Souffle saccadé. Respiration aléatoire. Sursaut dans l’obscurité. La peau perlée par la sueur. Il se redresse dans le noir. Le bras cherche une présence dans le lit. Un corps féminin. Il n’y a rien. Que le vide. Que des draps trop rêches. Tant mieux. Il ne veut pas effrayer. Il ne veut pas inquiéter. Il passe une main sur son visage. Essuyer les traces de la peur. Effacer les marques d’une nuit agitée. Mais dès qu’il referme les yeux, les images sont là. Les sensations reviennent. Cette impression de mourir. De suffoquer. De se vider littéralement de son sang. Et puis, le noir. Le noir de la mort. Juste avant de reprendre une respiration douloureuse. Juste avant d’avaler tout l’oxygène possible. Il va bien. Il se le répète. Il va bien. Et pourtant, certaines nuits, le souvenir de ce jour revient. Celui de l'empoisonnement des locaux. Celui où tout le monde s'est mis à souffrir. Peu importe l'âge, le sexe, le physique, le métier. Ce jour-là revient le hanter, parfois. Quand la journée a été longue, stressante, épuisante. Alors, la nuit qui suit se remplit de démons noirs. Ce n’est pourtant pas la première fois. La première fois qu’il meurt. La première fois qu’il subit de fortes douleurs. Le jour où il a été exposé à la Brume, à l’Afterlife, reste gravé dans sa mémoire. Souvenir précis où la douleur était sans nom. Souvenir précis où il croyait mourir. La main cherche la lampe de chevet. Un peu de lumière. Pour réveiller. Pour chasser les démons. Un soupir las lui échappe. Il ne cherche pas d’aide. Il ne cherche pas à confier ses cauchemars. Ce n’est pas nécessaire. Il a trouvé un moyen de se défouler. Il a trouvé une façon d'extérioriser. Il vit. Tout simplement. Il profite de la moindre seconde. Et il ne fuit plus les entraînements sportifs. Le seul moyen qu’il a d’évacuer toutes ses émotions. Ça va mieux. C’est l’impression qu’il en a, en tout cas. Son regard se perd dans la pièce. Chambre spartiate qu’il a pu personnaliser un peu. En emportant quelques affaires. En rangeant la plupart de ses livres. Mais ça reste un lieu de passage. Un lieu où il ne se sentira jamais vraiment chez lui. Il a besoin du contact des gens. Il a besoin de vivre au coeur d’une ville. Ici, il passe ses journées au même endroit. Sans voir la lumière du jour. Et lorsqu’il quitte la ville, c’est pour une mission. Ses yeux accrochent les livres. Mais lire n’est pas ce dont il a besoin dans l’immédiat. Le lit est abandonné au profit de l’armoire. Tee-shirt et short sont enfilés. Il a besoin de se défouler. Il a besoin de bouger. Il ne prend pas la direction de la salle. Il va dehors. Pour courir. Encore et encore. A la recherche de cette satisfaction, de cette euphorie, de cette joie que l’on ressent après avoir repoussé ses limites. A la recherche de ce bien-être que seul le sport peut créer. Courir lui permet de fuir ses démons. De vider son esprit. D’oublier ses peurs. Courir le délivre de ses mauvais côtés.
Il ignore combien de temps il court. Lorsqu’il revient au quartier général du S.H.I.E.L.D., il a le sourire. Le sourire satisfait qu’il voulait tant. Ca fait du bien. Terriblement de bien. Il est réveillé, maintenant. Prêt à affronter une nouvelle journée. Au détour d’un couloir, il croise Daisy. Son sourire se fait plus grand. “Heeey !” Il ne fait pas mine de s’approcher pour l’embrasser. Pas ici. Pas alors que n’importe qui pourrait arriver. Ils ne sont pas seuls, ici. Il ne l’oublie pas. Ils doivent être discrets s’ils ne veulent pas s’attirer d’ennuis. Même si les ennuis n'ont pas attendu pour arriver. Ca ne l’empêche pas de se rapprocher. Il n’y a rien de réprimandable à être à moins de deux mètres d’une collègue, non ? Il n’y a pas encore de règle imposant une distance de sécurité entre deux agents, si ? Bon, alors, il a le droit. “Qu’est-ce qu’on a de prévu aujourd’hui, cheffe ?” Une dégustation de pizza. Une séance de jeu vidéo. Une crise pokémonesque. Ou peut-être, une mission ? Mais c’est leur jour de repos. Le seul jour où ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Elle ne va quand même pas tout gâcher en l’envoyant à l’autre bout du monde pour surveiller un inhumain. N’est-ce pas ? Elle n’oserait pas ! Cela dit, il le pensait pour les vidéos de Pikachu. Et regardez ce qu’elle a fait. Elle a participé à la propagation des vidéos. Elle a monté un réseau de partages digne de la mafia. Maintenant, quand il se promène dans les locaux de l’organisation, il a le sentiment de porter un gros panneau “Pikachu” autour du cou. Merci. Vraiment. Il ne cache pas sa surprise quand elle lui propose de sortir. Une occasion de s’aérer et de partager autre chose que des entraînements. Il n’a toujours pas digéré toutes les fois où il a fini au tapis, ne cherchez pas. Il y a bien un moment où il sera aussi bon que Daisy. Après avoir pris de la drogue et des stéroïdes, peut-être. C’est un point à creuser. Il faudrait qu’il tente. A moins qu’il ne se rapproche de Rogers et de Stark pour tenter de le transformer en sur-homme ? Bon, peut-être pas. Il préfère encore se faire botter les fesses que de subir un traitement scientifique aussi hasardeux que celui-ci. Pas besoin d'avoir suivi ses études pour se douter que les changements physiques ne se sont pas faits sans douleurs. Cette transformation n’a rien de naturelle. Elle est forcée par l’humain et ça ne peut pas donner de bons résultats. Déjà que Linc se trouve assez monstrueux et dangereux, pas la peine d’en rajouter une couche. Il accepte la proposition de Daisy. Sortir, ça pourrait faire du bien. Pour une fois qu’ils peuvent se le permettre, sans chercher à surveiller quelques inhumains. A moins que cette proposition cache une mission ?
C’est justement la question qu’il se pose, alors qu’ils se promènent dans Central Park. Avant qu’ils ne se retrouvent, il a pris le temps de se doucher et de mettre des vêtements civils. Enfin des couleurs. Enfin des habits normaux. Loin de la noirceur de l’uniforme. Il a l'impression de redevenir Lincoln Campbell. Habillé ainsi, il n'est plus un agent qui travaille pour une organisation à l'éthique parfois douteuse. Il n'est qu'un homme parmi tant d'autres, dans ces vêtements. Il lève un sourcil interrogateur, en se tournant vers Daisy. “Est-ce qu'on assiste à un miracle ? Daisy Johnson qui fait des trucs normaux de couple ! A moins que tu ne me traines dans une mission ?” Il la connaît. Elle pourrait lui avoir joué un tour. Mais après tout, c’est à ça que doit ressembler un rendez-vous romantique quand on est agent : une mission à deux, quelque part dans le monde. Elle aurait quand même pu trouver plus exotique. Quelque chose comme Hawaii ou les Philippines. Voyager, c’est probablement l’un des seuls avantages de ce métier. Il ne comprendra jamais comment certains agents ont pu rester des années au service du S.H.I.E.L.D. Tous les secrets que l’organisation lui cache ou dont il a connaissance sont déjà trop de poids sur sa conscience. Il ne pourra pas travailler éternellement ici, en sachant qu'on lui dissimule volontairement des choses. Il ne pourra pas le faire toute sa vie. Il attend seulement le bon moment. Et ça ne saurait tarder, si le gouvernement continue sur sa lancée. Les mutants sont contraints au recensement depuis plusieurs mois. Les contrôles s'accentuent. Combien de temps avant que les inhumains subissent le même sort ? Il a déjà pris sa décision, si cela devait arriver. Il ne céderait pas face aux menaces. Il quitterait l’organisation, comme d’autres l’ont fait avant lui. Il serait prêt à se lancer dans une vie de fuite. Et il a le sentiment que ça ferait des heureux.
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Dim 18 Sep - 18:22