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 LEAVE A LIGHT ON

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Primrosae Dahl
Primrosae Dahl
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it's a revolution, i suppose
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MessageSujet: LEAVE A LIGHT ON   LEAVE A LIGHT ON Icon_minitimeSam 31 Déc - 18:50
54f818bf67e24be7e5ba01a3a4d78c79.gifIl était assombri, le bois. Il n’était plus aussi clair et bienveillant que dans ses souvenirs. Les arbres étaient plus nombreux, plus imposants. Le chemin qui menait jusqu’à la maison a été abandonné après son dernier passage ici. La pelouse n’était plus autour de la bicoque. Elle était faite de ronces désormais, de mauvaises herbes. Qui pourrait croire qu’elle avait fait ses premiers pas ici, sur de l’herbe verdoyante ? Qui pourrait penser une seule seconde que cette maison a été la sienne pendant des années ? Ça faisait quelques minutes qu’elle était là, la clope au bec, qu’elle observait de loin l’habitat, son corps en appuie sur le capot de la bagnole qui s’était difficilement frayée un chemin jusqu’ici. Des années qu’elle n’était plus venue ici. Dès l’instant où ses parents avaient trouvé la mort dans leurs sommeils, assassinés, elle n’était plus venue. Dès que la fortune de son paternel lui avait été remise, elle était partie ailleurs, en ville, pour développer d’autant plus ce qu’ils lui avaient inculqués : sa haine contre les autres, contre ces mutants. L’abandon de cette maison n’avait été que stratégie. Se rapprocher de la ville pour être toujours près de son entreprise, pour être plus à même de faire fleurir ce que son père lui avait laissé. Elle y était parvenue. L’entreprise d’armement s’était développée, elle avait même ses petits secrets liés au destin du petit soldat de son père.

Tout aurait dû se dérouler comme prévu et jamais elle n’aurait dû remettre les pieds ici, encore plus pour tout remettre en question. Parce qu’elle l’avait rencontré, lui. Parce qu’il avait changé sous ses yeux sans qu’elle soit capable de le retenir à elle – parce que bien incapable de s’avouer l’impensable. Parce qu’il l’avait forcé à mener à bien cette grossesse indésirée. Parce que l’amour paternel – le véritable et non celui que Primrosae avait connu – était venu cogner à la porte du Pasteur et qu’il avait été plus fort que la haine. Pour toutes ces raisons, elle se retrouvait là, en face-à-face avec son enfance, à se poser des questions sur l’éducation qu’elle avait reçu, sur le pourquoi Jeremiah avait été capable de protéger son fils alors qu’il avait pensé comme elle pendant longtemps et que de son côté, elle avait été bien incapable d’en faire autant ? Comment deux personnes similaires peuvent-ils réagir de façon si différente face à un même événement ? L’explication, elle se devait de la trouver. Ce besoin était devenu viscéral.

Un dernier regard par-dessus son épaule, un soupir et son corps s’éloignait du véhicule, disparaissait dans la maison. Rien n’avait bougé quand elle aurait pu parier que la maison aurait été squattée ou saccagée. L’expression neutre de son visage semblait redécouvrir les lieux, comme si cet endroit n’avait jamais été sien. Son souffle plus court laissait transparaitre le stress d’être ici. A défaut de mot, c’était son corps qui parlait pour elle. Son regard fuyait certains endroits – cette chaise à l’assise tâchée de son propre sang séché, cet évier dont l’eau glacé faisait encore frémir sa nuque, cette cravache pendue au porte manteau. Son parcours dans les pièces était lent, à contrario des battements de son cœur irréguliers, tantôt rapides, tantôt absents dans un sursaut de souvenirs. Combien de larmes avait-elle versées ici ? Combien d’ecchymoses avaient marqués sa peau ? Combien… La question subsistait quand elle franchissait l’interdit. La porte de l’inconnu, celle dont elle avait oublié l’existence. Cette petite pièce dans la cave, celle-là même où elle n’avait pas le droit d’entrer depuis sa naissance. La porte lui semblait plus grande dans ses souvenirs. Rien qu’un placard. Celui des secrets.

Des journaux.
Un carnet.
Quelques enveloppes.

Des dates, des événements tragiques, des récits sur les mutants, toujours fautifs.
Des dates sans sens. Des dates qui dépassent celle du décès de ses parents.

Une couverture abîmée, des pages noircies de noms, certains rayés, d’autres non.
Des chiffres. Ceux des enveloppes. Des dollars. Ceux des salaires des gamins.

Des histoires. Des faux-semblants.
De ceux qu’on lui a raconté. De ceux qui l’on convaincu des biens fondés de ses actions.

L’empressement dictait ses mouvements quand, avec son téléphone, elle cherchait les véritables couvertures des journaux de ces jours et ces années. Le nom des enfants qu’elle avait pu qualifier d’amis. Combien de larmes avait-elle versé ici ? Pas assez, visiblement. La rage au cœur, la tristesse aussi, elle réalisait les mensonges, les inepties. Elle n’était qu’une enfant, prisonnière de la folie de ses parents, de ses géniteurs. L’étaient-ils ? Même ça, elle arrivait à en douter à présent.

Les évidences étaient sous ses yeux. Une mascarade. C’est tout ce qu’elle était. Un petit soldat monté de toutes pièces. Le peu d’instants heureux étaient mensongers ou écourtés par la cruauté. Elle se souvenait encore du lieu exact où son chiot avait été enterré. Il ne restait que la bile au fond de sa gorge. Le dégoût. Le rejet. Le corps parlait. L’esprit assimilait. Le silence de la maison était brisé par ses sanglots, par cette enfant qui refaisait surface, recroquevillée dans un coin dans la cave, ses courbes mêlées à la poussière. La douleur lui semblait durer des heures tant l’implosion de son cœur lui semblait lente. Lorsque le silence reprenait ses droits, elle paraissait vidée de son énergie. Les minutes s’égrenaient et son ultime réflexe était de pianoter sur son téléphone. Merci. L’unique mot expédié, elle finissait par se redresser, regagnant les étages supérieurs. Pendant un instant, l’idée d’emporter un souvenir frôlait son esprit. Ne pas oublier d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Connerie. Elle serait de toute façon bien incapable d’oublier, avec ou sans souvenir. Elle ne voulait pas continuer le chemin entamé, au contraire. Le souvenir ne serait qu’un leitmotiv pour ne rien reproduire.

De retour près de son véhicule, le claquement du coffre sonnait la fin. Le bidon balancé dans le jardin, la nature ferait le reste. La flamme de son briquet disparaissait dans le brassier. La douleur et les souvenirs partaient en fumée. Hypnotisée par la maison rongée par les flammes, elle ne prenait conscience du mouvement près d’elle que lorsque sa peau retrouvait la chaleur de la sienne, ses doigts se mêlant aux siens. « C’est la maison de qui ? » Avait-elle réellement envie de lui répondre ? Son instinct la poussait à lâcher sa main pour mieux entourer son bras autour de son cou, ses doigts pressant tendrement son poitrail pour le rapprocher d’elle. « Personne. Elle est partie et ne reviendra pas. » Son ton était calme, posé et étrangement chaleureux. En sa présence, plus rien ne semblait l’atteindre. Un baiser dans ses cheveux plus tard, le confort de la voiture retrouvée, la maison en flammes dont elle s’éloignait se reflétait dans son rétroviseur. Elle se faisait alors une promesse intérieure lorsque sa main attrapait le rétroviseur pour le diriger vers la banquette arrière : chérir sa curiosité, accepter son amour et lui renvoyer au centuple, le protéger et apprendre la vie à ses côtés. Jude, ce petit garçon de presque sept ans, son avenir de femme, son espoir de meilleurs jours.
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