Assit dans son canapé, Matthew s’était déconnecté du monde depuis quelques heures déjà. Passé minuit, il était aller sur la tombe de son père. Comme chaque année depuis le meurtre de ce dernier, il allait lui rendre visite. Comme chaque année, il savait que Foggy ne lui en voudrait pas d’arriver en retard. Comme chaque année, ce dernier ferait en sorte de lui remonter le moral d’une façon ou d’une autre. Malgré leur amitié encore complexe, il savait que l’autre avocat ne le laisserait pas dans un tel moment. Il était d’ailleurs passé et ils avaient discutés de futurs clients qu’ils pourraient avoir. Avec un ami dans les forces de l’ordre, forcément ils pouvaient avoir quelques informations avant d’autres cabinets d’avocats. Seulement, il était déjà huit heures et il était encore assit dans son canapé. Les yeux fermés, il repensait aux moments qu’il avait vécus avec son père. Ce dernier avait toujours été là pour lui, de sa naissance jusqu’à sa mort. Ca n’avait pas toujours été facile pour eux, surtout financièrement, mais il pouvait se vanter d’avoir eu un père présent et qui s’en faisait pour lui. Cependant, Matthew aurait aimé que Jack soit encore là aujourd’hui, mais il n’avait plus cette chance depuis des années. A la place, il restait chez lui à repenser à son passé. Se levant pour aller se prendre de l’eau, il entendit frapper à sa porte. Fronçant les sourcils, il se demandait qui cela pouvait être. Allant vers la porte, il se concentra uniquement sur son ouïe et il ne pu s’empêcher de sourire. Ouvrant alors la porte, il regarda à hauteur de son visage.
Bonjour Karen. Entrez.
Laissant le passage libre, il attendit de la voir passer devant lui avant de fermer la porte et de retourner au salon.
Que puis-je faire pour vous ?
Allant dans la cuisina pour se servir à boire, il leva les yeux vers elle.
e me tenais devant cette porte, sa porte, mes traits serrés, l’esprit complètement ailleurs, l’inquiétude et la compassion à leur paroxysme. Je demeurais immobile, le souffle court, car je n’avais pas lésiné pour rejoindre cette bâtisse où il résidait, à pied, n’ayant pas eu la présence d’esprit sur le moment de demander un taxi, partant du cabinet d’avocats où j’officiais depuis un moment. C’était à peine si je me souvenais de la longueur du trajet, car je l’avais fait sous une certaine adrénaline, mais surtout sous ce besoin inexplicable de le retrouver, de lui apporter mon soutien.
J
e savais à quel point la vie était un chemin compliqué, qu’à tout moment, elle fait des vagues sans prévenir, des vagues qui nous font échouer, qui font trembler notre barque que l’on essaie tant bien que mal de tenir à flots. On a tous nos lots de problèmes, nos propres douleurs de la vie. J’avais beau avoir mes fêlures aussi, mes propres remords, mes propres démons, mais lorsque Foggy m’eut appris cette nouvelle, ce pourquoi Matt n’était pas à l’heure, qui m’avait tout de même fortement interpellée, m’a aussitôt donnée cette douche froide et m’a poussée à venir jusqu’ici, tiraillée, anxieuse, désireuse de lui apporter mon aide. Je n’y avais pas vraiment réfléchi, c’était une nécessité, un besoin, je savais bien que je ne pouvais pas tout régler avec mon existence, mais dès que je pouvais faire quelque chose, je n’hésitais jamais, surtout lorsque c’est un proche qui en avait besoin.
A
lors, j’ai fini par toquer à sa porte, je ne pouvais décidément pas me résoudre à la laisser tranquille, pensant que je pouvais peut-être déranger. Je connaissais quand même un petit peu Matt, je savais que dans certains moments, il préférerait être seul, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Il avait et faisait encore tellement pour moi que je ne pouvais fermer les yeux sur cette douleur qui doit être encore si lourde pour lui, la mort de son père. Je ne pouvais vraiment imaginer ce qu’il pouvait ressentir, le mien étant toujours parmi nous, sans doute n’étais-je pas bien placée pour tenter de lui venir en aide, mais il était cependant trop tard pour reculer. Il ouvrit la porte, Matt, me saluant et m’invitant à entrer, et s’il ne montrait pas vraiment de signes de tristesse sur son visage, j’étais fortement convaincue qu’il n’en souffrait pas moins. « Bonjour Matt, merci … » répondis-je simplement, ne pouvant cacher un certain malaise. J’avançais à ses côtés, atteignant son grand salon qui n’avait pas manqué de me surprendre lors de ma toute première visite, le temps était clair cependant, qui donnait cette atmosphère diurne assez agréable à la pièce. Il se tournait ensuite vers son coin cuisine, et je m’avançais un peu sans pour autant m’imposer, pour l’attendre et l’observer un moment, me demandant comment j’allais avancer la chose, lui proposer mon aide. Et ce fut lorsqu’il me demanda ce qu’il pouvait faire pour moi que j’eus la décision de profiter de cette ouverture pour doucement dérouler la raison de ma présence : « En fait, je n’ai besoin de rien … Je suis venue pour vous Matt, je voulais savoir comment vous vous sentiez … » Question idiote, je le savais bien, mais comment venir d’une manière plus intelligente sur un sujet si difficile ? Je ne voulais pas invoquer la raison du travail car je me doutais bien que ce serait déplacé, et loin de moi l’envie de le frustrer et de l’attrister encore plus qu’il ne l’était déjà. « Je … je vais prendre un verre d’eau avec vous, c’est gentil. » J’attendais alors qu’il s’approche de moi, de savoir s’il était réceptif et s’il accepterait éventuellement de m’en parler. Après tout ce qu’il avait fait pour moi, après tout ce qu’on avait traversé, j’avais ce besoin de l’aider, d’être présente pour lui autant qu’il l’a été pour moi. Il m’a sauvée de la déchéance, alors je ferais tout pour le sortir de la sienne, même si on fond, il n’y avait pas de solutions miracles … Juste de la présence pourrait l’aider à faire taire cela temporairement, ce n’était peut-être pas grand-chose pour lui, mais pour moi, cela signifiait beaucoup d’être ici … et même énormément.
Ca n’était pas vraiment la tenue qu’il portait en général. Etant professionnel, il était plus souvent vêtu d’une chemise avec cravate et veste et pantalon. Quelque chose qui collait avec son métier d’avocat. Seulement aujourd’hui, il se laissait aller comme bien souvent quand il était seul. Un t-shirt et un jogging, il marchait pied nus quand il finit par entendre qu’on frappait à sa porte. Il avait d’abord été surprit, sachant que Foggy ne viendrait pas, alors, il s’approcha de la porte et il reconnu les battements de cœur de la personne se trouvant de l’autre côté. Ouvrant la porte et saluant Karen, il la laissa entrer, la laissant faire comme chez elle, avant de lui demander ce qu’il pouvait faire pour elle. Après tout, si elle était là, c’était pour une raison précise. En écoutant sa réponse, il fronça les sourcils.
Foggy vous a dit quelque chose.
C’était clairement une constatation et il se doutait que la jeune femme avait du être surprise de ne pas l’avoir vu arriver à l’heure. Même si désormais les trois étaient amis, Matthew gardait des choses pour lui. Son meilleur ami savait désormais qui il était de nuit, mais ça ne voulait pas dire qu’il était prête à mettre la vie de la jeune femme en danger. Elle n’avait pas à être la proie de potentiel ennemi qu’il se ferait. Fisk avait déjà réussi à le déstabiliser assez par le passé, pas besoin que ça recommence avec lui ou qui que ce soit d’autre. Demandant à la jeune femme si elle voulait quelque chose à boire, il lui servit également un verre d’eau et revint vers le salon. Sentant sa présence sur sa droite, il lui tendit le verre et alla s’installer d’un côté du canapé.
Que vous a t-il dit exactement ?
Autant savoir ce qu’elle connaissait de toute la vérité. Après tout, Foggy n’en savait qu’une partie, celle que tout le monde connaissait. Que son père c’était fait tuer dans une ruelle à quelques pas de chez eux. Mais il y avait une chose qu’il n’avait jamais dit à son ami, cette culpabilité qu’il gardait aux cours des années. Celle d’avoir fait en sorte que son père ne perde pas le combat. C’était lui qui lui avait dit de ne pas le faire et il s’en voulait pour ça. Seulement, c’était quelque chose qu’il cachait à tout le monde. Levant les yeux à hauteur de son visage, il cherchait à savoir où elle se trouvait avant de planter son regard dans le sien. Il n’avait pas ses lunettes et même s’il ne voyait pas tout, il pouvait percevoir les contours de son visage et il voulait pouvoir voir par lui-même ces réactions.
n venant ici, je savais bien que je m’exposerais à des réactions différentes possibles de la part de Matthew. Peut-être allait-il se renfermer, se mettre en colère car je m’implique peut-être un peu de trop dans son passé alors que nous étions simplement amis, ou le plus surprenant serait qu’il en arrive à m’en parler. Je n’en avais pas forcément confiance en réalité, mais son regard envers moi risquerait de changer au cours de cette visite. Mon intention qui est pourtant noble, de lui tendre la main dans une situation douloureuse qu’était la sienne, de lui venir en aide et de lui tendre une oreille sympathique, sans doute qu’au final il n’en aurait pas réellement besoin. Mais je ne savais pas pourquoi, j’avais ce besoin d’être là pour lui, comme il a été là lors de l’enterrement de Ben alors que je ne me serais sans doute pas trouvé la force d’affronter ce moment seule. Peut-être était-ce un peu de trop pour notre relation semi-professionnelle, peut-être que mon humanité et mon affection à son égard n’en serait que rapidement balayés. Je n’hésitais pas à prendre ce risque en ce qui le concernait, car il l’avait fait pour moi quand j’en avais le plus besoin. C’était par cette conjoncture que je tentais de me rassurer en me disant qu’il ne pouvait pas vraiment m’en vouloir d’avoir foulé le seuil de sa porte aujourd’hui même. Alors que je lui avais détaillé un peu plus la raison de ma visite, son visage se fit un peu durcir, car il fronçait son regard éteint, non caché par ses habituelles lunettes aux reflets rouges. En effet, il s’était douté de la bonne raison, je n’avais pas d’autre choix que de lui admettre la vérité. « Oui … C’est bien Foggy. Ne lui en voulez pas, je m’inquiétais sans doute trop pour qu’il en garde le silence. » Je ne pouvais que baisser la tête face à ma révélation. Avec tout ce que j’avais traversé, je sentais bien que j’étais, quelque part, liée à Matt avec une reconnaissance sans bornes. J’avais tellement d’admiration pour tout ce qu’il a fait pour moi, que je ne pouvais m’empêcher d’être aussi douce et sincère avec lui, même si précédemment je ne l’avais pas toujours été. Alors qu’il s’approcha de moi pour me tendre le verre d’eau, je lui souris timidement, quelque part quelque peu soulagée qu’il ne pouvait pas vraiment voir les traits quelque peu évocateurs d’émotivité de mon visage. Je tentais de reprendre un peu de contenance alors qu’il reprit le cours de sa parole avec sa question, me demandant alors précisément ce qu’il avait dit. Poussant un bref soupir, je me déplaçais pour prendre place sur le fauteuil face à lui, ne manquant pas alors de me rappeler cette première nuit que j’avais passé dans son appartement, où il avait essayé de me soutirer des informations afin de prouver mon innocence concernant le meurtre de Daniel. Il avait toujours voulu m’aider, cette fois, je souhaitais que ce soit mon tour. « Ce qu’il m’a dit… » Commençais-je avant de prendre une gorgée de mon verre d’eau, afin d’honorer son gracieux geste. « Il m’a simplement dit que cette journée était très difficile pour vous, que vous portiez sur vos épaules un deuil familial … » Mais je ne voulais pas en rajouter plus, de peur de lui faire plus de mal qu’il n’en souffrirait déjà. Il était vrai que je ne connaissais pas réellement l’histoire de la famille des Murdock, mais je ne le forcerais pas à me la détailler, estimant également que ce n’était peut-être pas mes affaires. « Matt … Si vous souhaitiez rester seul, je ne vais pas rester bien longtemps et vous laisser tenter de vous reconstruire … Je voulais juste que vous sachiez que vous avez mon soutien, et ma main tendue pour vous venir en aide de toute manière que ce soit. » C’était sans doute un peu bateau, comme réponse, mais je voulais faire en sorte que cela soit le plus sincère possible, car je le pensais réellement. Je savais bien que je ne pourrais jamais ramener son père comme il ne pourrait pas nous ramener Ben, mais ce moment devant le cabinet d’avocats m’était bien resté en mémoire. Je voulais lui rappeler qu’à travers toutes les épreuves difficiles, nous pouvions arriver à nous en sortir si nous restions unis, ensemble.
Il n’attendait personne, donc la présence de la jeune femme l’avait vraiment surpris. Cependant, il la laissa entrer et il comprit bien vite qu’elle était venue pour vérifier qu’il allait bien. Quelque part, ça lui plaisait, parce qu’il appréciait qu’elle veuille l’aider. Mais, la perte de son père était quelque chose de difficile et en parler n’était jamais simple. Se doutant que c’était Foggy qui avait expliqué la situation, il fut cependant surprit par les paroles de Karen.
Pourquoi ?
C’était tout ce qu’il avait trouvé à dire sur l’instant. Pourquoi s’en faisait-elle autant ? Il était loin d’imaginer la vraie raison, donc il était intrigué par ce qu’elle venait de lui avouer. Cependant, il lui amena le verre d’eau qu’elle avait demandé et il alla s’installer dans le canapé. Mais avant d’aller plus loin, il voulait être certain de savoir ce que Foggy avait dit à la rousse. Matthew entendit le soupire, mais n’en dit rien, concentré sur le déplacement de la jeune femme. Tournant la tête vers elle, il fut attentif à ce qu’elle répondait. Donc, elle savait que la journée représentait la perte de son père. Au moins leur ami et partenaire avait été direct sur le sujet. Malgré tout, il écouta ce qu’elle avait à ajouter. Il savait qu’elle était sincère et qu’elle voudrait vraiment aider de son mieux. Il commençait à le comprendre en la côtoyant chaque jour.
Je sais que vous voulez bien faire Karen.
Esquissant un sourire, il resta la regarder avant de s’asseoir au bord du canapé. Tendant la main vers elle, il fit un signe de tête pour qu’elle vienne la prendre dans la sienne et il attendit qu’elle le fasse.
Foggy n’est pas au courant de toute l’histoire. Comme les autres, il sait que mon père a été victime d’un meurtre. Mais, il ne sait pas les vraies circonstances qui ont amené à un tel évènement.
Baissant la tête quelques secondes, il la releva et fixa la jeune femme.
Comme moi, vous savez que perdre un être cher est d’une grande difficulté. Je ne vous apprend rien, mais sa mort est de ma faute.
Serrant les dents, il fronça les sourcils et relâcha la main de la jeune femme. Il ne l’avait jamais dit de la sorte et ça faisait bien plus mal qu’il ne l’avait imaginé. Seulement, il était aussi persuadé que Karen le verrait désormais d’un autre œil et ça aussi c’était difficile.
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Mar 5 Jan - 23:14
