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| Save the monster. Save the child. ♦ Wiwis | |
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it's a revolution, i suppose Purifiers • set them on fire | | |
Il a froid, il paraît que tous les enfants ont froid quand ils viennent au monde. Mais il l'a déjà quitté, pas vrai ? Il doit avoir froid, il aura froid. Je retire mon écharpe, ajoute cette épaisseur contre le petit corps, minutieusement, en essayant de ne pas le blesser, en essayant de le caler convenablement. Je mets le nez dehors, le garde tout contre moi. Je ne sais pas où je peux aller, ce que je peux faire, à qui je peux aller demander de l'aide, l'aide de la dernière chance. Je pensais qu'il vivrait, que je n'aurais qu'à partir.. Je fouille ma poche à la recherche de ma clef de voiture. Il est minuscule, quand je baisse le regard sur son visage et ses yeux clos, j'attends qu'il les ouvre, j'attends qu'il prenne une goulée d'oxygène et respire par lui-même, même qu'il pleure. Il paraît que tous les enfants ont les yeux bleus en naissant, de quelle couleur sont les siens ? Je regarde autour de moi en marchant doucement, pas bien droit. Finalement, j'ouvre mon manteau et j'y glisse le petit paquet, comme s'il s'agissait uniquement d'un chiot, d'un petit animal pas si fragile. Mais je ne veux pas qu'il ait froid... Je voudrais qu'il soit bien. Je monte en voiture, claque la portière délicatement. Je baisse les yeux sur lui, un sourire en coin, du bout de mon index je caresse doucement sa joue encore tâchée de sang. Je suis mauvais en promesses, je ne sais pas les formuler, je ne sais pas les tenir, je ne sais pas m'en souvenir. Puis-je seulement lui promettre que tout ira bien quand son cœur n'a pas vraiment commencé le combat ? Puis-je seulement lui dire que je vais m'occuper de lui quand tout ce qu'on attend de moi est que je m'en débarrasse ? Il pourrait avoir mes yeux, il pourrait avoir mon sourire, il pourrait le caractère de merde des Reagan.
Pour ne pas le blesser, je ne passe pas ma ceinture. Je démarre doucement, mon regard alterne entre la route et son visage à demi-camouflé par l'écharpe autour de son petit corps. La route, je la connais par cœur. Je devrais accélérer, je devrais griller tous les feux, je devrais rouler sur le trottoir mais je ne suis pas si naïf, quelle chance pour qu'il me dise qu'il peut ? Pendant que je roule, je lui parle. Mes lèvres restent closes, mais il peut sentir les battements de mon cœur contre son corps, comme un appel constant, comme une prière permanente, comme un cri en continu. Tu pourras aussi le faire, tu pourras aussi pousser ce nouveau cri, tu sais... Je serai là pour t'aider à regonfler tes poumons, je serai là pour t'aider à remuer tes doigts glacés, je serai là pour t'aider à pulser le sang des décennies durant. Je n'ai pas su que tu étais là, alors que tu observais silencieusement. Qu'as-tu vu de moi, petit enfant ? Qu'as-tu vu ? Est-ce que cette vision t'a tellement effrayé que tu choisis de ne pas vivre parmi nous ? Pardonne-moi alors, laisse-moi te protéger de tout ce qui te fera peur, même si ce doit être de nous. Tu mérites de vivre. Tu le sais, pas vrai ?
Le temps de ce trajet, laisse-moi t'écrire une lettre avec l'encre de mes pensées, sur le parchemin de ma promesse silencieuse. Nous n'avons pas d'excuse, chacun choisit le destin qu'il veut, et je ne crois pas en la providence. Je ne pense pas que tu y sois très sensible non-plus. Primrosae, cette mère assassine qui t'a surnommé « le bébé », dans le meilleur des cas, elle a craint que tu sois l'un des leurs. Elle a su que tu es l'un des fleurs. Tu sais, eux, ce sont les mutants. Cette femme, je l'aime. Nous ne disons pas ces mots-là, parce qu'ils sont forts. L'amour, c'est brutal. L'amour, c'est animal et ça peut causer mille ravages que même le temps ne répare jamais. Alors nous ne nous disons pas ces mots-là mais quand j'ai posé les doigts sur son ventre, j'ai su que toi aussi, je t'aimais. Sans te connaître. Ridicule n'est-ce pas ?
Et puis, comment est-ce que je pourrais faire ça ? Tu es peut-être même l’engeance d'un mutant. Et pourtant, il y avait ce picotement dans ma poitrine quand je pensais à toi. J'avais un sourire bête aux lèvres quand je t'imaginais déjà assis à ton bureau, en face de moi, faisant la même tête que moi à ton âge quand je devais m'attaquer aux problèmes de mathématiques. Je suis un homme de projets, j'ai toujours mille projets. J'essaie de me projeter dans l'avenir parce que ce futur meilleur excuse les erreurs du présent, les sacrifices d'aujourd'hui. Tu étais là-bas depuis si longtemps qu'on peut dire que tu me connais en quelques sortes, et pourtant, j'ai tellement de choses à te dire. Où allons-nous ? Prier, supplier, implorer. J'ai la foi, j'ai foi dans les hommes et j'ai foi dans notre combat. De ton point de vue, c'est du sang, c'est la mort, c'est la désolation. Mais reste près de moi, tiens bon, et je t'offrirai un monde où tout cela n'existera pas. C'est la seule chose que je te demande, la seule. Tiens bon, reste là, quelque part, suspendu dans un purgatoire d'enfants, à jouer au jugement dernier. Mais ne fais que jouer, je viendrai te chercher jusqu'aux portes de l'Enfer s'il le faut. Tu crois que je ne le ferai pas ? Tu sais ce qu'on dit, l'Enfer est vide, tous les démons sont ici-bas sur Terre. Mais je viendrai, quoiqu'il m'en coûte. Je viendrai te chercher. Je ne me débarrasserai pas de ton corps, je veux que tu te concentres sur les battements de mon cœur, et que tu tiennes bon.
Nous voilà arrivés. Je descends, caresse à nouveau ton visage endormi, froid, si froid. Je claque à peine la portière. Je lève à nouveau le nez au ciel. Je ne suis sans doute pas au bon endroit. J'aurais dû t'emmener dans mon Église, c'est un lieu de paix. Un jour, je te la montrerai sans doute. Je te présenterai le précieux silence qui l'habite, ces moments suspendus dans le temps... quand les dernières bougies s'éteignent, à bout de cire, quand le bruit de la ville semble loin, si loin... Ce n'est pas grave, que tu y croies ou pas. Moi je crois en toi, c'est la seule chose qui compte. Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas pour ça. Et Emmett ? Voudras-tu aller à Emmett ? Ce serait mentir que de dire que je n'y ai que de mauvais souvenirs. Il y a une colline de laquelle on voit la ville, qui se camoufle partiellement derrière les tâches vertes de la nature. C'est très beau, surtout en été. Il y a une forêt, il y a un lac, il y a l'école où nous allions... Je suis persuadé qu'il y a toujours le même panier de basket dans le préau. Dans le fond de la cour, tout contre le mur de l'école, il y avait une partie du grillage qui était abîmée. En poussant, on pouvait passer le bras et c'est de l'autre côté de ce grillage défectueux qu'on cachait nos trésors, moi et mes amis couards. Tu verras, je te montrerai où c'est. Tu pourras aussi y cacher tes trésors, je ne dirai rien. Ce sera notre secret. Tu verras, je garde bien les secrets. Tu verras, Primrosae garde bien les secrets... N'es-tu pas, toi-même, notre secret ?
J'entre dans l'immeuble. Je te garde précieusement contre moi, je ne veux pas me séparer de toi. Je ne veux pas t'abandonner. Ah oui, je te parlais de ton père... c'est vrai... Je ne sais pas qui il est. Mais si j'aime celle qui t'a mis au monde, ne peux-tu pas me confier ce rôle ? Parce que dans mon cœur, quoique la science pourra en dire, tu es mon fils. Même sans le dire à voix haute, j'en ai un frisson qui me traverse de la pointe des pieds jusqu'en haut de la nuque. Ah c'est bête, je me suis promis de ne plus pleurer. Et puis, comment te donner confiance, si moi-même je ne suis pas prêt à y croire ? Je m'assieds près de la porte, entrouvre doucement le plaid et l'écharpe. Tu es silencieux, tu es immobile. Je soupire. Je termine ainsi cette lettre. Peut-être ne m'entend-il pas ? Il n'est plus au sein de Prim, il est là, aux creux de mes bras. Je ramène doucement mes genoux vers mon torse et écarte davantage l'écharpe. J'approche mon visage du sien. A-t-il besoin d'entendre le son de ma voix, de sentir mon souffle chaud contre son visage. Mais si je commence à parler, arriverais-je à me taire un jour ? … Parce que je me recroqueville dans le silence, ne sera-ce pas que j'ai échoué ? Je ne peux pas échouer. Je ne lui ai pas promis de l'aider à vivre... Mais puis-je seulement échouer ?
Je déglutis douloureusement. Les mots restent coincés dans ma gorge. Je devrais lui dire quelque chose. Une part de moi me susurre que c'est inutile désormais, qu'il n'entendra plus jamais sauf si je lui parle comme je parle à Dieu. Mais l'autre se dit qu'il n'est qu'endormi, il attend de pouvoir se réveiller. J'expire par saccades, me racle la gorge. Il est si petit, minuscule. Là-dedans, il n'est peut-être même pas un véritable enfant, peut-être juste un fœtus avorté, sans espoir d'ouvrir les yeux sur la vie, sur le monde. Il ne peut pas vivre. Et pourquoi pas ? Parce qu'il est... Ne le dis pas. Ne le dis pas. Que personne ne le dise. Je ferme les yeux. Tu vois, petit enfant, je suis aveugle en cet instant, tout comme toi. Mais je n'ai pas peur, parce que je sais que tu es là, tout près de moi, en sécurité. J'arrive trop tard... Je ne suis pas fou. Mais peut-être que « trop tard » perdra tout son sens ce soir ? Peut-être qu'après la longue nuit que tu as entamé, la lumière du jour s'offrira à toi. Emmett, ou ailleurs, peu importe. Tu ne resteras pas là. Tu seras loin d'ici, loin des cris, loin des impacts de balle, loin des menaces, loin des projets, loin des revanches, loin des théories, loin des combats... loin du tout. Je sens ton nez sous mon index, tes lèvres, ton menton. Tu seras loin de tout ça. Si je dois te faire une seule promesse, en échange de ta vie, ce sera celle d'une vraie vie.
Qu'est-ce qu'un nom ? Qu'est-ce qu'un pseudonyme ? Dès que j'ai su que tu existais, tu as été un Reagan. Tu as toujours été mon enfant, et je ferai ce qu'il faut pour te protéger. Comme j'aurais dû protéger Sarah et Aaron. Tu les rencontreras peut-être un jour, sans doute jamais. Je ne veux pas te brosser le portrait d'une famille qui n'en a plus que le nom, tant le nombre de fissures qu'elle doit réparer est grand. Je suis responsable, je ne veux pas te mentir. Je suis responsable de cela, et j'ai failli commettre l’irréparable. On s'habitue à faire couler le sang, c'est horrible, mais c'est vrai. Tuer un mutant, c'est comme briser le cou d'un chaton indésiré. On se dit qu'il ne peut pas être lâché dans la nature comme ça... Ce n'est pas bien. Le sang qui te couvre n'est pas le tien, qu'est-ce que ça te fait ? Non, tu ne les rencontreras jamais. Parce que j'oscille entre trop de sentiments qui peuvent les blesser, ils ne sont pas assez forts pour le supporter. Pas assez forts pour supporter mes faiblesses à moi. Désolé, petit enfant, je suis brutal, je crois... Même dans mes gestes vis-à-vis de toi, j'ai l'impression de l'être beaucoup trop... Je ne sais pas comment m'y prendre avec les innocents, ils m'effraient, leurs jugements m'effraient...
Toi, vas-tu me juger ? Est-ce déjà ton jugement qui a commencé ? Où sommes-nous ? Je donne un coup sur la porte de mon bras droit. Ton corps suit mon mouvement, tu sursautes quand je frappe, d'un sursaut artificiel, indépendant de ta volonté, indépendant de ta vie, indépendant de tout. Mais tu es innocent, tu mérites de vivre. Je sais bien que j'ai tué des milliers d'innocents qui avaient aussi une vie précieuse. Leur mort a servi la cause. N'était-ce pas ce que je disais à Lewis au sujet de ces nouveaux nés morts à l'hôpital ? Morts pour la cause ? Mais ta mort à toi, qui sert-elle ? Qui peut-elle aider ? Ton sacrifice n'a pas lieu d'être, petit enfant... J'avais pensé te parler, mais ma voix reste pétrifiée au fond de ma gorge, je n'y arriverai pas. Il sera vain, il ne sera qu'une goutte de pluie tombée au sol parmi tant d'autres. Tu n'existes même pas aux yeux de ta propre mère. Une vague de colère m’écœure à cet instant. Je te l'ai dit, je suis un homme brutal. Dans toutes mes faiblesses, il y a celle-là. Je suis un homme mauvais, mais je t'aime. Si je te supplie, pourras-tu vivre ? Si je te prie, pourras-tu ouvrir les yeux ? Si je t'implore, voudras-tu me confier les premiers battements de ton cœur ? C'est... la... seule... chose que je te... demande. Toute cette colère, la haine, la peur, la peine, l'amour, ça n'a pas d'effet sur toi, tu es protégé de tout ça. Rends-toi vulnérable. Pitié !
Que voudras-tu en échange ? Qu'est-ce qui te fait peur ? Tu es paraît-il mutant. Qui sait ? Quelle importance ? Je retire mon chapelet d'autour de mon cou, en continuant de maintenir ton corps. Je le pose sur toi. Je voudrais te voir tendre les bras pour t'en saisir, je voudrais entendre ton gazouillement contrarié au premier échec, et ton rire satisfait quand tu y arriverais. Je donne un nouveau coup sur la porte. Plus fort. Mon poing reste serré. Que voudras-tu en échange ? Qu'est-ce qui te fait peur ? Tu veux que je te parle ? Alors je baisse la tête, plus près encore de toi... « Alors... C'est la première fois qu'on ne se parle pas à travers un ventre, pas vrai ? Je t'avais dit que je serais là et... je suis là... et je... » La porte s'ouvre, je lève les yeux sur Lewis. Mon honneur ? Je n'en ai pas. Ma fierté ? Je n'en ai pas. Mes principes ? Je n'en ai pas. Je me racle la gorge une fois encore et ressers mon emprise sur ce corps inanimé, prisonnier de cette écharpe, bloquée contre moi. « Je ne savais... où aller... s'il te plaît... si tu connais les mutants... aide-le... Pas pour moi... pour lui... » Je baisse les yeux sur le petit corps. Je crois le voir pleurer quand une goutte déferle sur sa joue. De ma main libre, je l'efface de sa joue, j'inspire grandement et ne le quitte plus des yeux. Je suis là, ça va aller. Et il est là. Tu te souviens, cette unique chose ? Tiens bon. Accorde une chance à la vie, accorde-moi une chance, une seule. Je fixe l'enfant, s'il devient un jour un enfant... et murmure pour mon frère jumeau : « C'est mon fils, aide-le. »
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it's a revolution, i suppose not affiliated + leave me alone | | | save the childjeremiah & lewis reagan
L’odeur est insoutenable et il doit ravaler la bile qui lui remonte le long de la gorge. C’est celle des corps calcinés, de la chair qui brûle encore. Il la connaît bien, cette odeur. Trop bien. De même que la sensation détestable du sable qui crisse entre ses dents. Lewis se redresse péniblement et son regard s’attarde sur sa jambe droite. Le treillis déchiré laisse apparaître la chair mutilée en-dessous, rouge de sang et noire d’avoir brûlé. Il grimace, grogne de douleur et se frotte le crâne, pour essayer de dissiper le bourdonnement qui résonne dans ses oreilles. Lorsqu’il se calme un peu, Lewis perçoit un gémissement et tourne la tête dans sa direction. Un peu plus loin, un corps étendu et le sable en-dessous est si rouge qu’il a l’impression que le désert en a bu tout le sang. Il se traîne jusqu’au soldat qui s’accroche encore à la vie, malgré le trou béant qui lui ouvre l’abdomen, mais quand ses yeux se posent sur son visage, Lewis sent son cœur cesser de battre. « A-Aaron ? » hoquète-t-il. C’est impossible. Aaron ne peut pas être là. Il n’a rien à faire là. Il tente de parler mais ne parvient qu’à cracher une gerbe de sang, alors que Lewis presse ses mains sur sa plaie énorme. Son abdomen vomit son sang et ses tripes alors que ses gémissements se font plus faibles. « Non, non, Aaron, regarde-moi, Aaron, » supplie-t-il mais le garçon tremble de plus en plus. Quelqu’un appelle son nom. Lewis redresse brusquement la tête. « Sarah ? » Elle est plantée là, debout, pâle et tremblante. Ses vêtements sont tachés de rouge et son bras gauche… oh god, son bras gauche… Il veut se lever, l’attraper pour la mettre à couvert, mais s’il lâche Aaron… « Sarah, viens là, vite, il faut-- » Elle ne l’écoute pas. Son regard est rivé sur quelque chose derrière lui et quand Lewis se retourne, c’est pour se retrouver face aux grands yeux de Joe, fixés sur lui, immobiles. Un hoquet lui échappe, alors que Sarah s’avance, sans le regarder. « Sarah ! » appelle-t-il mais elle l’ignore toujours et va s’agenouiller à côté d’un autre soldat. La moitié de son visage a brûlé, mais l’autre affiche les traits de Jeremiah et Lewis laisse échapper une plainte rauque. « It can’t be, » murmure-t-il d’une voix tremblante. « They can’t be here, they-- » Il secoue la tête, alors que sous ses mains, Aaron a cessé de bouger et le fixe avec des yeux remplis de terreur. Sans respirer. « No, no, no, you can’t—you can’t-- » Les larmes lui brouillent la vue alors qu’il refuse de lâcher son petit frère, même si… même si… « Ta—faute. » Il sursaute, tourne la tête vers Jeremiah qui le fixe avec tellement de colère. « Tout ça, c’est—ta—faute. » Non. Comment ça pourrait être de sa faute ? Il n’a jamais rien voulu de tout ceci, il n’est pas celui qui les a mis en danger, celui qui les a entraînés dans cette folie que sont les Watchers. Il n’est pas responsable du malheur qui s’abat sur sa famille, ce n’est pas lui. Il voulait protéger Aaron, peu importe qu’il soit un mutant, parce que ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est ce qu’il fait de ses pouvoirs, le reste n’a aucune importance mais Jer… Jermiah a voulu lui faire du mal. Il a cherché à blesser Aaron, à le tuer. Et Sarah— « He’s right, » fait une autre voix et quand son regard se pose sur Ellen qui serre contre elle son mari et sa fille dont les corps sont à moitié carbonisés, Lewis laisse échapper un sanglot misérable. Ce n’est pas lui, ce n’est pas lui qui a fait tout ça. Ce. N’EST PAS LUI. Lorsque la tête du cadavre d’Aaron se tourne vers lui, pour exhaler : « Ta faute. » Lewis ouvre brusquement les yeux et se redresse, trempé de sueur, dans son lit. Le soldat porte une main tremblante à sa bouche qu’il recouvre afin d’y étouffer ses halètements. Un cauchemar. Rien qu’un stupide cauchemar. Ce n’est pas la première fois que les horreurs qu’il a vues sur le terrain reviennent le hanter. Souvent, il revoit les visages de ses camarades tombés au combat et les années n’ont rien fait pour dissiper l’horreur qu’il éprouve à chaque fois que ses songes le ramènent à ces souvenirs douloureux. Mais cette fois, les visages des soldats ont été remplacés par ceux de ses proches et Lewis a plus envie de vomir que jamais. Ta faute. Il se relève péniblement, repousse les draps qui lui collent à la peau. Son regard s’attarde sur son réveil, qui affiche une heure beaucoup trop tardive pour ces conneries. Mais il sait qu’il n’arrivera pas à se rendormir. Alors il se traîne jusqu’à sa salle de bain, passe un temps infini sous le jet d’eau froide pour se remettre les idées en place. Il ne bouge que lorsqu’il commence à grelotter et remet l’eau à une température correcte avant de finir par sortir de la cabine de douche. Il va enfiler des vêtements propres et descend les escaliers en marchant comme un automate. Une fois dans la cuisine, son regard s’attarde sur le bar où se trouvent plusieurs bouteilles entamées de divers alcools forts. Lewis hésite, mais finit par se détourner et ouvre le frigo, pour en sortir une bière. Il faut qu’il arrête de faire passer ses cauchemars en espérant les noyer dans des litres de whisky. Sa bière décapsulée, il va jusqu’au salon et allume la télévision, zappe inlassablement, incapable de se fixer sur une chaîne. Rien d’intéressant à cette heure-ci. Des films débiles, des reportages animaliers, des films de cul, des rediffusions d’émissions qui étaient déjà stupides la première fois et qui auraient mérité d’être oubliées, des abrutis qui s’affament sur une île pour le fun, les news en continu, un reportage sur les tanks de la—non, il n’a pas besoin d’autres explosions ce soir. Lewis s’arrête sur un quelconque reportage animalier, probablement la chose la moins abrutissante et la moins traumatisante qu’il puisse trouver à cette heure-ci. Il ne sait même pas pourquoi il a ouvert cette bière, il peine à la boire et le goût lui paraît infect. Il a encore l’impression de sentir l’odeur des chairs brûlées, c’est probablement pour ça. Des coups résonnent et au début, Lewis pense les avoir imaginés. Mais ça recommence et il se lève, sourcils froncés, avant d’aller attraper l’arme qui trône sur le meuble de l’entrée. Il n’y a plus personne pour risquer de se blesser en jouant avec désormais, alors il n’est plus vraiment prudent. Il retire la sécurité et la cache derrière lui, avant d’ouvrir la porte. Sur Jeremiah. Son premier réflexe est de braquer l’arme sur lui, mais son regard s’attarde sur les traits ravagés de son frère, et sur le paquet qu’il tient dans ses bras. « Je ne savais... où aller... s'il te plaît... si tu connais les mutants... aide-le... Pas pour moi... pour lui... » Lewis ouvre la bouche, sourcils froncés, pour lui demander de quoi il parle, mais Jeremiah approche une main de l’amas de tissu qu’il tient contre lui et son geste laisse entrevoir un visage. « C'est mon fils, aide-le. » Lewis écarquille les yeux et le regarde sans comprendre. Son fils ? Jer a—mais cet enfant… Il est immobile et à la couleur presque bleue que son visage a pris, Lewis réalise que c’est parce qu’il ne respire pas. Plus ? Il semble avoir—quelques heures ? Quelques minutes ? A-t-il jamais poussé un cri ? « Holy shit, Jer, » hoquète-t-il avant de remettre la sécurité sur son arme, de la glisser à l’arrière de son pantalon. Il ne réfléchit plus, les questions viendront plus tard, tout ce qu’il sait, c’est qu’il a vu assez de cadavres pour une nuit. Alors Lewis attrape l’enfant sans plus attendre et s’enfonce dans l’appartement, jusqu’à la table de la salle à manger sur laquelle il le dépose. Il défait l’écharpe qui l’entoure, puis lui relève le menton pour dégager ses voies respiratoires. Si petit. Si, si petit. Son index et son majeur viennent appuyer sur sa poitrine. Encore. Et encore. « Call 911, » ordonne-t-il avant de plonger sur le minuscule enfant pour emprisonner son nez et sa bouche, souffler fort. La poitrine se soulève grâce à l’air qu’il y fait entrer, mais ce n’est pas suffisant et il est. Si. Froid. « Jer, fucking call 911 ! » beugle-t-il avant de répéter l’opération. Encore. Et encore. Et encore. Il ne sait pas si son frère a réagi, il ne peut pas penser à lui, pas maintenant, pas alors qu’il y a ce tout petit être qui a besoin qu’on l’aide parce qu’il n’arrive pas à faire ses premiers pas dans le monde tout seul. C’est mon fils. Putain. Il ne sait pas depuis combien de temps il s’acharne et il devrait probablement laisser tomber mais il en est incapable, il ne peut pas l’abandonner, il ne peut p— Et puis Enfin Un hoquet. Suivi d’un cri. Un véritable hurlement, d’âme en colère et qui souffre. D’avoir été ramenée dans un monde si terrible, probablement. Lewis reste un moment figé, les yeux écarquillés. Il respire. Oh god, il respire. Alors il attrape l’enfant et le ramène contre lui, il est toujours beaucoup trop froid et il ne sait pas si c’est le seul problème, probablement que non, combien de temps est-il resté sans respirer ? Il pourrait avoir de terribles lésions, des séquelles irréversibles. Mais pour l’instant, le problème, c’est le froid. « Enlève ton t-shirt, » ordonne-t-il à Jer mais ce dernier peine à réagir alors Lewis grogne, s’avance et attrape le bas du vêtement, commence à tirer dessus pour le remonter. « Enlève ton putain de t-shirt, » qu’il aboie de nouveau et enfin, son frère semble réagir. Alors il presse le gosse, nu comme un vers contre la poitrine chaude de Jeremiah. Le petit continue de hurler mais Jeremiah referme ses bras autour de lui et après s’être assuré qu’il le tient bien, Lewis s’éloigne juste le temps d’attraper un plaid du canapé. Il entoure Jer et le petit de la couverture, s’assurant qu’aucune parcelle de peau de l’enfant ne soit à découvert, à l’exception de son visage. « T’as appelé ? Jer, est-ce que tu les as appelés ? » demande-t-il, cherchant son téléphone du regard. Peu importe ce que Jer a fait. Ce qu’il fera. Il pourra recommencer à le détester après ça. |
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it's a revolution, i suppose Purifiers • set them on fire | | | La porte s'ouvre, et sur elle la possibilité de prendre une inspiration. L'espoir que ça va s'arranger, je ne sais pas comment. Est-ce qu'il ne faudrait pas un miracle et je ne peux pas faire davantage, je ne sais pas quoi faire. Je me sens profondément démuni, comme déjà pourchassé, acculé. Aucun plan b ne m'est venu à l'esprit et jusqu'au dernier moment, j'ai cru qu'il me suffirait de m'en aller, de le laisser quelque part en souhaitant qu'il soit assez loin pour survivre. Quand Primrosae a failli mourir à sa tentative d'avortement, je pensais que la vie de cet enfant n'aurait jamais aucune sorte d'importance et puis j'ai réalisé que je ne pouvais pas faire de choix. C'est aussi pour cela que Prim est actuellement en train de dormir, d'un sommeil enragé et trahi, d'un sommeil assez profond pour me laisser une longueur d'avance parce que je ne souhaite pas me battre avec elle.
Nous semblons voués à nous entre-détruire, depuis le début. Elle, parce qu'elle combat les mutants tout en refusant d'être un être humain, et moi parce que je suis conscient que je peux basculer n'importe quand. Je n'arrive pas à faire face à cet inévitable moment, et je ne veux pas devoir me dresser entre elle et l'enfant. Je ne veux pas faire ce choix. S'il est officiellement mort, alors je pourrai rester auprès d'elle et elle m'en voudra d'être parti avant de lui avoir tranquillement explosé le crâne sur le parquet de sa maison. Elle m'en voudra mais finira peut-être par comprendre que ce n'était pas ça qui comptait. S'il meurt officiellement, nous ferons tous les deux comme s'il ne s'était rien passé et elle pensera qu'elle a réussi et qu'elle l'a tué. Mais s'il meurt vraiment, pourrais-je m'empêcher de penser que c'est sa faute, à elle ? Si elle l'a vraiment assassiné, si elle lui a retiré son premier cri, pourrais-je m'empêcher de vouloir lui faire subir le même sort en me disant que tous les monstres n'ont pas de pouvoir...
Mais ce n'est pas que pour Primrosae... Plus jeune, je me suis imaginé aussi fonder ma propre famille. Au fil des mois, au fil des années, cette image a été carbonisée par la réalité rousse et carnassière, écrasée par la réalité brune et assassine, piétinée par la réalité blonde et volage. J'ai fait le deuil de cette idée saugrenue et me suis résolu à mener une vie qui ne prendrait pas cette direction. Je me suis concentré sur ma mission, comme on me l'a judicieusement conseillé et je me suis fait à l'idée que Primrosae était aussi là pour m'empêcher de dériver. Et maintenant c'est sa faute. Ceux qui devaient me soutenir se sont détournés du droit chemin et celle qui devait m'y maintenir a fait n'importe quoi. Elle a joué avec le feu et elle nous a brûlés tous les deux. Je n'en peux plus, je ne peux pas conscentir à ce mensonge de plus. Quelle différence avec mon petit frère ? Il avait peur, il n'y croyait pas, je l'ai vu dans son regard au moment où j'ai forcé sur mon poignet pour que la lame traverse la peau et la chair. Quelques instants auparavant, il se présentait de lui-même devant moi, quel idiot. Quelle naïveté, et l'instant d'après, je sentais cette innocence s'envoler en même temps que son souffle. J'ai essayé de ne toucher aucun organe vital et pourtant, je n'ai pas pu m'arrêter, alors que je le poignardais, alors que l'intégralité de la lame disparaissait dans son corps. Je ne dirais que ça m'a fait aussi mal qu'à lui. Rony a eu mal.
Jamais je n'aurais dû me présenter ici, mais peu importe les conséquences. Je sais que Lewis, s'il peut faire quelque chose pour l'enfant, le fera. Après, il adviendra ce qui devait advenir. Et je ne suis pas maître des décisions de Lewis. Auparavant, j'ai criblé de balles un Watcher parce qu'il aurait pu trahir le secret de notre frère, je lui ai broyé le crâne et je l'ai carbonisé. Qu'aurais-je fait ce jour-là s'il m'avait dit qu'il avait fait du mal à notre petit frère ? Quelle rage peut emporter un homme quand on s'en prend aux siens ? Un jour, je ne pourrai pas fuir la rage latente de Lewis, la détermination de Sarah, comme je cherche à éviter la colère de Primrosae.
Je réalise en apercevant Lewis qu'il est comme un fantôme, dont les contours sont à demi dévorés par l'obscurité. Mon regard croise le sien, ou s'y accroche plus exactement, comme une supplique supplémentaire, et je ne réalise qu'après qu'il tend une arme dans ma direction. Du moins, je la vois sans comprendre. Cela ne compte pas, rien de tout cela ne peut compter. Ni moi, ni mon frère et ses traits tirés. Tout ce que j'ai pu faire et ce à quoi j'ai participé, ça n'a aucune importance tant qu'il entend ma voix qui tend à se tordre au fond de ma gorge. Il est simplement mon dernier espoir, je ne savais pas où aller. Il saura quoi faire. Il saura quoi faire pour amener de la vie où il n'y qu'un parcours chaotique de violences.
Mes yeux restent suspendus dans le vide, en direction de mon frère jumeau sans que je puisse à nouveau les poser sur l'enfant. Si je ne vois pas son regard sale, sérieux et figé, je ne reprendrai pas conscience qu'il ne respire pas. Mais il sait, il entend bien que je prie pour lui, il sait, il entend bien que je le supplie de respirer, il sait, il entend bien que tout va s'arranger et que le seul miracle que nous rencontrerons sera pour lui. Mon corps se détend légèrement, s'abandonne au son de la voix de mon frère. Et pourtant, mon cœur bat fort dans ma poitrine, mais le ton rauque de sa voix – peu importe ce qu'il a pu dire – me rassure. Il réalise, il réalise ce qui est en train de se passer.
Il avance ses bras et prend l'enfant. Mes doigts se serrent sans réellement de forces et je reste une seconde dans la même position avant de me cramponner au montant de la porte qui demeure ouverte quelques instants. Quelques instants pendant lesquels je me demande si je dois rester ou m'en aller. Me dire qu'il est entre de bonnes mains. M'en aller et laisser Lewis faire ce qu'il fait de mieux : régler les problèmes. Je ne saurai jamais si cet enfant a survécu, et tant que je resterais dans l'ignorance, est-ce qu'il ne courra pas moins de dangers ? Je ne pourrai rien dire parce que je ne saurai rien... Mais il ne sait pas, il ne sait pas quelle furie va chercher le corps de l'enfant dès qu'elle sera en état de le faire. Ma main s'accroche à la poignée de la porte.
Je le regarde déposer le petit corps sur la table. Je devrais partir, et je reste. Je devrais partir, juste le prévenir de s'en débarrasser, le cacher, je devrais lui hurler de l'emmener hors de nos vies et m'en aller avant qu'il ne soit trop tard. La porte claque, derrière moi. Et je le regarde s'affairer, poser ses doigts de géant sur un corps minuscule. « Call 911, » J'écarquille les yeux, sans comprendre qu'il est en train de me parler. Moi ? Est-ce que je devrais vraiment appeler les secours ? Non, il ne faut pas... Je porte une main à mon front, lève les yeux au ciel. On ne doit pas faire ça... est-ce qu'il faut vraiment appeler les secours ?
« Jer, fucking call 911 ! » Je comprends, c'est parce qu'il ne sait pas... J'approche d'un pas, porte la main à ma poche. Ma main est sale, mon téléphone manque de glisser et je baisse les yeux dessus sans faire quoique ce soit. Il ne sait pas... Je ne le lui ai pas dit. Je refais un pas dans sa direction, regarde la scène comme de loin, de très loin, si loin que j'ignore si ma voix portera jusqu'à mon frère. Et soudain, le cri. Qui dit qu'on ne peut plus reculer. Cette fois, j'ai menti à Prim. Il est vivant et dieu seul sait détenteur de quel pouvoir abominable. Mes doigts s'ouvrent, je n'entends pas mon téléphone tomber par terre, je regarde les yeux grands ouverts. Mon dieu, il est vivant. Mes lèvres se serrent et je ne sais pas ce que je dois faire maintenant. Il est vivant. Je reporte une main à mon visage. « Enlève ton t-shirt, » Qu... Quoi ? Je baisse les yeux sur mes vêtements. De quoi est-ce qu'il parle ? « Enlève ton putain de t-shirt, » continue-t-il en joignant le geste à la parole et sans comprendre, je m'exécute. Et il pose l'enfant contre moi. Immédiatement, mes bras viennent l'entourer à nouveau alors qu'il pleure encore.
Il pleure. Sans que je sache pourquoi, un sourire vient naître sur le coin de mon visage. Ça y est, on ne reculera plus. L'irréparable a été commis et s'il est maintenant vivant, c'est qu'il devait en être ainsi. L'enfant est gelé, il est sale mais il est vivant. Peu importe qu'il soit de moi ou pas, ça ne changera rien. Elle ne te trouvera pas, elle pourra faire ou dire ce qu'elle veut, elle ne te trouvera pas. Si elle te tue, elle se perdra à jamais et je devrai la tuer. Et si elle ne te tue pas, elle devra affronter ma faiblesse comme invulnérable. Je ne regrette pas ma décision. Je le serre contre moi, ne me préoccupant pas du fait que Lewis puisse voir les traces de mes remords sur mon bras, ou les cicatrices laissées par l'autre fou furieux lors de mon intervention à la X-Mansion. D'ailleurs, toutes les cicatrices disparaissent bientôt sous le plaid qu'il pose autour de nous. Mes doigts en saisissent les bords doucement, pour l'empêcher de glisser. « T'as appelé ? » Je lève les yeux sur lui. « Jer, est-ce que tu les as appelés ? »
La raison. Je dois recouvrer la raison, et lui dire. Je secoue la tête de gauche à droite. « Cet enfant n'existe pas, Lewis. Il ne doit jamais exister. Ou il est mort. » Je rebaisse les yeux sur lui, il semble se calmer, le volume de ses hurlements est moins intense. Et je n'arrive pas à le dire. C'est un mutant. Je voudrais qu'il le devine, et ne pas devoir le dire. Qu'il soit un enfant hors mariage pourrait à la rigueur causer son scandale mais rien qui ne soit pardonnable par la communauté, après tout. Mais « ça ». C'est son arrêt de mort. « Il est peut-être... dangereux. » lui dis-je comme sur le ton de la confidence avant de reposer les yeux sur son visage sale. Oui d'accord, il l'est sans doute mais... que peut-il faire à cet instant précis ? Lui qui vient seulement d'apprendre à respirer... Devine Lewis, s'il te plaît. Ne me fais pas dire ça. |
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it's a revolution, i suppose | | | | | Save the monster. Save the child. ♦ Wiwis | |
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