biographie
Never go to bed angry : stay awake and plot your revenge. Assis au sol, les fesses sur le sol froid du couloir du collège, je replace mes lunettes sur mon nez et j'essuie doucement le mince filet de sang qui s'écoule de ma lèvre. Heureusement que le coup a touché la bouche et non pas le haut du visage sinon les lunettes auraient été brisées. Pas que ça me dérangerait puisque les verres ne corrigent rien du tout, ce n'est qu'un artifice, un accessoire derrière lequel je me planque depuis un petit moment maintenant. J'y peux rien, j'ai besoin de ce truc-là pour me sentir bien parce que ça me donne l'impression que ça me protège du monde extérieur ce qui est complètement stupide, je le sais bien, la preuve en est le coup de poing que je viens de me recevoir mais voilà : je les porte depuis longtemps maintenant, je ne me vois pas m'en séparer.
« T'as qu'un monstre bizarre Holloway ! » qu'il me jette à la figure après m'avoir jeté son poing.
Je l'observe derrière mes verres et je me contente de hausser les épaules : que veux-il que je réponde ? Je suis un monstre bizarre parce que je ne traîne pas avec eux, parce que je ne fais rien comme eux, parce que je ne reste jamais dans le coin après les cours et aussi parce qu'on m'a vu en train d'embrasser Bobby, voilà. L'histoire a fait le tour du collège, mes parents on été convoqués, ceux de Bobby aussi et puis finalement, il ne s'est rien passé de plus si ce n'est qu'on nous a dit que ce n'était pas un comportement à avoir et encore moins au collège. Comme si j'y étais pour quelque chose si les gens se montrent trop curieux... Je veux dire, on était bien cachés avec Bobby et on faisait rien de mal. D'ailleurs, on continue à ne rien faire de mal seulement voilà, y'a bien une chose que je sais : les gens aiment pas ce qui est différent, ce qui sort de ce qu'ils appellent « la norme » et moi j'en sors.
« C'est bien qu'tu sois né ici, tu vas bien avec les aliens ! » qu'il ajoute et ses copains se mettent à rire.
« Et si j'te mets mon poing dans ta face de petite frappe histoire de déformer la tête, tu crois que t'irais bien avec les aliens ? »
La voix d'Amy vient de retentir derrière moi et je tends et tords le cou pour pouvoir la regarder : elle a relevé la manche de sa chemise à carreaux et est prête à en découdre.
« Tu m'fais pas peur ! »
« T'es sûr ? »
Et hop, elle me dépasse et se place devant moi : les trois garçons reculent parce qu'Amy, elle a la réputation de cogner et de bien cogner. Quand il dit qu'il n'a pas peur c'est juste histoire de jouer le garçon sûr de lui mais en fait j'suis sûr qu'il mouille presque son pantalon.
« Toute façon, tu seras pas toujours là pour lui éviter des problèmes ! On s'en va ! »
Et ils filent rapidement. Heureusement qu'il n'y a plus grand monde parce que sinon, on aurait encore une fois attiré la foule et j'ai pas besoin de ça.
« Merci. » je dis à Amy en me redressant tout en terminant d'essuyer ma lèvre.
« T'as eu de la chance qu'il te casse pas tes lunettes. »
« Je sais. »
« Tu devrais arrêter de les porter. »
« Amy, s'il te plaît... »
« Et tu devrais aussi arrêter de faire comme si tu étais incapable de te défendre. Pourquoi tu lui en mets pas une à ce p'tit con ? »
« Parce que... » J'ouvre mon casier. « Je me bats sur un ring, pas dans les couloirs de l'école moi. »
« Ouais, bon, c'est arrivé qu'une ou deux fois. »
« T'es nulle en maths... »
« Non mais sérieusement Ty' ! »
Elle s'adosse contre les casiers en soupirant.
« Tu pourrais les humilier, pourquoi tu le fais pas ? »
Je referme mon casier.
« Parce que tu sais que je suis pas comme ça. »
« T'es trop gentil... »
« Il paraît. »
Assis sur le siège dans la ce qui sert de salle d'attente dans le petit poste de police de Roswell, j'ai une poche de glace contre mon arcade : ça fait un mal de chien mais bon, à l'autre je lui ai fait plus de mal. Il l'a cherché en même temps : il n'avait qu'à balancer des saloperies sur mon mec ni sur Amy. J'aime pas quand on s'en prend aux personnes que j'aime, je démarre au quart de tour, c'est pas de ma faute. Je pense voir mon père arriver mais en fait, c'est mon entraîneur qui passe la porte du poste de police et aussitôt, je me ratatine sur mon siège. Okay, là, je suis mal. Je sais qu'il va me massacrer et il aura raison parce qu'à force de faire le con, je vais jamais pouvoir réaliser mon rêve de devenir boxeur professionnel alors que d'après lui j'ai le talent pour. Les capacités c'est pas ce qu'il me manque : ce qu'il me manque c'est un contrôle de mes nerfs mais en fait, je suis devenu comme ça à force de subir des saloperies de la part des autres. Et puis le fait que j'ai un talent indéniable pour la boxe m'est légèrement monté à la tête comme me le fait souvent remarquer Amy. J'ai cessé de me planquer derrière mes lunettes. En fait, j'ai cessé de me planquer tout court et c'est de pire en pire : les bagarres me collent à la peau là, et ce sont des bagarres qui se produisent trop souvent hors du ring.
« Quand est-ce que tu vas arrêter tes conneries Tyler ? »
Je soupire, ne réponds rien. Il me ramène en voiture chez moi. Je regarde droit devant moi.
« T'es un bon mais tu vas tout foutre en l'air, c'est ça que tu veux ? Et tes rêves ? »
« C'est bon, j'ai compris ! »
Je serre les poings et la mâchoire. J'ai compris oui et je sais qu'il a raison mais c'est plus fort que moi : je sais pas me calmer. J'y arrive tout simplement pas.
« Je suis pas sûr non que tu aies bien compris. »
Il marque un silence que je ne tiens pas à briser. On roule jusque chez moi sans qu'aucun de nous ne prononce le moindre mot et alors que j'ouvre la portière, voilà qu'il m'intime de refermer la porte. Je m'exécute mais lui lance un regard noir : je respecte cet homme, je le respecte vraiment mais là, il joue avec mes nerfs déjà bien à vif.
« J'ai la réponse de New-York Tyler. »
Mon cœur manque un battement et ma bouche s'ouvre : elle est sèche tout à coup. Là, il détient la réponse que j'attends depuis des mois, ou plus précisément, il tient mon avenir.
« Et ?... » je finis par dire la voix tremblante.
Il soupire avant d'esquisser un sourire mais c'est pas un sourire triste : c'est un sourire du genre « t'as gagné et ça m'énerve parce que tu es un petit con ».
« Il m'accepte ? C'est ça hein ? Il veut bien de moi ?! »
« Ouais mais j'suis pas certain que tu le mérites v... »
Je ne le laisse pas terminer sa phrase parce que je me jette sur lui pour le serrer dans mes bras.
« Merci, merci, merci ! »
Il me tapote le dos et je finis par me reculer : j'ai les larmes aux yeux là. Carrément oui.
« C'est... Putain j'y crois pas ! »
« Pourtant c'est vrai mais j'espère que les choses soient bien claires : il faut arrêter tes conneries Tyler. Je l'ai prévenu que tu avais un caractère assez vif mais il est prêt à te prendre sous son aile. Il a vu les vidéos, il est plus que convaincu mais tu dois arrêter tes conneries, c'est clair ? »
« C'est clair oui ! Limpide même ! »
« Sûr ? »
« Je pars à New-York ! »
Et puisque je pars à New-York, je vais faire des efforts pour mieux me tenir. Je dis pas que je vais y arriver complètement mais je vais faire au mieux. Durant les mois qui suivent, c'est préparatifs pour le départ avec Amy parce qu'elle m'accompagne bien sûr : c'est notre rêve depuis que nous sommes gosses et là ça va devenir réalité. On bosse comme des dingues en dehors du lycée (et pour moi en dehors de mes entraînements en plus) et on aura assez d'économies pour tenir un p'tit bout de temps le temps qu'elle trouve un boulot et que je commence à faire des combats. C'est la grande vie qui nous attend. Et puis je ne pars pas complètement dans l'inconnu : Chase, un de mes cousins dont je suis très proche, vit là-bas. Je vais pouvoir l'y retrouver et c'est plutôt cool comme idée. C'est même très cool comme idée.
La première fois que je monte sur le ring au centre du MSG, mon cœur il bat comme un fou contre mes côtes. C'est presque aussi fort que lorsque j'ai croisé le regard de Kyle pour la première fois et pourtant, ça été super fort. De toute façon, tout est super fort dans cette ville, c'est dingue. Les premiers temps ont été difficiles pour Amy et moi, on a mangé beaucoup de pâtes et de patates parce que ça coûtait pas trop cher et que j'avais besoin de pas mal de féculents. Elle avait trouvé un job mais moi, j'avais qu'un petit job de serveur à mi-temps parce que le reste du temps, je le passais à salle de boxe à m'entraîner. J'étais cependant pas prêt pour un combat : j'avais beau demander, Max (mon entraîneur) estimait que j'étais pas prêt. Il m'aura fallu attendre plus de sept mois avant d'avoir mon premier combat, et il m'aura fallu près de deux ans et demi avant de fouler le ring du MSG pour le championnat des poids mi-lourds. Pour rencontrer Kyle ? Il m'aura fallu moins d'un an et c'est en quelques secondes que je suis tombé raide dingue amoureux de lui. J'ai su tout de suite que c'était lui et personne d'autre, qu'il était le bon. Ce genre de choses ça s'explique pas de toutes les façons. On n'a cependant pas emménagé ensemble : je vivais avec Amy et ça nous convenait bien comme ça. On voulait prendre notre temps et c'est ce qu'on a fait. Finalement, c'est après ma première victoire au MSG que Kyle m'a proposé de prendre un appartement tous les deux. J'ai hésité, à cause d'Amy parce que je voulais pas la laisser seule mais c'est là qu'elle m'a annoncé qu'elle avait commencé à chercher une colocataire puisqu'elle connaissait le plan de Kyle. Du coup, ça s'est décidé comme ça mais finalement, on n'est pas partis très loin avec Kyle : on a emménagé dans l'immeuble d'en face. De cette façon, on a pu construire notre vie tous les deux tout en me permettant de rester proche d'Amy : le bonheur quoi.
« Si tu gagnes ce soir... »
Je plonge mon regard dans celui de Kyle alors que suis sur le point de quitter l'appartement pour aller retrouver Max : ce soir c'est le grand match. Ce soir, je joue pour le titre de Champion.
« Qu'est-ce qui se passe si je gagne ? » je lui demande en esquissant un sourire.
« Si tu gagnes je t'épouse. »
Mon sourire s'efface et je reste bouche bée. Je le fixe sans plus rien dire : j'ai bien entendu là ? Il a dit... Il a...
« Tu... Tu me demandes en mariage ?... » je souffle tout bas.
« Non, je te demande rien, je t'annonce que si tu gagnes je t'épouse. »
Son regard en dit long : il est brillant d'amour. Après ça, je fonds sur lui, je l'embrasse avec fougue et lui promets de gagner parce que oui bon sang, je veux l'épouser. Ce qu'il se passe ensuite ce soir-là ? Victoire ? Défaite ? Mariage ? Victoire. Victoire écrasante. Mariage civil dans le Massachusetts mais mariage simple. Union avec l'homme que j'aime, avec l'homme qui sait absolument tout de moi et dont je sais tout, même l'existence de ses pouvoirs étranges. Il dit qu'il est un mutant. C'est un secret. Ils sont nombreux visiblement mais personne n'est censé savoir. Après cette victoire et ce titre de Champion, on a de belles années. On a même de très belles années. J'ai une jolie carrière mais je décide de raccrocher quand je manque de crever suite à un traumatisme crânien à cause d'un K.O trop violent : j'ai trouvé plus fort que moi, je l'admets. C'est à ce moment-là que je décide d'ouvrir une salle de boxe et de devenir entraîneur. La boxe est et restera toujours ma plus grande passion alors si je peux la transmettre, je veux le faire. Si je peux emmener un autre que moi ou une autre que moi vers les sommets, je veux le faire. Je veux faire ce qu'on a fait pour moi et je veux continuer à vivre cette simple et pourtant exceptionnelle avec ma meilleure amie et avec l'homme que j'aime. Je n'ai pas l'impression d'en demander trop.
« Amy ! »
Je hurle. Quand j'arrive en bas des escaliers, je suis à bout de souffle. Je m'approche d'Amy qui est allongée au sol. Je viens me mettre à genoux juste à côté d'elle.
« Amy... » je dis tout bas, reprenant doucement ma respiration.
Je l'observe de bas en haut et en dehors d'une vilaine coupure à l'arcade sourcilière droite et d'un poignet visiblement cassé vu l'angle étrange qu'il forme, elle n'a pas l'air blessée malgré la chute qu'elle a faite. Elle va bien. J'esquisse un sourire et vient poser ma main contre son front pour dégager ses cheveux trempés par la pluie qui ne cesse de tomber.
« Hey... Je suis là. C'est fini. Tout va bien. Tu vas bien... » je dis avec douceur en caressant son front.
Aucune réaction de sa part, même pas un bref battement de cils. Mon regard se perd sur son poitrine que je me mets à fixer pendant un instant.
« Respire... » je murmure tout bas, m'attendant à voir sa poitrine se soulever mais il ne se passe rien.
Impossible.
Je relève mon regard vers elle et vient encadrer son visage de mes mains alors que les larmes viennent me brouiller la vue.
« Respire tu m'entends ? Respire ! Reste avec moi ! Tu restes avec moi ! Tu pars pas ! Tu... »
Je sens un liquide chaud se déverser sur mes doigts et je retire mes mains. C'est là que je vois le sang. C'est là que je vois le sang s'écouler des oreilles d'Amy. Je fronce les sourcils, je secoue la tête.
« Amy? »
Rien. Rien si ce n'est un sanglot étouffé dans mon dos : celui de Kyle.
« AMY ! »
Je me penche vers elle, j'attrape son visage, je m'y accroche.
« JE T'EN PRIE ! NON ! JE T'EN SUPPLIE ! »
Je pleure. Je pleure toutes les larmes de mon corps alors que je viens enfouir mon visage dans son cou.
« Tu peux pas me laisser, j'ai besoin de toi... » je dis dans un murmure quasi inaudible.
Mais elle est déjà partie.
« Ty'... »
Kyle brise le silence. Je reste accroché à Amy.
« Je suis d... »
« Tais-toi. »
Je le coupe, mon visage encore enfoui dans le cou de ma meilleure amie, ou plus exactement, dans le cou du corps de ma meilleure amie. Je me recule un peu, la pose délicatement au sol avant de me retourner vers Kyle : il pleure, et ses larmes attisent une colère déjà bien vive. Trop vive. C'est sans doute parce qu'il est trop surpris qu'il n'use pas de son pouvoir quand je me jette sur lui. Ou peut-être qu'il estime qu'il mérite les coups que je lui porte. Peut-être que c'est ça... En tout cas je cogne. Je cogne encore, et encore, et encore. Je sens les os craquer sous mes doigts, je vois le visage de l'homme que j'aime, ou plutôt que j'aimais, se déformer sous mes doigts, le sang se mêle à la pluie qui tombe avec abondance. Ma main commence à ne pas apprécier le choc répétitif contre le visage de Kyle mais je ne m'arrête pas : je ne peux pas m'arrêter parce qu'il l'a tuée. On se baladait tous les trois avec Amy, puis y'a des types qui nous sont tombés dessus, une petite bande qui s'amusait à s'en prendre aux homosexuels à l'occasion visiblement. Je me suis défendu, j'ai voulu défendre Amy aussi mais Kyle a utilisé ses pouvoirs. Il les a touchés, eux, mais il l'a touchée elle aussi. Il l'a touchée... Elle est tombée dans les escaliers. On en est là. Il ne bouge plus. J'arrête de cogner, je me redresse et l'observe alors que son visage baigne dans une marre de sang. J'entends des sirènes de police au loin. Je me remets à genoux auprès d'Amy, je la reprends dans mes bras et je la serre.
Je la serre très, très fort contre moi.
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Installé sur le banc, j'observe le ring vide d'un air absent. J'ai fermé la salle de sport pour le moment parce que j'ai enterré ma meilleure amie avant-hier alors, j'ai vraiment pas la tête à entraîner qui que ce soit.
« Ty' ? »
Je rouvre les yeux et je vois Chase en face de moi. Il vient m'enlacer avec douceur et je lui rends son étreinte. Puis, il vient s'installer à côté de moi sur le banc.
« Je sais que je devrais pas te demander comme tu te sens mais... Comment tu te sens ? »
J'entends l'émotion dans sa voix.
« Très mal. » je lui réponds le plus sincèrement du monde.
En fait, je ne me suis jamais senti aussi mal mais inutile d'entrer dans les détails. Il n'ajoute rien et on reste un moment là, à regarder le ring en silence quand finalement, je trouve la force de parler.
« Mon avocate m'a appelé. » Un silence. « Kyle est mort. »
« Oh... C'est... »
« Bien. » je le coupe.
« Tu penses pas ce que tu dis... »
« Bien sûr que si je le pense. Il méritait de mourir. Il a tué Amy... »
Il soupire.
« Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? »
« Je passe devant le juge la semaine prochaine. »
« Tu... Tu risques quoi ? »
Je ne réponds pas et mon silence répond pour moi.
« Ils peuvent pas t'envoyer en prison. »
« Ils peuvent, et je pense qu'ils vont le faire. »
« Mais c'était de la légitime défense ! »
« Pas vraiment non. »
« Il avait des pouvoirs, tu t'es défendu ! »
J'esquisse un sourire triste : c'est étrange de sourire, ça ne me semble même plus naturel.
« Je me suis trop défendu. Ma carrière de boxeur joue contre moi. » je termine par lui expliquer.
« Je ne comprends pas... »
« Je sais comment frapper, où frapper, et je sais le faire avec force. Ils vont dire que j'aurais dû retenir mes coups... »
« C'est l'avocate qui t'a dit ça ? »
Je hoche la tête.
« Alors... Tu... »
« Ouais... »
Je vais aller passer quelques temps derrière les barreaux, j'en suis vraiment convaincu mais en fait...
« Mais je m'en fous d'être enfermé : ça en valait la peine. »
« T'as pas intérêt à dire ça devant le juge... »
« T'en fais pas... »
« Et t'as intérêt à travailler sur ce regard aussi. »
Je fronce les sourcils et glisse mes yeux sur lui.
« Quel regard ? »
« Ce regard-là que tu as. »
Je fronce davantage les sourcils, ne comprenant pas bien où il veut en venir.
« Tu transpires la haine Ty' et c'est pas bon pour toi... »
« Je me fous de ce qui est bon pour moi... »
Il y a de nouveau un silence entre nous mais cette fois il se fait plus pesant..
« Quand tu vas sortir... Tu vas chercher à te venger pas vrai ? »
J'hésite à lui répondre la vérité mais à quoi bon lui mentir puisqu'il sait déjà ?
« Je leur ferai payer. »
« Et à qui ?! »
« Tous ceux que je pourrai faire payer. A tous ces putains de mutants... »
« Mais c'est pas toi ça Tyler... »
Je serre la mâchoire.
« C'est pas toi... Le Tyler que je connais depuis l'enfance il est pas comme ça... Il est bagarreur oui mais il est gentil, profondément gentil... »
Mes entrailles se nouent au fur et à mesure qu'il parle.
« Le Tyler que je connais sait pardonner quand il le faut et ce n'est pas un meurtrier... »
C'est plus fort que moi : les larmes me montent aux yeux et c'est d'une voix tremblante que je lui réponds.
« Ce Tyler est mort en même temps qu'Amy... »
Je reporte mon regard vers lui, une larme coule sur ma joue.
« Et tu vas devoir t'habituer au nouveau... A moins que tu ne veuilles me tourner le dos ? A moins que tu ne veuilles t'éloigner ? »
Et je prie intérieurement pour qu'il ne le veuille pas mais ça ne dépend pas de moi.
« Jamais je m'éloignerai de toi. Jamais. T'es comme mon frère. »
Je ne réponds rien. Il sait que je ressens la même chose à son égard. Tout comme je ressentais la même chose à l'égard d'Amy. Ce n'est pas simplement ma meilleure amie que j'ai perdu : c'est mon âme sœur.
Le dernier adhérent de la salle de boxe quitte les lieux et au moment où je me redresse pour aller fermer derrière lui, voilà que la porte s'ouvre à la volée et je me fige en voyant Chase qui me toise avec un regard courroucé : pour changer quoi. Je lève les yeux au ciel et soupire avant de m'éloigner vers le bureau : il a les clefs, il sait qu'il faut fermer, j'ai pas besoin de le lui dire. J'ai pas besoin de le faire parce que je lui ai cédé la moitié de mes parts de la salle de boxe juste avant d'être envoyé en prison et il a pris ma suite. Il s'est occupé correctement de la salle pendant mon absence, il a même engagé un entraîneur pour s'occuper du mec que j'entraînais à ce moment-là. Finalement, quand je suis sorti de prison quatre ans plus tard, mon futur champion s'est tiré avec son nouvel entraîneur. J'ai pas repris quelqu'un sous mon aile après ça, j'en avais pas envie jusqu'à ce que je croise le chemin d'une fille avec un sacré potentiel. Alors, j'ai commencé à m'occuper d'elle et Chase de son côté, il a continué à m'aider tout en jonglant avec son boulot. Cependant, on n'est pas redevenus autant proches qu'avant mon passage par la case prison. En fait, c'est pas tant la prison qui m'a changé, c'est plutôt d'être au contact d'un groupe dans lequel j'ai enfin trouvé ma place : The Watchers. Ils font parler d'eux depuis longtemps. De la prison, j'en ai vu des choses aux informations. J'ai vu les attaques des mutants, les attaques des aliens, des vrais, pas comme ceux qu'il y avait à Roswell, des créatures venues d'autres mondes avec des pouvoirs complètement dingues. J'ai vu la ville de New-York presque réduite en miettes par ces mêmes créatures. J'ai vu des pseudo héros tenter en vain de défendre la ville et le monde entier. J'ai vu des horreurs alors que j'étais coincé dans ma cellule mais j'ai vu aussi ceux qui se levait contre eux alors forcément, ma première intention à ma sortie a été de les rejoindre et si j'ai commencé au plus bas de la chaîne alimentaire comme on dit, je fais aujourd'hui parties des Centuriones. J'ai fait mes preuves vite et bien. J'ai gagné ma place parmi eux et je continue de le leur prouver au quotidien. Que je suis à ma place, contrairement à ces mutants et autres créatures qui n'ont vraiment rien à foutre sur notre planète. Cela fait bientôt un an que ça dure.
« Il faut qu'on parle. »
Son ton est froid mais ça ne me surprend.
« Et tu veux qu'on parle de quoi ? »
Moi aussi je lui parle froidement et je sais que c'est ma faute si on en est là aujourd'hui.
« De toi. Je veux qu'on parle de toi. »
« Chase, pas ce soir... »
« Alors quand ? C'est jamais le bon moment et je veux plus me taire, j'en ai marre. »
« Alors quoi ?! »
Je lui jette un regard noir : je ne l'ai encore jamais regardé comme ça, jamais. Lui non plus ne m'a jamais regardé comme ça.
« Je comprends pas ce qui t'arrive et ça fait trop longtemps que ça dure ! T'es là mais t'es pas vraiment là ! Si on peut échanger quelques mots c'est un miracle ! T'es pire qu'un fantôme ! »
« Je suis occupé. »
« Et à faire quoi on peut savoir ? »
La bonne question... Je suis occupé à me débarrasser de mutants dès que j'en ai l'occasion, voilà.
« Je fais des choses qui me font du bien. »
C'est ce qui rapproche le plus de la vérité.
« Et quel genre de choses ? »
« Je peux pas te le dire. »
« Pourquoi ? »
« Parce que je ne peux pas tout te dire Chase ! »
« Entre tout et rien y'a quand même une sacrée différence !
« TU M'EMMERDES ! »
Chase me fixe en silence, il est blessé. Vraiment blessé visiblement...
« Chase... »
« Non, c'est bon ! Toi aussi tu m'emmerdes ! »
Il fait volte face et s'éloigne.
« Tu m'as dit que tu t'éloignerais pas... »
Je me souviens de ce jour il y a presque cinq ans de ça mais est-ce qu'il s'en souvient aussi ? Visiblement oui puisqu'il s'arrête juste après avoir ouvert la porte du bureau.
« Je sais, mais ce n'est pas moi qui m'éloigne Ty'... »
Sa voix tremble. La mienne aussi.
« Je suis désolé... »
« Ne sois pas désolé. » Il se retourne pour me regarder. « Redeviens toi-même. »
« Je suis moi-même... » Je réponds en haussant les épaules.
Ce moi, c'est un nouveau moi c'est vrai mais c'est bien moi et, il va bien falloir qu'il finisse par s'y faire parce que je ne changerai pas. Je fais ce que toute personnes avec du bon sens devrait faire : se défendre contre les mutants.
Je fais ce qui doit être fait.