« Et voilà votre commande. » Indiqua le serveur alors qu'il lui tendait un sac relativement chargé « Merci beaucoup. » « En liquide, comme d'habitude? » « Vous supposez bien. » Lança Natasha en sortant son porte-monnaie, avant de tendre de quoi régler la note. Certaines habitudes étaient du genre à ne pas disparaître aussi facilement que ça, et celle-ci en faisait partie. Les cartes de crédits et les chèques, ça laissait des traces, des pistes à suivre qu'on pouvait remonter jusqu'à elle et utiliser pour lui porter atteinte. Alors que le liquide, c'était parfait pour une espionne. C'était anonyme, ça passait de mains en mains, et ça ne laissait pas de traces. Dit comme ça, ça pouvait faire carrément parano, mais c'était un truc qu'on lui avait appris dès son plus jeune âge, qu'elle faisait par automatisme. Et puis ça faisait toujours plaisir aux gens de voir des billets verts passer entre leurs mains. Attrapant le sac chargé de nourriture, Natasha sortit du restaurant, avant de retourner à sa voiture. Elle posa le sac sur le siège passager, avant de démarrer. Se plongeant dans la circulation new-yorkaise, l'espionne prit la direction non pas de la Tour des Avengers, mais vers un autre quartier du centre de Manhattan. Se retrouvant inévitablement piégée dans la circulation new-yorkaise, elle rongea son frein alors qu'elle résistait à l'envie d'exprimer son mécontentement. Elle détestait les bouchons, bien plus que n'importe quelle autre personne. Pour une femme comme elle, qui était du genre à vouloir tout contrôler à chaque instant et qui était du genre à se sortir de n'importe quelle situation d'un claquement de doigts, se retrouver prise dans la circulation avait de quoi lui filer de l'urticaire. Les options étaient franchement limitées, et elle était obliger de suivre le rythme et d'avancer en espérant pour que ça s'arrange au bout. Ce qui était peu ou prou la situation dans laquelle elle était embourbée en ce moment. Avec les dernières décisions du gouvernement américain et la petite guerre civile qui faisait rage entre Tony et Steve, elle ne pouvait que suivre le rythme des choses en espérant que tout ce foutoir ne se termine pas par un massacre dans l'un des deux camps. Et même si elle aidait secrètement Steve en espionnant le camp d'en face pour son compte, elle était obligée de faire semblant de n'être rien de plus que la membre des Avengers qui se avait trahit la confiance de ses plus proches amis et qui se pliait aux ordres des autorités, en espérant que la situation finisse par s'arranger à un moment ou à un autre. Et lorsqu'elle réussit enfin à s'extraire de la circulation pour rejoindre des rues bien moins fréquentées, elle ne put résister à l'envie de faire rugir le moteur du bolide qu'elle avait entre les mains. Elle n'était pas forcément branchée voitures, mais lorsqu'elle avait posé les yeux sur cette Corvette Stingray dans les garages du SHIELD, Natasha avait eu un coup de cœur. Cette voiture était tout simplement comme elle: à la fois élégante, redoutable et pleine de ressources. Et après la chute du SHIELD, elle n'avait résister à l'envie de la récupérer et de la garder. Ça n'était pas comme si le gouvernement allait courir après une voiture alors qu'ils avaient la plus grosse crise de l'histoire des renseignements à gérer. Elle n'avait eu qu'à graisser la patte à quelques bureaucrates pour que la voiture soit officiellement à elle, et le tour était joué. Depuis, elle adorait pousser ce petit bijou à lui montrer ce qu'il avait sous le capot, quitte à sortir des clous. Mais même si elle était arrêtée par la police pour avoir roulé un poil trop vite... elle était une espionne depuis qu'elle avait huit ans, baratiner un flic pour s'en sortir sans une amende était franchement dans ses cordes. Finissant par arriver ou elle voulait, Natasha réussit à trouver une place sans trop de mal. Sortant de sa voiture, elle attrapa le sac de nourriture, avant de se diriger vers l'entrée d'un des immeubles. S'arrêtant devant l'interphone, elle appuya sur l'un des boutons, avant d'attendre que la personne à l'autre bout du fil ne décroche « C'est moi. » Se contenta-t-elle d'annoncer. La porte s'ouvrit, et Natasha entra, avant de se diriger vers l'ascenseur. Elle appuya sur le bouton de l'étage ou elle souhaitait se rendre, et une fois la cabine arrêtée, Natasha se dirigea d'un pas vif vers l'un des appartements, avant de frapper quelques coups brefs contre la porte. Elle n'eut pas à attendre longtemps qu'on vienne lui ouvrir, et sourit en voyant Maria Hill se dresser dans l'encadrement de la porte « Salut Maria. » Lança-t-elle avant d'embrasser son amie. Fidèle à ses habitudes, elle entra dans l'appartement, posa le sac sur la table du salon, avant de jeter sa veste sur le canapé « J'ai mit plus de temps que prévu, je me suis retrouvée prise dans les bouchons. Je te jure, quelle plaie. J'ai fait un tour par le chinois qu'il y a près de la Tour, je sais que t'as toujours eu un faible pour leurs nems. » La russe avait toujours apprécié ces moments avec son ancienne supérieure. Les choses n'avaient pas toujours été faciles entre elles au départ, Maria étant un pur produit de la machine américaine et de ses valeurs, alors qu'on avait appris à Natasha à haïr tout ce que pouvait représenter Hill. Mais elles avaient finit par dépasser ça, et une solide amitié s'était formée entre ces deux femmes au caractère bien trempé, et elles appréciaient de se retrouver de temps en temps pour manger un morceau ou simplement pour discuter. Elle n'aimait pas lui mentir, mais comme avec Tony ou les autres membres de l'équipe, elle étouffait ses états d'âmes à chaque fois qu'ils montraient le bout de leur nez « Merci. » Souffla la rousse alors que Maria lui tendait une bière fraîche, qu'elle décapsula sans le moindre mal « Alors ça va toi? » Demanda la rousse en portant sa bière à ses lèvres.
Et voilà. Une journée terminée. Une de plus. La Directrice Hill souffla en calant ses poings sur les hanches. En cette heure tardive, elle traînait encore dans les locaux du SHIELD, à croire qu’elle n’avait personne pour l’attendre le soir. Ce qui était parfaitement le cas, de toute manière. Hill, première arrivée, dernière sortie. Certes, elle occupait un rôle majeur au sein du SHIELD, ce qui pouvait justifier bien des choses. Mais certainement pas tout. Ni sa solitude, ni son enfermement inconscient, bien que volontaire d’une certaine façon. Inconscient et volontaire. Deux termes strictement opposés qui lui allaient si bien. Volontaire, elle l’était. A n’en pas douter. Prête à tout pour incarner encore et toujours le parfait petit soldat au service de la patrie. De la nation. Du continent. De la Terre entière. De l’Univers même. Bref, vous aurez compris le topo. Inconscient, ça oui, ça aussi ça lui sied à merveille. Elle était alerte, Maria, bien entendu. Pourtant, elle avait laissé les agents d’Hydra infiltrer son organisation, juste sous son nez. Elle avait laissé le gouvernement se mêler des affaires du SHIELD en espérant sauver les meubles. Si c’était pas de l’inconscience ça.
Un claquement fit porter les mains de Maria à sa ceinture, en un réflexe désormais trop naturel pour la jeune femme. 33 piges et aussi craintive pour sa vie qu’un petit vieux isolée dans sa trop grande baraque. Pour sa défense, vu la vie qu’elle menait, y avait de quoi la comprendre. Oubliant déjà l’agent qui avait osé déranger la calme apparence de la directrice Hill en fermant une porte un peu trop bruyamment, la brune souffla. La tête en arrière, elle fit craquer les muscles de sa nuque avant de se saisir de son téléphone. Elle hésita un instant, sachant son amie fort peu friande de ces moyens de communication. Trop révélateur, qu’elle disait. Un bref sourire se dessina sur les lèvres de Maria alors que le visage de sa proche amie rousse s’imposa à l’esprit de la Directrice. Tant pis pour elle, elle ne l’avait pas croisé depuis un moment, et elle avait cruellement besoin d’évacuer la tension accumulée de ces derniers jours. Elle tapa quelques instants sur le mobile, en un mouvement si vif qu’on aurait pu croire à une urgence. « Ce soir, chez moi. Même heure que les autres fois. Bières à la maison. » Un message, clair et bref, qui sonnait toutefois autoritaire, correspondant à l’allure qu’elle se donnait. Bah, Natasha comprendrait. Comme toujours, depuis le temps.
Finalement, Maria Hill se dirigea vers la sortie, d’un pas souple et avisé. Sur ses gardes, comme toujours. Continuellement. Mieux valait ne pas agresser cette femme si un quelconque attaquant en herbe se baladait dans le coin et repérait cette cible-là. Le pauvre risquerait de ne jamais s’en remettre s’il osait s’en prendre à Maria, en apparence seule et esseulée. Grimpant dans sa voiture, Maria régla l’auto-radio le temps du trajet qui la mènerait jusque chez elle. Elle n’habitait pas bien loin, à l’affût de la moindre urgence pour se rendre le plus rapidement possible au SHIELD. Au bout d’un temps, elle était au pied de son immeuble, prête à se détendre, enfin. Natasha ne devait plus tarder et Maria devait avouer qu’elle avait hâte : hâte de se détendre, hâte de pouvoir ignorer ou ne plus croiser les regards froids qu’on lui lançait. Hâte de ne plus avoir à entendre temporairement les discussions s’arrêter à son passage ou les chuchotements résonner dans son dos. L’alliance avec le gouvernement avait coûté beaucoup à Maria. Sa légitimité était discrètement remise en cause et cela la faisait rager intérieurement de voir tous ses efforts devenir purement vains. La sonnerie de l’interphone la tira de ses pensées et elle se dépêcha de faire entrer son amie. Elle patienta quelques minutes et ouvrit presque aussitôt à Natasha. S’effaçant pour la laisser passer le seuil, elle referma la porte derrière elle, à double tour, simple mesure de précaution. Tout était toujours précaution avec elle. Jetant un coup d’œil à sa montre, Hill se permit une petite remarque alors que son amie se mettait à l’aise. « T’en as mis du temps à venir ce soir. » Un petit sourire en coin, elle allait leur dégoter deux bières bien fraîches. Trinquant contre elle de Natasha, elle but une première gorgée et souffla de soulagement avant de rejoindre son amie sur le canapé. « A ton avis ? » lâcha t-elle d’un ton las. « Une journée habituelle, au SHIELD. Ambiance lourde, méfiance où que j’aille. Est-ce que mes propres agents me croient aussi aveugle et espère que je ne me rende compte de rien ? » ricana t-elle faussement en s’autorisant une deuxième gorgée. « Enfin, tu vois un peu le genre. Et toi, tu croques la vie à pleine dent aussi ? » Elle laissa planer un bref sourire moqueur sur son visage, avant de se pencher vers la table pour en sortir les mets préparés. « Chinois hein ? Tu m’as sentie si urgée pour que tu daignes passer par là ? » Elle se tourna vers la rousse, sachant pertinemment que c’était exactement le cas. A force, elles se connaissaient bien, même s’il a fallu du temps pour en arriver là, à partager un moment amical dans le propre salon de Maria. Et pourtant, maintenant, Maria Hill était bien contente que Romanoff fasse partie de son entourage si limité. C’était pas donné à tout le monde d’avoir une espionne renommée parmi ses proches en plus, n’est-ce pas ?