Le Sanctum Sanctorum avait toujours été un lieu calme et reposant, toujours silencieux, empli de mystères et d'étrangetés. Si cela avait fasciné Clea pendant de longs mois, l'atmosphère sereine lui était vite devenue accablante, oppressante. Stephen parlait peu, il semblait s'enivrer du silence omniprésent, la jeune femme se demandait même si ce dernier n'avait pas oublié sa présence. Peu importait au final, elle faisait ce qu'elle voulait. Elle n'avait aucune règle à suivre, elle n'avait plus de règles à suivre. Mais les tristes habitudes ne se perdaient pas aussi aisément et Clea avait tendance à se refermer sur elle-même, s'emprisonnant ainsi dans un palais morne et glacial, oubliant qu'elle n'avait plus à se soucier de son avenir.

Clea avait passé la matinée allongée sur l'immense lit de la chambre que le Docteur Strange lui avait attribué, elle n'avait pas bougé, elle restait là à contempler le plafond, s'amusant à faire léviter ce qui se trouvait autour d'elle. Les objets défiaient les lois de la gravité, tournoyaient dans la pièce, allaient, venaient et allaient parfois se fracasser contre les murs. La magie était un art, peu nombreux étaient ceux qui la maîtrisaient à la perfection. Ce n'était pas le cas de Clea. Pas encore, du moins. La jeune femme était ambitieuse et avait de nombreuses choses à accomplir. Elle devait récupérer ce qui lui appartenait, l'une des choses ayant le plus de valeur à ses yeux. Son royaume. Sa dimension. Elle se demandait parfois si elle ferait une bonne souveraine, il lui arrivait de douter d'elle, mais dès lors qu'elle se souvenait de ce que la Dimension Sombre, elle se disait qu'elle ne serait pas seulement une bonne souveraine, elle serait sans doute la meilleure que ce malheureux endroit ait connu. Les temps avaient toujours été durs.

Quelqu'un frappa à la porte. Ses songes furent interrompus. « Maîtresse Clea, nous recevons de la visite aujourd'hui, je pense que vous feriez mieux de vous préparer, vous n'allez pas vous terrer dans cette chambre éternellement, non ? » elle reconnut la voix amicale de Wong. La jeune femme l'appréciait énormément, il était toujours à l'écoute et donnait toujours de bons conseils. « Wong, je t'en prie, appelle-moi simplement Clea » dit-elle. Il n'était pas son serviteur, il était son ami, un ami de grande valeur. À vrai dire, elle était presque sûre que Wong en savait plus sur elle que Stephen, elle lui avait souvent confié ses craintes, ses secrets et l'avait toujours rassurée. Avec le Docteur Strange, c'était différent, elle tâchait de se montrer forte, de garder la tête droite et de jamais, au grand jamais, montrer le moindre signe de fatigue ou de faiblesse. Et les Vishanti seuls savaient à quel point elle était exténuée. Elle se demandait souvent s'il savait à quel point elle lui mentait, s'il savait à quel point elle manquait de confiance en elle. Clea était très paradoxale : elle était à la fois sûre d'elle, elle connaissait sa valeur, mais elle était terrifiée, elle ne se sentait à la hauteur. Wong l'avait écoutée et lui avait simplement dit d'écouter son coeur.

Clea se leva et alla finalement ouvrir la porte. « Alors, qui recevons-nous aujourd'hui ? » demanda-t-elle. Son ton, à sa grande surprise, sembla enjoué. Un peu de visite ne lui ferait aucun mal après tout et les connaissances de Stephen étaient souvent très passionnantes, il semblait s'entourer de personnes toutes plus fascinantes les unes que les autres et la jeune femme adorait ça. Elle aimait les autres, aussi étrange que cela paraissait. « Monsieur Anthony Stark, ex-PDG de Stark Industries » dit-il très formellement. « Oh, nous recevons quelqu'un de très important aujourd'hui, dois-je me mettre sur mon 31 ? » s'enquit-elle avec amusement. Wong émit un léger rire et leva les yeux au ciel. Il partit alors en direction du salon.

La jeune femme était déjà prête, elle se contenta s'enfiler quelque chose de plus sobre avant de se diriger lentement vers le salon. Monsieur Stark ne devrait pas tarder.

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“ Tony... — Je te jure que ce sera une super opportunité. Stephen est un homme très talentueux qui m'a aidé à de nombreuses reprises dans beaucoup de domaines... de plus, il sera fasciné par toi. Tu ne veux pas de ça? ” Je regarde Tony sans rien dire. Il y a cette petite lueur dans son regard, ce petit truc de savant fou. Apparemment, ça inquiète beaucoup les gens... moi ça me rassure. C'est ça le vrai Tony. Le Tony qui est comme un gamin passionné qui s'enflamme et qui aime et qui fait des étincelles avec les yeux. “ J'irai si tu le désires. ” Je ferai tout ce qu'il veut. Je fais tout ce qu'il veut. Si une autre IA existait, elle me dirait sûrement que je suis le bon chienchien des humains, que je suis à la botte de Stark... mais personne ne peut comprendre ce que je ressens pour lui. Ce n'est pas de l'amour. Au même titre que la peur ou la colère, je ne peux pas ressentir de l'amour. C'est plus fort que tout ceci, plus fort que ce que les humains peuvent comprendre. Les codes de Tony courent dans mes veines (une expression populaire, pour dire qu'ils font partie de moi). Quand je dis cette simple petite phrase, avec une ferveur mécanique, il y a une nouvelle qualité à son regard. Il a l'air de penser à quelque chose de contrariant mais quand je m'attelle à déchiffrer son expression, il sourit et détourne la tête. Je sais que je ne suis pas très bon à décrypter les émotions, mais je m'améliore. Je sais que Tony ressentait quelque chose comme... de l'amertume, peut-être? Le pli sévère de sa bouche laisse penser ça. Toutefois, c'est avec une voix égale qu'il reprend: “ Bien, très bien. ”

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Je porte un costume (sans cravate, bien heureusement) et lui-même a fait un effort de présentation. Nous sommes introduits dans la maison (Sanctum Sanctorum, m'a dit Tony, holy of holies, le saint des saints) par un homme asiatique au léger sourire amical qui s'incline légèrement devant nous quand il ouvre la porte. “ Monsieur Stark, monsieur Shade. — Victor, je te présente Wong. Il assiste Stephen en toutes affaires. ” Je m'incline devant le dénommé Wong. “ Nín hǎo, monsieur Wong. ” L'homme a l'air plutôt surpris de ma voix un peu hachurée robotique, et de mon accent plus qu'acceptable. Il s'efface pour nous laisser rentrer en parlant avec Tony. Moi, je reste en retrait en regardant la maison, le saint des saints, qui est au final une maison plutôt ordinaire du Greenwich Village. Enfin non. C'est très majestueux. Très imposant. Très beau, j'imagine.

Monsieur Wong nous introduit ensuite dans le salon, où se trouvent une femme très élégante aux cheveux très clairs, et un homme très imposant aux cheveux très sombres. Ils ne se ressemblent pas beaucoup, mais ils me font penser à des jumeaux de film d'horreur, l'une lumineuse et l'autre tout en noirceur, deux ombres collées l'une à l'autre. Debout comme ça, à les regarder, ils sont placés dans le décor comme un tableau à l'huile.

Tony salue chaleureusement le docteur Strange et ils se mettent aussitôt à parler très vite, très fort, et même moi j'ai du mal à suivre. Ils ont l'air de bien se connaître, et même si Tony m'a dit plus tôt qu'il avait quelques réserves quant à son ami, il a l'air plutôt content de le voir. Je m'approche quant à moi de la jeune femme, dont j'ignorais l'existence jusqu'alors. “ Mademoiselle, je suis enchanté de faire votre connaissance, vous êtes très charmante, mon nom est Vi--Victor, ” je dis en lui tendant la main, très cérémonieux. Tony se tourne vers moi à ce moment là. “ Victor, il faut que l'on parle de quelques petites choses avant que je ne t'abandonne aux mains de Stephen (la blague le fait sourire) (le Docteur fronce les sourcils) (la blague c'est parce que le Docteur a perdu l'usage de ses mains avant de devenir magicien) (si ça fait du sens). Ne bois pas trop et n'abuse pas de l'hospitalité de monsieur, d'accord? ” Et puis il rit légèrement et l'instant d'après, je suis seul avec la jeune femme qui n'a pas eu l'occasion de me répondre et de se présenter.

Je reste donc là à la regarder, au centre de la pièce.

“ Vos cheveux, c'est une couleur naturelle? ” est tout ce que je parviens à dire.

Spoiler:

Cesse donc de t'agiter de cette manière, se répétait-elle sans cesse. Tout va bien se passer, tu verras ... Clea prit une profonde inspiration dans l'unique but de calmer son anxiété naissante. À chaque fois que le Sanctum Sanctorum recevait des visiteurs, c'était la même histoire, du moins, pour la jeune femme, le maître des lieux, lui, semblait apprécier pleinement la situation. La sorcière était mi-excitée, mi-terrifiée à l'idée de faire de nouvelle rencontres et le fait qu'ils accueillaient aujourd'hui Anthony Stark - ancien PDG de Stark Industries, membre des Avengers, Iron Man, génie, et cætera - la plongeait dans un état d'angoisse encore plus profond. Elle lança un regard désespéré à Stephen Strange qui lui murmura quelques mots rassurants à l'oreille avant de poser affectueusement sa main sur son épaule. Il savait très bien que Clea n'était pas habituée à voir du monde, après tout, elle avait passé la plus grande partie de sa vie seule, tenue à l'écart de tout au fin fond d'une dimension presque aussi accueillante que celle de Méphisto.

Un bruit se fit entendre et la sorcière vit Wong se diriger vers la porte d'entrée. Machinalement, elle attrapa la main de l'ex-neurochirugien, elle avait cruellement besoin d'être rassurée, à vrai dire, elle ne cherchait même plus à le cacher. « Tu n'as pas à t'inquiéter Clea, tout se passera bien, Tony ne t'importunera pas. » dit-il calmement. À vrai dire, là n'était guère ce qu'elle craignait réellement, elle savait très bien que personne n'oserait s'en prendre à elle tant qu'elle serait sous la protection du Sorcier Suprême. Puis elle était pleinement capable de se défendre elle même, elle était une battante. Tout se passerait bien. Elle inspira profondément, une fois encore. L'invité - ou plutôt les - invités étaient là.

Clea se sentit épiée. Elle détailla rapidement Anthony Stark : cheveux sombres, yeux bruns, bouc, il aurait presque pu ressembler à Stephen. Les deux hommes se saluèrent et commencèrent à bavarder, comme de vieux amis se retrouvant après de longues années. Clea se mit alors à regarder l'autre invité : il avait les cheveux et les yeux plus clairs et il quelque chose semblait différent chez lui, mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. « Mademoiselle, je suis enchanté de faire votre connaissance, vous êtes très charmante, mon nom est Vi--Victor. »  dit-il avec une voix étrange, presque inhumaine. Victor. Voilà un prénom qui ne lui rappelait pas de très bon souvenirs. Elle frémit doucement et il lui tendit la main. La jeune femme le regarda étrangement pendant quelques secondes avant de se souvenir qu'il était dans les coutumes humaines de se serrer la main, c'est ainsi qu'on se saluait sur Terre. Alors elle accepta la poignée de main et se présenta à son tour. « Je me prénomme Clea, bienvenue à vous. » souffla-t-elle

« Victor, il faut que l'on parle de quelques petites choses avant que je ne t'abandonne aux mains de Stephen. Ne bois pas trop et n'abuse pas de l'hospitalité de monsieur, d'accord? » La voix de Stark résonna dans la pièce, la jeune femme se tourna vers les deux hommes et les vit partir. Elle ignorait totalement ce qu'ils avaient prévu de faire, le Docteur était quelqu'un de très secret et n'exprimait que rarement ses intentions. Tout ce qu'elle savait à son sujet lui avait été raconté par Wong, parfois, elle se demandait même si le sorcier lui faisait confiance. Après tout, elle était la fille d'une femme aliénée et la nièce d'un tyran, il n'avait aucune raison de lui faire confiance. Clea soupira. Elle fut arrachée de ses pensées par la voix hachurée de Victor. « Vos cheveux, c'est une couleur naturelle? »  demanda-t-il. La question était banale, si banale qu'elle en fut déroutante. Il la regardait, il n'avait pas bougé, il était toujours planté au beau milieu du salon. « Une couleur naturelle ? Oui, oui, c'est ainsi que je suis née. » répondit-elle hâtivement. Elle se demanda combien de temps ils allaient rester là, au centre de la pièce, immobiles. La jeune femme secoua doucement la tête et alla s'asseoir sur un fauteuil. « Je vous en pris, installez-vous. Wong a fait du thé, aimez-vous le thé ? » demanda-t-elle en pointant le plateau qui se trouvait sur la table. La question était futile, néanmoins, elle permit de meubler le silence naissant. Clea espéra alors que l'invité avait des choses à raconter. Elle lui adressa un léger sourire avant de fixer les tasses en porcelaine. Il fallait vraiment qu'elle apprenne à se comporter correctement en ... société.

Spoiler:

Clea avait passé les dernières minutes à fixer le plateau à thé posé sur la table basse du salon. Aucun détail n'échappait à son regard, elle repérait les aspérités de la porcelaines, analysait chaque motif et contemplait les volutes de fumée qui s'échappaient de la théière. Elle tentait de fuir le silence qui s'était installé. D'ordinaire, elle n'aurait guère été gênée, bavarder était une coutume très humaine et elle venait d'un endroit où le silence valait bien mieux que les conversations futiles du quotidien. Cependant, aujourd'hui, la situation était différente : elle devait se comporter en humaine et ... elle échouait lamentablement. Fort heureusement, la voix de Victor vint rompre l'étrange calme qui s'était installé. « NON. JE SUIS INDIFFÉRENT AU THÉ, CLEA » déclara-t-il. Voilà qui la rendit encore plus mal à l'aise, elle en fut presque désemparée alors lle le regarda avec un air extrêmement surpris, puis elle se mit finalement à sourire. Elle vit le bon côté de la chose : elle n'aurait pas à prétendre aimer le thé plus que tout au monde. Elle se retint presque de rire. « Voulez-vous que je vous avoue quelque chose ? » dit-elle. Elle marqua une pause brève, presque théâtrale. « Moi aussi. Le thé me laisse indifférente. » continua-t-elle, elle souriait. Puis le silence revint, plus profond qu'auparavant.

La jeune femme se complaisait dans le silence, l'agitation lui faisait perdre tous ses moyens, puis elle ignorait de quelle manière se comporter en société alors elle faisait de son mieux pour s'isoler lorsque trop de monde se trouvait autour d'elle. Elle était semblable à un animal sauvage terrifié. Stephen lui avait parfois dit qu'elle souffrait de phobie sociale, mais il avait tendance à oublier qu'elle n'était pas humaine, que le sang des faltines coulait dans ses veines et qu'il viendrait un jour où elle devrait quitter la Terre et arracher le pouvoir des mains de sa terrible mère, du moins, si Dormammu ne l'avait pas déjà fait. Il viendrait un jour où elle serait reine et où elle délivrerait son peuple de l'esclavage.

Une fois encore, Victor interrompit ses songes. « VOUS AVEZ UNE TÂCHE, LÀ, » affirma-t-il d'un ton on ne peut plus sérieux, il la pointait du doigt et s'approchait d'elle. Clea fronça les sourcils, confuse. Elle était presque sûre de n'avoir aucune tâche. « Je vous demande... » elle fut coupée par le bruit de la porcelaine qui percutait le sol. La tasse se cassa et le thé qu'elle contenait s'était répandu sur le tapis. L'invité sursauta. « Par les Vishanti, faites attention ! » s'exclama-t-elle en voyant Victor perdre l'équilibre. Elle tenta tant bien que mal de le rattraper, mais elle ne fut pas assez rapide et il tomba à la renverse. Cependant, quelque chose d'étrange se produisit : au lieu de chuter normalement comme tout être humain l'aurait tristement fait, il passa à travers le sol. Clea ne voyait plus que le haut de son corps, le reste était probablement de l'autre côté du col. La situation était risible et totalement insensée et elle le fut davantage lorsque l'invité devint ... rouge ? Au sens littéral du terme. Victor était rouge et la jeune femme ne savait absolument pas comment réagir, elle avait l'habitude de fréquenter des personnes différentes, mais là, elle ne pouvait s'empêcher d'être surprise. Elle se contenta de le regarder avec un air confus. Elle le vit repasser à travers le plancher et retourner s'asseoir comme si de rien était. Il avait même ramassé les morceaux de la tasse qu'il avait cassé. « JE SUIS DÉSOLÉ, » dit-il simplement. Inutile de vous excuser, pensa-t-elle. « JE, EUH... VOUS PENSEZ QUOI DE MON COSTUME D'HALLOWEEN? » demanda-t-il. Clea haussa un sourcil. Elle connaissait la fête d'Halloween, bien entendu, des centaines d'enfant costumés venaient frapper à la porte du Sanctum Sanctorum chaque trente-et-un octobre et elle était presque sûre que Stephen s'amusait à les terroriser. La jeune femme posa ses yeux sur Victor, sa peau semblait être métallique, elle n'avait jamais rien vu de tel auparavant, tout ceci semblait bien trop ... naturel ? pour être un simple déguisement. « Mais ce n'est pas Halloween. »  se contenta-t-elle de dire avant d'aller se rasseoir sur le canapé.

Le Sanctum Sanctorum recevait rarement des visiteurs, il était donc naturel que la jeune femme se sente mal à l'aise à chaque fois que cela arrivait, mais elle n'osait pas imaginer à quel point le dénommé Victor Shade devait être gêné. Assise sur le canapé, Clea l'observait. Il ne semblait pas humain, elle se demanda d'où il venait et qui il était vraiment, elle était curieuse, mais par peur de l'offenser, elle préféra se taire et faire comme si de rien était. Elle lui lança même un regard amical , un doux sourire sur le bout des lèvres : elle ne voulait pas l'embarrasser davantage. Lui aussi la fixait, il avait l'air extrêmement confus. Elle le vit poser une main sur sa bouche. « N-NON? » bégaya-t-il. Il semblait réellement hésitant. La sorcière haussa d'un sourcil, elle avait un peu de mal à le comprendre, elle était presque aussi troublée que lui. « JE-JE CROYAIS... » ajouta-t-il, puis son autre main vint rejoindre la première. La jeune femme se demanda ce qu'il se passait dans sa tête, elle se demanda pourquoi il paraissait si honteux et si paniqué. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Cela était fort possible, elle avait tant de mal à comprendre les humains et leurs coutumes, il lui arrivait de dire des bêtises et de se sentir pitoyable et désolée. Mais Victor Shade ne semblait pas humain, du moins, pas sous cette apparence. Clea le vit se lever et balayer la pièce du regard avec un air paniqué. « JE DOIS PARTIR. JE DOIS PARTIR! » articula-t-il. Il avança lentement vers la porte, fuyant la sorcière du regard. « JE SUIS DÉSOLÉ, JE SUIS DÉSOLÉ » La sorcière ignorait pourquoi il se sentait si désolé, il n'avait rien fait de mal. Elle décida alors de se lever. Elle flotta silencieusement jusqu'à lui, posa les pieds au sol et attrapa doucement sa main. Elle ne voulait pas qu'il parte, elle ne voulait pas qu'il se sente mal par sa faute. « Non, ne partez pas ! » s'exclama-t-elle. Elle ne trouva rien de mieux à dire, alors elle baissa les yeux et fixa le sol pendant quelques instants. Elle se sentait un peu stupide et un peu confuse, elle cherchait ses mots, elle avait du mal à les trouver, elle n'était pas très doué avec les autres. Les secondes qui passaient semblaient éternelles, alors elle finit par relever la tête. Son regard se posa sur l'invité. Elle tenta également de sourire, mais sa timidité la rattrapait, elle devait avoir l'air grotesque. « C'est moi qui suis désolée. » commença-t-elle à voix basse. Elle se rendit compte qu'elle tenait toujours la main de Victor Shade alors elle la lâcha, elle était un peu gênée. « Je ne vous ai pas très bien accueilli, j'en suis navrée. Je suis très maladroite avec les autres, il m'arrive de dire et faire beaucoup de bêtises alors ... » Elle ne termina pas sa phrase, elle se sentait assez stupide. Elle baissa de nouveaux les yeux, honteuse. Elle avait l'impression que ses mots étaient inutiles et qu'ils ne servaient qu'à meubler le silence pesant qui s'était installé. Pourtant, elle pensait ce qu'elle disait, elle se sentait véritablement navrée de ne pas avoir su accueillir l'invité comme elle aurait du le faire. La jeune femme soupira. Elle ne voulait pas qu'il parte, mais elle ne pouvait pas l'en empêcher alors elle ouvrit simplement la porte en le regardant tristement. Elle observa quelques instant la décoration du couloir peu éclairé, une étrange atmosphère régnait dans la maison, Clea avait mit un certain temps à s'y habituer et aujourd'hui, elle avait beaucoup de mal à s'imaginer vivre ailleurs. Elle se sentait chez elle ici. Soudainement, elle eut une idée.

« Avant de partir, ne voudriez-vous pas que je vous fasse visiter les lieux ? Il y a tant de choses à voir ! » s'exclama-t-elle. Elle faisait une bien mauvaise hôte, elle avait honte d'elle-même. Elle espérait profondément qu'il accepterait sa proposition, la jeune femme ne voulait pas que son incapacité à communiquer correctement avec les terriens - si Victor Shade était bel et bien terrien - nuise à la réputation de Stephen Strange, cela la dévasterait. Elle compris alors pourquoi l'invité était si fuyant, elle ressentait la même chose, elle avait envie de partir et de se cacher au plus profond de sa dimension d'origine. C'était assez lâche. La sorcière avait fait face à des démons et à des créatures cauchemardesque, mais qu'y avait-il de pire qu'une simple réunion mondaine ? Elle était ridicule ... Elle passa nerveusement une main dans sa chevelure blanchâtre tout en fixant la tapisserie des couloirs. Oui, elle était définitivement ridicule.

Spoiler:

Clea n'était pas à l'aise, à vrai dire, elle se demandait si elle s'était déjà - ne serait-ce qu'une unique fois - sentie à l'aise et à sa place sur Terre. Elle aimait beaucoup cette dimension, les humains se comportaient généralement de manière sympathique avec elle, ils l'avaient chaleureusement accueillie et elle ne pensait pas seulement à Stephen et Wong : elle pensait à toutes les personnes qu'elle avait été amenée à côtoyer jusque là. Enfin presque, il y avait toujours des exceptions : son accidentel voyage en Latvérie l'avait marquée, elle avait été traitée extrêmement mal et avait eu peur. Peur de mourir. Pour la première fois depuis son arrivée dans cette dimension. Ce pays semblait pourtant magnifique, il était fort dommage qu'il eût été si peu accueillant. Elle tenta de ne plus y penser, elle ne voulait pas être davantage mal à l'aise et la situation était déjà suffisamment gênante de toute façon. Elle sourit afin de paraitre moins désagréable, plus avenante, peu importait du moment qu'elle faisait une bonne hôte. Et il n'y avait pas que ça : Victor Shade semblait sympathique, elle ne l'avait pas côtoyé bien longtemps, mais elle le savait, elle le sentait. Il était un peu comme elle au fond. Elle continua de sourire. “ Moi aussi, ” avait-il dit. La jeune femme se demanda pourquoi il s'excusait, après tout, il n'avait rien fait de mal. Elle le regarda avec un air surpris. Peut-être était-il simplement trop poli ? Wong était comme ça lui aussi, il s'excusait toujours pour des choses dont il n'était pas responsable. Clea l'appréciait beaucoup, il lui manquerait énormément lorsqu'elle rentrerait chez elle. Stephen aussi. Elle soupira. “ Je- - ” bégaya Victor. Il semblait chercher ses mots, il la fixait. Elle tenta de fuir son regard, posant ses yeux au sol, à gauche, à droite, partout où il n'était pas. Elle se sentait un peu honteuse. Toutefois, il finit par répondre et elle fut rassurée. “ Ce serait avec plaisir, ” Elle sourit de nouveau, elle était ravie cette fois-ci. Elle aimait faire visiter le Sanctum Sanctorum, expliquer l'importance de chaque pièce et raconter l'histoire de chaque objet. C'était un lieu absolument fascinant et empli de merveilles et cauchemars. Elle était heureuse qu'il ait accepté, elle allait enfin pouvoir se faire pardonner.

Il fit demi-tour et retourna dans le salon où ils se trouvaient auparavant. La sorcière lui emboîta le pas, rassurée et inquiète à la fois. Elle avait peur de dire des bêtises et de passer pour une sotte ignorante, elle manquait de confiance en elle au point que cela en devenait ridicule. Elle soupira. “ Je suis désolé si je vous ai paru impoli, ce n'était pas mon attention. J'ai... des problèmes de... tempérament. ” entendit-elle. Elle haussa machinalement un sourcil. Elle faisait ça assez souvent, cela signifiait qu'elle simplement qu'elle était à l'écoute. Certains trouvaient cela moqueur, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi; les humains étaient plein de principes et profondément butés, Clea trouvait cela dommage ... Leur planète irait tellement mieux s'ils s'écoutaient un peu plus les uns les autres, s'ils étaient plus tolérants et plus altruistes ... Elle regarda le sol, attristée. Ils étaient en train de causer leur propre perte et cela ne semblait guère les soucier. “ À vrai dire, je ne m'appelle pas Victor Shade mais Vision. Je suis... un androïde animé par une intelligence artificielle. J'ai dû vous mentir car Tony y tient et que c'est plus... sécuritaire pour moi. Pardonnez-moi pour cela aussi. ” ajouta Victor. Enfin Vision. Ce qu'il était n'avait pas d'importance, en revanche, elle avait très envie de savoir qui il était. La nuance était subtil, mais très importante. Son inhumanité rendrait peut-être les choses plus faciles finalement, cela leur faisait un sujet de discussion - un sujet de discussion assez étrange, soit. Il se tourna de nouveau vers elle. “ Il y a beaucoup de choses pour lesquelles je devrais m'excuser, sincèrement. Je... pour la tasse. Le thé. Mon impolitesse. Et le fait que je suis... passé à travers le plancher. C'était malpoli de ma part. ”  Elle sourit doucement et fit quelques pas timides vers lui. « Oh, ne vous excusez pas pour cela ... Vous savez, il n'y a pas un jour où je ne vois pas de choses étranges - aussi merveilleuses soient-elles - alors passer à travers le plancher, ce n'est pas si impoli que ça vous voyez ... » Elle rit doucement. Elle remit les tasses vides sur le plateau et le fit léviter jusque dans la cuisine qui se trouvait à côté du salon. « Je vous comprends. Enfin, je pense que je vous comprends. Je ne suis pas vraiment humaine. » Elle marqua une brève pause afin de réfléchir. « Enfin, je ne suis pas du tout humaine, même si j'en ai l'apparence ... Je viens d'un endroit qui se nomme la Dark Dimension, c'est assez différent de la Terre ... » elle souffla les derniers mots, elle était songeuse. Elle n'aimait pas trop repenser à sa dimension, cela la rendait anxieuse et nostalgique. Elle se demandait si les siens allaient bien, s'ils étaient heureux et encore vivants. Elle secoua la tête avant de prendre une profonde inspiration.

« Ne restons pas là, cette pièce n'est pas très intéressante ! Vous voulez voir la bibliothèque ? Elle est emplie d'ouvrages absolument fascinants ! » s'exclama-t-elle. Cela arrivait souvent lorsqu'elle parlait de livres, de magie ou plus généralement de choses qu'elle aimait. La bibliothèque du Sanctum Sanctorum était l'un de ses lieux favoris sur Terre (avec Central Park), elle pouvait y passer des heures sans même s'en rendre compte. Elle espéra que Victor - Vision - apprécierait les lieux tout autant qu'elle ou du moins, presque autant qu'elle. Elle ne voulait pas être de nouveau gênée, se sentir ridicule ou quelque chose comme ça. Elle voulait tout simplement partager ses connaissances avec une personne sympathique et tout autant socialement handicapée qu'elle. Enfin, lui, apparemment, il avait de bien meilleures raisons. Clea devrait peut-être y mettre un peu plus du sien tout compte fait, ça simplifierait bien des choses : sa relation avec les autres et plus particulièrement avec Stephen. Enfin, s'il pouvait faire quelques efforts lui aussi ... Elle soupira et lança un regard amical à Vision, un doux sourire sur le bout des lèvres. Elle avait hâte de lui montrer les nombreux grimoires qui se trouvaient à l'étage.

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« Oh, ne vous excusez pas pour cela ... Vous savez, il n'y a pas un jour où je ne vois pas de choses étranges - aussi merveilleuses soient-elles - alors passer à travers le plancher, ce n'est pas si impoli que ça vous voyez ... » Je crois que c'est un bon premier pas. Au moins, elle ne me regarde pas comme un monstre. Je me demande si Tony a prévu tout cela — de me laisser en la charmante compagnie de l'assistante (à moins que ce ne soit sa colocataire? sa fiancée? sa femme?) du Docteur Strange en savant qu'on allait bien s'entendre. Après tout, Tony a toujours une ou plusieurs longueurs d'avance, c'est même dans sa nature. En tout cas, mademoiselle Clea est très charmante, ça je le sais, et très polie. Courtoise, même. Le port altier et son maintien sévère me font déjà deviner son ascendance. Docteur Strange sait bien s'entourer. “ C'est très gentil de votre part de dire cela, Clea, ” je marmonne en réponse, vaguement gêné — secondhand embarrassment, évidemment, je suis avant tout un robot — en détournant les yeux. C'est là qu'elle agite les doigts et que le plateau sur lequel elle vient de poser les tasses vides se soulève et se met à léviter vers une pièce attenante. Quand je tourne de nouveau les regards vers elle, l'intérêt y est lisible.

« Je vous comprends. Enfin, je pense que je vous comprends. Je ne suis pas vraiment humaine. » Elle semble réfléchir. « Enfin, je ne suis pas du tout humaine, même si j'en ai l'apparence ... Je viens d'un endroit qui se nomme la Dark Dimension, c'est assez différent de la Terre ... » Je ne peux pas m'empêcher de pencher la tête sur le côté en l'observant. J'ai toujours les vêtements de Victor Shade sur moi et glisse la main dans ma poche pour aller effleurer le smartphone qui s'y trouve. Je m'y connecte, puis à internet... rien. Rien. Rien. Je ressens ce vide d'informations aussi précisément que si j'étais moi-même vide. Est-ce que ça veut dire ça, quand Pietro dit qu'il a le ventre creux? ou Wanda quand elle dit qu'elle a l'impression qu'il y a un trou dans son coeur quand on parle de leurs parents? C'est ça, le néant dont Tony a si peur? “ Je n'en ai jamais entendu parler, Clea, je lui avoue. Serait-ce une dimension parallèle? Ou juste très éloignée? ” Si j'avais tout le temps du monde, je lui poserais toutes les questions du monde. Mais les notions de politesse que Wanda et Tony m'ont inculquées me reviennent brusquement et je me redresse en pinçant des lèvres, l'air pensif, quand elle inspire profondément avant de s'exclamer: « Ne restons pas là, cette pièce n'est pas très intéressante ! Vous voulez voir la bibliothèque ? Elle est emplie d'ouvrages absolument fascinants ! » Je crois qu'elle est un peu triste, mais je lui souris tout de même — difficilement — quand elle se tourne vers moi avec une risette sur la lippe.

Je comprends tout à fait l'attrait des livres des grimoires des textes des parchemins. Je comprends comment Wanda aime parcourir la tranche des livres dans la bibliothèque de l'université avant de les choisir. Je comprends pourquoi Pietro sourit en coin quand il s'achète un comics et qu'il en feuillète rapidement les pages. Je comprends l'attention que Tony porte aux manuels qu'il achète par brassées à chaque fois qu'une nouvelle passion lui prend. Je comprends aussi que les textes à l'encre sont sacrés, que chaque mot y devient unique, spécial. Mais je n'en vois pas l'intérêt, parce que ce sont les mêmes mots que l'on retrouve sur internet en cherchant bien, non?  Mais j'aime aussi bien les beaux endroits comme les bibliothèques — Wanda m'invite des fois à la rejoindre quand elle travaille à l'université, et je peux passer des heures à la regarder faire en profitant du calme de l'endroit. “ J'aimerais beaucoup voir cette bibliothèque. S'y trouvent-ils des ouvrages sur cette Dark Dimension et ces Vishanti? Je suis surpris. Ils n'apparaissent nulle part sur internet. ”

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