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 Aneesh ◈ lacking rhythm

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Sasha Crichton
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MessageSujet: Aneesh ◈ lacking rhythm    Aneesh ◈ lacking rhythm  Icon_minitimeMer 30 Sep - 2:03

lacking rhythm◈◈◈◈
Les yeux grands ouverts presque toute la nuit, il n’avait ni pu dormir, ni s’arrêter de penser et de réfléchir. Fixant le plafond de sa chambre, fixant ces murs qui n’étaient pas les siens, pas ceux de chez lui. Des murs d’inconnus et de questions, un plafond solidement bâti sur des histoires auxquelles il n’aurait jamais cru autrement. Il ne savait pas comment réagir à tout ça. À toutes ces choses qui l’entouraient, ces gens étranges, ces gens capables de choses terribles et terrifiantes. Tous des monstres, des phénomènes de foire ; tous comme lui. Il aurait dû se sentir à l’aise, il aurait dû se sentir réconforté de ne pas être seul ; il aurait pu et devrait se dire que ce n’était pas si grave que ça aurait pu être. Après tout, il avait eu la chance de ne pas mourir dans cette attaque, qui pour lui n’avait encore eue lieu que quelques mois plus tôt, alors que ça faisait quatre ans que c’était fini. Quatre ans qu’il n’avait plus revu Lucas, quatre ans de silence et d’inquiétude. On le lui avait dit, dès qu’il s’était réveillé, qu’il était parti. On le lui avait répété, parce qu’il refusait d’y croire, mais là encore ça sonnait faux. Ça ne pouvait pas être vrai, c’était une invention, un mensonge. Et le goût amer de cet inconnu dans lequel il avait lui-même accepté de vivre lui faisait horriblement mal, il ne savait pas comment s’y prendre, comment réagir face à tout ça ; ou comment même agir avec les autres gens comme lui, ces autres mutants. Il était perdu depuis qu’il était arrivé, et rien n’allait pour se glisser dans l’autre sens, il ne pensait pas qu’il finirait par un jour être à l’aise dans cet endroit gigantesque et trop bizarre pour lui. Tout le monde était son propre génie, chacun avait un don hors du commun et tous semblaient savoir presque s’en servir à la perfection, et lui, pauvre garçon, ne savait même pas contrôler les aspects les plus simples du sien. Il soupira en détournant le regard du plafond pour poser ses yeux lumineux sur ses camarades de chambrées, tous les trois endormis. Et se redressant, il posa le pied à sa droite, dans le vide. Flottant au-dessus de son lit, puis au-dessus du sol de leur chambre, il redescendit contre le sol et ses yeux s’éteignirent lorsque ses talons se posèrent. Enfilant des vêtements par-dessus ses sous-vêtements et mettant ses chaussures pour quitter la pièce silencieusement.

Il n’avait pas remarqué avant de l’apercevoir du coin de l’œil au travers d’une fenêtre qu’entre le début et la fin de sa longue réflexion nocturne, le soleil avait commencé à se lever ; et prétextant dans ses pensées que c’était une excuse suffisante pour sortir et vagabonder un peu dans les alentours, il descendit les étages qui le séparait de l’extérieur du manoir et laissa un court instant la brise froide lui caresser sa nuque découverte, les mains serrées dans les poches de son pantalon, ça et un pull gris comme seules protections contre le froid matinal, il n’en avait pourtant pas l’air gêné, presque comme s’il n’avait pas froid, ou pas si froid que ça en tout cas. Quoique ce fut, il s’en fichait largement et n’avait pas la tête à penser à la météo du jour de toute façon. Ses yeux vagabondèrent sur l’environnement autour de lui, il y avait des gens déjà levés qui faisaient leur jogging matinal autour du manoir, tandis que d’autre profitaient du lever du soleil pour jouer les romantiques et ces derniers avaient bien de la chance, ce genre de chose pleine de romantisme étaient désormais de l’histoire ancienne et oubliable pour Axel, il n’y aurait plus jamais le droit maintenant. Maintenant que c’était fini. Maintenant que ça lui avait été retiré à tout jamais. Ses yeux quittèrent les plus matinaux, et il posa son regard vers le terrain de basket désertique et glacé de silence. Axel n’était pas un garçon sportif, il détestait faire des efforts pour beaucoup de choses qui n’étaient pas du sport d’ailleurs, et s’approchant du terrain tout de même, il avait une autre idée en tête que de lancer un ballon dans le panier. Récemment, il avait décidé que ce serait une bonne idée d’apprendre à mieux contrôler son don de lévitation. Même si à proprement parlé ça n’en était pas vraiment, il appelait ça comme ça. Et c’était bien loin d’être la première fois qu’il avait cette idée. L’un des paniers était marqué sur toute sa longueur d’éraflures fines, à peu près toutes à la même hauteur. Axel n’avait pas encore réussi à grimper plus haut de moins d’un mètre au-dessus du sol. Au final, s’il fallait définir ce qu’il faisait, c’était un peu comme un entraînement de pole dance, et c’était sans doute pour ça qu’il n’aimait pas le faire lorsque des gens étaient aux alentours. Il ne se mettait pas à flotter en face de la barre en métal, mais s’y accrochait bien pour laisser tout son corps se soulever contre l’air et grimpait en tirant sur ses bras, jusqu’à ce que ses atomes ne reprennent leur masse habituelle.

Serrant les poings qu’il avait sorti de ses poches, Axel regardait autour de lui, gêné par l’exercice qu’il s’imposait lui-même depuis qu’il avait commencé à s’entraîner avec un professeur à la réputation terrifiante. Qui au final s’était montré assez sympathique avec lui, il n’y avait pas beaucoup pensé au départ, mais à force qu’on lui répète à quel point ce monsieur Doe était peu regardant sur les états d’âmes des élèves sous sa tutelle, Axel commença à se poser des questions, mais pour l’heure, il avait autre chose en tête, réussir à grimper plus haut que les autres fois. Tendant un bras pour frôler la barre, il prit une grande inspiration en la serrant de sa main et en posant l’autre ensuite. Fermant les yeux et se concentrant sur lui-même comme il le faisait à chaque fois ; il avait appris depuis qu’il savait le faire à avoir un moyen spécifique, un déclencheur mental, pour se mettre à léviter. Les premières fois, ça n’avait pas marché et il n’avait jamais réussi à faire quoi que ce soit, mais à force, et surtout maintenant qu’il ne faisait qu’un avec son don, une simple pensée dirigée sur ce déclencheur et il se soulevait du sol. Parfois même sans y penser, instinctivement et sans le contrôler, ayant parfois bien du mal à redescendre parce que ses émotions rendaient le contrôle du Pouvoir plus difficile. Mais cette fois, il était concentré, les yeux fermés, on devinait tout de même la lueur qui brillait dans ses iris au travers de ses paupières, et alors qu’il gardait les bras tendus en face de lui, ses jambes commencèrent à se soulever lentement du sol, pour s’aligner perpendiculairement à la barre du panier. Doucement, sereinement et paisiblement, le reste de son corps tout entier commença à s’étendre dans le vide et à flotter immobile, suspendu dans le vide comme maintenu par une surface invisible. Prenant une autre inspiration, Axel commença à s’aider de ses mains pour escalader l’air et atteindre la dernière marque qu’il avait faite sur la barre de métal. Ses mains se détachant lentement de la barre, pour seul contact avec que le bout des doigts de chaque main. Il était arrivé à la même hauteur que la dernière fois, il l’avait senti sur son index, et ouvrant les yeux, il observa le sol distant en dessous de lui, un sourire fin sur les lèvres ; toujours émerveillé par son don et par la forme qu’il prenait. Pas de grandes émanations de lumière, pas de particules projetées dans tous les sens, juste une très fine lueur orange et or de ses yeux et survolant chaque parcelle de son corps, comme une fine couche transparente.

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Il avait tué le sommeil.

C'était une pensée étrange, mais drôle. Il avait tué le sommeil des milliers de fois dans ses pensées. Il avait tué la mort, aussi, et toutes ces choses maudites. Il avait tué le sommeil, la mort et le chagrin; la tristesse, le temps qui passe et l'impression de vide; l'infini, l'éternel et le néant. Si on lui avait donné les armes, Aneesh aurait tout tué et tout détruit, se serait-il écouté; il n'y avait rien, en ce bas-monde, qui l'énervait plus que la vie, la vie, la vie à laquelle il était désespérément lié, la vie qui, comme une amante jalouse s'accrochait à lui jusque dans la mort son ennemie — oh dieux, maintenant il se mettait à écrire de la philosophie ou de la poésie si tôt le matin, la X-Mansion avait vraiment une mauvaise influence sur lui.

Toujours était-il qu'Aneesh avait tué le sommeil, et qu'il se retrouvait à vadrouiller dans l'Institut dans le silence de la nuit, ses pas légers sur le plancher nu, l'impression de violer l'endroit et le sommeil tranquille de tous ces gens: il les entendait respirer derrière les portes, soupirer et s'agiter dans leurs sommeils, si humains et si mortels et si parfaits dans leur finitude; oh. Aneesh n'aimait pas les enfants, il ne les aimait plus; il y avait une qualité plein de vie chez eux, si loin de la mort qu'elle était douloureuse car à la fin? À la fin ils mourraient, comme ils le faisaient tous, les mortels n'étaient bons qu'à ça.

Un peu à contre-coeur, Aneesh s'était séparé de son adoré peignoir Hulk pour espérer garder le respect de ses élèves s'ils le surprenaient un jour en tenue de nuit; c'est à la place vêtu d'un col roulé noir passé sur son torse nu, et d'un short sur le caleçon avec lequel il dormait qu'il sortit de l'Institut le plus silencieusement possible, ses chaussures de sport à la main. Il n'avait même pas l'envie particulière de courir ou de se défouler ou quoique ce soit: il voulait simplement... il ne savait pas trop. Il voulait simplement quelque chose, et ce n'était pas en tournant et virant dans son lit pendant des heures, tuant la mort et la vie, regrettant des faits passés et oubliés, qu'il allait l'avoir. Alors il s'était levé, habillé, préparé. La course jusqu'à l'aube lui semblait interminable; il n'avait pas à l'attendre, il allait lui courir après. Et il dormirait la journée, épuisé, les muscles en compote; oui, c'était un bon plan. Aller au-delà de ses limites était un exercice qu'il aimait. Il espérait toujours, quand enfin il se laissait tomber sur son lit après une bonne séance de sport bien épuisante, ne pas se réveiller. Cette semaine, en classe, un gamin s'était levé pour intervenir pendant qu'il faisait son cours: Mais qu'est-ce que le désir? Nous pensons en avoir plusieurs mais à la vérité, nous n'en avons qu'un. Lequel? — Vivre, avait dit une autre élève. — Vivre éternellement, avait dit le gamin et Aneesh le revoyait: ses yeux sombres un peu arrogants, sa mèche de cheveux blonds d'enfant, son sourire un peu ironique car il savait, il savait la condition de son professeur.

Le froid mordant du début de janvier lui brûla la peau. Ses respirations allaient et venaient en petits nuages blancs de condensation devant son visage, et il avait l'impression d'évoluer dans le brouillard ou presque. Aneesh ne put s'empêcher de penser qu'il aurait peut-être mieux valu rester dans le secret et le calme et le chaud de sa chambre; et puis la pensée d'attendre la journée pendant des heures s'imposa à lui, une grimace se forma sur son visage, il enfila ses chaussures, et se mit à courir. Il n'y avait rien d'artistique à cette course, ni rien d'intelligent: il se donnait à coeur ouvert et décrépi, sans réfléchir à l'après: il n'y avait que l'instant, le présent, le moment, qui comptait. Il allait trop vite, trop tôt; ses muscles lui faisaient mal; une crampe lui paralysa la jambe au bout d'un petit kilomètre; mais il continua de marcher; et se remit à courir; il ne s'arrêtait pas, jamais, il n'avait pas le droit: c'était sa malédiction. Il ne savait pas très bien où il se trouvait, maintenant; il ne distinguait plus la X-Mansion autour de lui mais il savait qu'il n'avait qu'à aller vers le sud pour la retrouver. Au bout de l'horizon, juste à portée de main, le soleil commençait sa course dans le ciel, se faisant timide, ne laissant que le rose et le orange se mêler aux cyans et aux bleu clair du début de journée. Il serait là dans quelques dizaines minutes.

Aneesh reprit le chemin du manoir, ses muscles hurlant de fatigue mais en ayant l'impression de n'avoir rien accompli, ni aujourd'hui ni hier ni demain.

Le soleil était quelques centimètres au-dessus de la ligne de l'horizon quand il arriva sur les terrains de Charles Xavier. Il s'était permis de marcher dynamiquement sur la fin, impatient de retrouver sa douche et son lit, observant autour de lui les autres joggeurs et les rares romantiques insensibles au froid s'allonger l'un sur l'autre pour regarder la course interminable d'Hélios; oh, pensa-t-il en voyant un couple se chuchoter des messes basses à l'oreille, les doigts entremêlés. Oh.

Il suait à grosses gouttes, respirait et soupirait comme un buffle, saluant d'un petit sourire à bout de souffle les élèves qu'il avait lorsqu'ils le reconnaissaient; mais sans un mot, ses poumons le brûlaient trop. Allez, plus que quelques centaines de mètres et il y était: la porte de la X-Mansion l'attirait comme un aimant et il n'existait rien d'autre sur la Terre que cette porte et ces couloirs et ces deux étages, et sa chambre, et son lit.

Il y avait quelqu'un sur le terrain de basket et il aurait pu le reconnaitre entre mille: c'était Axel Howell. Il flottait... d'une manière très étrange et certainement pas pratique, il flottait au-dessus du vide, parallèle au sol, comme une énorme étoile de mer en apesanteur. C'était une vision étrange mais amusante, et une pensée plus drôle encore. Après une hésitation, Aneesh s'approcha lentement de lui, mû d'un instinct... protecteur, oui, disons-le. Le gamin était trop jeune pour avoir combattu autant, pour avoir ressenti autant. Il avait dans ses yeux une fêlure qui, Aneesh le savait d'expérience, ne se réparerait pas par le temps. Il était derrière lui, il ne le voyait certainement pas, mais Aneesh n'osait rien dire, de peur de le déconcentrer et qu'il tombe tête la première sur le sol. Il restait là, à l'observer, attendant qu'il retrouve docilement et délicatement l'usage de ses pieds... jusqu'à respirer de travers, et de mettre à tousser quand l'air glacial s'infiltra dans ses poumons douloureux, incapable de s'arrêter pendant trois bonnes minutes, plié en deux sur ses genoux.

Pour un peu plus, il aurait presque eu peur de mourir, là, tout de suite, d'asphyxie; l'air ne voulait plus, ne voulait plus, ne voulait plus. Oh, peut-être qu'il allait mourir finalement et, sous les yeux de son élève, revivre; rien de tel pour construire des liens avec un gamin. Il tousse et il tousse et il crache ses poumons et lorsqu'il se redresse, encore plus fatigué qu'avant, Axel se tient devant lui, oeil sombre et imposant malgré tout. Aneesh se redresse lentement, dépliant sa silhouette pour copier la sienne; mais même là le gamin est légèrement plus grand que lui. Merde. Il ne sait pas exactement si Axel est tombé douloureusement ou non, ou s'il s'est calmement posé sur ses pieds; il aurait bien voulu le voir mais.. “ Dé-- ” commence-t-il, mais même ça il est incapable de le dire à l'élève envers lequel il est le plus... humain, peut-être, est le mot. “ Impressionnant, tout ça, Axel, ” dit-il finalement d'une petite voix cassée par le manque d'air et la toux, pour garder contenance. “ Tu peux me montrer à nouveau? J'ignorais que tu savais faire ça, ” marmonne-t-il, toujours un peu faible, une brise venant le faire frissonner et regretter de jamais être sorti.


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Axel respirait faiblement, le souffle presque retenu parce qu’il consacrait tout son corps à son exercice, il voulait grimper, il voulait dépasser sa propre limite. Toujours plus haut et toujours meilleur que les autres fois. Il était déterminé à se dépasser, et aussi à se dépenser. Ses yeux lumineux dirigés vers le sol sous lui, il sentait l’air glacé lui caresser le sommet du crâne et les parties découvertes de ses bras. Frissonnant un peu en redressant la tête pour observer la marque qu’il avait faite dans la barre du panier, il se rapprocha d’elle et serra le métal dans sa main gauche, pour approcher ensuite l’autre bras et essayer de grimper un peu plus. Mais alors qu’il forçait sur ses muscles pour essayer de se soulever un peu plus haut. C’était comme s’il ne pouvait pas, comme s’il y avait quelque chose en lui qui refusait d’aller plus haut. Comme si sa lévitation ne pouvait pas se tirer plus haut que ça. Et arraché à sa concentration par le bruit de la violente toux qui frappa quelqu’un qu’il ne voyait pas. Il avait sursauté mais n’était pas tombé, même s’il était descendu de quelques centimètres en voyant son attention prise par autre chose. Tournant la tête pour voir le fautif qu’il était prêt et sur le point d’insulter il ravala ses mots et reposa sa langue en devinant son professeur de philosophie, celui-là même qui l’entrainait à mieux user de ses pouvoirs et à les perfectionner de la même façon. Il s’étouffait et toussait bruyamment, redescendant lentement au sol avec lenteur, son corps se repositionnant lentement en position perpendiculaire au sol, il posa finalement les pieds dans un silence complet, alors que la lueur dans ses yeux s’estompait et qu’il approchait un peu de lui, les sourcils froncés d’inquiétude parce qu’il ne semblait pas vraiment sur le point de s’arrêter de tousser autant et si fort.

Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire, à le regarder s’étouffer dans ses quintes de toux, plié sur ses genoux, il restait silencieux, la bouche entrouverte en silence, à le regarder d’un air toujours inquiet, jusqu’à ce que ça se ralentisse, s’approchant un peu plus pour voir s’il allait vraiment mieux. Il attendit que sa toux se calme complètement avant de vouloir parler, lui parler, mais il fut interrompu par son début de phrase, puis par son silence, et sa reprise d’une voix cassée et désagréable à l’oreille, à cause de sa toux t de ce qui avait l’air d’être une asphyxie. Il le complimenta de cette voix sur son exercice, qu’il avait donc vu, ce qui ne plaisait pas au mutant. Il détestait qu’on le voie essayer de contrôler ce truc, il détestait la sensation d’avoir les yeux plus experts d’un autre collés sur lui. C’était la plus horrible de toutes les sensations, comme s’il était jugé par les autres, comme s’ils lisaient en lui, comme s’ils voyaient à quel point il construisait un mur gigantesque autour de lui pour ne plus qu’on puisse voir en son cœur et pour qu’il ne puisse plus non plus s’attacher à qui que ce soit. Il avait changé depuis les Chitauri, il avait grandi, mûrit. Et surtout, il s’était endurci et refermé sur lui-même. Les autres n’avaient plus leur place à ses côtés, ils n’allaient plus être que distants, et n’auraient plus rien à faire dans son intimité, dans ses cercles d’amis. Il n’en avait d’ailleurs plus, seulement des connaissances qu’il appréciait plus ou moins, des gens qu’il supportait plus que d’autres, et certaines personnes qu’il ne faisait que côtoyer. D’autres encore n’entraient dans aucune de ces sphères-là, non seulement parce qu’ils n’avaient pas leur place, mais aussi parce qu’il ne comprenait pas leurs intentions. Et ce professeur, lui, ne rejoignait aucune de ces sphères. Il était là. Quelque part, mais pas dans ces positions-là. Presque ailleurs parce qu’il était unique en son genre. Il le regardait reprendre la parole pour lui marmonner dans un frisson causé par la brise.

Il n’en avait pas envie. Il détestait devoir faire ça sous les demandes des autres, il détestait devoir montrer ce qu’il savait faire. Il avait l’horrible impression de se transformer en phénomène de foire chaque fois que quelqu’un d’autre le regardait exercer ses dons, mais ça n’était pas la première fois qu’il le lui demandait, et pourtant, ça restait désagréable comme question. Mais il n’allait pas refuser, il se connaissait et il le connaissait, il savait que s’il refusait, Aneesh insisterait. Et il se serait sentit mal de refuser de toute façon. Alors serrant la mâchoire et reculant pour retourner à côté de la barre en métal du panier de basket, il la montra du doigt à son professeur. « Ça fait un moment que j’m’entraîne à mieux léviter. marmonnait-il en passant sa main sur les marques qu’il avait faites. Au départ j’pouvais quasiment ne pas dépasser l’sol. Quand j’suis arrivé ici j’pouvais aller à genre, une dizaine de centimètres au d’ssus. Et à force j’ai réussi à grimper jusque-là. » Il y avait un certain manque de volonté dans sa voix, c’était très clair. Mais tout de même, malgré le froid qui commençait un peu à le gêner, Axel posa sa main contre la barre de métal et ferma les yeux, pour se concentrer, pour réussir à faire abstraction de la présence du professeur qui le regardait faire, pour oublier ce qu’il avait entendu à son sujet, et pour réussir aussi à faire le vide dans son esprit. Mais encore fallait-il qu’il y arrive. Et pendant de longues insupportables secondes, il était là, à garder les yeux fermés, à tenir la barre de métal et à inspirer et expirer lentement. Ses yeux brillaient sous ses paupières closes, mais ça semblait être tout. Il n’y avait rien qui se produisait, il ne se soulevait pas et restait sur le sol. Soupirant en sentant qu’il ne se passait rien, il lâcha le morceau de métal et se retourna vers Aneesh. « J’y arrive plus. grommelait-il nonchalamment, en le regardant. J’peux pas l’faire si on m’regarde. » se cherchait-il comme excuse en croisant les bras.

Et puis il fallait bien qu’il continue de meubler une excuse pour ne pas avoir à se forcer à user de ses pouvoirs devant lui, même si c’était idiot et qu’il savait qu’il s’en voudrait de ne pas le faire, il continua quand même. « Et puis d’ailleurs… commença-t-il en le regardant, Qu’est-ce que vous foutez là ? J’veux dire, à m’regarder. C’est pas un comportement d’prof, ça » Terminait-il volontairement insolent dans son ton. Les yeux d’Axel brillaient encore de la lueur dorée, parce qu’il avait encore en tête de recommencer son exercice, mais pas devant lui, non, certainement pas sous son regard. C’était trop gênant, trop stressant. Bien trop de pression et d’angoisse à l’idée d’avoir l’air stupide et ridicule. Il n’aimait pas qu’on puisse juger de ses performances quand il n’avait pas été d’accord au départ. S’il s’était agi d’un de ses entraînements ordinaires avec lui, peut-être aurait-il sans doute été moins réticent, mais là il était trop tôt, il faisait trop froid et il avait beaucoup trop envie d’être seul ; sans personne pour l’arracher à ses pensées, ses souvenirs et ses réflexions.

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L'air va et vient dans sa gorge, dans ses poumons, dans son torse, glacial, terrible. Ça fait atrocement mal, comme des griffes faites de glace qui se fichaient dans ses nerfs, sous sa peau, sur ses muscles; Aneesh a envie de s'arracher la gorge à coup d'ongles. Il regrette environ les cent dernières décisions qu'il a pris depuis qu'il s'est réveillé et n'a qu'une envie: retourner dans sa chambre, prendre une douche chaude et comater dans son lit toute la journée avec une tasse de thé et un bon livre; mais pourtant, il reste là, son regard sombre braqué sur le jeune homme, quelque chose comme de l'amusement ou de l'affection dansant dans ses yeux noir charbon. Il y a quelque chose qui lui plait chez Axel, c'est plutôt évident. Il y a des fantômes dans ses yeux, encore, toujours, quand il le regarde; il lui rappelle... « Ça fait un moment que j’m’entraîne à mieux léviter. Les yeux d'Aneesh, perdus dans le vague, se plantent dans les prunelles trop bleues du jeune homme. Au départ j’pouvais quasiment ne pas dépasser l’sol. Quand j’suis arrivé ici j’pouvais aller à genre, une dizaine de centimètres au d’ssus. Et à force j’ai réussi à grimper jusque-là. » Aneesh s'approche, machinalement, pour observer les traces que le gamin a laissé en lévitant; il les compte machinalement. “ C'est très bien que tu fasses cela, ” dit-il après une hésitation, avec un calme pas du tout caractériel.

Quand Axel ferme les yeux et que son professeur devine derrière ses paupières la lueur de son pouvoir, il se recule respectueusement pour l'observer faire. Il recommence son manège, posant ses mains sur la barre de métal et semblant se concentrer; il voit comment ses muscles se tendent, comment son visage se ferme et l'observe sans mot dire, les bras croisés sur sa poitrine qui se soulève toujours difficilement, le froid s'infiltrant plus profondément encore dans ses os. Mais rien ne se passe. Pas d'envolée spectactulaire, de lévitation exemplaire, de vol plané incontrôlable; Axel reste là à inspirer et expirer profondément, ses deux yeux toujours illuminés, ses mains sur la barre, mais rien ne se passe. « J’y arrive plus. J’peux pas l’faire si on m’regarde, » dit-il, vaguement bougon, en rouvrant les yeux et en les braquant vers son professeur qui arque un sourcil. Alors essaie encore, a-t-il envie de lui dire. Essaie jusqu'à y arriver. Que se passera-t-il le jour où tu voudras voler pour sauver quelqu'un? Tu lui diras que tu ne peux pas car tu es trop pudique? L'agacement se bat avec la colère sur le visage de l'immortel; avant qu'il ne ravale ses émotions pour darder son élève d'un regard calme et presque sage. Voire condescendant. Il semble vaguement déçu et vexé.

« Et puis d’ailleurs… Qu’est-ce que vous foutez là ? J’veux dire, à m’regarder. C’est pas un comportement d’prof, ça » Ses yeux brillent toujours, remarque son professeur. Ses yeux brillent toujours et sur ça, Aneesh sait qu'Axel a le contrôle. Il doit vouloir continuer son entraînement... seul. Quel est cet éclat qui tord l'estomac d'Aneesh? De la frustration ou juste de la vexation? Il remarque, distrait, qu'Axel est insolent. Il sent quelque chose sous sa voix, néanmoins; de la nervosité ou de la honte, il ne saurait dire. Peut-être un peu des deux. Mais là n'est pas sa place, alors Aneesh ferme les yeux et ouvre les mains, présente ses paumes à son élève, en baissant la tête, l'air d'abandonner. “ Je suis désolé (le mot lui brûle la langue) si je t'ai dérangé, Axel. Je ne voulais pas... ” Il se mord la langue. Ses émotions, sur son visage, changent; on dirait qu'il ne sait pas quoi ressentir; ou juste pas quoi dire. Finalement, c'est un mur de glace qu'il a à la place de ses traits; quelque chose d'un peu dur et d'indéchiffrable, une expression qu'il travaille depuis des années. Il recule d'un pas, les paumes toujours en évidence. “ Je n'aurais pas dû te déranger, Axel. Tu sais où me trouver si tu as besoin d'aide... et tu sais aussi que tu peux me faire confiance. Je ne veux que t'aider. ... à t'améliorer? Non. L'aider à tout, peut-être. Il ressent une affection déplacée pour son élève (à vrai dire, juste un attachement manifeste; mais toute affection est déplacée dans les yeux d'Aneesh); il ne devrait pas il ne devrait pas il ne devrait pas. Il se mord à nouveau la langue, avale la dernière remarque qu'il veut lui asséner, et finit par branler du chef en enfonçant ses mains tremblantes de froid dans ses poches. “ Je te verrai en classe, ” lâche-t-il du bout des lèvres en se détournant.

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