c'est plutôt toi qui m'as bouffé techniquement. » J'écrase ma cigarette contre ma chaussure avant de regarder l'heure sur le téléphone de Kay : « Va rejoindre ta browife, je dois y aller aussi de toutes manières. » Ma main glisse dans son dos et je viens lui laisser le goût de ma cigarette entre les lèvres. « Je file. À une autre fois, peut-être... » lancé-je avant de lui sourire et de m'en aller sans fixer le prochain rendez-vous. Ben quoi, on n'est pas en couple que je sache ? ...