Je voyais ce monde se déchirer. Je le voyais se diviser, sa population se séparer, se déformer. Je les voyais tous s'éteindre, un à un, plongé dans une eau sale de haine et de colère. Je voyais B'almaar, encore. Était-ce une vérité unique? Un processus commun? Les humains avaient-ils atteins l'apogée? La chute était-elle à leurs portes? Je voyais ce monde commencer une lente descente. Je l'observais. Je l'observais sans rien faire car là n'était pas ma place. Je marchais dans ses rues, je respirais son air, m'abreuvais de son eau et captait sa lumière. Mais même si j'étais présent, même si mes pas foulaient ce sol, j'étais comme derrière mon miroir. J'étais comme des milliers d'années plus tôt: passif. Mon attention était ailleurs. Je ne voulais pas sauver ces gens, je ne pouvais pas me le permettre. Je ne voulais pas les sauver d'eux-mêmes. Combien se seraient confondus en mensonge en disant qu'ils n'y pouvaient rien? Je pouvais, je peux, mais je ne faisais pas car je ne voulais pas. Là, n'était pas ma place.
Les failles étaient mon fardeau, elles étaient ma responsabilité et en ça résidait mon action. Je ne voulais les sauver d'eux-mêmes mais je les sauverais de mes erreurs. D'une menace bien plus vaste et perfide que leur guerre. Je parcourais la cité, tous les jours, pour cette raison. Je pouvais les ressentir, où qu'elles soient sur la planète, mais j'avais de plus en plus de difficultés à rester en place à attendre. J'étais parvenu à rester discret, à cacher leur apparition, à me cacher moi. J'avais pu être assez rapide pour déguiser la vérité, pour que la réalité ne soit pas entachée. Car depuis que mon frère m'avait appris leur ouverture dans d'autres univers j'avais ressenti l'urgence. Le danger. De plus en plus vite. De plus en plus conséquent. Les univers dévorés par l'abysse.
Je courrais. Je n'en avais pas besoin. Pas pour mon physique. J'avais découvert cette pratique, toutes ces personnes qui courraient pour perdre du poids, pour perdre leurs pensées. J'avais découvert en ça une forme de normalité, quelque chose de simple. Quelque chose que j'avais essayé sans grande conviction pourtant, pour y découvrir un intérêt grandissant. Découvrir ou redécouvrir cette cité. Observer ses habitants. Les voir du meilleur niveau possible: le leur. Des mois que je courrais ainsi, quotidiennement. Des mois à apprécier chaque journée. Je courrais sans perdre une goutte de transpiration, sans mouiller la moindre parcelle de ces vêtements de sport qu'on m'avait conseillé. Un débardeur gris clair avec une capuche, un pantalon de la même couleur, mes pas plus rapides. Je laissais mon instinct les diriger, je laissais un hasard précaire les guider. Je ne savais pas où j'allais mais je voulais le découvrir. Le hasard n'existe pas, alors où est-ce que l'univers m'envoyait? C'était ça que je voulais découvrir.
L'air était frais à cette heure, le soleil déclinait doucement dans mon dos. Je fermais les yeux un instant, faisant confiance au tout pour ne pas sombrer, mais c'est autre chose qui m'avait fais m'arrêter. Une odeur dans l'air. Une odeur familière. J'inspirais profondément, humais l'air, pivotais sur ma droite. Je la reconnaissais. Je m'en souvenais, d'un lointain passé. Oh le temps était passé, pour moi... Et pour elle? J'ouvrais les yeux, les posant sur une porte en bois. Je m'avançais vers elle, posais ma main sur sa poignée et inspirais, juste une seconde, avant de l'ouvrir. Un pas avant, puis deux, et la porte se refermait derrière moi dans un claquement métallique. Le son était différent. Le calme de la rue de Brooklyn que j'avais quitté était remplacé par une circulation plus assidue, plus bruyante aussi. D'ici le soleil semblait légèrement plus haut. Pas de beaucoup. Il faisait légèrement plus frais aussi, pourtant je n'avais pas froid malgré ma tenue plutôt légère. Dans mon dos ce n'était pas le mur de l'immeuble dans lequel j'étais entré mais la vitrine d'une boutique et devant moi il n'y avait pas d'escaliers mais les pompes d'une station essence.
Mes yeux faussement bleus balayaient l'endroit, ils cherchaient. L'odeur était devenu vibration, une simple sensation qui picotait le bout de mes doigts. Je faisais quelques pas en avant, suivant la piste, penchant la tête légèrement sur le côté lorsque j'apercevais les deux voitures à l'écart des autres. Elle n'était pas seule. Je traversais la distance, doucement, les bras ballants, avant de percevoir sa silhouette et qu'un sourire courbe mes lèvres. - Toujours en vie à ce que je vois. - Je redressais ma tête avant de croiser les bras. - Pas que j'aurais pu en douter cependant.
America n’est pas très fan des trajets en voiture. Rogers semble penser que c’est la meilleure manière de se déplacer sans attirer l’attention, et parce que c’est le boss, elle suit le mouvement. Mais l’envie de pousser la portière et de faire le chemin du retour dans les airs la démange chaque seconde un peu plus, chaque jour un peu plus. L’enfermement est terrible pour elle, qui a tant voyagé dans les mondes, dans les galaxies, les dimensions. Techniquement, elle pourrait continuer à le faire. Mais elle sait que chacun de ses voyages amène son lot de vibrations, de petits indices que pourraient très bien traquer des êtres dotés de capacités spéciales. Il y a de très bons éléments du côté du gouvernement, et elle n’a aucune idée du nombre de mutants capables de tracer, de ressentir ces brèches qu’elle crée à chaque fois qu’elle traverse les dimensions. Elle s’est dit qu’il valait mieux arrêter. En temps normal, elle n’en aurait absolument eu rien à foutre. Mais elle ne veut pas mettre en danger le démiurge. Même si pour l’instant, il n’est que ce petit gamin insupportable qu’est Billy Kaplan. Elle se fiche des autres, tant que lui est en sécurité. Du moins c’est ce qu’elle aime faire croire, et ce qu’elle aime se faire croire. Ils se sont arrêtés sur une petite aire d’autoroute, histoire de se dégourdir les jambes (ils ne se supportaient presque plus, dans la voiture) et de manger quelque chose. Et faire le plein, aussi, ce genre de trucs idiots pour lesquels ils perdent du temps alors qu’en volant ou en se téléportant, ils seraient déjà rentrés à la base, en train de dormir ou de comater sur leurs lits respectifs. America est entrée dans le magasin et s’est emparé d’une bonne dizaine de barres chocolatées, ainsi que de deux ou trois sodas, en espérant que tout ça rendrait la fin du voyage un peu plus supportable. Adossée contre la portière de l’une des deux voitures, elle engloutit un Twix, tandis que Noh-Varr écoute de la musique sur la plage arrière, la tête posée contre le repose-tête. Les autres sont encore dans la boutique, ou aux toilettes. Elle sent la présence qui se rapproche mais fait mine de ne pas avoir remarqué. Si c’est quelqu’un qu’elle connaît, ça enverra le message clair et net qu’elle n’a pas envie de discuter, si c’est un inconnu ou un ennemi, elle aura l’effet de surprise. Elle continue à machouiller nonchalamment, attendant que la présence choisisse son premier geste ou son premier mot. Noh-Varr a les yeux fermés, il n’a rien remarqué. Elle a toujours les yeux rivés sur le caramel qui s’échappe de la barre chocolatée. « Toujours en vie à ce que je vois. » Elle fronce les sourcils et relève les yeux. Elle se souvient de cette voix, mais est incapable de dire où elle l’a entendue auparavant. « Pas que j'aurais pu en douter cependant. » Elle plisse un peu les yeux. Elle connaît cette silhouette, elle connaît ce visage, mais là encore, elle est incapable de les replacer… Bordel elle connaît ce gars. Et visiblement il la connaît aussi. Il lui faut de longues secondes avant de mettre le doigt sur l’information qu’elle cherche. Elle claque des doigts, heureuse d’avoir enfin trouvé d’où elle le connaît. « Je ne sais pas si je dois me réjouir ou me méfier de votre présence ici. » lance-t-elle. C’est sa manière à elle de dire bonjour, finalement. « Vous savez que c’est louche, de débarquer comme ça, au milieu de nulle part ? » Elle penche légèrement la tête sur le côté. « Vous avez toujours de ces chips divines que vous m’avez servi la dernière fois ? » Eh oui, elle ne perd pas le nord, quand il s’agit de nourriture. « Qu’est-ce que vous foutez ici, Naerendil ? » dit-elle en mordant de nouveau dans son Twix, pas très inquiète. Elle ne pense pas qu’il l’aurait abordée comme ça s’il était venu pour foutre la merde.
Je la fixais du regard, mes lèvres forcées rester immobile le temps de voir sur son visage l'expression d'une victoire intérieure que seule la mémoire pouvait remporter. Alors mes lèvres s'étiraient en un large sourire avant qu'il ne se transforme en rire à ses salutations ne dérogeant pas à mon souvenir d'elle. - « Vous savez que c’est louche, de débarquer comme ça, au milieu de nulle part ? » - Oh, on est jamais vraiment nulle part, vous savez. - Avais-je dis presque poétiquement. Un sourire amusé venait répondre à sa demande et finalement elle en venait droit aux faits. - « Qu’est-ce que vous foutez ici, Naerendil ? » - Toujours aussi directe, n'est-ce pas? - Je me rapprochais, croisant mes bras nus, tatouages offerts à la vue, contre mon torse. - Désolé de vous décevoir, mais cette fois, il n'est pas en mon pouvoir de vous nourrir. - Nous n'étions pas dans mon domaine. Ici mon action était limitée aux mots qu'elle pouvait prononcer. - Mes excuses. - Je faisais quelques pas pour faire face à une affiche publicitaire. Les mots... ou les images.
Un filet lumineux animait la photo et je tendais la main qui passait au travers du papier, du mur. De cette dimension. Je l'en ressortais presque immédiatement et me retournais vers elle. - Quoi qu'il soit vrai que ces barres chocolatées soient vite addictives, est-ce que quelque chose de chaud ne serait pas mieux? - Je me rapprochais et lui exposais l'évidence, puisque après tout elle m'avait vu me placer devant cette affiche. - Cheeseburger? - L'affiche publicitaire pour un fastfood voisin m'avait offert le support idéal et je tenais dans mes mains deux cheeseburgers fumants, encore emballés, ainsi qu'une boite de frites parfaitement dorées. Je m'étais vite rendu compte sur cette planète que les images publicitaires étaient rarement un reflet de ce qu'on vous proposait en réalité, mais là, ce que je présentais à America était aussi parfait que ce que l'affiche démontrait avant que je ne la dépouille. Il devenait presque ritualiste de ma part d'offrir à cette jeune femme de quoi se nourrir. Deux rencontres, deux repas. Je posais le second burger sur le toit de la voiture sur laquelle elle était nonchalamment appuyé et conservais les frites, piquant l'une d'elle par pure gourmandise.
Oh, et pour répondre à votre question. J'ai senti votre présence et j'ai décidé de faire un léger détour dans ma course pour venir vous voir. - Un sourire sur mes lèvres, un regard joyeux. Bien sur que j'étais réellement content de la voir. - Je vis ici maintenant. Encore un effet de ma curiosité. Je ne sais combien de temps il s'est écoulé pour vous depuis notre rencontre, mais je suis content de vous retrouver "entière". - Comme les humains disaient. - Ou sommes nous d'ailleurs? - Je regardais autour de moi, un air curieux sur le visage. - Est-on loin de Brooklyn? - J'avais beau connaitre la Terre et sa géographie, mon sens de l'orientation ici laissait encore à désirer. Je ne pouvais ignorer que la ville ne m'entourait plus mais j'étais bien inconscient de la distance parcourue. - Et vous, alors? Que faites-vous ici? Je ne vous imaginais pas amatrice de voyage en voiture.
« Oh, on est jamais vraiment nulle part, vous savez. » Bien sûr, il était obligé de lui sortir un truc philosophique. C’est bien un truc de Dieu, ça. De quoi prouver qu’ils en savent toujours plus que les autres et qu’ils sont détenteurs d’une science infuse que les autres n’ont pas. America lève les yeux au ciel. « Toujours aussi directe, n'est-ce pas? » Elle hausse les épaules.. « Je suis née comme ça. » répond-t-elle d’un ton qui veut clairement dire faut vous y faire. America n’a jamais su emballer les mots et ses pensées dans du papier bulle. Son enfance particulière lui a fait passer à côté de quelques bases de la bienséance et du vivre-ensemble. Son honnêteté extrême n’a jamais été bridée par qui que ce soit, et ce n’est pas maintenant que les choses vont changer - ça fait partie d’elle. « Désolé de vous décevoir, mais cette fois, il n'est pas en mon pouvoir de vous nourrir. Mes excuses. » Elle hausse les épaules. « Dans ce cas, je comprends pas très bien pourquoi j’suis toujours en train de vous parler… » dit-elle un peu dans sa barbe, alors qu’il s’est légèrement tourné vers un panneau publicitaire. Elle suit la scène des yeux, certaine qu’il ne va pas pouvoir s’empêcher de faire usage de sa magie, de sa divinité - ou de quel que soit le truc qui lui permette d’accomplir des trucs anormaux. Et bien sûr, son instinct ne la trompe une nouvelle fois pas. Naerendil plonge sa main dans l’affiche comme si elle était un morceau de beurre mou. « Quoi qu'il soit vrai que ces barres chocolatées soient vite addictives, est-ce que quelque chose de chaud ne serait pas mieux? » America a toujours le goût du Twix dans la bouche, mais l’idée de manger autre chose éveille un appétit certain. Elle n’a pas mangé un truc digne de ce nom depuis plusieurs heures. « Cheeseburger? » fait le dieu, en lui mettant sous le nez deux beaux cheeseburgers et des frites. Il pose l’un des burgers à côté d’elle. Elle regarde l’emballage des yeux, puis Naerendil. Puis l’emballage. Elle saute sur le capot de la voiture pour s’y installer plus confortablement avant d’attraper le burger encore chaud. « Ok vous pouvez rester. Pour l’instant. » décide-t-elle finalement en déballant, et en prenant une bouchée. On dirait que ce burger vient d’une dimension parfaite. « C’est quoi la fréquence de cette dimension ? Juste pour savoir ? » demande-t-elle, bien décidée à y retourner si elle peut y manger aussi bien à chaque fois. Peut-être qu’elle pourrait emmener Cassie. « Oh, et pour répondre à votre question. J'ai senti votre présence et j'ai décidé de faire un léger détour dans ma course pour venir vous voir. » America ne lève pas les yeux, mais lève les sourcils. Ils sont amis, maintenant ? C’est ce qu’il pense, apparemment. America n’est pas contre l’avoir dans son entourage s’il lui ramène des trucs comme ce burger tous les jours. « Je vis ici maintenant. Encore un effet de ma curiosité. Je ne sais combien de temps il s'est écoulé pour vous depuis notre rencontre, mais je suis content de vous retrouver "entière". » Cette fois, elle abaisse carrément le burger. « Ça se voit que vous me connaissez pas, mon vieux. » Elle a vécu plus de quinze ans seule, à arpenter l’espace et les dimensions… Elle est presque offensée qu’il puisse croire que cet endroit puisse avoir raison d’elle. « Ou sommes nous d'ailleurs? » America hausse les épaules. « Est-on loin de Brooklyn? » Elle lâche un petit rire - presque moqueur. « Plutôt ouais. Quelque part dans… l’Iowa ? ou l’Illinois. J’sais plus. Bref, aux États-Unis quoi. » Difficile de se tromper, de toute manière, quand on la voit avec son burger, sa veste aux couleurs de l’amérique, et ses converses, sur lesquelles sont peintes le drapeau américain. America a toujours été le cliché le plus fier de la galaxie. « Et vous, alors? Que faites-vous ici? Je ne vous imaginais pas amatrice de voyage en voiture. » - « Je déteste ça. » Elle a presque englouti son burger. Elle repose ce qu’il en reste sur l’emballage à côté d’elle et saute du capot pour aller piquer une frite à Naerendil. « Si ça ne tenait qu’à moi, je ne serais même pas là. » dit-elle, blasée. Noh-Varr somnole toujours à l’arrière de la voiture, son casque sur les oreilles. « Au cas où vous n’auriez pas remarqué… C’est la guerre ici. Je suis là parce que j’ai des intérêts ici qui ne me laissent pas le choix. » Sauver Billy Kaplan. La mission la plus frustrante et saoulante de l’univers. « C’était sympa de vous voir, mais j’vous conseillerais de filer rapidos, c’est trop la merde dans le coin. A moins que ce ne soit pas seulement une visite de courtoisie? » fait-elle en ne le regardant pas dans les yeux, trop occupée à vider le pot de frites qu’il a dans la main.
« Plutôt ouais. Quelque part dans… l’Iowa ? ou l’Illinois. J’sais plus. Bref, aux États-Unis quoi. » - Ah oui, effectivement. - Je connaissez assez mes cartes pour savoir que j'étais bien loin de mon point de départ. Vraiment loin. Et quoi que la distance était une norme très relative pour moi, je constatais avec surprise à quel point ce monde pouvait être vaste. Je l'avais observé engloutir ce burger en quelques bouchées seulement avec un sourire amusé accroché aux lèvres. Cette jeune femme était pleine de vie et surtout son caractère n'avait rien à voir avec tout ce que j'avais pu connaitre ou côtoyer. Son comportement dénotait d'autant plus qu'il faisait fit des faux-semblants et des convenances. Une chose à laquelle j'étais habitué. Et leur absence avait quelque chose d'étrangement agréable. Elle semblait de fait bien plus honnête que d'autres. Totalement plus honnête, plus franche. Je préférais ça aux courbettes silencieuses. J'avais toujours détestée ces courbettes même si j'avais été habitué à les recevoir, habitué à réprimander leur absence. Car le manque de respect envers un dieu n'était pas permis... Mais je n'étais pas son dieu. Pas à elle.
« Si ça ne tenait qu’à moi, je ne serais même pas là. » - J'avais arqué un sourcil, la voyant bondir du véhicule pour venir piocher dans les frites que je tenais encore. - « Au cas où vous n’auriez pas remarqué… C’est la guerre ici. Je suis là parce que j’ai des intérêts ici qui ne me laissent pas le choix. » - J'avais remarqué. - Bien sur, je n'étais pas aveugle. Je voyais la pente savonneuse que cette civilisation empruntait. Je la reconnaissais parce que je l'avais déjà vu. J'en avais déjà été témoin mais ici je n'avais aucun pouvoir, je n'avais aucune autorité et surtout je n'avais pas à intervenir. Je ne devais pas et ne voulais pas intervenir. - « C’était sympa de vous voir, mais j’vous conseillerais de filer rapidos, c’est trop la merde dans le coin. A moins que ce ne soit pas seulement une visite de courtoisie? » - Le poids de la portion de frites diminuait au rythme de ses bouchées et j'étais bien content de ne pas ressentir la faim, sinon j'aurais été bien embêté. - Oh non, c'était bien une visite de courtoisie. Quelques centaines d'années sont passées depuis notre rencontre pour moi, je me suis dis que ça ne ferait pas de mal de venir dire bonjour.
J'avais posé le petit sachet blanc sur la voiture avec l'autre cheeseburger et m'étais frotté un peu les mains avant de croiser les bras. J'allais enchaîner, j'allais rebondir sur cette guerre qui n'était pas la mienne. Enfin, pas littéralement bien sur. J'allais poursuivre cette conversation mais une noirceur venait souiller le fond des songes. Une impression désagréable de vide. Un vide profond au fond de mon estomac, ou du moins ce qui se constituait être un estomac dans ce corps. L'expression sur mon visage avait changé d'une seconde à l'autre, signe évident que quelque chose n'allait pas et si j'avais toujours arboré un air confiant, sur de moi face à elle, elle pouvait découvrir que j'étais aussi capable de ressentir l'inquiétude. Un peu de peur aussi. Parce que je ressentais l'origine de ce trouble à New York mais à une telle distance, je n'aurais jamais dû pouvoir le faire. Pas si l'on parlait de l'une des failles dont j'avais l'habitude. C'était plus que ça et c'était, de fait, digne de mon inquiétude. Je levais mon regard sur elle, croisant son regard. - Il se passe quelque chose en ville... - Mon regard avait dévié vers la porte de la boutique, vers mon passage pour rentrer. - ... Quelque chose de massif.