acte 1 : don't even try to save me tonight14 avril 2014«
Me regarde pas comme ça. » La voix venait du fond du couloir, dans le brouhaha du poste de police. Des hommes ivres frappaient contre les monstres de fer en gueulant d'incompréhensibles plaintes. Dans le capharnaüm total des voix, elle entendait à peine son frère. «
Il s'est passé quoi cette fois, drogue ? Alcool ? T'es vraiment impossible, tu sais ce que je risque à te faire sortir d'ici ? … Merde Ruth, tu peux pas continuer comme ça, regardes toi ! » Les deux visiteurs sortaient du poste de police sous les regards haineux des mêmes hommes, qui il y a quelques minutes criaient au policier des menaces pour ne pas que ces flics les laissent pourrir la nuit dans ces cellules sales. «
Va te faire foutre Andrea ! J'ai pas besoin de ton aide et fou moi la paix ! » Le tournure que prenait la dispute familiale était décisive de ce que la fin de soirée allait devenir. Ce n'était que la centième fois qu'elle franchissait les portes du vice et qu'on retrouvait cette même soirée alors, des jours encore. Cette fois-ci, la nuit ne semblait pas bien différente des autres. Les deux orphelins galopaient vers la voiture du plus âgé, avec le consentement tardif du second. Il n'y avait personne dans cette ruelle à part eux, quelques minutes seulement les séparaient de ce qui pouvait les faire sortir de ce cauchemar. Un homme sortit de nulle part, un pistolet à la main et pointa ce dernier vers les deux jeunes personnes. L'agresseur balbutiait quelque chose d'à peine audible, quelque chose qu'ils auraient mieux fait de ne pas faire répéter. Le voleur avait repéré depuis quelques minutes ces jeunes gens, dont l'un qui portait un de ces costumes sur-mesure plus cher que le salaire d'un ouvrier du Bronx. «
L'argent.. Les bijoux... TOUT. Grouillez-vous ! » Le jeune homme battit en retraite — comment pouvait-il rivaliser contre son agresseur, sans arme ? — et commença à sortir son porte-feuille de sa veste. Les mains tremblantes de l'agresseur qui tenait le pistolet montraient son inexpérience, on ne pouvait en aucunement prévoir ce qu'il pouvait faire. Peut-être n'avait-il pas le cran de tirer, ou justement était-il prêt à n'importe quelle folie. Il perdit soudainement le contrôle de la situation lorsque le pistolet qu'il tenait dans les mains se retournait progressivement contre lui sans qu'aucune force physique n'y soit pour quelque chose. «
C'est quoi ce bordel... ? » Andrea se tourna brusquement vers sa jeune sœur immobile derrière lui. «
Ruth, arrête ça tout de suite ! » La panique de l'agresseur se faisait sentir, au fur et à mesure qu'il voyait le revolver se pointer sur lui. Il luttait difficilement contre un objet qui semblait avoir prit vie seul. «
Ruth, tu m'écoutes ? Arrête ça ! » Malgré les cris des deux hommes la mutante n'entendait rien. Il ne restait plus qu'à tirer sur la gâchette. «
Je t'en prie Ruth, laisse-le ! » Andrea recula lorsqu'il remarqua que sa sœur semblait être au bord des larmes. Quelque chose dans son regard laissait penser qu'elle ne voulait pas faire de mal à cet homme et que Ruth n'est en réalité, comme le revolver, qu'un objet contrôlé par une force qui l'échappe.
BAAM!
acte 2 : so hard to watch when i'm starting to run 25 novembre 2008«
Je suis désolée maman, je... ne voulais pas.. pardon... » L'enfant commença à sangloter avant que la mère aimante ne s'agenouille pour la prendre dans ses bras. «
C'est rien Ruth, tu ne contrôle pas... Regarde, je n'ai rien... » Elle tendit son bras nu, légèrement rougit par le coup. Il n'y avait rien d'alarmant, mais la petite ne pouvait pas s'empêcher de s'en vouloir. La femme souleva l'enfant et le posa sur le lit avant de lui tendre le jouet qu'elle venait de lancer sur sa mère. Elle rejoignit son fils alerté par les cris de sa petite sœur. Ils s'éloignèrent tout deux de la chambre d'enfant, mais la petite curieuse les suivit, sans un bruit. «
Ca à encore recommencé ? » Les voix se faisaient de plus en plus clair, tandis que la jeune mutante s'approchait pas à pas de la cuisine pour les écouter. «
Oui... Ce n'est rien de grave, mais si elle n'arrive pas à se contrôler en grandissant, j'ai peur de ce qui va arriver... » Elle pouvait désormais tout entendre, et des larmes coulaient lentement sur ses joues rouges. «
Qu'est-ce qu'on fait ? » Elle s'imaginait déjà ce que tous allaient dire s'ils apprenaient qu'elle n'était pas comme les autres. Les autres enfants lui jetant des pierres, la traitant de monstre. «
Rien c'est ma fille je ne l'abandonnerai pas. Andrea... Promets-moi que s'il arrive quoi que ce soit... Promets-moi de la protéger. »
Le crépuscule traquait l'enfant. Elle embrassa sa mère comme jamais, avant d'attendre que la famille s'endorme pour s'enfuir. Ruth avait préparé dans un sac tout ce qu'une enfant de dix ans avait besoin pour survivre seule — de quoi manger et boire pour cinq jours (elle se débrouillera seule par la suite), une couverture, sa peluche préférée qu'elle n'a jamais quitté, quelques pansements et une lampe torche remplie de piles neuves. Elle arrangea un tas de meuble pour accéder à sa fenêtre et se glissa hors de la petite maison. C'était pour elle une idée terrifiante de ne pas savoir où aller, mais celle de pouvoir faire du mal à ceux qu'elle aime l'effrayait plus encore. La rue ne pouvait être qu'un doux cauchemar, mais l'innocence de l'enfant faisait place à la naïveté.
Elle fut retrouvée le lendemain, sur le bord de la route. Sa mère, morte d'inquiétude, embrassa sa fille des centaines de fois avant de la laisser s'échapper de ses bras. «
Je veux pas te faire de mal, laisse moi partir ! » La femme échangea un regard avec son fils, et tenta de prendre à nouveau l'enfant dans ses bras. «
De quoi tu parles ma chérie ? » La petite fille filait toujours entre ses doigts et s'éloignait le plus loin possible de sa mère. «
Je vous ais entendu, je sais que je suis un monstre, et je veux faire de mal à personne ! » Personne ne pouvait s'imaginer une telle chose, dans la parfaite famille des Lindsey. Le visage enfouit dans ses mains, la jeune mère resta immobile quelques minutes, les yeux remplis de larmes. Elle vacilla quelques instants. «
Maman ? » Andrea rattrapa sa mère au moment où celle-ci s'écroula. On n'entendit plus que les larmes, les cris, et les sirènes stridentes de l'ambulance.
acte 3 : i'm just a memory faded slowly and only lonely know me19 mai 2013La voiture roulait à vive allure vers un endroit que la passagère ne connaissait pas. Cette même jeune femme observait par la fenêtre de l'automobile les bâtiments devant lesquels ils passaient, les rues et ses habitants. Elle se remémorait les souvenirs, pour ne se rappeler que des bons, mais ils étaient si peu nombreux qu'elle ne se voyait pas refaire sa vie avec si peu de joie dans l'ancienne. «
Où est-ce qu'on va ? » Ruth reconnaissait certains noms de ville le long de la route, mais ses connaissances géographiques étaient trop restreintes pour deviner où ils se trouvaient. «
New York. » La célèbre ville de New-York. Voilà une idée effrayante, de vivre dans un endroit aussi peuplé que New York. Andrea pensait qu'il le fallait. Que c'était le seul moyen pour s'adapter à sa nouvelle vie. «
Pourquoi New-York ? Tu penses que ça changera quelque chose, ici ou ailleurs ? » Ici ou sa ville natale. Tout le monde là-bas savait ce qui était arrivé. Tout le monde prenait pitié pour les deux orphelins de cette petite ville californienne. Ils voulaient laisser leur passé dans cette maison, celle dans laquelle ils ont tout deux vécus de nombreuses années de leur vie. Mais le passé n'est jamais abandonné à jamais. Celui de Ruth plus particulièrement, ne sera jamais
que du passé. «
Je connais quelqu'un là-bas. On recommencera à zéro. Ensemble. » Ensemble. «
Et si ça recommence ? Et si je refais du mal à quelqu'un, comme je l'ai fait à maman ? » Ils s'étaient pourtant jurés de ne plus en parler, c'était insupportable pour elle d'effacer sa mère de sa mémoire. Elle pouvait essayer de tout oublier, tout finira par la rattraper. Mais elle ne voulait pas oublier cette souffrance qu'ils partageaient. «
Tu n'as pas tué maman. C'était une mort naturelle, tu le sais... » Andrea, lui, refusait de voir la vérité en face. Il refusait de penser que sa jeune sœur était un
monstre, et qu'elle avait bel et bien tué leur mère. «
Mais tout est de ma faute ! Si je n'étais pas née, tout ceci serait jamais arrivé... » Rien ne serait arrivé. Non, rien. Toute cette souffrance n'aurait été qu'imaginaire. Si le destin n'avait pas décidé de jeter sa malédiction sur elle, et sur bien d'autres personnes dans le monde, ces autres enfants qui sont nés avec des facultés particulières. Jusqu'ici, elle n'a rencontré personne comme elle. Personne pour la comprendre. Personne pour lui retirer ce poids. «
On sera heureux Ruth, je te protégerai. Je te le promet. »