✻✻✻ Étant donné que je n’avais rien de mieux à faire dans ma vie, j’ai suivi les NBA finales avec rage et passion. Par amour pour Cleveland, par amour pour les Cavaliers, et surtout par amour pour Kevin Love. Ce soir, c’est la fin. Le score du cinquième et dernier match me viole. 120 pour les Cavs, 129 pour les Warriors. Stephen Curry se roule par terre, Kevin Durant se réfugie dans les bras de Lebron James et Draymond Green hurle sa joie, tel l’ignoble monstre qu’il est. Ce n’est pas à cause de lui, si son équipe a gagné. L’ailier fort des Warriors avait un adversaire de taille, un adversaire qui l’a fait rager plusieurs fois : Kevin Love. C’est tout ce que je retiendrais de ces cinq matchs. Kevin Love était excellent. Les commentateurs répètent encore et encore que les Cavs n’ont gagné qu’un match sur cinq, que le jeu des Warriors était rapide, précis, efficace, que les Cavs sont une équipe fatiguée qui a besoin d’être renouvelée. Moi, je rage. Je crains aussi les articles qui vont venir. Les spéculations sur les possibles changements d’équipe, notamment sur l’éventuel départ de Love. Je ne suis pas prête à affronter tout ça. Triste que les Cavs n’aient pas pu réaliser l’exploit tant attendu. Se relever d’un 3-0 assommant et conserver son titre une année supplémentaire. Avec beaucoup de calme, je referme l’ordinateur portable et le dépose à côté de moi. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’il vient de se produire. La victoire des Warriors n’est pas surprenante. Il n’empêche qu’elle m’attriste.
Telle la suicidaire que je suis, je me réfugie sur le toit du bâtiment qui abrite à la fois notre QG et la pizzeria. Je m’assois sur le rebord et observe la ville avec beaucoup de poésie dans le cœur. Tout le monde s’en fiche, de la défaite des Cavs. Le fait que les Warriors aient pris leur revanche n’a pas plus d’importance, cela dit. Ca me réconforte un peu, je dois bien l’admettre. New-York est un terrain plus ou moins neutre. Tout dépend si les habitants ont décidé d’en vouloir aux Cavs pour avoir expulsé les Celtics presque en claquant des doigts. J’ose espérer qu’ils ont continué à soutenir les champions de la conférence ouest. Et là, c’est le moment où je comprends que le Basketball me monte à la tête. Je prends ça un peu trop au sérieux, alors que je ne devrais probablement pas. Il y a des choses bien plus importantes dans la vie. Comme la loi sur le recensement des superhéros, par exemple. Voilà, si je commence à penser à ça, je vais m’énerver de n’avoir rien à faire, d’être toujours dans le doute et je vais aussi m’énerver contre le gouvernement. Accessoirement, il se peut que je commence à ressentir une petite pointe de haine contre mon père. Est-ce qu’on a besoin de ça ? Non, on n’a pas besoin de ça. Alors j’essaye de manipuler mon esprit, de le forcer à penser à autre chose. Quelque chose de positif, si possible de drôle. Pour une sombre raison, c’est la fameuse vidéo « the floor is lava » qui me revient en tête. Vidéo que j’ai regardée en compagnie d’Abe, et qui m’a énormément fait glousser. Le tout mis bout à bout me donne une idée de génie. C’est ainsi que, quelques secondes plus tard, je majuscule à Abe de venir sur le toit. Je suis d’humeur joueuse, et on va voir comment Jenkins se débrouillerait si le sol se transformait vraiment en lave.
Du regard, je fais progressivement apparaître les flammes. Tout autour du toit. Pas très discret, je l’avoue. Mais ce qui est surprenant à New-York, c’est que les gens sont assez cons pour ne pas le remarquer. Abe arrive très vite et panique, très vite également. Moi, je rigole. Sa réaction est absolument adorable. « JE GÈRE MON GROS ! » Dans l’immédiat, je trouve qu’il ne fait pas grand-chose pour éviter de mourir. Le moment est opportun pour le challenger un peu. « SINON, J’AI DIT… » Je regarde ses pieds, un sourire malicieux inscrit sur les lèvres. « THE FLOOR IS LAVA ! » D’accord, je triche un peu. Techniquement, il est déjà dans les airs et c’est un peu vil d’attaquer ses chaussures. Le problème, c’est qu’on va vite s’ennuyer s’il reste percher là-haut. Je glousse en le voyant hurler slash se débattre avec ses chaussures en feu. Au bout d’un moment, j’accepte de faire disparaître les flammes qui l’agressent. « Allez, descends. J’vais te faire un bisou magique pour te soigner. » J’attends qu’il redescende et qu’il se rapproche de ma personne. « NON JE DÉCONNE ! LE FLOOR EST TOUJOURS LAVA ! » A défaut de directement l’attaquer lui, j’attaque le sol. Quelques flammes surgissent et de nouveau, Abner panique.