Bah bien sûr. - Comme s'il ne savait pas de quoi je parlais. Et puis quoi encore. J'étais peut être bourré ce soir là mais j'avais toujours eu bonne mémoire. De toute façon sa tronche voulait tout dire et sa petite tentative de diversion me faisait sourire. C'était marrant de le voir se dépatouiller de tout ça, comme avec la "boite noire" dans la cuisine. - « Et puis c'était Jodie, la troisième fille... » - Ha! - C'était pas tous les jours qu'il en levait trois en même temps, il pouvait pas avoir oublié. Je devais bien avouer que je ne me souvenais pas de laquelle était laquelle mais faut dire que j'avais ma propre blonde à m'occuper. Enfin mon blond. J'attendais toujours une réponse à ma question pourtant. Moi j'avais commencé à parler d'Ama avant d'être interrompu, il était hors de question que je sois le seul à parler. D'ailleurs mon regard sur Warren était clair, j'attendais des révélations et pourtant jamais rien ne vint.
Au lieu de ça Warren regarda sa montre avant de s'exclamer que "y'en a qui bossent demain" et j'avais souris. Effectivement, on était en pleine semaine, un bon vieux mercredi soir, et si moi j'étais en convalescence forcée, lui était toujours opérationnel. Il avait ses cours à donner le lendemain, celui avec cette fille le matin et le reste de la classe l'après-midi. Cette école était loin d'être ordinaire et je ne me faisais aucun soucis, je trouverais de quoi m'occuper. - T'occupe pas de ça maintenant. J'ai besoin de rien pour l'instant, on verra ça demain. - Pour le coup c'était vrai, ce que je portais ferais pour le moment et je n'avais de rien de plus pour dormir. Warren se levait et allait jusqu'à la salle de bain avant d'en ressortir la tête par l'embrasure de la porte. - « Tu veux peut-être y aller d'abord ? Parce que je suis long, en général... » - Non vas y, t'inquiètes pas. Je vais m'occuper avec les crèpes. - Moi j'avais fini mon assiette mais Warren avait trois estomacs à remplir et lorsqu'il repassait la tête dans la salle de bain et fermait la porte moi je faisais léviter l'assiette jusqu'à moi, doucement pour éviter de la faire tomber. Faudrait investir dans des assiettes en métal, ce serait plus pratique pour moi.
Je pliais une crèpe au sucre et mordais dedans en entendant le bruit de l'eau qui coulait enfin. Je profitais du silence, enfin du presque silence tout en mangeant et finissais par me lever pour aller jusqu'à la fenêtre. Cet endroit était vraiment génial. Il me rappelait vraiment Londres. Je pouvais voir les arbres et l'herbe, je pouvais entendre quelques oiseaux encore réveillés. C'était apaisant. Et même l'école en soit. Tout ces jeunes qui tentaient de survivre dans ce monde cruel. Tout ces mutants qui tentaient simplement d'apprendre à être eux-même sans blesser personne. Quelle vie. Ma vie avait été dure, on ne pouvait le nier, mais au moins je ne portais pas cette étiquette de mutant que les gens voyaient si vite en mal. Quelle honte de les discriminer pour ça. Parlant de mutant ça faisait bien quelques minutes que je regardais dehors et il était temps de me rapprocher de la porte de bois qui donnait sur la salle de bain. Je m'approchais doucement, posant ma main sur la porte, bien à plat. Je projetais ma perception et y ressentais chaque pièce de métal, chaque tuyau, chaque objet que je pouvais manipuler jusqu'aux mitigeurs de la douche. Je me focalisais sur eux et m'adossais à la porte en attendant. Attendre quoi? Je venais de fermer l'arrivée d'eau chaude, j'attendais simplement sa réaction.
Je ne réponds rien, on sait tous les deux que je m'en souviens mais contrairement à ce que Dayle semble penser, je n'ai pas terminé la soirée en mode grosse orgie de fétichistes des plumes... D'ailleurs Amy avait été trop intéressée par les plumes justement, pour que j'aie vraiment confiance. Un jour, il faudra que je pense à préciser que mon dos n'est pas une boutique de souvenirs qu'on peut retirer à la base. Même si elles repoussent, est-ce que j'arrache les cheveux des filles en leur disant que j'aime leur couleur ? Jodie était une gentille fille, elle était un peu effacée par rapport à ses deux copines, ce qui explique que Dayle ne se souvienne pas de son prénom. Je laisse planer un petit silence puis décide de changer de sujet... pour ne pas changer de couleur !
D'ailleurs, c'est vrai que demain, je dois me lever pour le cours avec Piper. J'espère qu'aucun élève n'a vendu la mèche sinon adieu mon effet de surprise. C'est amusant parce que la plupart des jeunes ici ne demandent que ça de raconter sur le cœur, ça se sent. Mais ils ont une sorte de fierté, ou de peur, qui les poussent à attendre qu'on vienne les chercher. Comme si ça les rassurait, quelque part... Ils sont les gardiens de secrets qu'ils ne veulent pas livrer sans s'être battus avant...
Je retarde un peu, réfléchissant à comment on va faire pour les vêtements, et je lui propose d'y aller d'abord, vu que je mets quatre plombes en général. Il décline et je ferme derrière moi avant de pouvoir me délester de ma chemise et du reste de mes vêtements. L'avantage ici, c'est que je suis certain qu'il n'y aura jamais besoin de chronométrer le temps de douche. Je laisse prendre une serviette sur la paroi de verre et profite de ce moment de détente avec une eau chaude qui transforme rapidement la salle de bains en hammam. Au moment où j'ai du gel douche partout, l'eau devient soudain gelée ! Je fais un pas brusque vers l'arrière et glisse. Mes bras brassent du vent alors que j'essaie de me rattraper mais je ne peux que me saisir de la serviette qui n'empêche en rien ma chute. Je m'écroule dans un brouhaha que Dayle peut facilement entendre depuis la chambre.
Je me retrouve à moitié affalé à côté de l'évier. J'entends Dédé qui me parle depuis l'autre côté de la porte. Je ne réponds pas tout de suite, prenant quelques secondes pour me mettre debout. Quand la porte s'ouvre, je camoufle simplement mon entrejambe avec la serviette que j'ai eu le temps d'attraper au vol. Je souris à Dayle et m'appuie à l'évier avec un air que je voudrais décontracté... genre tout est sous contrôle. C'est sûr qu'avec de la mousse partout et moi et les cheveux mouillés qui pendent sur mon front, je gère, ça se voit. Je maintiens la serviette devant moi puis fais un pas vers la douche pour couper l'eau. Lançant un regard de biais vers Dayle, je lui dis en ramenant mes cheveux vers l'arrière : « Je sens que quelqu'un va me faire un super massage ce soir... »
Vite vite, c'est le moment d'extorquer des petits services : « Et me ramener un chocolat chaud avant qu'on se couche ! »
J'entendais un cri, étouffé, puis une grand bruit de chute et dans un sourire je rentrais ma tête dans mes épaules au choc. - Toujours vivant là-dedans? - J'attendais une seconde mais pas de réponse. Perdant un instant mon sourire je me retournais et entrais. Au milieu de la fumée je posais mon regard sur une silhouette au sol. Je faisais un nouveau pas en avant et la vapeur se dissipait, me permettant d'observer Warren, allongé au sol, la tête tenue par son bras plié, comme si tout allé bien. La peau mousseuse, les cheveux mouillés, les plumes humides, une serviette recouvrant son intimité. Je me mettais à rire et lorsqu'il se relevait pour aller fermer l'eau, sans glisser, je voyais une fraction de seconde la lune entre ses ailes et je riais de plus belle. Non bien sur que je n'avais pas voulu qu'il tombe ou se fasse mal, mais cette position, cette situation, ça me tuait. Je ressortais de la salle de bain et goûtais à l'air frais de la chambre avant de me retourner pendant qu'il parlait.
« Je sens que quelqu'un va me faire un super massage ce soir... » - Je ne disais rien et il enchaînait. - « Et me ramener un chocolat chaud avant qu'on se couche ! » - Accordé! - Et je refermais la porte en souriant. Pauvre Warren. Après avoir remit le t-shirt qu'il avait jeté sur le lit, je sortais de la chambre et verrouillais la porte de l'extérieur avant de rejoindre mon ami l'ascenseur. J'avais déjà bien assez démontrer mon pouvoir pour la soirée entre mon arrivée et mon petit spectacle dans le couloir tout l'heure. J'ignorais les regards. Entre ceux qui ne me connaissaient pas et ceux qui avaient déjà entendu la rumeur, je pouvais pas vraiment m'étonner. Une fois en bas je retrouvais sans mal le chemin de la cuisine et me mettais à fouiller les placards. Un mug, du lait, une tablette de chocolat que je débusquais au fond de l'un des placards. Je chauffais tout ça et ajoutais une cuillère de crème et un peu de cannelle avant de remonter. Le chemin entre la cuisine et la chambre de Warren devenait une véritable habitude, combien de fois l'avais-je déjà fait ce soir? Hors-mi le salon, je crois que ça avait été mon unique trajet.
Bref, je déverrouillais la porte, entrait, reverrouillais. Ça aussi, l'habitude. Faut dire que dans tous les mutants vivant ici, il devait bien y en avoir une grosse partie qui pouvait entrer sans même toucher la porte... ou les murs. Warren était sorti de la salle de bain et je posais le mug sur le bureau, fier de moi. - Un chocolat chaud pour monsieur. T'as fini? - En lui indiquant la porte de la salle de bain d'un hochement de tête. Il me répondait à l'affirmative et je me dirigeais vers la petite pièce après avoir posé mon portable sur le bureau. - Ah. - Demi tour, je me mettais face au placard et le regardais, inspiré, avant de piocher dedans sans la moindre gène. Je prenais un short, un de ses shorts de sport, propre. Détail important. Et je fermais la porte de la salle de bain derrière moi. Tomber mes vêtements, enfin les siens, tout poser sur le lavabo, me mettre sous l'eau et soupirer. Depuis que j'étais arrivé, depuis l'averse et même si je m'étais tout de même réchauffé, cette cascade chaude me faisait un bien fou et l'eau ruisselant dans le creux de ma colonne vertébrale me filait un frisson.
Je prenais moins de temps que Warren, chute exclue, et finissais par sortir de là, ce short noir pour seul vêtement. J'avais laissé ma serviette pendue à l'intérieur et portais les fringues de Warren dans mes bras jusqu'à les poser sur une chaise. - Et bah, ça fait un de ces biens une bonne douche chaude! - J'allais par réflexe jusqu'à mon téléphone et le saisissais avant de me laisser tomber sur le lit, côté droit, à côté de Warren. - Quelle heure tu te lèves demain alors?
Toujours vivant ? Mon corps oui, mais ma dignité, comme d'habitude, elle a tendance à prendre cher ! Je regarde mon corps vite fait sans voir de sang ou quoi, et je pense que j'arrive à tout bouger alors je ne pense pas que je me sois « encore » cassé quelque chose. Ah non, j'ai assez donné sur les plâtres qui sont à peu près blanc – enfin blanc cassé ou beige – quand on te les pose et qui finissent cradissimes entre les messages, les tâches de bouffe... et quand ces techniques de fou qu'il faut trouver quand tu as la malheureuse envie de te gratter ! Ah non, j'ai bien assez donné sur les plâtres. À un moment donné, j'en étais venu à être blasé des hôpitaux... Alors je suis peut-être plein de mousse, trempé et dans une position faussement à l'aise, mais pas d'hôpital pour moi ce soir. Hourra !
Finalement, je me remets debout sur mes jambes et vais couper l'eau. J'essaie de préserver mon intimité mais le rire de Dayle quand je me retourne me laisse penser que... ah oui, forcément. Je me retourne vers lui et lui lance, avec un air tellement pas sérieux : « Ne regarde mes superbes fesses toi ! Jaloux ! » Quoi ? Est-ce que c'est un crime si j'aime mon corps ? Après l'avoir haï la moitié de ma vie, je peux bien apprécier ce qu'il est devenu quand même. Mais bon, l'avantage c'est que j'ai gagné un massage et un chocolat chaud. Finalement, j'aurais dû faire semblant de souffrir...
Finalement, je m'essuie, regarde mon coude rougi et me dis qu'un beau bleu m'attendra dans les prochains jours sans doute. Bof, ce n'est pas grave parce qu'ils disparaissent super vite en général, et puis je n'aurais qu'à dire que j'ai vaincu Logan en combat singulier en salle de dangers. Une sombre histoire de crêpe qui a causé un terrible duel à mort ! Je me sèche et passe à poil dans ma chambre après avoir vérifié d'un coup d'oeil si Dayle était là ou pas. Pas là. Je passe un bas de pyjama puis entreprends de ramasser les plumes mortes dans la salle de bains. J'ai déjà essayé de dire que ce n'était pas moi qui avais tout bouché mais à la troisième fois, on ne m'a plus cru. Cette injustice. J'essuie mes plumes comme je peux puis sors de la salle de bains. Dayle revient quelques instants plus tard avec un mug. Owi ! Le chocolat du grand blessé, si si, parfaitement. Je le regarde comme si je jugeais la bête puis hoche de la tête avant de me saisir presque immédiatement de la boisson chaude. Je le suis du regard se servir dans mon armoire sans rien dire.
Je bois le chocolat à mon bureau, en profitant du calme – pas d'élèves en train de se battre à coups de boules de feu ou d'éclairs – de la soirée pour consulter quelques courriers que j'ai un peu négligés ces derniers jours. Finalement, j'entame une réponse. Je jette un œil vers mon ami quand il sort à son tour de la salle de bains. Je termine rapidement puis pose mon coude sur le coin du bureau : « Ne change pas de sujet, voleur, il est où mon bonbon ? Que tu as VOLÉ dans ma chemise ? »
Je saute sur mes jambes et jette un œil en direction des vêtements maintenant posés sur la chaise. Je me rue dessus et attrape la friandise avant de la balancer d'une main à l'autre avec amusement : « Je ne sais pas, sans doute sur le coup de 6h. Je n'aime pas me lever juste avant le cours, j'aimerais bien aller piquer une tête dans le lac s'il n'est pas gelé... Oui oui gelé, tu as bien entendu. » Ma tête se souvient encore du dernier plongeon que j'ai fait après le passage de Snow. Finalement, je dois quand même avoir un super squelette pour survivre aux pièges que je me tends en permanence ! « Et toi, tu vas te lever aussi demain matin, au moins tu pourras sortir un peu. » Je cesse de balancer le bonbon et le tire doucement de son emballage. « C'est pas bon pour ce que tu as, n'est-ce pas ? »
« Ne change pas de sujet, voleur, il est où mon bonbon ? Que tu as VOLÉ dans ma chemise ? » - Warren s'était levé d'un bon pour se ruer sur les vêtements que je venais de poser. Mon boxer noir était sur le dessus du tas. Affichant un air surpris je commentais. - Bah au moins je saurais que tu ne rechignes à rien pour un bonbon. - Pas que j'étais sale en soit mais bon, qui aime toucher les sous-vêtements des autres? A part des fétichistes un peu douteux... La pensées traversait mon esprit le temps de regarder Warren d'un œil bizarre, une seconde, puis il enchaînait et moi aussi. Le coup du lac me forçait à répéter. - Gelé? - Pourquoi je m'étonnais en même temps, cet endroit fourmillait de mutants. Rien que Bobby était capable de faire du lac un gros glaçon, ou même la blonde du centre commercial. Peut être même n'étaient-ils pas seuls à pouvoir faire ça.
Je me redressais sur le lit, relevant le coussin et m'y adossant, repliant une jambe à la verticale et observant Warren. - Oui alors... Ça, on verra. - Sous-entendu, mon gars, tu peux toujours rêver, hors de question que je sorte mon cul de ce lit demain matin. Faudrait qu'il me traîne dehors à bout de bras et je lui souhaitais bien du courage pour soulever mes trois tonnes de carcasse. Trois ou quatre. Bon ok j'allais traverser le lit... et le plancher avec le lit, mais bon vous avez compris l'idée.
Je fixais Warren sans dire un mot, l'observant jouer avec le bonbon dans ses mains avant de commencer à le déballer. - « C'est pas bon pour ce que tu as, n'est-ce pas ? » - Je lui donnais quelques secondes pour en retirer totalement l'emballage mais mon esprit lui était déjà en marche. - Exactement. - Le stylo qu'il utilisait sur le bureau s'envolait et percutait le bonbon, prenant sa place entre les mains de l'ange, pendant que le bonbon, lui, flottait jusqu'à moi, suivant la trajectoire vers laquelle le stylo l'avait poussé mais sans jamais ressentir la pesanteur. A peine l'avais-je en main que je le mettais dans ma bouche, son gout sucré et légèrement acidulé réveillant mes papilles.
Mon regard se faisait insolent. J'entrouvrais les lèvres pour laisser voir la petite sphère jaune entre mes dents et me levais. - Je t'ai dis que c'est pas bon pour ce que t'as, t'as été prévenu. Fait pas ton étonné. - Je me rapprochais de la chaise où mes, ses, vêtements reposaient et m'employais à les plier un peu proprement. J'avais rangé cette chambre, c'était pas pour y refoutre le bordel de suite après. A croire que j'étais devenu un vrai maniaque du rangement. Le nettoyage j'étais comme tout le monde, certaines choses traînaient, d'autres pas. Mais je n'aimais pas le bordel, je n'aimais pas voir des tas de vêtements dans un coin, une serviette mouillée jetée par terre. Je n'aimais pas avoir de la vaisselle dans l’évier alors que la laisser égoutter pendant deux jours ne me posait pas de soucis. Enfin bref, je terminais de plier le t-shirt et levais mon regard sur Warren qui me fixait. J'arquais un sourcil, le t-shirt toujours entre les mains. - Bah quoi?
Je jette un œil sur les vêtements et lève les yeux à sa remarque. Non mais j'imagine bien qu'il n'a pas caché le bonbon avec ses bonbons... Devant cette blague totalement honteuse, je me contenterais d'un silence... Je la lui dirai un soir quand je serai bourré, au pire ! Même si en soit, je m'en fous de prendre du linge sale, c'est pas comme si je brassais les fringues d'ado dégueus toutes les semaines... Heureusement, la majorité a la grande gentillesse de garder son petit linge pour lui-même. Mais bon, il m'arrive de croiser des strings, des culottes, des slips... je ne sais même pas comment ils font pour s'y retrouver parfois. Ça me rappelle un séjour linguistique que j'avais fait en France quand j'étais enfant, pendant un mois. C'était la mission du lundi, faire le tri dans ses fringues. Et puis ma mère affectionnait les franchises un peu honteuses... Heureusement que mon père, à cette époque, avait des goûts en vêtements qui me gênaient moins... Et puis comme ils n'étaient pas franchement d'accord, j'avais au moins le choix entre le costume avec le nœud papillon – que je n'ai jamais porté pendant ce séjour – et les vêtements plus à la mode... Ce séjour m'a appris à m'ouvrir aux autres, m'a sorti un peu des jupes de ma mère et j'avoue que c'est la meilleure décision que mon père a pris pour moi. Je lève les yeux sur Dayle avec un sourire en coin : « J'ai piqué droit dessus... » je mime le mouvement avec ma main à demi-pliée, faisant un mouvement vers le bas « et une mutante de l'Institut était passé par là. Je me suis écrasé comme un déchet. Mais je te raconterai mes premières chutes, tu vas adorer. » J'en rie encore moi-même souvent et je ne rechigne pas à les raconter aux jeunes mutants qui ont du mal à contrôler leur don...
Ah oui, les jeunes. Je souris à Dayle quand il dit « qu'on verra ». C'est marrant, Axel me dit aussi « on verra » au moment de ramasser ses chaussettes et finalement c'est moi qui me retrouve avec les doigts qui puent... Mon éducation ne m'a pas préparé à ça ! Mais elle m'a préparé à le choper par le pied et le laisser tomber par inadvertance dans le lac... Mais ce sera dur de ne pas le réveiller... Au pire je le prendrai en mode princesse pour éviter de le réveiller... Il y a aussi des tas de techniques que j'ai vues sur internet. Celles des tapettes à souris sont trop méchantes mais la corne de brume peut être une solution... ah non, Xavier perdrait ses chev... enfin serait réveillé un peu trop brutalement. Je trouverai ! Un petit seau d'eau ça ne coûte pas cher...
Bref, la méthode employée sera terrible ! Je lui souris en retirant le papier du bonbon pusi vois un stylo passer. Uh ? Il ne volait pas ce stylo aux dernières nouvelles. Ah le vil Dayle a utilisé ses pouvoirs pour récupérer l'objet de toutes les convoitises... bon de la mienne... Mais c'est qu'il me nargue en plus ! Je le suis alors silencieusement du regard... préparant déjà la revanche et l'ultime round de cette terrible bataille... Que la force de Jon Snow soit avec moi. Finalement j'approche de Dayle, les bras croisés sur mon torse. Je m'arrête à un demi-mètre de lui puis lui dis d'une voix plus basse : « Il y a quelque chose que tu ignores à mon sujet manifestement... »
Je me rapproche de son oreille, pour lui susurrer doucement : « Je n'aime pas perdre. » en une seconde, je me jette sur lui et lui attrape le visage entre mes mains. Je profite de l'effet de surprise – pour sûr que tu l'auras pas vu venir celle-là mon gars – pour coller ma bouche contre la sienne et insinuer ma langue entre ses lèvres – pourvu qu'il ne me morde pas par réflexe ou pensant que je l'agresse sexuellement – jusqu'à retrouver le bonbon. Finalement, je le capture contre ma langue et relâche Dayle une fois que je suis sûr de l'avoir en bouche. Je m'écarte de Dayle, lui présente le bonbon entre mes lèvres et lui dis fièrement : « Tu ne l'avais pas vu venir celle-là, pas vrai ? »
Maman dirait « Jeux de mains, jeux de vilains. Jeux de langue... jeux de vilains aussi ! » Elle n'aurait sans doute pas tort en fait...
« Il y a quelque chose que tu ignores à mon sujet manifestement... » - A son regard, au ton de sa voix, je sentais la connerie venir. Je posais le t-shirt plié au sommet du tas de vêtements sur la chaise et lui faisais face, attendant la suite. Le défi dans mon regard était évident. - Et c'est quoi? - Il se venait alors vers moi, réduisant la distance d'un simple pas, et approchait sa tête de mon oreille. Je sentais la chaleur de son visage lorsqu'il susurra ces quelques mots. - « Je n'aime pas perdre. » - Il n'y avait plus de mots, plus de geste, plus de réaction qui comptait. Pas un réflexe suffisant pour l'éviter. Il saisissait mon visage entre ses mains et collait ses lèvres aux miennes, nos langues se liant alors que mes yeux se fermaient et puis... Attendez. Pardon?! Je rouvrais mes yeux, deux grands yeux ronds, fixant son visage bien trop prêt du mien. Sauvage euphémisme, nos corps eux-mêmes si collés en riaient. Mes mains lâchaient ses bras, ma langue cessait de bouger, je fixais ses paupières baissées et sentais sa langue en terminer, emportant avec elle la précieuse bille jaune. Il s'éloignait d'un pas et je restais immobile, figé sur place, la sensation de ses lèvres contre les miennes encore brûlante. Les bras ballant, mon regard ne le quittant pas, vide et perdu.
Lorsqu'il s'arrêtait pour me fixer et entrouvrait ses lèvres pour révéler le bonbon, je posais mon regard dessus et revenais à ses yeux, pas plus expressif qu'avant. - « Tu ne l'avais pas vu venir celle-là, pas vrai ? » - Pas de réponse, pas de mouvement, pas de geste brusque ni de respiration plus forte qu'une autre. Peut-être qu'il allait recommencer si je bougeais trop vite. Non, en réalité j'étais loin. Pas en état de choc, non il en fallait bien plus, des ombres carnivores et des enfants possédés, mais disons que... Je ne savais pas vraiment comment réagir. La meilleure réaction, la plus logique et la plus sensée, serait de simplement s'écrouler au sol et faire le mort. J'étais plus malin que ça, j'étais plus dur et solide que ça. Non? Pour toute marque de vie je pivotais sur mes pieds, silencieux, muet, le regard fixe et je retournais jusqu'au lit, m'allongeais sur le matelas et remontais le drap jusqu'en haut de mon torse. Dans ma tête je me repassais la scène, je tentais de la conceptualiser depuis l'extérieur mais j'avais voir et revoir ça dans toutes les configurations, je ne pouvais pas éviter chaque fin inéluctable. C'est seulement lorsque je sentais le matelas pencher sur la droite que je tournais la tête pour voir Warren prendre place sur le lit à son tour.
Mon regard longeait le pantalon de son pyjama rayé puis les courbes de son torse jusqu'à sa tronche d'imbécile et je me redressais, laissant glisser le drap un peu plus bas. - Mais t'es un grand malade! - Je posais mon regard sur l'endroit où l'on se trouvait quand "ça" était arrivé, le désignais même du doigt, et y revenait. - Un très grand malade même. - J'étais pas énervé, juste décontenancé et s'était plus risible qu'autre chose. - Si un jour tu refais ça... Au moins préviens moi, que je me prépare psychologiquement au viol de ma bouche. - Je reprenais des couleurs, enfin métaphoriquement parlant puisque dés le début j'étais plus rouge que d'habitude. - Tu... - Je me laissais retomber sur l'oreiller, l'air frais léchant ma peau nue et rafraîchissant mes pensées. - J'ai frôlé la crise cardiaque. - Et j'avais chaud maintenant. Des pieds je repoussais le drap, d'une main je tapais le bras gauche de Warren. - Ça se paiera. - Je me laissais glisser sur le matelas et posais ma tête sur l'oreiller replié en deux. - Surtout ferme bien la porte de la salle de bain, on sait jamais ce qui peux entrer pendant que tu te douche. - La menace de moi le rejoignant sous la douche? Mythe ou réalité, seul un dieu saurait en décider.
Alors je crois qu'à la tête qu'il fait, je crois qu'il est choqué. Normal, il ne s'attendait pas à ça. Ou alors il est sous le charme. Ma crème de jour a parfaitement rempli sa mission et ma peau de bébé a fini le travail ! Non mais si je devais avoir une aventure avec un homme, j'aurais essayé il y a des années en arrière. Mais j'avoue que c'est marrant de voir la tête de Dayle. Hop, je me prends une photo mentale pour les jours de déprime, je la sortirai. Clic ! Voilà, c'est fait. Ah mais en fait, il ne parle plus du tout. J'ai engendré un AVC ? Je secoue la main devant son visage en faisant craquer le bonbon entre mes dents. « Quoi ? Va pas dire que j'embrasse mal, je sais que c'est faux ! » Finalement, il va s'allonger sur le lit. Je n'ai pas oublié qu'en plus, j'aurai droit à mon massage. Mais on va peut-être éviter de trop traumatiser Dayle... Je m'allonge à mon tour, à côté de lui. Je sens qu'il va mal dormir cette nuit...
Finalement, sa réaction m'arrache un rire mi-amusé mi-moqueur. Roh viol de sa bouche, tout de suite les grands mots ! Il fulmine tout seul de son côté du lit et profère ses petites menaces. Je me rapproche de lui, pose la tête contre lui en lui disant amoureusement « Mais je t'aime moiii » et je l'abandonne ainsi. Je l'entends me répondre « moi aussi » en me tapotant la tête. Finalement je prends ma position de déchet sur le ventre. Mes pensées se laissent porter vers ma rencontre avec Dayle, et vers son séjour relativement improvisé à la X-Mansion. Je suis content de le savoir là, non, soulagé et heureux de le savoir là. Parce qu'il pourra se remettre de sa blessure, traverser les couloirs sans devoir surveiller au-dessus de son épaule, discuter sans craindre qu'on ne l'espionne... vivre normalement parmi une communauté qui ne s'offusquera pas de le voir flotter au-dessus du sol. Une communauté qui ne le regardera pas avec dégoût, honte, et qui ne cherchera pas à changer ce qu'il est au plus profond de lui... Une communauté parmi laquelle je suis fier de vivre, malgré ses faiblesses, pour ses forces.
Pendant la nuit, mes ailes se déplient. L'une pousse doucement le siège de bureau jusque le mur de la fenêtre pendant que l'autre pousse Dayle avant de passer au-dessus de lui, caressant son dos. Je sombre dans un profond sommeil... l'avantage de faire un coma dès que je ferme l'oeil. Mais vers les deux ou trois heures du matin, Morphée me chasse. Dayle est endormi près de moi. Je me suis retrouvé sur le flanc, les ailes repliées dans mon dos, et son dos à lui contre mon torse. Ma main passe doucement le long de sa hanche puis sur sa cuisse... « Dayle... » lui chuchote-je ayant plaqué mon corps brûlant contre le sien... Je me réveille en sursaut. Il faut que j'arrête de faire le con, après je fais des rêves cochons sur mon meilleur ami ! C'est l'effet des fangirls et fanboys qui nous prennent pour un couple ça ! Je regarde Dédé qui dort tranquillement à côté de moi, partiellement couvert de mon aile droite. Je fais pour la replier mais finalement, je sais qu'elle ne le restera pas longtemps et il semble avoir un sommeil profond et serein, je m'en voudrais de le réveiller par inadvertance... « Bonne nuit Dédé... »
Warren tendait le bras pour appuyer sur l'interrupteur au dessus de lui et seule la lueur de la nuit à travers la fenêtre ouverte venait doucement éclairer la chambrée. J'allais fermer les yeux lorsqu'il se rapprochait de moi, posant sa tête sur mon torse en m'enserrant dans ses bras. - « Mais je t'aime moiii. » - Il me tirait un rire avant de se retourner dans l'autre sens, finissant sur le ventre, la tête écrasée sur son oreiller et je le suivais du regard avec un sourire sur les lèvres. Je me tournais face à lui, calant le coussin entre ma tête et mon bras et finissait par poser ma main sur son visage en tapotant légèrement. - Moi aussi, mon grand. - Et je fermais définitivement les yeux sur son petit sourire. Naturellement mes jambes se repliaient un peu d'elles-même et inconsciemment, comme toutes les nuits, je me recroquevillais un peu. Je versais doucement dans le sommeil, m'y retrouvant assez rapidement par rapport à d'habitude quoi que j'avais tout de même eu besoin d'un peu plus de temps que l'ange. D'un autre côté, il s'endormait super vite lui. Je n'avais pas cette facilité. Je l'avais perdu.
Je sentais à peine la douceur de ses plumes lorsque je sombrais dans ce sommeil profond qui me faisait autant défaut en temps normal. Je me sentais bien, mieux, tranquille. Paisible. J'avais accepté, presque sous la contrainte, de rester ici une semaine mais je ne regrettais pas ce choix. J'en avais besoin et je le savais. Je n'étais pas en vacances, pas en retraite médicale. Je comptais bien faire en sorte de ne pas être un poids mort pendant cette semaine, quitte à me rendre utile dans l'école au besoin, mais au moins ici, j'étais au calme. Je parvenais à m'échapper des tracas de mon sombre quotidien. De l'angoisse, de la peur et du manque. Ils ne me quittaient jamais vraiment et quand ils le faisaient c'est la culpabilité qui prenait le dessus, mais juste un temps, ce temps, je pouvais bien me l'accorder. Le matin serait vite là, avec son lot de déconvenue mais aussi d'amusement. De ce lourd sommeil j'oublierais mes rêves, j'éviterais les cauchemars. J'entendrais le songe des plumes qui vibrent à la brise nocturne et la respiration paisible du Warren à côté de moi, n'en déplaise aux petits pervers qui nous observaient à travers les murs.
La semaine s'écoulerait. Elle aurait ses moments de doutes, ses moments de rires, de bonheur. Ses moments de peur. Elle aurait lieu, sept jours durant, jusqu'à ce que je regagne la ville et ses lumières. Ses sons et ses odeurs. Ses problèmes. Mes problèmes. Je rejoindrais mon appartement et jetterais sur le canapé les sacs de vêtements, résultats d'un vaste piège tendu par l'ange. Je me laisserais tomber à côté, un soupir accompagnant le silence et probablement les cris du couple en dessous, suivi comme d'habitude par d'autres cris... bien moins colériques. Je laisserais mon regard divaguer un instant et se poser sur une boite blanche. Elle se tiendrait là, inerte, gondolée, nonchalamment reposant sur le comptoir de la cuisine. Je me lèverais alors, une boule au ventre, une appréhension, une certitude dévorante. J'approcherais de cette boite aux auréoles rouges et j'en retirerais le couvercle. Et là je la verrais, je l'observais avec détail et horreur. Je verrais chaque poil, chaque goutte séchée. Je verrais le manque mais aussi le sale. Je verrais le sang au fond et le doigt manquant. Je verrais un morceau du poignet, tranché net. Je verrais cette main et le message posé sur elle. Une simple carte, blanche elle aussi, tâchée de rouge. Quelques mots écrits à la main au stylo noir. Quelques simples mots. - « N'oublis jamais que tu m'appartiens. »