Ukraine - 1995
Tu te tiens là, face à la fenêtre. Il fait nuit, seuls les lampadaires éclairent la rue en contre-bas, une rue fort déserte. Du troisième étage de la maison, tu peux allègrement apercevoir les alentours et c'est tellement calme que cela te met mal à l'aise. Tu n'es pas habituée à ce genre de calme. Tu n'y as jamais été habituée. La dernière maison où ils vivaient ne se situait pas dans un endroit calme, au contraire. A présent, ils vivent dans un quartier plus riche : le trafic d'êtres humains rapporte bien, à n'en pas douter. Et toi, du haut de tes dix-sept ans, tu en sais quelque chose. Tu ne le sais que trop bien. Tu fronces les sourcils alors que tes pensées s'en retournent vers ce que tu as vécu et tes poings se serrent. Un coup d’œil à tes poignets, les cicatrices sont vilaines mais ils ont recousu avec ce qu'ils avaient sous la main. Ils n'ont pas voulu te laisser mourir mais ils ne pouvait pas non plus t'emmener à l'hôpital. Sur le coup, tu ne t'es pas attardée sur le malaise qu'ils ont fait. Ce n'est qu'ensuite que tu as compris d'où c'était venu et quand tu as compris que c'était toi, tu as voulu le réutiliser, ton sang, mais tu n'en as pas eu besoin : tu as trouvé un autre moyen de te défendre. C'est Dieu qui t'a donné ce don, il n'y a que lui qui soit capable d'un tel miracle. Et cela fait près de deux ans maintenant que tu les cherches. Quand on n'a pas les moyens, c'est très fastidieux de retrouver des gens qui ont changé de nom et qui ont déménagé mais tu as fini par y arriver. Pas sans mal, pas sans douleur, pas sans davantage de sacrifices mais tu y es parvenue et te voilà maintenant, au cœur de leur maison à eux. Elle, tu ne l'as pas encore vue. La chose qui était censée te servir de mère, elle est au rez-de-chaussée, ça tu le sais parce que tu l'as brièvement aperçue de dos quand on t'a emmenée ici. Et lui, il doit être dans une pièce voisine, pas très loin, en train de compter son argent sans doute. L'argent qu'il gagne en vendant et revendant des gens, encore, et encore. Tu en as fait partie. Elle l'a laissé faire cette raclure. Et ce que tu as vécu après, ils en sont tous les deux responsables et tu es là pour leur faire payer : ils doivent payer.
Ils vont payer.
Tu entends la porte s'ouvrir et se refermer. Tu restes face à la fenêtre : tu ne veux pas qu'il puisse voir ton visage tout de suite. Tu préfères le surprendre. Tes doigts se referment sur le poignard que tu gardes précieusement caché à l'intérieur de la manche trop large de ton vieux manteau. Tu l'entends se frotter les mains et souffler dedans : c'est vrai qu'il ne fait pas chaud ici. Quand sa voix s'élève, tu frissonnes mais pas de froid : la dernière fois que tu as entendu la voix de cet enfoiré, les mots qu'il a prononcés ont signé ton départ pour l'Enfer sur Terre.
« C'est quoi ton prénom ? »
Il est pressé. Dans ton souvenir, il a toujours été pressé.
« Natsya.
- Vraiment ?
- Pourquoi, ça vous rappelle quelqu'un ?
- Oui, j'ai connu une Natsya. Je ne l'ai pas vue depuis très longtemps.
- Trois ans.»
Ces deux derniers mots, tu les prononces dans un souffle si bien qu'il ne t'entend pas.
« Allez, tourne-toi, montre-moi ta tête pour qu'je sache ce que j'vais pouvoir faire de toi. J'ai pas toute la soirée. »
Effectivement : il n'a pas toute la soirée. Doucement, tu te retournes.
« Avance-toi un peu, je te vois pas bien. »
Tu t'exécutes. Tu t'avances. Tu t'approches de lui et quand son regard croise enfin le tien, tu vois son visage pâlir en à peine quelques secondes. Il t'a reconnue, cela ne fait aucun doute. Il fait un pas en arrière, toi un autre pas en avant et tu le vois soudain se crisper en portant sa main à sa tempe. Tu ne le lâches pas du regard.
« Comment t'es arrivée là ?
- J'ai cherché. Longtemps.
- Tu veux quoi ? »
Tu ne réponds rien. Tu te contentes de faire un pas supplémentaire et lui de se crisper davantage en se tenant la tempe.
« Tu aurais dû me demander avant, ce que je voulais... »
Quand tu frappes, tu frappes vite et bien. Tu plaques ton avant-bras contre sa gorge et tu plantes le poignard dans son ventre. Lui vient s'agripper à tes cheveux, il tire et toi, tu enfonces un peu plus la lame avant de la soulever. Il laisse échapper un gémissement et sa main s'abat sur ton visage mais tu encaisses le coup sans reculer : les coups, tu as appris à les encaisser.
« Alors, ça fait quoi d'avoir un truc dont on ne veut pas enfoncé dans son corps ? Est-ce que ça te fait du bien ? »
Tu remontes un peu plus la lame, tu ouvres un peu plus, tu sens le sang sur ta main et bientôt, tu sens autre chose et ça pourrait te donner envie de vomir mais ce n'est pas le cas : tu as vu pire que des viscères. Un autre coup sec, la plaie s'agrandit encore et tu recules enfin. Lui tombe assis par terre, ses mains tentant tant bien que mal de garder à l'intérieur ses intestins qui s'échappent de la plaie qui doit avoisiner la vingtaine de centimètres à présent. Quant au sang... Il en perd beaucoup. La blessure est grave, certes, mais tu uses de ton don pour aggraver l'hémorragie.
« Natsya... Tu... »
Tu le fixes. Il se vide de son sang. Tu fais en sorte que. Bientôt, tu sens le sang couler de ton nez et tu te contentes de l'essuyer. De toute façon, il ne faut pas longtemps au salopard pour pousser son dernier souffle. Tu t'avances, ouvres la porte et enjambes le corps avant de t'éloigner. Tu prends la direction des escaliers, la direction du rez-de-chaussée : maintenant, c'est son tour. Les hommes du cadavre là-haut sont partis. Il ne doit en rester normalement que deux dehors, devant la porte d'entrée : ils sont placés en bons chiens de garde qu'ils sont. Tu sais comment les éviter ou comment les éliminer au besoin. Cependant, avant de te soucier d'eux... Tu t'arrêtes à l'entrée de la cuisine : elle est là, à l'intérieur, en train de préparer à manger. Elle chantonne. Elle a l'air heureuse. En silence, tu t'avances à l'intérieur de la cuisine. Facile de ne pas faire de bruit quand on est pieds nus. Tu te faufiles et, une fois que tu arrives dans son dos, tu refermes ta main gauche sur sa bouche et glisse la lame du poignard sous sa gorge. Tu ne la blesses pas. Tu ne tranches pas. Pas tout de suite.
« Bonsoir maman. » tu lui dis dans un murmure.
Tu te penches un peu en avant et tu la vois te regarder avec horreur du coin de l'oeil. Ses mains sont refermées sur les tiennes, elle essaye de se débattre mais elle est plus petite que toi. Toi, tu as grandi, tu as gagné en force. On t'a beaucoup pris mais tu as paradoxalement beaucoup gagné aussi. L'espace d'un instant tu hésites : Est-ce que tu te contentes d'utiliser ton don ? Est-ce que tu te sers uniquement du poignard ? Tout est tentant. La tuer doucement, la tuer vite, user d'une arme, user de ton don... Oui, tout est tentant. Finalement, l'hésitation ne dure pas très longtemps. Lorsque tu quittes la maison en passant par la fenêtre de la cuisine, tu est couverte de son sang parce que tu as préféré lui trancher la gorge : elle méritait de mourir comme la truie qu'elle était et elle était une truie parce que, lorsque tu avais à peine treize ans, elle a accepté que son enfoiré de nouveau mari te vende pour que tu deviennes un objet pour tout un tas d'hommes.
C'est pour ça qu'elle méritait de mourir.
Qu'ils le méritaient tous les deux.
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Ukraine - 1996
Le cri te réveille en sursaut. Tu bondis sur le matelas posé au sol qui te sert de lit. Tu tends l'oreille, tu entends un nouveau cri et cette fois-ci tu bondis sur tes pieds. Tu t'approches de la porte, l'entrouvres et tu écoutes. Avec attention. Appréhension aussi. Tu écoutes et tu l'entends, la voix de cet homme qui dit que celle qui est recherchée n'est pas brune mais blonde. Tu écarquilles les yeux avant de refermer la porte en silence. Anna est brune, toi tu es blonde, donc c'est toi qu'ils cherchent. Tu regardes autour de toi et rassembles tes affaires à la va vite. Tu ouvres ensuite la fenêtre et grimpe dessus. Un regard aux alentours et tu cherches une issue. Il y a la gouttière mais c'est risqué, il y a bien six ou sept mètres qui te séparent du sol mais tu n'as pas le choix : si tu restes là, ils t'attrapent. Alors, tu tends les bras pour te saisir de la gouttière et t'y accroches avec force. Puis, doucement, tu entreprends de descendre et ça fonctionne mais pas jusqu'en bas. Tu glisses, tu te raccroches à la gouttière mais tu finis par lâcher et tu tombes. C'est ta cheville droite qui amortit le choc et tu étouffes un cri de douleur mais tu te relèves. Il faut que tu te relèves. Il faut que tu t'en ailles d'ici. Alors tu marches, difficilement, douloureusement, mais tu marches. Tu aperçois la porte arrière du jardin de cette propriété abandonnée, tu n'es plus très loin, tu vas y arriver. Tu y crois. Tu y crois de toutes tes forces. Jusqu'à ce qu'un sac se referme sur ta tête et que tu sentes une décharge électrique. Puis c'est le néant. Lorsque tu reprends conscience, tu ne vois rien, le sac est toujours sur ta tête. Tu sens que tes mains et tes pieds sont attachés. Tu es sur une chaise. Il t'est impossible de bouger. Ton souffle est d'abord rapide mais tu entreprends de te calmer. Tu vas trouver un moyen de te sortir de là. Il suffit qu'ils te retirent le sac et tu pourras les tuer jusqu'au dernier. La voix masculine s'élève cependant avant qu'on ne retire le masque et toi, tu t'enfermes alors dans un mutisme, refusant de prononcer le moindre mot.
« Tu es réveillée, c'est bien. On a mis du temps à te trouver, tu sais effacer les pistes derrière toi. Voilà près de sept mois qu'on essaye de te mettre la main dessus. » Un silence. « Natsya Odry Vassilieff. »
Sous le sac, tu crispes la mâchoire. Tu tentes de rester calme parce que paniquer ne t'aidera en rien mais tu te poses tout un tas de questions : qui sont-ils ? La police ? Non, ils n'emploieraient pas ce genre de méthode. Des hommes qui travaillaient avec ton beau-père ? Là encore ça paraît peu probable. Alors qui ?
« Je sais que les liens et le sac ce n'est pas agréable mais on ne peut prendre aucun risque. Je m'appelle Karl. »
Tu ne dis toujours rien.
« Tu as semé pas mal de cadavres derrière toi. Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ? »
Tu termines par répondre, incapable de rester muette plus longtemps.
« Pourquoi en avoir tué autant?
- Pour me défendre.
- Hm... »
Il ne te croît et bizarrement, cela te dérange.
« Tu crois qu'ils méritaient de rester en vie ? »
Pourquoi lui demander ça ? Parce que, et c'est plus fort que toi, tu as envie qu'il comprenne. Tu ne sais pas qui il est, ni ce qu'il te veut mais tu veux qu'il comprenne.
« Ils ne méritaient pas de vivre ?
- Non, il fallait nettoyer.
- Nettoyer quoi ?
- Ce monde de leur présence répugnante.
- Je vois.
- Moi pas. Retire-moi ce sac.
- Oh non. Si je retire le sac, tu vas me tuer. »
Il sait. Il sait que tu n'as besoin que d'un contact visuel pour utiliser ton don. Comment sait-il ?
« Alors, je vais t'expliquer qui je suis, ce que je fais, ce que l'organisation pour laquelle je travaille fais et ensuite, tu auras un choix à faire.
- Un choix ?
- Le choix de ta vie. »
Il a raison. Le choix qu'il va me proposer sera le choix de ma vie et je vais bien choisir.
Le moment venu, je vais bien choisir.
×××
Édimbourg - 2000
« On a besoin de toi ailleurs. Un autre agent va prendre le relais.
- Si vite ?
- Oui, si vite. On a besoin de ton don. Tu mets fin à la mission. »
Tu raccroches. Pendant un instant, tu observes le téléphone puis tu regardes autour de toi. Cet endroit est devenu ton chez toi depuis près d'un an maintenant. Un an que tu es en mission mais c'est devenu tellement plus. Dans un sens, n'est-ce pas mieux que l'on t'envoie ailleurs ? Sans doute oui parce que lui, il ne devrait être qu'une mission, qu'un pion de plus. Il ne devrait pas compter autant pour toi et pourtant, il compte. Tu lui mens... Tu mens comme tu respires. On t'a formée pour ça et tu es bonne dans ce que tu fais. Tu es née pour ça, tu n'en doutes pas mais lui... Lui, c'est spécial. Il est devenu spécial. Et toi, tu es devenue spéciale pour lui. Tu n'avais jamais été spéciale pour quelqu'un, pas comme ça en tout cas. Ton don a fait de toi quelqu'un de spécial mais lui, en t'aimant, il t'a rendue spéciale. Tu l'aimes ? Putain oui, tu l'aimes. Pourtant, tu n'en as pas eu d'amour mais ça ne t'a pas empêché de le découvrir dans ses bras à lui. La mission s'est transformée en autre chose mais tu as continué. Tu as continué parce que tu le devais, parce que tu es fidèle et que tu ne peux ou ne veux pas les trahir. Et là, tu vas lui briser le cœur parce que tu dois partir. Tu dois mentir une nouvelle fois. Cela va t'être facile, tu as l'habitude. Tu as beau être âgée d'à peine vingt deux ans, tu en paraîs plus et ton âme et ton cœur, eux, ont bien plus que vingt deux ans. Tu te mets soudain à rassembler tes affaires : pas le temps de traîner. Il faut que ta valise soit prête quand il va rentrer et il rentre. Il rentre et tu fais ce que tu es censée faire : tu lui mens encore, tu lui brises le cœur et tu pars en claquant la porte. Ton cœur te fait mal, c'est bien la première fois. C'est nouveau et c'est surtout particulièrement désagréable. Tu n'aime pas ça. Tu n'aimes pas l'aimer. Tu n'aime pas aimer. Doucement, dans un murmure, tu prononces alors ces deux mots qui sont censés être tout pour toi, ce deux mots qui te collent à la peau.
« Hail Hydra. »
Car il n'y a que ça.
Il n'y aura toujours que ça.
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Afghanistan - mi 2009
« Je veux voir tout ce qui a été filmé.
- Comment ça, tout ?
- Tout. »
Tu fusilles l'agent du regard : qu'est-ce qui n'est pas clair dans ce que tu viens de lui ordonner ? Est-il aussi simplet qu'il en a l'air ? Ton regard suffit cependant à le faire se bouger les miches et bientôt, c'est d'une main peu assurée qu'il tape sur le clavier de l'ordinateur. Puis, il se redresse et laisse la chaise libre.
« Tout est là. » il dit en te montrant un dossier sur l'écran.
A toi de prendre place sur le chaise mais tu sens la présence de l'autre imbécile dans ton dos. Alors, tu reportes ton regard vers lui.
« Dégage. »
C'est court mais efficace. Il s'exécute et quitte la salle, te laissant ainsi seule face à l'écran d'ordinateur sur lequel tu ne tardes pas à faire défiler les images. Toutes les bandes vidéos et sonores sont conservées dans ce dossier. Toutes les tortures qu'on lui a fait subir durant ces derniers mois. Tout est là. Tu écoutes. Tu regardes. Tu sais que c'est pour la mission, que c'est pour le plus grand bien mais putain ça te fait mal presque à en pleurer. Il y a des heures de vidéos et tu les regardes. Personne ne vient t'importuner, personne n'ose rentrer dans cette pièce où tu es seule face à ce que tu as aidé à faire. Tu as beau regarder, encore et encore, tu ne t'habitues pas aux images. Impossible. Il t'est difficile de ne pas pleurer. Tu en as envie mais tu te retiens. Pas de place pour la moindre faiblesse. Une voix familière te sort de ce sombre visionnage.
« Je savais que je trouverais là. »
Tu main glisse sur l'ordinateur, tu mets la vidéo en pause et te retournes pour te retrouver face à Karl, celui qui est passé par différents rôles dans ton existence pour terminer par devenir un mentor. Tu laisses échapper un soupir.
« Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
- On sait tous les deux pourquoi Natsya. »
Tu secoues la tête, reportes ton regard sur l'écran où lui se trouve, blessé, meurtri. Ton cœur se serre mais...
« J'ai toujours été fidèle. J'ai obéi. Je n'ai jamais trahi, jamais. »
Tu reportes ton regard sur Karl.
« Et tu me caches une information pareille pendant près d'une année entière ?
- Tu aurais débarqué ici à l'instant où je te l'aurais dit. La preuve, tu as fouillé, tu as trouvé et tu es là. On avait besoin de toi ailleurs. »
Que peux-tu lui répondre ? Il a raison.
« Où est-il maintenant?
- On l'a descendu au sous-sol. Il devenait trop dangereux.
- Je veux le voir.
- C'est absolument hors de question.
- Karl...
- Non. S'il te voit, s'il comprend tout, c'est fini, on le perd et on ne peut pas se le permettre, c'est clair ?
- Très clair. »
Un silence.
« Mais je reste ici. Tant qu'il est là, je ne bouge pas. Je le connais mieux que personne ici, tu ne peux pas dire le contraire. »
Il t'observe en silence, fronce les sourcils, tu le connais assez pour savoir que ça fourmille dans sa tête. Il finit par croiser les bras en soupirant.
« Très bien. Tu restes. Tu pourras peut-être être utile.
- Utile ?
- Ton don. On ne sait jamais, on aura peut-être besoin que tu l'utilises sur lui. »
Sur quoi il disparaît de la pièce. Tu reportes ton regard sur l'écran. Tes sourcils se froncent.
« Peut-être... »
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Afghanistan - fin 2009
« TU ES INCONSCIENT OU JUSTE STUPIDE ?! »
Tu hurles dans le couloir si bien que tu attires l'attention de tout un tas de monde, y compris Karl qui se faufile parmi la foule, une foule à laquelle il ordonne de se disperser. Bientôt, ce n'est plus que toi, Karl et l'imbécile qui a émis l'idée complètement dingue de laisser repartir Alastair.
« On peut savoir pourquoi tu hurles comme ça ?
- Ce connard pense qu'il faut laisser partir Alistair. Le relâcher.
- Je pense qu'il est prêt. »
Parce qu'il ose encore l'ouvrir lui ?
« Non ! Il ne l'est pas ! Tu es aveugle ?
- Natsya.
- Karl, tu m'as toujours fait confiance, n'est-ce pas ?
- Oui.
- Alors fais-moi une fois de plus confiance quand je te dis, quand je vous dis, qu'il n'est pas prêt. Pas encore. Il faut qu'il...
- EMILY ! »
Tes yeux s'écarquillent et tu te figes. A peine un regard échangé avec Karl qu'il ordonne à l'autre con de s'en aller. Et toi, tu tournes lentement le visage vers la porte en métal qui se trouve à ta gauche, la porte derrière laquelle il se trouve. Tu pourrais prétendre que ça ne te fait rien de l'entendre t'appeler par ce prénom mais ça serait un mensonge qu'il t'est inutile de tenter face à Karl. Il sait. Il est bien le seul à savoir d'ailleurs. Il est... Juste derrière cette porte. Et ça te tue. Pourtant, tu demandes à le garder ici parce que tu sais que c'est la meilleure chose à faire. Encore et toujours la mission avant tout.
« Tu devrais remonter, prendre l'air. Et évite de parler près de la porte à l'avenir. Il ne faut plus qu'il t'entende. »
Tu te contentes de hocher la tête et tu t'éloignes. Karl te l'a proposé mais dans le fond, tu sais qu'il s'agit d'un ordre et tu ne discutes pas les ordres. Enfin, très rarement. Alors tu remontes, tu vas prendre l'air dans l'air sec et chaud du désert.
Aussi sec que semble être ton cœur.
×××
New York - 2014
« Et maintenant, on fait quoi ? »
C'est un bordel monstre. Les Avengers ou, comme tu préfères les appeler, « Les Chieurs Nés », ont fait des dégâts. Ils ont fini par découvrir que vous aviez infiltré le S.H.I.E.L.D. et ils ont pris une décision lourde de conséquence : ils ont tout dévoilé au grand jour. Tout. Ceci dit, ils ont quand même mis très longtemps avant de réaliser qu'HYDRA était absolument partout, même dans leurs rangs. A l'instant où tout a été démantelé, vous avez répliqué. Tu as personnellement répliqué, étant toi-même infiltrée au sein du S.H.I.E.L.D. depuis près de deux ans. Tu as fait autant de dégâts que possible avant de partir et d'aller retrouver les tiens. Et à présent, il faut poursuivre le travail. Il faut continuer à chercher ceux qui pourraient rejoindre vos rangs, ceux qui pourraient s'avérer être des alliés utiles et puissants.
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New York - 2016
Assise sur les marches devant l'hôpital, tu te frottes le visage. Tu ne peux nier être épuisée, voilà plus de quarante-huit heures que tu n'as pas dormi mais il t'était impossible de t'éclipser pour aller te reposer, pas après ce qu'il s'est passé. On peut dire que ça a été un véritable massacre. Des milliers de morts, des milliers de blessés et toi, tu es restée pour travailler à l'hôpital. Hors de question de mettre en péril ta couverture, malgré les événements. Tu as eu un appel de Karl qui s'est assuré que tu allais bien. D'ailleurs, il en a profité pour t'annoncer qu'il revenait sur New York pour quelques temps. Dans le fond, tu n'est pas mécontente qu'il revienne dans le coin parce que tu as l'impression que les choses vont de mal en pis. HYDRA a beau être toujours là, toujours puissante, les événements risquent fort de rendre les choses plus compliquées. Des mutants qui tuent autant d'être humains... Si tu œuvres pour le plus grand bien, si tu n'hésites pas à tuer pour nettoyer comme tu aimes à le dire, tu ne tues pas les gens qui sont, à ton sens, innocents. Tu fais ce qui doit être fait pour de bonnes raisons, ou, plus exactement, c'est ce que tu crois. Ce qu'il s'est passé là est bien différent. Trop de morts, trop de dégâts pour que cela reste sans conséquences. Et les conséquences vont être considérables. On va te demander de te recenser, on va te demander de donner ton nom, d'apparaître sur une liste, de dire ce que tu es capable de faire et tu vas devoir mentir, une fois de plus. Tu sais faire, ce n'est pas le problème, mais tu vas devoir te cacher davantage encore. Et si encore tu ne devais faire face qu'à cela mais tu vas le croiser, lui, c'est certain. Il va arriver un moment où tu ne pourras plus raser les murs en espérant ne pas le voir. Et quand cette confrontation va se produire, bien qu'il soit assez conditionné pour ne pas tourner le dos à HYDRA, que va-t-il se passer ?
Pour la première fois de ton existence, tu n'as pas la moindre idée de ce qu'il va se passer. Toi qui contrôle tout, là, tu as l'impression de ne plus rien contrôler et cela te dérange.
Ce n'est rien de le dire.