« A l'approche des élections pour le futur sénateur de New York, comment vous sentez vous alors que les sondages ne vous sont pas très favorables ? » La voix de la présentatrice raisonnait dans la pièce puis suivit celle de l'interviewé « Rien n'est joué et heureusement que ma femme et mes filles sont là pour me soutenir » Un rictus se dessina sur le visage d'Evelyn Bolton, une de principales concernées par cette histoire. Son père voulait devenir sénateur après avoir été un des plus grands avocats de New York. Rien que ça. Et pour réussir sa campagne, quoi de mieux que de laisser croire que sa famille était tout pour lui, son pilier pour rester en place. Une jolie mascarade pour gagner des votes. Les Américains aiment les familles soudées et aimantes mais si seulement ils savaient. Toute famille a des conflits et quelque chose menaçait la paisibilité de la famille Bolton. Une chose qu'Evelyn avait pour but d'éliminer au plus vite. Et en parlant du loup, on en voit souvent la queue. L'intéressée passa le couloir et Evelyn la suivit du coin de l’œil. Le vilain petit canard n'allait pas s'en sortir comme ça, elle avait tout prévu. Elle ferma son ordinateur et sortit dans le couloir, interpellant Haiko « Et toi ? Tu te prends pour qui petite garce, un vrai membre de cette famille ? » Elle savait très bien que cela allait mettre la jeune fille en colère. N'importe qui l'aurait simplement giflée ou aurait répliqué mais Haiko n'était pas n'importe qui. Et un coup de poing bien placé ne manqua pas de tomber. Evelyn se tordit, souffrant vraiment du coup de la jeune fille. S'en suivit quelques autres coups puis elle dévala les escaliers, faisant un bruit sourd qui raisonna dans toute la maison. Evelyn avait vraiment mal, ce qui change entre la simulation et la manipulation. Car oui, tout avait été calculé. Du bas des escaliers, elle regarda Haiko, un léger rictus sur le coin des lèvres. Quand sa mère arriva pour demander des explications, la jeune fille la défia en susurrant le mot qui l'avait fait sortir de ses gongs, garce. A cet instant, Evelyn se rappela pourquoi elle aimait tant Central Park. Le spectacle de marionnettes. Elle avait voulu être marionnettiste, non pas pour donner du rêve aux enfants mais pour pouvoir manipuler la vie de chacun des personnages. En faire ce qu'elle en voulait. Mais plutôt que de se contenter de personnages en bois, elle s'était adonnée aux personnes réelles. Haiko n'avait été qu'une marionnette, un outil. Evelyn savait pertinemment que physiquement, elle n'avait aucune chance, elle n'était pas idiote. Haiko faisait du taekwondo, elle allait la réduire en pièce. Mais Haiko n'était qu'une arme, un outil qu'on peut utiliser à sa guise et c'est ce qu'Evelyn faisait, l'utiliser comme elle l'avait souhaité. Haiko n'avait eu aucune prise de décision, elle avait simplement agi, comme une arme qui tire sa salve de balles sous la pression de la gâchette du soldat. Evelyn était le soldat qui avait pris cette décision. Et tout était fini, avec un certain nombre d’ecchymoses mais Haiko fit sa valise et repartit d'où elle était venue, c'est à dire de nulle part.


Mais il y avait un prix à payer pour ça. Celui d'être détestée par une personne qu'Evelyn aimait sincèrement. Heather ne comprenait pas, elle ne voyait que ce qu'Evelyn voulait qu'elle voit, une fille glaçante, superficielle, manipulatrice. Une vraie coquille vide. Faire partir Haiko était une nécessité, pour toute la famille. Pour que leur père ne rate pas son élection, qu'elle puisse se concentrer que ce qui avait vraiment d'importance. En tant qu'aînée de la famille, elle devait endosser ce rôle, celui d'être la fille parfaite, que tout le monde veut être. Très jeune, elle comprit qu'elle devait être remarquée. Etre la fille pourrie gâtée, riche et jolie, à qui tout le monde veut ressembler. Briller, peut être à l'excès, pour qu'Heather puisse faire ce qu'elle veut. Dans la limite de l'acceptable pour Evelyn. Lui faisant bien comprendre qu'elle décidait tout de même ce qui était vraiment bien pour elle. Haiko n'était pas bien, ce garçon avec qui elle sortait au lycée n'était pas assez bien non plus. Par stratagème dissimulé, Evelyn parvenait toujours à sa fin. Pour être adulée, mieux vaut souvent paraître un peu stupide. Qu'elle devienne une douce et fragile jeune fille, tout faire en douce pour être insoupçonnable, jusqu'à ce qu'elle frappe. Et avec le temps, elle se persuada elle même que ce rôle était sa vraie nature. Qu'elle devait tout contrôler, tout manipuler pour qu'elle et sa sœur soient en sécurité. Mais cela lui coûtait Heather mais qu'importe, elle pouvait avoir la vie qu'elle voulait. Au sein de la CIA, elle ne pouvait qu'être bien. Elles ne voient plus que pour la campagne de leur père, quand la seule présence d'Evelyn n'est plus suffisante. A trente ans passés, Evelyn avait un peu espéré avoir plus de liberté. Elle avait tout fait pour être la fille parfaite. Hésitant entre le droit et le journalisme, elle préféra opter pour le seconde, ne pas trop suivre les traces de leur père. Et puis au final ses études ne servent pas des masses. Elle avait bien travaillé un moment pour un magazine mais elle se rendit vite compte que ce n'était pas forcément ce qu'on attendait d'elle. Les médias la cherchaient comme it girl quand elle était étudiante et maintenant qu'elle a passé la trentaine, on la voit comme une gold girl. Même si les jeunes filles de Manhattan ne font plus attention à elle - trop vieille pour les intéresser - c'est la femme d'affaire, celle qui veut le pouvoir, être toujours sous son meilleur jour qui suit les moindres faits et gestes d'Evelyn. Et ils ne sont pas les seuls...


La soirée battait son plein. Tous les invités avaient répondu présents et étaient tous arrivés à l'heure. Le champagne coulait à flot et les petits fours passaient dans toute la salle. Evelyn ne pouvait qu'être ravie, en tant qu'organisatrice de la soirée, c'était tout ce qui comptait. Suite au fiasco et à l'attaque des mutants, la jeune femme avait organisé une soirée de charité, invitant tous les gros bonnets de New York. Toute la fine fleur de la grosse pomme était réunie ce soir pour faire des dons et récolter le plus d'argent possible. Une soirée parfaitement philanthropique, pour une association dont Evelyn se fichait complètement. Mais en tant que fille du sénateur Bolton aux idées pro mutant, ça ne pouvait qu'être bon pour leur réputation et pour l'opinion publique. Mais avec tous ces événements, elle était beaucoup plus encline à supporter les Watchers, mais elle ne pouvait afficher son support et soutien financier régulier envers cette organisation quelque peu radicale. Aux yeux de tous, elle ne devait pas avoir une opinion différente que celle de son père, ça allait de soi. D'ailleurs en parlant du loup, son père s'approcha de sa fille d'un pas décidé, dès qu'elle avait terminé de discuter avec un charmant - et ennuyeux - couple. Il la prit par la hanche et l’entraîna dans la salle « Très belle réception ma chérie mais dis moi, où se trouve Julian ? » La belle invention de son père et de celui de Julian, rapprocher leurs deux enfants dans un arrangement mutuel et propice à leurs affaires, et uniquement à leurs affaires. Sachant qu'ils ne pouvaient rien faire, les deux enfants jouaient le jeu sans réellement s'y prêter. Ils faisaient comme s'ils tenaient l'un à l'autre. Souriant de manière un peu niaise, des oeillades pas toujours discrètes alors que dans la vraie vie, ils ne se voyaient quasiment jamais et faisaient en sorte d'être discrets pour que personne n'ait de doute. Comme une relation qui débute et qui ne veut pas trop médiatisée. Si seulement les gens savaient... « Merci papa. Il doit être quelque part, je suis assez occupée avec les invités. » Son père grommela. Une relation arrangée ne passera jamais bien dans l'opinion publique, ils devaient faire un effort pour qu'on y croit un minimum et qu'on continue à spéculer sur leur potentielle relation. « Et que crois tu que les gens vont penser en vous voyant chacun à un bout de la salle sans passer du temps ensemble ? » En passant, Evelyn sourit et salua quelques invités avant de continuer son chemin « Que je suis une hôtesse qui s'occupe de ses invités. » Un photographe les interrompit et ils prirent la pose pour paraître une famille soudée et heureuse « Ne joue pas à ça Evelyn » dit il en serrant un peu plus le bras de sa fille « Vous allez paraître sur les photos officielles comme le futur joli petit couple que vous êtes. » Le sénateur Bolton partit, laissant sa fille seule. Elle n'était toujours pas libre, elle était celle que certains enviaient mais si seulement ils savaient. Elle était enchaînée à cette vie, sans pouvoir choisir, pas même celui qu'elle aimait. Mais au moins sa sœur n'avait pas besoin de vivre cette mascarade, elle pouvait vivre sa vie, faire ce qu'elle voulait. Se pliant, aux exigences de son père, elle rejoint Julian, simulant un sourire heureux, mélangé avec un peu de timidité. Celui de la fille qui est attirée par un homme sans pouvoir vraiment dire. Un sourire plus franc pour les photos, quelques yeux doux et rires un peu trop enthousiastes. La soirée pouvait continuer comme elle avait commencé. Mais viendrait bien le jour où la marionnettiste ferait danser toutes ces personnes.