Note à moi-même, il a l'ouïe fine. Ou c'est juste moi qui grommelle plus fort que je ne le voudrais. Ça m'arrive souvent, c'est d'ailleurs de là qu'est né le surnom que me donnait grandpa, parce que je marmonnais en m'en allant. Il a donc décrété que j'étais une grosse mule, et c'est resté. Toujours est-il que son insinuation laisse entendre qu'il compte prolonger la soirée, la nuit et j'avoue que ça me va très bien. Finalement, je décide de tout de même lancer un jeu auquel je jouais souvent, auparavant. Les années faisant, les occasions se sont faites plus rares mais c'est toujours sympathique à tenter, et j'en profiterai pour e apprendre un peu à son sujet. Je commence par mon prénom, parce que nous avons bien pu mentir tous les deux à ce sujet. Il s'est redressé et s'est posté face à moi sur le banc de pierre, aussi amusé par la perspective de ce jeu. Pour Clint, il n'a pas dû apprécier qu'on déplace son panier. J'imagine les gars sortir les meubles et soudain, sortir le panier du chat avec le gros Clint et son poil roux hérissé, avec son air aussi mal-aimable que d'habitude... Je n'ai pas pris le temps de chercher Clint, j'ai quelques fois traîné la patte en bas de son ancien immeuble en pensant le revoir. Peut-être qu'un de mes voisins l'a récupéré, même s'ils m'ont dit que non. Je ne me suis plus attardé là-bas depuis un moment. Mais j'aimais bien Clint. Quant au fait de le suivre... Comme je lui ai dit d'ailleurs, pas que ça à faire de suivre ses fesses, aussi agréables soient-elles à l'oeil.

Mais ce n'est pas trop mon genre. Encore serait-on un couple... Non, j'ai déjà été un peu suspicieux mais pas à ce point quand même... Il réfléchit quelques instants, fait mine de réfléchir, limite en penseur de Rodin, le regard dans le vide. Je me contente de lui donner un petit coup du bout des doigts dans l'épaule pour l'inciter à donner le fond de sa pensée. Puis finalement, il choisit de croire Clint, et vu qu'il ne me traite pas de détraqué, j'imagine qu'il croit aussi que je m'appelle Alan. Je glisse ma main dans mes cheveux, les rabattant en arrière et réponds, essayant de rester léger : « Non, je n'ai pas réussi à remettre la main dessus. Il a dû devenir le parrain d'un gang de chats sauvages dans le queens, sûrement. » J'ai dit ces derniers mots les yeux baissés mais je les lève doucement sur Kayden avant de me rapprocher un peu plus de lui. Je lui demande simplement comment il peut être sûr que je m'appelle vraiment Alan.

Il avale une gorgée de sa bière blonde et je pose les mains à plats entre mes cuisses, attendant qu'il me renvoie la balle et il semble prêt, enthousiaste même. Il baisse les yeux sur la gourmette puis se lance finalement. Alors alors... sur la première proposition, ma réponse est immédiate : « Ouais Warren ton mec, je suis certain que c'est vrai. » Je dis ça avec une sorte de sourire aux lèvres, comme si je parlais à un vieil ami. Et puis, j'ai presque envie de déjà m'exclamer que je le savais déjà ! Mais j'attendrai qu'il confirme. Mais je le savais ! Quant au nom du lapin et le fait qu'il parle plusieurs langues... Je réfléchis, crispant un côté de ma bouche puis pense à voix haute : « Lulu pour un lapin quand même... à moins que ce que tu appelles à une époque c'est quand tu avais dix ans... Après cinq, ça fait peut-être beaucoup quand même. Mais tu as vécu à Brooklyn et ce n'est plus le cas, donc j'aurais envie de croire que c'est vrai. Bon, j'opte donc pour le nom de ce pauvre lapin, qui j'espère ne s'appelait pas Lulu... »

La réflexion sur l'herbe à chat a le mérite de me faire sourire, ouais c'est marrant quand même. Je ne vais pas lui faire une leçon sur l'herbe et ce qui lui arriverait s'il était tenté d'en prendre. On a bien baisé, on rigole bien mais il n'est rien à mes yeux, rien du plus qu'un passant dans ma vie. Je ne m'occupe que de mes affaires et j'ai bien assez à faire... Je lève les yeux au ciel quand il veut me faire croire qu'il a fouillé dans mon porte-feuille. Je laisse ma tête retomber doucement sur la gauche puis lui susurre : « Alors vu que j'avais mis mes affaires dans la salle de bains, ça m'étonnerait... » Je lui fais une petite moue touchée avec les lèvres pincées et de grands yeux puis lui donne finalement une petite claque sur la joue. Ce n'est que pour l'argent, pas pour mon identité.  Cette photo des m&m's que j'avais, je ne la garde plus sur moi depuis longtemps. Tout simplement parce que je ne les cherche plus. J'ai bien le temps de la récupérer quand je sors, mais les jours se suivent, et mes espoirs s'amenuisent. Parfois je leur en veux, je leur en veux d'avoir été stupides, d'avoir suivi n'importe qui, d'avoir commis l'irréparable. Parfois, je leur en veux. Mais je suis un Underwood, ils l'ont été. Non, je ne lui cache rien, à lui. L'autre. Kayden.

Il se... Je secoue la tête, mimant exagérément un air exaspéré, quand il avoue donc n'avoir rien compris à ce jeu à la règle ô combien très simple pourtant ! Il n'a pas eu sa petite sieste post-culbute et du coup, il a dû mal à réunir ses pensées ? Ou il s'est trop touché et il devient sourd ? Je souris, pensant bien le lui demander à un moment ou à un autre... Alors qu'il se penche en avant, je manque de l'attraper d'une main dans la nuque, pour l'amener à moi. Mais je garde mes mains immobiles, me contentant donc de le suivre du regard, de l'observer pendant qu'il répond à mes remarques sans s'en offusquer. Ce n'est de toutes façons pas le but. Ils peuvent bien baiser jour et nuit, je l'ai dit avec neutralité, sans moquerie ou attaque. Quoi ? Warren pas son mec ? Bon admettons.

Bon Lola me semble toujours moins condamnable que Lulu... Lola bunny, tout ça, je peux l'imaginer avoir été chercher l'inspiration dans la télévision. Quant aux langues, il me « parle » dans une langue étrangère, m'incitant à comprendre que ce n'était pas là l'un de ses mensonges en tout cas. Je lui réponds un « à tes souhaits » tout naturel. Il me parle un peu de sa formation, de ses études. Ça me fait peur, est-ce qu'on en est déjà arrivés là ? À s'échanger des confidences sur nos histoires passées ? Je l'écoute, fronçant les sourcils, avant de balancer mon corps vers l'arrière. Mon dos légèrement incliné, je cale mes mains bien derrière moi, le dos sujet à une légère tension pas désagréable.

Je hoche de la tête quand il dit avoir déménagé il y a quelques mois. On s'est presque croisés, on ne devait pas être destinés à se croiser. J'imagine que c'est mon tour. Je laisse ma tête basculer doucement vers l'arrière et lance une œillade dans le vide de la nuit. Je baisse finalement le regard sur Kayden : « Alors à moi... donc on va faire une vraie et deux fausses. Ya ? » Je souris puis réfléchis à ce que je pourrais dire... à moi d'être un peu imaginatif : « Ok ok ! » dis-je plus enthousiaste en me penchant vers l'avant : « J'ai déjà participé à l'un de ces concours : rodéo, natation ou danse. Alors, lequel ? » Je joins les mains puis me saisis de ma bière et la porte à mes lèvres pour la finir...

Moi aussi j'aime bien ce jeu à vrai dire... Et surtout je suis bien content de ce que j'estime être une petite pirouette pour ne pas donner trop d'informations à mon sujet. Deux informations vraies pour une seule erronée, c'était peut-être même trop. Heureusement que le beau Kayden ne semble pas très familier de ce jeu-ci. Finalement, peu importe l'excuse tant qu'on reste ici et qu'on envoie se faire foutre le fil du temps, peu importe tant qu'on ne pense à rien de sérieux. Tant qu'on ne pense à rien qui soit important, capital, crucial... Pas de responsabilités, pas d'illusions, pas d'avenir, que nous à cet instant. Je me souviens de ce que je ressentais quand je rêvais d'une bourrée d'insouciance, prétendument libre. J'y pense et je sais que j'étais bête. Mais désormais, je suis un homme responsable, et je sais que ces instants sont éphémères.

Je profite de celui-ci, de la proximité entre nous quand il se rapproche. Il vient poser ses mains contre moi. Mais qu'est-ce que... ? Ah euh bon d'accord, il voulait tester ses théories, je ne vois pas bien en quoi me palper les cuisses va l'aider mais bon, ce sont ses mains contre moi alors je ne vois pas pourquoi je me dégagerais. J'esquisse un sourire en coin quand il me dit que je ne peux pas monter de chevaux – hormis lui j'espère – puis le laisse continuer, appréciant le contact de sa main contre ma peau à nouveau. Je me retiens toutefois de rire quand il continue, disant que je pourrais être nageur. Ma seule expérience de nage a été la fois où j'ai voulu suivre mon père dans le lac et le temps qu'il réalise qu'il se passait un truc bizarre, je n'étais plus qu'un petit tas de bulles sous la surface de l'eau. Je n'ai pas vraiment gardé une phobie de l'eau mais disons que j'évite simplement les grosses étendues d'eau, et bien entendu j'ai toujours refusé d'apprendre à nager. Je ne suis pas certain d'avoir dit à Misha et Maddy pourquoi je ne voulais pas leur apprendre à nager ou aller faire trempette avec eux. Je leur ai juste avoué que je ne savais pas nager, sans leur dire pourquoi c'est assez inconcevable pour moi d'aller où je n'ai pas pieds. Mais bon, on est à New York, pas Honolulu que je sache...

Et il conclue qu'il ne me voit pas danseur. Dommage, je pourrais lui faire une petite danse à l'issue de laquelle je finis nu, et je suis sûr qu'il aimerait ça... Il donne sa réponse, je lui demande s'il s'agit bien de son dernier mot puis je croise les bras sur mon torse et lui réponds donc : « Alors je t'ai un peu induit en erreur parce que ça n'a rien d'officiel, mais c'était dans le ranch où j'ai vécu, et laisse-moi te dire qu'en dépit de mon nez en sang, de mon doigt écrasé et de mon dos en compote, je suis resté le plus longtemps sur une sale bête qu'on appelait la Faucheuse. » Je me sens soudain plus détendu à me rappeler quelques souvenirs de là-bas. Je me passe une main dans la nuque puis m'exclame amusé : « Mais tu ne me verras jamais faire la nage indienne, parce que je nage aussi bien qu'un parpaing. » Je me rapproche de lui, nos lèvres à quelques centièmes de distance puis lui susurre : « À toi... » avant de lui voler un baiser et de reprendre ma position initiale.

Je lève les yeux sur lui, silencieusement. Je passe une main sur mon menton, le temps de balader mon regard autour de nous. Il s'est passé tellement de temps, j'ai l'impression que c'était hier parfois. Le fait qu'il m'imagine en cow-boy sexy, c'est plutôt amusant. Je ne veux pas briser le mythe avec la mention de la transpiration, l'odeur du cheval, les mains usées. Cette période de ma vie doit être celle où je suis sexuellement le moins actif j'imagine. En même temps, avec grandpa dans le secteur et trois filles à tout casser à vingt kilomètres à la ronde... Les mecs ? Non mais pas l'envie que grandpa fasse une crise cardiaque et puis au début, ils ne furent tous qu'une bande d'abrutis à mes yeux. Certains le sont restés d'ailleurs, d'autres ont trouvé grâce à mes yeux. Longtemps après mon arrivée.

J'évoque ma super technique de nage : aucune. Juste après, pour qu'il sache qu'on ne se fera jamais une sortie piscine. Mais à quoi je pense ? Pourquoi est-ce que je me dis qu'on se reverra, pourquoi j'envisage une sortie comme si c'était normal ? Je fronce les sourcils, presque énervé de me projeter bêtement ainsi. Je pince les lèvres puis esquisse finalement un sourire quand il trahit ma pensée sur le fait qu'à New York, ne pas savoir nager n'est pas vraiment un problème, pas un obstacle au paisible de la vie quotidienne. C'est bien vrai...

Il se penche en arrière après s'être plongé dans les mensonges à trouver puis me tends une bière. Je la garde en main quelques instants, ne manquant pas de le regarder quand il ouvre sa veste. Un courant d'air vient lécher sa peau et je m'avance doucement pour passer mes doigts contre sa cuisse, contre sa ceinture et j'en viens à simplement caresser sa peau du revers de la main, juste pour sentir son contact contre mes doigts. Je lève les yeux quand il semble avoir trouvé ses affirmations à lui. À contrecœur, mes doigts l'abandonnent et j'ouvre enfin la bière de laquelle je ne prends qu'une gorgée.

J'esquisse un sourire aussi quand il précise que sa jeunesse n'est pas si loin. J'ai eu l'impression, jusqu'à ce soir, que la mienne était morte et enterrée. Ça fait du bien de se dire qu'effectivement, elle n'est pas si loin. Mon regard fouille les traits de son visage, essaient de lui trouver un âge. Pourquoi s'ancre-t-il ainsi dans le réel ? Ah les entraînements sportifs...

Deux faux, un vrai, je suis prêt. Je le détaille puis me dit qu'il n'est sans doute pas assez grand – bien qu'assez agile – pour l'avoir pratiqué si longtemps. Pour le Rugby... je lance une œillade à ses oreilles, je ne sais pas bien pourquoi ; parce que c'est une blessure fréquente des rugbyman dans ma tête, sans doute. Je le vois bien faire du handball à faire dire, s'élancer dans la zone de but et étendre le bras pour jeter cette petite balle, ça lui va plutôt bien. Je pose ma bière sur le côté et me rapproche de lui. Je pose mes mains contre ses flancs et les remonte juste assez pour écarter les pans de sa veste. Mes lèvres viennent caresser son torse et finalement, je ramène mes jambes sur le banc. Mes pieds se retrouvent derrière ses cuisses, je cale mes avant-bras contre mes genoux. Mes jambes sont serrées contre lui, et je baisse le regard une seconde. Je fais mine de réfléchir à nouveau et lui propose : « Je t'imagine bien dans le handball... Quoique tu sais quoi ? Avec cet accent et ce petit air, tu as une bonne tête pour faire de l'escrime... » Je mime le geste et plante mon doigt entre ses pecs avant de le remonter sur sa gorge et son menton. Je cale ma main dans sa nuque et l'amène un instant vers moi pour lui dérober un baiser. « Alors à moi... Dis-moi Kayden, qu'est-ce que tu cherchais dans ce bar ? » Oui, les règles sont faites pour être changées. Dit-on.

J'aime quand ses lèvres me rejoignent, mon corps se souvient les étreintes, il se souvient de son bassin entre mes mains, il se souvient de ses lèvres autour de mon sexe. Mes mains retombent doucement pour aller rejoindre à nouveau ses flancs. Je baisse les yeux sur lui quand ses mains viennent se balader dans mon dos. Nous nous rapprochons et je commence à croire que cette nuit n'en finira jamais tant nous finissons toujours inexorablement attiré l'un par l'autre. J'esquisse un sourire quand il donne la réponse, et j'aime bien l'imaginer sur le terrain, son ballon en mains, courir et se jeter sur le sol.

Ses doigts s'immiscent entre mes cheveux qu'il serre le temps d'amener ma tête en arrière et je me laisse faire, pris d'un élan de confiance que je ne devrais sans doute pas avoir. Je l'écoute à moitié, laissant sa bouche se diriger contre mon cou et il le repousse en arrière, je me cale avec mes coudes et l'observe, un fin sourire sur les lèvres. Alors qu'il vient tout contre moi, j'en viens à croiser son regard alors qu'il me répond. Finalement, je laisse mon dos entièrement reposer contre le banc, ne m'appuyant plus sur mes avant-bras, cela laisse la possibilité à mes mains de venir se glisser contre son dos et ses flancs.

« Et j'étais dans ce bar pour les mêmes raisons que toi Alan, je pense. » Je le regarde sérieusement, mes doigts continuant leurs va-et-viens contre lui ; Pourquoi suis-je allé là-bas ? Simplement le besoin de m'oublier, le besoin de quitter le cru du quotidien le temps de quelques minutes, quelques heures ou une nuit. J'aurais pu rester là-bas jusqu'à l'épuisement, rester debout toute la nuit et attendre de m'endormir au petit matin quelque part, mais la chance a voulu que je le croise lui. Et pourtant, je ne m'endormirai pas dans ses bras. Pour quoi faire ? Ce n'est pas que je n'ai pas confiance mais... mais si en fait. Je ne suis pas particulièrement fan du fait qu'on puisse me voir dormir. « Une bouffée de liberté. » Je pourrais lui demander s'il s'est senti libre, s'il s'y sent aussi maintenant mais s'il dit oui ? S'il dit non ? Il n'est qu'un prénom pour moi, un prénom et quelques informations qui flottent autour de lui, et qu'il emmènera.

Je laisse passer son t-shirt par ma tête, me redressant pour qu'il ne l'arrache pas – celui-là aussi – dans le dos. Il le met derrière moi et j'allonge à nouveau mon dos sur le banc de pierre. Le jeu vient de toucher à sa fin, et je ne répondrai pas à ma propre question. Ses mains s'arrêtent à ma ceinture. Il va nous épuiser, mais je ne peux ne pas répondre à cette invitation-ci ; et puis ce n'est pas vraiment comme si je n'étais pas consentant. Mes mains prennent le chemin que les siennes avaient entrepris et je défais simplement ma ceinture avant de venir m'attaquer à la sienne.

Je jette un coup d'oeil vers l'allée que nous avons nous-mêmes empruntée dix, quinze, ou vingt minutes avant et n'y vois personne. Pas de lumières rouges ou de lampes torches prêtes à nous arrêter pour trouble à l'ordre public, entrée dans un lieu fermé au public ou je ne sais quoi... ce serait la pire nouvelle de la semaine, sans aucun doute. Les flics n'aiment ni les junkies ni les putes, il me semble savoir. Je lance une œillade aussi de l'autre côté, personne. Je m'affaire à ouvrir son bouton de jean et sa braguette, viens glisser ma main dans son boxer, y accordant mon attention et mon regard. « On change de jeu ? »

Les mots cèdent, cèdent leur place aux actes, à ma main qui vient le retrouver une fois encore. Ma main qui le découvre excité, ma main qui vient le caresser. Je lève les yeux sur lui à sa questions, à mon sens purement rhétorique. Je ne sais pas, je ne sais pas trop à partir de quel moment on est sensés se dire au revoir, je n'ai pas trop envie de le lui dire sans doute. Je ne saurai pas comment le lui dire, sans doute m'en irai-je à un moment donné, sans épilogue, sans conclusion, sans bla bla inutiles qui ne feraient que nous gêner tous les deux.

Il revient contre ma gorge et ma main copie l'intensité de ses lèvres sur moi, resserrant parfois ma prise autour de sa verge avec plus de vigueur. Ma seconde main se cale dans son cou, le gardant près de moi, le gardant toujours tout contre moi. Mes yeux se perdent sur l'immensité du ciel parsemé des silhouettes urbaines des immeubles, petit à petit, l'idée qu'on puisse nous surprendre s'estompe. Bêtement. Je me dois d'être prudent, je ne peux pas être arrêté. Cette pensée me revient en tête mais se retrouve au second plan quand Kayden se redresse, refaisant surface dans mon champ de vision. Il s'efface doucement, redescendant et je me redresse sensiblement, juste le temps de le suivre du regard. Ma main quitte son boxer à contrecœur alors qu'il libère mon propre sexe ; et viens le retrouver.

Ma tête retombe contre le banc et mes mains viennent passer sur son crâne, sur ses joues pendant que sa bouche me retrouver, pour mon plus grand plaisir... qu'il n'a aucun mal à observer. Qu'il n'a aucun mal à faire grandir. C'est que je commence à l'apprécier tout particulièrement sa bouche... il se redresse, mon souffle s'est accéléré, je baisse les yeux sur lui, cherchant à croiser son regard. Sa main me trouve et il vient s'allonger contre moi. Je l'empoigne et fais mes baisers plus vigoureux. je... sursaute au moment où un claquement se fait entendre non-loin, plongeant une petite zone du parc dans l'obscurité. Kayden ricane, pas vraiment surpris, et moi je ne peux m'empêcher de regarder autour de nous. Les lèvres de Kayden retrouvent les miennes et j'esquisse un sourire avant de parvenir à glisser quand même : « Y'a personne ? », l'invitant implicitement à vérifier à son tour.

Je me redresse doucement et tire sur mon jean, faisant comprendre à Kayden qu'on va bouger. Je soupire et lui dis : « Viens, on retourne à l'hôtel. » alors que sa main abandonne mon entrejambe, mes mains viennent caresser son torse, profitant une dernière fois de son contact brûlant dans ce parc. Elles remontent jusqu'à son cou et je le déleste d'un dernier baiser avant de m'asseoir sur le banc, fermant mon jean à la hâte, laissant tout de même apparaître une bosse qui trahit mon excitation... déçue. Inutile de dire que les conclusions seront vite tirées si on nous surprend.

Je passe ma jambe gauche au-dessus du banc de pierre et termine de boutonner mon jean, de remettre ma ceinture. Mon visage s'est refermé, plus sérieux. Je rabats mes cheveux vers l'arrière puis marmonne pour moi-même : « Ça fait chier... » me rendant compte que cette fois, c'est juste moi qui fais foirer. Je le presse d'un « viens » supplémentaire et entreprends de rejoindre la grille par laquelle nous sommes passés pour arriver jusqu'ici...

Il vient glisser sa main contre mon entrejambe et je hoche de la tête sans plus de commentaires. Bien sur qu'on va vite rejoindre l'hôtel, mais hors de question qu'on se fasse arrêter pour un motif à la con. Il y a un temps pour s'amuser et un autre pour mettre des stop, ce que je fais présentement. D'autant plus que dans la ruelle, il était facile de remonter son pantalon et partir vite fait.. Mais là, on fera quoi ? On va se planquer dans le point d'eau avec une paille pour respirer ?

Il me précède et je jette un œil derrière nous, vérifiant qu'on a rien oublié derrière nous. Il presse le pas et le trajet se fait dans le silence, nous marchons d'un pas hâtif – dans la mesure du possible – et retrouvons le réceptionniste qui commence un commentaire sur l'alcool. Je sais bien qu'on ne peut pas boire ici. Qu'aurais-je dit à Kayden ? Que je viens assez souvent pour le savoir ? Que je vais demander au gars de l'entrée qu'il ferme les yeux, au risque que ce dernier fasse un commentaire ? Je me suis tu, attendant simplement qu'il nous demande de les jeter, pensant que Kayden le ferait. Après tout, je ne le connais pas, son impudence je n'ai fait que l'entrevoir. Le gars de la réception tend la clef sous une remarque surprenante de l'autre, qui joue la carte de la provocation. Il se lance ensuite dans l'escalier, j'enfonce mes mains dans les poches et me penche vers le gars toujours vissé sur sa chaise, l'air dégoûté. Je précise, comme s'il me fallait le faire de toutes façons : « Il plaisante. »

À croire qu'on ne montera ces marches qu'avec l'entrejambe serrée... Je marmonne quelque chose d'incompréhensible pour l'autre, quand il arrive le premier à la chambre. Je m'attends à le voir galérer avec cette serrure et m'adosse près de la porte, levant les yeux au plafond. Quand il ouvre, je... attends ! Déjà ? Je fronce les sourcils. C'est peut-être un cambrioleur, je devrais faire gaffe à mon portefeuille. Kayden m'entraîne à l'intérieur... Personne ne nous dérangera.

Et personne ne nous dérangea. Ses mouvements plus vifs ne m'ont pas blessé, pas dérangé et j'ai aimé ça, encore une fois. Après ma douche – passage obligé – je m'allonge nu tout contre lui. Je me cale dans son dos. Rester après, c'est devenu inhabituel. Ça me rappelle des souvenirs dérangeants et je l'écoute respirer. J'aime bien l'écouter respirer. De temps à autres, j'en viens à approcher mon visage du sien pour écouter avec plus d'attention. Je lutte contre le sommeil et finalement, je m'arme d'un petit stylo pour griffonner mon numéro de téléphone sur son épaule, en prenant garde à passer plusieurs fois sur chaque chiffre, pour ne pas le réveiller. Je lui laisse un baiser sur la tempe et sors doucement du lit. Peut-être avait-il besoin de cette nuit – moi en tout cas je vais m'écrouler dès que je serai rentré – ou fait-il semblant de dormir...

Je m'habille – enfin passe mon boxer, surtout – et enfile mon pantalon, le t-shirt de Kayden que je garde ainsi que mes chaussures, dans le couloir. Je croise un couple, ils font comme si je n'étais pas là, je fais la même chose. Et finalement, je les rejoins dans l'ascenseur. L'homme garde une main gênée devant son visage. Je fais mine de regarder les boutons avec attention. Oh un trois ! Oh un quatre ! Elle me regarde, souriante : « Il fait froid ce soir. » Je baisse les yeux sur ma tenue, j'acquiesce puis me racle la gorge. Autant je n'aime pas les interminables échanges, autant je déteste devant subir les silences gênants. Je m'extirpe le premier de la cabine, croise le regard du réceptionniste qui semble avoir trouvé un nouveau souffle : « Pas d'alcool dans les chambres, même pour vos saletés ! » Je lève les yeux au ciel. Et je rentre. À un de ces jours, Kayden...