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 I can sense you. || Ft. Aion

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MessageSujet: I can sense you. || Ft. Aion   I can sense you. || Ft. Aion Icon_minitimeMar 28 Juin - 1:18
I can sense you.
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Ma veste noire jetée sur l'épaule, je marchais doucement dans les rues de cette cité. La grosse pomme on l'appelle. Le double sens de ce nom m'est évident mais j'imagine parfois l'effet qu'aurait mon pouvoir si je lui donnais vie. Un jeans brut et des boots, une chemise blanche basique... Je me savais superbe mais tout ces tissus me gênaient. Quelques mois que je foulais cette terre et l’intérêt des vêtements m'échappait toujours autant. Ce monde était étrange, de mon point de vu en tout les cas. Étrange, nouveau, amusant. Intriguant. Sur mes pas des regards se retournaient, indiscrets, désireux, mais je n'y prêtais pas attention, je n'y prêtais jamais attention. J'y étais habitué depuis des années et mon attention en était fermée.

Je venais tout juste de quitter l'université de New York, plus précisément l'une des classes d'art durant laquelle je m'étais encore une fois prêté au rôle de modèle pour la dizaine de peintres qui m'avaient observé. J'avais déjà servi de modèle dans l'ancien temps, un peu malgré moi je dois bien l'avouer, et cette place me convenait. D'après les goûts humains, j'avais le physique de l'emploi, je suppose que je pouvais en profiter. J'étais un dieu après tout, ce n'était pas vraiment surprenant.

Sous la chaleur d'un soleil plus chaud que sur mon monde d'origine je soufflais et m'arrêtais un instant pour remonter les manche du tissus blanc qui couvrait mon torse, révélant les tatouages qui ornaient ma peau. J'écoutais les voix qui m'entouraient, les personnes qui peuplaient ces rues. Amour, argent, folie, mensonge, des conversations variées mais corrompues. Certaines honnêtes, d'autres perdues. Sur mon chemin je croisais une femme criant sur un homme, son compagnon je supposais, qui visiblement était habitué à ce traitement. - « Je peux pas continuer comme ça. Je peux pas pas. Tu ne fais rien, rien pour m'aider! » - Je ne connaissais pas encore bien les humains mais j'avais constaté que des choses communes nous réunissaient tous, à commencer par nos visages et les expressions qui nous trahissaient. Cet homme était frustré, elle oubliait tout ce qu'il faisait en réalité et pourtant, il ne disait rien, peut être gêné par cette mise en spectacle. - « Si tu te reprend pas, moi je me casse, je m'en vais! » - Pourquoi ne partait-elle déjà pas alors? Pourquoi rester? Pourquoi s'éprendre d'une supposition? - « Qu'est-ce que tu crois?! Que l'argent tombe du ciel?! Tu crois que tout est simple comme ça?! » - Je passais à côté d'eux, mon pas lent et léger, discret, et levais mon regard bleuté vers le ciel où un nuage cotonneux se tenait inlassablement. Un claquement de doigts, simplement, qui raisonna un instant dans ma tête et l'univers, avant que le nuage ne déverse sur la rue des centaines d'objets en argent. Des pièces, des lingots... des fourchettes et des cuillères.

Un fin sourire étirait mes lèvres alors que la cupidité humaine prenait le pas sur une dispute à sens unique et je passais mon chemin sans une once d’intérêt pour le reste du spectacle. J'avais autre chose en tête et ça s'illustrait en une sensation de vide. Une de ces sensations que j'avais déjà ressenti auparavant, lente, permanente, prenante. Depuis déjà plusieurs jours je la ressentais mais je ne parvenais pas à la cerner. Je la sentais, je la cherchais, je la voulais mais elle me fuyait. Dans mes pas je la faisais vibrer, dans ses ondes je me retrouvais mais pourtant à chaque fois je la perdais. Mais pas cette fois. Cette fois elle vibrait à son tour. Elle était proche, toute proche. - Où es-tu donc... - Je levais ma main gauche dans l'air et en sentais l'énergie. - Ici... - Je tournais au coin d'un bâtiment et observais une ruelle aussi commune que sans intérêt... à part peut être cette paroi en son flanc. Je m'avançais doucement, précautionneux, et posais sur une caisse de carton sans un son la veste noire qui jusque là reposait sur mon épaule. Ce mur de ciment était zébré de briques. Ma main glissais sur sa surface et j'en sentais les différences. - Bonjour toi. - Mais c'est une autre vibration qui attira alors mon attention, une plus vive, plus proche. Plus vivante. Juste là. - Je te sens...
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À peine t'étais-tu enfui de ce nouveau foyer à l'allure de couvent que tu avais déjà les yeux embués de visions fantasmagoriques. Tu en avais vu, des planètes, des dimensions qui n'avaient rien à envier à celle-ci. Mais trouver autant de tours mariées de verre et de béton sollicitait beaucoup tes cervicales, il fallait l'avouer. Le nez en l'air, l'œil inconditionnellement curieux, tu marchais dans les rues et avenues de New York sans supposer qu'on puisse te dévisager de par de ton accoutrement. En réalité, les précautions volontairement prises (ou pas) par Margaret pour que tu paraisses soi disant plus "intégré" n'étaient pour le moment que des menaces. Des menaces qu'évidemment, tu avais pris à la légère, ne te soumettant sous aucun prétexte (face à une femme, le contraire aurait été surprenant). Au détour d'une avenue, tu te faufiles non plus par les artères mais dans les sillons de la mégalopole, désireux d'en voir le plus possible durant ce laps de temps que tu t'étais octroyé. Que pouvais-tu faire d'autre, en fin de compte ? Enchaîné à cette femme, tu ne pouvais plus voyager à travers le monde ou l'univers aussi facilement - ou du moins durablement - à moins de l'emmener dans tes pérégrinations. Chose à laquelle tu ne t'étais pas encore résigné, préférant faire cavalier seul (dans la mesure du possible, bien entendu). Et puis, disons-le, vous n'étiez pas encore assez intimes pour partager ne serait-ce qu’une téléportation...

Tu sens une énergie puissante qui émane non loin et sur un périmètre des plus respectables. Est-ce que cette dernière est d'origine maléfique ? Ta propre aura étant un mystère encore non élucidé, tu n'irais pas t'avancer jusque là. Ceci dit, quitte à faire des estimations, il est vrai que cette hypothèse te semblait limitée à un faible pourcentage. Toujours est-il que ce que tu sentais était d'origine magique, divine et puissante. Un arôme surnaturel qui avait suffi à te mettre l'eau à la bouche. Aussi t'étais-tu lancé à la recherche de son épicentre, bien aise de te retrouver face à un phénomène magique de taille aussi tôt. Au fur et à mesure que tu avançais et te rapprochais, tu parvins progressivement à mettre une identité sur cette aura. Car elle t'était étrangement familière, et ce de plus en plus : tu ne l'avais connue qu'une seule fois dans ton sillage mais, fort heureusement, ce souvenir remonta aussi vite que lorsque tu avais décidé de te rendre dans ladite ruelle. Là où toute piste s'arrêtait et là où l'énergie était concentrée. Tu entends la voix de l'individu et ton visage se défroisse en un rictus léger, le regard aussi apaisé qu'indicateur d'une satisfaction manifeste. « Tiens donc… », murmuras-tu au même moment, poursuivant cette marche que tu n'avais interrompue. « Encore heureux que toutes mes forces ne m'aient pas quittées, », lui accordes-tu à sa remarque, te dévoilant davantage au gré de ton ascension. Tu remontas jusqu'à lui alors que quelque chose d'autre vint attirer ton attention : les briques sur lesquelles Nærendil faisait glisser ses doigts. Ton regard fait le va et viens entre cette localisation et le visage de ta vieille connaissance, si ce n'est plus. « Dois-je comprendre que le hasard nous a cette fois réuni pour une bonne raison ? » Marque d'ironie, mais qui sait ce que pouvait penser l'être qui se présentait là devant toi ? Pouvais-il se vanter d'avoir appris, de s'être nourri durant les années passées à tes côtés dans son propre univers ?

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Dans ma contemplation c'est une voix qui s'élevait. Une autre, distance et proche. - « Encore heureux que toutes mes forces ne m'aient pas quittées. » - Et c'est un fin sourire qui étirait mes lèvres. Je détournais mon attention et l'attirais sur l'homme qui se tenait devant moi. Son attitude était la même, son regard identique, sa tenue... propre à lui-même. - Tes forces, mon ami, ne m'ont jamais semblé aussi présentes. - Je lui offrais une accolade chaleureuse et sous mes bras je sentais son raidissement. Des années nous avions cohabité, nous avions appris et partagé. Des années durant lesquelles je l'avais appris. Je connaissais ses visages et ses gestes, je savais ses habitudes, il savait les miennes. Je le lâchais en ignorant l'air dans son regard et revenait au mur qui m'intriguait. - Le hasard... - J'esquissais un sourire, mon regard contemplant les briques dans le mur. La surface bétonnée était pleine et unie. Pourtant ses interludes rouges s'y trouvaient. - Le hasard n'est rien de plus que mon thé du matin. - Je frolais une nouvelle fois les briques du bout des doigts mais cette fois j'y mettais un peu plus de vigueur. Sous ma peau, sous le béton, une vibration lumineuse se fit. Des vagues douces à la clarté vive, des étincelles même.

D'un pas je reculais et sous nos yeux le mur tout entier vrillait. Il se tordait et distordait, son existence même remise en question par l'essence de l'inconnu. Par le reflet de l'insensé. Par les chimères. Sur mon visage un sourire à nouveau s'affichait. Une malice et un défi. Le jeu. L'excitation d'une conclusion avant la véritable victoire. - Et bien jeune homme, il semblerait que la raison soit dangereuse faute de bonne. - La façade entière se mettait à vibrer, une vague impossible dans la fibre de la réalité. - Vois-tu, lors de votre Moyen-âge j'ai... ouvert une faille vers un plan d’existence particulier. Celui des rêves. - Je reculais encore d'un pas, faisant face à la fragile vitre de l'univers. - Il s'avère que je n'ai jamais réussi à la refermer totalement. - Du sol au toit, de toute part cette vision se brouillait comme du verre brisé que l'on mélangeait. - Parfois ce n'est qu'une anomalie spatiale. Des briques qui n'auraient rien à faire dans une construction de béton. Et parfois... - Une vibration venait secouer mon être, électrisante sensation. Un frisson d'une origine plus sombre. L'impact d'un sabot noir sur le bitume.

Une ombre s'extirpait de la faille, grande et imposante. Ses sabots frappaient le sol comme les foudres d'un tonnerre et son regard nous surplombait, mauvais, en chasse. Son torse était musclé, veineux. Ses bras étaient forts et bandaient un arc aux courbes aiguisées. Son corps était puissant et long, grand et impressionnant. Son pelage d'un noir de jais remontait jusqu'au milieu de son torse en une rangée de poils soyeux. Il était un centaure, un centaure cauchemardesque aux yeux noirs et à la flèche suintante. Dans son dos une immense épée reposait, promesse d'une confrontation animée. Il était mon fléau, il était mon fardeau. Je le jaugeais dans sa hauteur et reculais encore. - Alors Aion, me feras-tu l'honneur de m'accompagner? - Mes bras s'illuminaient et de leur peau de la poussière dorée s'élevait. Sa lueur m'éclairait et dans leur mouvement des silhouettes se dessinaient. Elles étaient longues et aiguisées, une aura lumineuse encerclant leurs reflets. Une finesse les caractérisaient autant que l’élégante souplesse de leurs formes. Deux épées dans les airs se tenaient et mes mains s'en saisissaient. L'entité cauchemardesque était prête à charger, seul obstacle avant cette résolution. Une nouvelle étape vers mon absolution.
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« Tes forces, mon ami, ne m’ont jamais semblé aussi présentes. » Évidemment, tu en es aussi flatté qu’intimement frustré; puisqu’il ne semble pas avoir senti qu’une anomalie résidait bel et bien là. Comment le pourrait-il ? Un hochement de tête alors qu’il se rapproche, en guise de modeste remerciement.
Le gain de puissance est quelque chose d’habituel lorsque les années, siècles, s’écoulent comme de vulgaires heures passées aux archives. À s’instruire, à déguster les diverses formes de savoir en ce monde et découvrir - encore et toujours, jusqu’à en perdre haleine. En parlant de ça…il ne chôma pas et, fidèle à lui-même, t’ouvris ses bras et te pris contre lui. Tu te crispes, grimaces, car tu n’y étais plus réellement habitué. Depuis tout ce temps passé assoupi dans ces limbes maudites, le retour à la réalité devait être digéré. Encore aujourd’hui, il était difficile pour toi de te comporter de manière tout à fait naturelle. Il y a des souvenirs qui persistent au delà des siècles, des souvenirs douloureux. Mais Naerendil ne fait pas partie de ceux-là, bien au contraire. Lorsqu’il met fin à votre contact, tu es quelque peu soulagé. Tu le scrutes d’un regard naturellement gracieux, presque ensorcelant pour qui s’y plongerait un peu trop longtemps. « Ainsi soit-il. », te permis-tu de dire avant qu’il ne parvienne à te faire esquisser un faible sourire, en écho à ses propos. C’est ainsi que tu l’apprécies, c’est un fait. Combien de siècles s’étaient donc écoulés ? Le Temps était un bourbier à lui seul…
À nouveau, tes yeux glissent vers les briques, curieux de savoir ce qui animait ainsi ces dernières.

« Jeune homme…ne t’arrêtes-tu donc jamais ? » Ô, ma Catharsis, serais-tu affecté par ses dires ? Ce n’était pas une offense, tu ne l’avais pas perçu ainsi et ne l’avait rendu sous pareille forme. Il est évident que tu as plus l’air d’un bambin à ses yeux qu’autre chose. Il est de ces rares individus qui peuvent encore se permettre de te donner un coup de « jeune » à leur proximité. Au milieu des ‘midgardiens’, tu n’en es pas moins des plus rassis, même si ce monde regorgeait d’exceptions comme tu pouvais l’être. Tu observes autant que tu bois ses paroles, concentré. C’est là que tu décèles chez lui une lueur d’excitation, tandis que les formes se composent dans une masse plus finement sculptée. Tu apprends sans grande surprise qu’il est revenu sur Terre suite à votre rencontre. Tes pas joignent ceux du Dieu, qui reculent au gré des manifestations qui fleurissaient devant vos yeux. Le danger est là, il vous apparaît comme un mastodonte aux allures de centaure. Tu n’as pas peur. Tu prends même un bref instant pour contempler la créature, alors que les mots de Naerendil te parviennent.

« Je ne reculerais pas, mon ami. » Et ce malgré les fers qu’on t’a posé il y a bien des siècles. Jauger tes pouvoirs et leur puissance, pour la bonne sauvegarde du porteur et de ta propre énergie. Ne jamais utiliser plus qu’il ne le faut. Ils sont scellés, tu n’y as plus aussi facilement accès qu’autrefois. Tu serres un peu les dents à cette pensée, la présente malédiction te revenant comme un boomerang. Ton visage s’est incliné vers la ligne d’horizon, ton regard se perd dans un vide qui témoigne d’une concentration. Dans ta main droite apparaît ton bâton, que tu fais claquer sur le sol d’un coup sec après l’avoir incliné à la verticale. Tu ne prends pas le temps d’ajouter quoi que ce soit que tu es déjà en train d’incanter un sort de protection simple, sentant l’arc craquer sous la pression opérée par la créature. Quelques mots prononcés suffirent. Tes mâchoires se desserrent et tu jettes un œil vers l’homme qui est à tes côtés un bref instant. Instant qui suffit à la Bête pour lancer son premier assaut, décochant une flèche empreinte d’énergie cauchemardesque dans votre direction. Elle file, s’écrase contre la barrière semi-invisible que tu as dressée. Ne bougeant pas d’un iota, tu lèves cette dernière afin de laisser Naerendil au corps à corps, chose dont tu t’affranchissais naturellement. Ta place n’était pas aussi près de la source, lui-même était capable de comprendre ça, bien que vos forces ne se soient encore alliées ainsi - du moins, à ton bon souvenir, ce qui n’était pas nécessairement fiable. Mais, te disais-tu, tu n’aurais pu oublier un tel moment…

Tu es concentré et le rythme est donné. Ça s’enchaîne. Le moment opportun se profile, tout s’engrène très vite. On sent ta parcimonie dans ta façon de faire éclore ta magie, toi qui, malgré ta retenue naturelle, n’a encore jamais fait autant de caprices lorsque la situation le demandait. Non, tu n’as jamais fait aussi attention - d’autant que les personnes comme Toi, ici, semblaient être particulièrement discriminées…des propos tenus par les médias, par Margaret, mais tu ne te considérais aucunement comme leur semblable.
Cette fois-ci, c’est d’un sort élémentaire dont il s’agit, irradiant de magie l’extrémité de ton bâton qui vient finalement frapper le sol d’une couche de givre. En l’espace qui te séparait du mastodonte ébène, elle grignote la surface jusqu’à atteindre les sabots qui se retrouvent prisonniers, au moins temporairement, de la glace.

Mais…pour combien de temps encore ?

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Le centaure décochait sa flèche, une flèche sombre, brillante, laissant derrière une traînée étrange, comme si la réalité se courbait sur son passage. Je le voyais alors, le voile devant moi, ce léger flou, ce mur presque invisible. Un mur magique, infranchissable, levé par Aion et qui me protégeait du tir. Je tournais la tête vers lui et lui lançais un sourire avant de m'élancer. Le cauchemar chargeait aussi, son arc décochant une autre flèche en courant, flèche que je coupais en deux d'un coup de lame. Il grognait de cet échec et frappait de son arc mais à peine étais-je à portée que je me baissais avec vivacité, évitant le coup, profitant de son élan pour porter une attaque à son flanc. J'atteignais ma cible sans mal mais il était bien plus résistant que ses flèches. Mes épées luisaient d'une faible lueur claire, une magie irradiante. Elles pouvaient tout atteindre, tout combattre, tout briser. Quelque soit la magie en face, elles pouvaient la couper. Les cauchemars ne faisaient pas exception et lorsque ma lame touchait son flanc c'était comme si une lumière s'en échappait, une lumière noire, assombrissant.

Sous le coup de la douleur, le cauchemars se retournait vivement, attaquant à nouveau avec l'arc mais j'étais plus rapide, plus petit, et frappait son bras avec le plat de l'une de mes épées, le forçant à lâcher prise. Son arc se briser au sol, un arc fait d'une matière semblable à du verre, se brisant en une poussière noire en tombant. Je reculais. Dans mon dos Aion préparait quelque chose mais en face le centaure s'armait déjà de cette grande épée qui ornait jusqu'alors son dos. Rien ne pouvait effrayer un cauchemar, après tout c'était un cauchemar, mais ils n'étaient pas imbattable. Il frappait et j'avais tout juste le temps de croiser mes épées au dessus de ma tête pour parer le coup, sa force si importante que mes pieds s'enfonçaient dans le sol. Je tenais bon, je pouvais l'égaler sans mal, et c'est là que je le voyais. Le reflet. La lumière, cette fraîcheur. Je voyais passer le banc de givre sur le sol et aller prendre les sabots du centaure cauchemardesque. Il était embourbé dans la glace et sautais en arrière, laissant son imposante épée fondre sur le sol et y faire un trou, des étincelles agrémentant le choc. Oui, il était piégé.

J'utilisais l'épée elle aussi coincée dans le bitume comme d'une passerelle et marchait, courrait, sur son fil avant de bondir. Le saut semblait interminable et lorsque mes lames s'enfonçaient dans son torse je pouvais sentir la texture de son corps. Il était froid, glacial. Sa peau, ses chairs, ses muscles, tout touchait comme du sable, un sable noir et fin, mais compressé à tel point qu'on en voyait pas le relief. Il hurlait, la lumière de mes épées gagnant sur sa noirceur. Il hurlait et commençait à disparaitre. Sa matière s'étiolait, il se désagrégeait rapidement, une poussière noire s'élevant dans l'air et vers le ciel. Mes épées disparaissaient, leur lueur regagnant mes bras et je retombais au sol, reculant de quelques pas jusqu'à rejoindre Aion. Ce n'était pas la première fois que j'observais un cauchemars, pas la première fois que j'observais un cauchemars disparaitre. Ça pouvait être impressionnant, voire un peu effrayant. Après tout, c'était un cauchemars. Il disparaissait, emporté par le vent, emporté par la lumière, et lorsque tout son corps s'était évaporé, la poussière revenait en force, un nuage dirigé qui retournait à son plan par la porte ouverte dans le mur. Les briques dans le ciment. Une fois le nuage disparu totalement, elles demeuraient. L'aberration. La faille. - Une bonne chose de faites...

Je m'avançais, calme, face au portail et posais ma main contre sa surface. Si tant est qu'il en avait une d'ailleurs. A mon contact, une vague lumineuse s'y propagea , rapide, comme un relief, et les briques disparurent, comme dévorée par le ciment. La réalité dévorant l'irréalité. Je soupirais, soulagé. Je ne ressentais plus cette pression, cette alerte dans mon esprit. Au moins cette faille-ci était-elle fermée. Je me retournais enfin vers Aion, un sourire étirant mes lèvres. - Tu as été parfait, mon enfant. - Je le regardais un instant puis arquais un sourcil, feintant de me soucier. - Ça va mon enfant? Ou préfères-tu jeune homme? - Taquineries d'immortels, ne faites pas attention.
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L’arc s’est brisé, l’épée s’écrase contre le bitume dans un choc quelconque. Naerendil agit, il est bien plus mobile que toi, plus tactile aussi. Lorsque la situation ne le nécessite pas, tu n’es généralement guère enclin à faire des cabrioles. Ce qui aurait pu amuser le Dieu s’il s’agissait d’une menace bien plus grande, avouons-le. Il avait cette puérilité divine que tu n’aurais certainement jamais - et il n’était certainement pas question de stupidité, loin de là. Redécouvrir cette malice caractéristique n’était pas si désagréable en soi. Sait-on jamais, peut-être t’avait-elle manqué, au même titre que la caresse satinée des rayons solaires sur ta peau.

La silhouette géante est emprisonnée dans la glace, l’entravant sérieusement. Tu relâches l’air que tu avais gardé dans tes poumons pendant l’opération de givrage, déposant à nouveau ton bâton contre le sol. Dans tes yeux, pas la moindre inquiétude, une simple fascination que tu partageais vis à vis de la créature que vous deviez éradiquer. Ce qu’elle dégageait ? Hormis une énergie qui te rappelait vaguement l’essence du Dieu, tu avais peine à déceler ne serait-ce qu’une émotion. Ce n’était pas vraiment un domaine où tu excellais il faut dire, mais tes qualités d’observation te permettaient tout de même, en général, de cueillir certains de ces éléments.

En voyant le haut souverain de B’almaar s’affairer, tu sentis que ta part de la besogne était terminée. Tes yeux suivent les mouvements rapides et dirigés de Naerendil, qui finit par achever la bête cauchemardesque à l’aide de ses lames et de sa volonté féroce de l’éradiquer de ce plan de l’univers. Inspirant légèrement, tu fais disparaître ton bâton avant même que la faille ne se soit refermée, laissant une traînée d’énergie mystique derrière toi. Il recule, pas à pas, te rejoins alors que vos regards respectifs sont captivés par la disparition de l’anomalie à l’apparence monstrueuse (ce qui n’était pas ton avis), qui rejoins sans grand mal son véritable royaume. Tu te mures dans le silence alors que les premiers mots exprimés reviennent à ton compagnon. « Hm, » te contentas-tu de dire alors qu’il refermait la faille. Peu après seulement, tu lui glisses.

« Penses-tu qu’il y en ait d’autres, ici ou ailleurs ? » La question méritait d’être posée, bien que tu aies déjà songé à y répondre toi-même depuis la première apparition. Cette magie n’était pas tant celle que tu appréciais à l’apprentissage mais plutôt à la découverte, à sa contemplation. Et la redécouvrir à nouveau aujourd’hui en la personne de Naerendil n’était pas du luxe. À vrai dire, retrouver certains aspects mystiques te comblaient. Surtout après avoir passé autant de temps enfermé dans ta propre forteresse onirique, pendant des siècles durant. L’air perdu dans ces divagations internes, tu te surprends davantage à entendre certains mots sortant de la bouche du dieu. Mon enfant. Vieil érudit millénaire ou éternel enfant animé par la curiosité ? Il n’y avait pas de juste milieu, mais il n’y avait pas tant à se préoccuper de ça, car il s’agissait d’une taquinerie. Il fut un temps où ces dernières t’étaient insupportables à leur simple écho. Naerendil n’était certainement pas particulier pour rien à tes yeux.

Tes paupières se plissent un peu alors que tu orientes l’azurin de tes iris vers lui, cherchant ses prunelles. Piqué ? Moins que tout à l’heure ; et il est clair qu’il ne s’arrêtera jamais. Tu avais oublié à quel point il pouvait être agaçant, surtout lorsque tu te mettais à réagir dans son sens, alimentant ce qui s’apparentait (et à juste titre) à un jeu. Ton sang-froid est exemplaire, rares sont ceux qui t’ont vu perdre pied.  Il te faut te réhabituer à la vie proprement dite. Certains détails semblent néanmoins gratter contre ta carapace naturelle. « Parfait, dis-tu ? Pour une si basse besogne, le contraire m’aurait quelque peu froissé. », paras-tu, mesquin et non moins conscient de tes grandes capacités que tu rappelais de manière expresse. Ne le laissant pas se reposer sur une constatation aussi médiocre que désobligeante - qui était propre à toi-même, tu enchaînes avec adresse. « Hé bien… j’imagine qu’il me siérait mieux de déguster un bon thé… tant qu’ils n’utilisent pas un athanor poussiéreux pour leur ouvrage, je devrais savoir m’en contenter. », sauf que tu n’avais pas la devise en vigueur, ni aucune monnaie sur toi. Tu comptais bien évidemment sur le savoir-vivre du dieu pour te l’offrir, voire même te guider un peu dans cette faune dont tu ignorais encore certains moeurs et fonctionnements. Tu pivotes un peu, l’œil toujours accroché au sien - un sourire anime pourtant tes traits à ce moment-là. « Je t’en prie, appelle-moi simplement Aion… ce sera l’un des rares caprices dont je te ferais part, mon vieux barbon. » Toi qui n’avait jamais vraiment voulu être appelé par ton prénom avais dû te résoudre à le faire. La faute au porteur, qui fonctionnait ainsi. À sa mention, une émotion étrange t’habita, élimant un peu le sourire qui trônait sur ton visage.

Tu fronces un peu les sourcils, te mettant un peu à marcher vers ce qui semblait être la voie de ‘sortie’ toute désignée, mains jointes dans ton dos. « Vois-tu, je n’ai pas encore tout à fait exploré les environs - ce n’est pas l’envie qui manque, cependant. Tu dois être particulièrement désappointé par cette nouvelle, d’ailleurs… » Étonnamment, la confidence force la barrière de tes lèvres. Le sorcier que tu étais n’aurais pas pu laisser la Terre sans en avoir exploré les nouveautés, les changements, tout. Tu n’aurais pas pu t’endormir pendant ces deux derniers siècles, pourtant si riches. Ce n’était en rien comparable avec les civilisations que tu avais pu explorer ou découvrir, il est vrai. Mais l’humanité, cette humanité, aurait au moins mérité un œil attentif de ta part. « À mon sens, tu me sembles être des plus compétents à servir de guide… plus que ma personne, en tous cas ! Me trompe-je ? » Un bref silence, tu baisses un peu la tête, les mèches de tes cheveux reposant aléatoirement sur le cadre de ton visage pâli par ces - longues - années de léthargie. « J’ose espérer que tu n’aies pas perdu la main en la matière, un enfant sait vite se lasser. », lui renvoyas-tu avec une fausse légèreté, faisant référence au rôle qu’il avait pu avoir il y a fort longtemps, au sein même de son royaume… entre autre.

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« Penses-tu qu’il y en ait d’autres, ici ou ailleurs ? » - J'étouffais un léger rire à cette interrogation. - Ici certainement quelques uns que je n'ai pas encore trouvé. Ailleurs... une infinité. Mais ceux-là ne nous concernent pas pas encore. - Pas encore, mais bientôt peut être. Le plus tard possible si mes espoirs se concrétisaient. Mon voyage dans le monde à l'envers me l'apprendrait bientôt, les failles s'ouvraient bien au delà de la Terre. - « Parfait, dis-tu ? Pour une si basse besogne, le contraire m’aurait quelque peu froissé. » - Oh ne sois pas si sûr de toi, mon vieil ami. Cette chose n'était pas une simple créature de ton monde que l'on peu si aisément anéantir. - En réalité si je n'avais pas été là, ça aurait été bien plus compliqué. Rares étaient les personnes capables de les neutraliser. Un chasseur de monstre à une époque possédait un artefact qui le lui permettait, mais je n'avais jamais connu d'autres personnes qui avaient pu renvoyer l'ombre dans son domaine. Néanmoins il poursuivait et j'acquiesçais à son envie d'un bon thé. Depuis mon arrivée durable sur Terre, j'étais devenu un consommateur de café assidu et je ne comptais plus mes visites aux Starbucks de la ville. - Aion, je suis un dieu. Je ne fais jamais de caprice. - Mensonge.  J'étais un dieu, je faisais ce que je voulais.

Je suivais sa marche, le laissant parler tout en m'assurant que la ruelle était totalement saine, et jusqu'à cette dernière phrase. - « J’ose espérer que tu n’aies pas perdu la main en la matière, un enfant sait vite se lasser. » - Je tournais la tête vers lui, entendant ceci comme un défi et alors que son pied traversait la limite entre la ruelle et l'avenue, je claquais des doigts. La limite entre l'un et l'autre, le point de passage entre la ruelle et le reste de la ville. Une porte que j'ouvrais. Un portail magique invisible qu'il traversait et moi à sa suite. En un pas, nous en faisions des centaines pour que nos pieds ne se posent naturellement à la sortie d'une autre ruelle, ailleurs dans Manhattan. - Rassure-toi, je n'ai rien perdu de mon hospitalité d'antan. - Mon regard se tournait vers une petite boutique ouverte sur la rue passante par de grandes vitres. Une décoration plus moderne que le simple trou de vieille littéraire qu'on aurait pu imaginer. Un salon de thé que j'avais repéré quelques semaines plus tôt, pas très loin de là où je vivais. - Un thé, c'est ça? - Je le laissais passer devant et nous nous installions à l'intérieur. Une jeune femme venait et je laissais à Aion le soin de choisir quel thé nous prendrions.

Pendant ce temps j'observais l'extérieur à travers la vitre et lorsque la jeune femme s'éloignait enfin, mon regard revenait à lui. - Je suis étonné cependant. New York existe depuis des centaines d'années, j'ai du mal à t'imaginer ne pas avoir exploré cet endroit avant. - Je connaissais sa curiosité pour en avoir fait l'objet durant des années. C'était plus qu'étonnant qu'il soit si peu informé. Je m'adossais à ma chaise, laissant tomber la veste qui couvrait mes épaules. - Que s'est-il passé pour que tu sois si isolé?
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« Oh ne sois pas si sûr de toi, mon vieil ami. Cette chose n’était pas une simple créature de ton monde que l’on peu si aisément anéantir. »
« Certes, admis-tu. Sur ce point, il avait parfaitement raison. Ce n’est pourtant pas sur cela que ta raillerie reposait. Néanmoins, tu comprendras que les moyens investis n’en sont pas moins misérables me concernant. Il n’est donc pas particulièrement ardu d’arriver à la perfection… » Que de n’avoir été félicité pour une présence qui, justement, n’avait été que superflue en fin de compte. C’est ainsi que tu l’avais perçu, du moins. « Surtout si l’on se base sur un sort élémentaire - et ce dans tous les sens du terme. » De toute façon, Naerendil était ce que tu n’étais pas et ne sera certainement jamais… à savoir une divinité, ni plus ni moins. Tu en avais croisé dans divers mondes et dimensions par le passé et d’ailleurs, le dieu de l’irréel jouissait d’une originalité que tu n’avais décelée chez la grande majorité de ses pairs - du moins, ceux que tu avais pu approcher suffisamment pour t’en assurer. Il était, comme son monde, particulier. Façonné à son image. Et pour cause, je suis le mieux placé pour en faire, pensas-tu en ne relevant pas expressément ses propos. Peu t’importait d’ailleurs, car il avait accédé à ta (première) requête en usant de ton prénom. Une habitude que tu devrais prendre ici bas, comme tu avais pu déjà l’initier auprès de la porteuse. L’entendre de la bouche d’un tiers te replaçais dans une situation à la fois lointaine et familière. Les temps avaient vraiment changé. Toi en revanche…

Tu es bien vite rassuré sur le fait que vous alliez pouvoir profiter de vos retrouvailles pour partager une boisson chaude - et discuter, bien entendu. Si tu t’étais déjà imposé comme invité, tu allais vite lui faire comprendre que tu étais d’autant plus étranger à ces lieux que tu n’avais pas vécu à proprement parler depuis deux cent ans et des poussières… sauf dans une léthargie des plus affligeantes. Ton visage s’oriente vers ce portail que ton vieil ami ouvre à votre disposition et n’hésites pas un seul instant avant de le franchir. Pour ainsi dire, tu n’as fait que poursuivre cette marche que tu avais déjà entamée, suivi de près par le haut maître de la magie métaphorique et de son concept même.  
Ton regard est très vite attiré par ce qui vous entoure. Tu n’es jamais passé par ici, ce qui semble être tout à fait normal étant donné ta situation. Le moindre détail que tu dissèques, tentant de faire le rapprochement avec d’autres systèmes ou technologies que tu avais pu découvrir, parfois, sur d’autres planètes. Finalement, tu reportes ton attention sur la personne qui t’accompagne et aligne tes perles azuréennes vers cette baie vitrée qu’il semblait jauger, te lançant une question rhétorique, à laquelle tu te permis tout de même de répondre d’un léger rictus peint sur tes traits étonnamment glacés.

Après s’être introduits dans l’établissement, on vous installe et tu n’es pas très discret dans tes observations, bien qu’elles fussent silencieuses. Il y a tant de choses dont tu dois te nourrir… et au plus vite ! Enfin, commencer par un thé n’allait certainement pas te faire de mal. Tu ne relèves pas le léger malaise qu’on peut ressentir au vu de ton accoutrement des plus… excentriques. Ces derniers ne l’étaient pas il y a « quelques années ». N’en déplaise à certains ici présents qui se clamaient américains sans savoir d’où ces vêtements venaient.
Tu jettes un coup d’œil assez bref à la liste qui vous est offerte. Au moment de passer commande, tu te permets simplement de dire, faisant foi d’une curiosité - chose qui était assez plaisante dans ce cas de figure.

« Faites-nous donc goûter votre spécialité. Inutile de préciser que je vous fait confiance. » et que tu n’aurais peut-être pas dû. Tu avais des goûts particulièrement raffinés en ce qui concernait le thé. Ce n’était pas nouveau. Et ce n’était pas deux siècles passés dans ta forteresse onirique qui allait y changer quelque chose. Elle disparaît et vous laisse à nouveau seuls. Bien sûr, tu n’étais pas prompt aux confidences. Sauf que dans ce cas-là, c’était différent. Il s’agissait de Naerendil, pas du dernier des idiots - ou d’un conspirateur avéré, potentiellement lié à la malédiction qui t’avais été donnée de subir depuis tant d’années. Malgré ton sang-froid exemplaire, il y a bien une nuance que l’on peut déceler dans ton regard céruléen. Là, dans cet instant précis. « New York n’était pas la même la dernière fois que je l’ai fréquentée. » Un léger silence. Elle était différente… même en ce qui concernait les résonances magiques qui pouvaient la bercer. Tu reprends. « Disons que cela fait presque trois-cent ans que je n’ai pas pu ouvrir l’œil… j’aurais préféré que ne soit pas le cas, ne serait-ce que pour explorer les environs. Ces lieux m’ont tout l’air d’être fascinants. » Chose qui n’aurait pas été le cas si tu avais été parfaitement maître de ton corps, de ton psyché, de ta magie. Si tu n’avais pas été pris dans cet étau. Un soupçon de colère te fait froncer le nez… là aussi, ce fut bref et très subtil. Tu te rappelles des précautions que Margaret t’avais énoncé par rapport à tes capacités, aux propos à mesurer en public. Malgré ton esprit de contradiction, tu brasses les lieux du regard, avant de reporter ton attention sur ton interlocuteur. Ton dos s’aligne contre le dossier boisé de ta chaise. « Te souviens-tu de la Perse sassanide sous le règne d'Anushiruwan ? », lui demandas-tu, tu ignorais s’il avait eu l’occasion d’y mettre les pieds durant cette période - mais tu avais foi en ses connaissances sur le sujet, peu important la réponse proprement dite. « Sixième siècle du calendrier grégorien. J’imagine que cet état ne te serais pas perceptible avec facilité, ou peut-être ne l’est-il tout simplement pas. Toujours est-il que je porte la stigmate d’une malédiction. » Et il serait le second - et le dernier - à le savoir.
Pendant l’énonce de cette pénible vérité, tes mains se sont jointes sur la table, te faisant t’incliner un peu vers l’avant. Le sceau sur l’intérieur de ton poignet se découvrit. Sur ton visage, il n’y a pas l’ombre d’une émotion. Pourtant, tu es bel et bien affligé par cette situation, et l’énonce de ce souvenir ne te met pas forcément dans une position des plus agréables. Là, tu expires doucement et le surprend à esquisser un sourire léger. Tes traits sont bien les seuls à vouloir faire cet effort, car ton regard ne va pas sur le même terrain. Tu lui avoues peu après, à mi-voix. « Je t’envie affreusement d’être déjà imprégné de toutes ces connaissances. » Et que tu n'avais pas. Pas encore. Mais ça n’en restait pas moins frustrant… pour sûr.

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A peine installés, une jeune femme venait prendre notre commande et Aion lui demandait leur spécialité. Un risque, compte tenu de ce que je savais des goûts du sorcier. Autant dire que cette jeune femme risquait un commentaire désagréable... sur pour ainsi dire la totalité des choses qu'elle pourrait bien nous amener. Difficilement sa faute cela dit, après tout elle ne pouvait pas savoir. J'espérais qu'elle ne saurait jamais. - « New York n’était pas la même la dernière fois que je l’ai fréquentée. » - Je fronçais les sourcils, appuyant légèrement mes avant-bras sur la table entre nous. Un apparence comme la mienne, un corps comme le mien... Je regardais autour de moi et je ne voyais que personnes âgés, littéraires et autres lecteurs trop calmes. Sans compter le clochard qui me faisait face. Mais moi? Visuellement j'avais plutôt ma place dans un bar branché, non? Ou alors c'était le regard appuyé de la serveuse sur mes bras qui me faisait effet? Je soupirais, loin de me préoccuper de mon apparence, loin d'être dérangé par les regards de la jeune femme. Non, mon véritable intérêt se portait sur ce qu'Aion me disait.

« Disons que cela fait presque trois-cent ans que je n’ai pas pu ouvrir l’œil… j’aurais préféré que ne soit pas le cas, ne serait-ce que pour explorer les environs. Ces lieux m’ont tout l’air d’être fascinants. » - Encore une fois, mes sourcils se fronçaient. - Que s'est-il passé? Viens en aux faits. - Tout ce suspens me tuait. En dix ans de vie quasi commune, il n'avait jamais mentionné ce qui viendrait aussi tout ces secrets me dérangeaient légèrement même si je trouvais fascinant l'idée de toujours pouvoir apprendre de quelqu'un même après tout ce temps. - « Te souviens-tu de la Perse sassanide sous le règne d'Anushiruwan ? » - Bien sûr, un grand ami. - Bien sûr que non, il avait compris l'ironie mais poursuivait. Je l'écoutais, fronçais encore les sourcils comme s'il me révélait le secret du monde. Une malédiction. J'en avais perpétré, j'en avais vaincu, mais je n'aurais jamais pensé qu'il serait victime d'une. Lorsque son poignet se découvrait je pouvais observer le sceau maintes et maintes fois observé. Je saisissais sa main et comme un point de contact j'observais les différentes ondes magiques qui entouraient son corps, détaillant jusqu'à ce halo rougeoyant. C'était bien là, actif, et lorsque j'éloignais ma main, les lueurs s'estompaient.

« Je t’envie affreusement d’être déjà imprégné de toutes ces connaissances. » - Une question de temps avant que tu ne t'en empare toi aussi, j'en suis certain. - J'avais laissé sa main, accaparé par cette malédiction. - Pourquoi n'en as-tu jamais parlé? J'aurais pu... - A nouveau ce froncement de sourcil et je regardais autour de nous avant que mes yeux ne se dorent d'une lueur caractéristique. Je pouvais voir la lumière rouge même si ses yeux ou les autres ne le pouvaient. J'observais les fils de pouvoirs qui le manipulaient avant de soupirer d'une déception visible. - Mon pouvoir n'est pas suffisant ici, pas encore et ce sort est lié à cet univers, impossible de le défaire depuis le miens. - Après tout là-bas, j'étais "tout", mais je ne pouvais agir au-delà de mes propres frontières. Mes yeux reprenaient leurs teintes bleutée humaine. - Je suis désolé. - Avais-je dis alors que la jeune serveuse, probablement étudiante, venait nous apporter une théière fumante ainsi que deux tasses et du sucre. Mon nez, moins aguerri que celui du sorcier, sentait tout de même le parfum d'un Earl Grey citronné. Bon choix. Un classique de rigueur en toute occasion en espérant que ses feuilles soient de qualité. Je prenais l'initiative de servir et le liquide ambré venait emplir les deux récipients. - Quels sont les règles de cette malédiction? Quel est son effet? - Reposant la théière je levais mon regard sur lui. - J'espère qu'elle ne m’empêchera pas de te faire visiter ce nouveau monde, si?
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Tu le savais impatient. C’est aussi pour cela que ses réactions ne t’étonnèrent pas, ni te freinèrent. Il était déjà suffisamment pénible d’avoir à l’exprimer, tu n’allais pas t’arrêter à chaque petite vague que pouvait provoquer la personne assise en face de toi. Il n’aurait pas pu savoir, il n’aurait pas pu car vous vous étiez rencontrés bien avant que la malédiction ne se soit agrippée à ta carcasse, à ton entité. Il n’aurait pu t’aider car, tu le sais, tu n’aurais jamais demandé quoi que ce soit au Dieu. Tu laissas volontairement ta main entre la sienne, le laissant sonder ces ondes magiques qui pouvaient courir ton aura, et même plus encore. Ton regard (trop) clair ne s’était détaché du sien pendant cette opération. Qui ne dura que quelques secondes, avant qu’il ne te demande pourquoi tu avais gardé le silence sur le sujet.

« Pourquoi l’aurais-je fait ? », lui demandas-tu, fronçant légèrement les sourcils. Un léger sourire sur tes lèvres, bien qu’il n’eut rien de particulièrement doux. (Cela faisait bien trop longtemps que tu avais gardé ces traits fermés. Il avait l’habitude.) L’homme que tu étais n’avait jamais imploré l’aide de qui que ce soit, bien au contraire. Insister pour assimiler connaissances et autres joyeusetés, pourquoi pas. Mais tout ce qui touchait ton intégrité… c’était une autre histoire. (Seul un égoïsme profond t’avais permis d’arracher une aide à autrui, sans jamais, ô grand jamais, avoir à te mettre à genoux pour l’implorer). Un égoïsme que Naerendil avait déjà eu l’occasion de capter. Quel sorcier aussi puissant se serait refusé à transmettre autour de lui ses vastes connaissances, jusqu’à refuser le titre de Sorcier Suprême de sa dimension, s’il n’avait pas été caractérisé par un égocentrisme certain ?

Il soupira. La déception qu’il te céda fut bien plus expressive que celle qui était tienne — tu avais espéré, certes, mais pas assez cette fois-ci pour t’accabler davantage.  Tu avais passé trop de temps à le faire, à vrai dire. Blasé, ça devait être un peu ça. Seul l’inconnu qui te tendait les bras semblait te motiver un tant soit peu ; ranimer cette flamme qu’une seule femme avait réussi à faire chanceler, et d’un souffle. Tu n’aurais su le trouver - et le rejoindre, n’en parlons pas. Depuis quand était-il là à fouler à nouveau cette Terre, cette dimension ? C’est à B’almaar que tu l’avais connu, à B’almaar que tu avais appris de son monde. Tu n’aurais jamais songé à le croiser une nouvelle fois, encore moins si peu de temps après ton dernier éveil. Des excuses, que tu acceptas d’un geste de la tête. Le geste avait été apprécié. Et tes doigts s’étaient à nouveau entremêlés alors que la serveuse revenait apporter votre commande. D’ailleurs, tu fus particulièrement étonné qu’elle ne fasse pas le service elle-même… allait-il vraiment débourser pour une telle prestation ? À défaut, il vaudrait mieux se concentrer sur le thé bouillonnant. Parfum citronné, qui ne te déplus pas particulièrement… il restait encore à considérer le goût proprement dit. Tu la remerciais d’un geste de la tête qui s’accorda à un regard à peine appuyé. (Ta misogynie s’est pourtant apaisée après avoir rencontré Chumani. Qu’elle puisse reposer en paix.) Naerendil fit le service de lui-même alors qu’une question, à laquelle tu t’étais attendue, fusa.

« Cela fonctionne par intermédiaire. Je suis lié à une tierce personne - celle qui trouve l’artéfact. Je ne peux m’en séparer et la distance nous affaibli l’un comme l’autre. »

Ça allait au delà du concevable - car tu supportais difficilement cette idée, même aujourd’hui. Au-delà de tes capacités. (Et c’était encore moins acceptable.) À ton sens, seule la magie puissante d’un djinn aurait pu te marquer ainsi. Ou celle d’une entité qui allait bien au delà… toujours est-il que tu étais pris au piège de cette existence. Une existence rythmée par l’oubli, des éveils, des pertes de repères… elle avait été aussi marquée par de la frustration, de la colère, puis de la haine. Ton aura était déjà suffisamment ambivalente pour qu’il aie à s’inquiéter de la présence malfaisante de Chthon en toi. Après tout, même avant que tu ne sois devenu un disciple du Darkhold, tu portais déjà sur toi cette stigmate.

« Une bonne partie de mes pouvoirs y sont scellés. Tu n’en dis pas plus, laissant planer le doute quant à l’amplitude de ces derniers. Puiser dans ces derniers drainent l’énergie vitale dudit porteur. » Un léger silence. Tu ramènes ta tasse à toi, les mains collées contre ses parois bouillantes. Tu n’avais pas mal, non : tu adorais cette sensation contre ta peau. Rien ne valait un bain de flammes, cela dit ; péché mignon resté intact depuis les premiers jours de ta bénédiction. « Lorsque le porteur décède, je suis enfermé dans ce que l’on pourrait appeler un coma magique. Ma conscience ne s’éteint pas, bien que je sois incapable de sentir à proprement parler, bouger, vivre. Le cycle se répète autant de fois que quelqu’un daigne atteindre l’artéfact. » …autant dire, quelque chose d’aléatoire en fonction des époques, des événements, des lieux. Tu n’avais pas eu beaucoup de chance dernièrement à être resté aussi longtemps sous cette terre, quant bien même tu avais été protégé par la magie. « Avant que tu ne demandes où il se trouve : c’est le porteur actuel qui en dispose. C’est ainsi que cela fonctionne, dans les grandes lignes. » Et tu n’allais pas approfondir, tu en avais déjà trop dit. Il ne pouvait t’aider, tu ne pourrais pas lui en céder davantage pour l’instant. Réservé sur cette ô combien frustrante fatalité.

« Disons que je suis capable de contourner certaines choses… en revanche, cela reste assez limité. » Tu portas la coupe fumante à tes lèvres, te souciant aucunement de la chaleur. Après une simple gorgée, tu fronces un peu du nez. « Hm. Et la première chose que je découvre, c’est un savoir-faire qui se perd. » (Désagréable. Tu n’en as que faire.) Inutile de préciser que tu n’avais pas trouvé ça à ton goût. Ce n’était pas ce que tu attendais, pour sûr. Il y avait fort à parier que le prochain thé que tu goûteras sera issu d’une préparation personnelle.

Tu détournas habilement la conversation vers autre chose, peu après. Habituellement, tu serais resté de longues heures en sa compagnie à parler, mais tu ne te reposas pas de la même façon qu’à l’accoutumée - de fait, tu n’avais certainement pas reprit plus de thé que ce qu’on vous avait servi. (Faire semblant d’apprécier ? Tu n’avais jamais fait une telle chose, ce n’est pas aujourd’hui que tu commencerais.) Il te remit des coordonnées - les siennes - afin que vous puissiez vous recontacter. Chose que tu comptais bien faire. Après tout, il était tout désigné pour être l’un de ses guides touristiques dans cette faune terrestre… en pleine mutation.

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