Sa mère n'était jamais rassurée qu'elle fasse cela mais quand elle voyait les notes qu'Elizabeth ramenait à la maison, elle ne pouvait décidément pas lui interdire: fréquenter des bars pour faire ses devoirs. C'était un rituel relativement étrange, totalement dingue même mais c'était ainsi. Elle aimait l'ambiance qui s'en dégageait, elle aimait le bruit aussi, ça l'aidait paradoxalement à se concentrer. Elle avait cette sensation de motivation dès lors qu'elle entrait de ces lieux pourtant peu recommandés pour les mineurs, d'autant plus lorsqu'elle passait le seuil du Charlie's Bar, bien connu pour ses scènes ouvertes aux jeunes artistes. La musique, bien qu'elle préférait les jeux video, restait tout de même un domaine qu'elle appréciait beaucoup et ça avait ce don pour l'entraîner dans l'écriture, peu importe le sujet. Autant dire qu'à la place de la bibliothèque, elle passait tout son temps ici quand elle avait des rédactions à faire. Aujourd'hui ce n'était pas le cas, à vrai dire elle n'avait même pas ses affaires de cours. Elle était venue les mains dans les poches, quelques billets verts frôlant ses doigts pour se payer à boire - sans alcool évidemment - et c'était tout. Elle venait pour voir son amie, Mildred. Elle s'était lié d'amitié avec elle à force de fréquenter le Charlie's. C'était comme une évidence. Les deux jeunes filles étaient faites pour s'entendre.
Poussant la porte de l'établissement, elle croisait vite le regard de son amie, un sourire suspendu à ses lèvres, heureuse de la voir. Rapidement, elle balayait la salle de ses iris. Ce n'était pas le meilleur bar de la ville en terme de fréquentation - les pochetrons étaient souvent accoudés au bar et les moins fréquentables à discuter à leur table à voix basse - mais aujourd'hui, ça semblait plutôt calme. « Salut, comment tu vas? » Une brève accolade par dessus le bar et Elizabeth prenait une chaise haute pour s'asseoir. « Je vais te prendre un sprite s'il te plait. » Posant de suite un billet sur le comptoir, la musique tournait en fond sonore tandis que des clients dansaient dans le petit coin libre à cet effet. « Tu as pas beaucoup de clients pour une fin de journée je trouve. » Habituellement c'était pourtant le moment où il y avait le plus du monde parce que c'était le moment de la sortie des bureaux. A croire que les New Yorkais se montrait raisonnables ce soir. « Tu finis à quelle heure ton service? » Peut-être que si elle ne finissait pas dans très longtemps, elles pourraient aller faire un tour pour se dégourdir les jambes - bien qu'elle imaginait que Mildred avait passé son service à marcher - mais surtout pour prendre un peu l'air. Le bar était relativement sombre, du point de vue d'Elizabeth, bien qu'une grande baie vitrée donnait sur la rue. Elle ne doutait pas qu'un peu d'air frais et de lumière naturelle fassent du bien à son amie. Dès que son verre arrivait, elle la remerciait d'un sourire et y trempait ses lèvres dans l'attente d'une réponse et prise d'impatience pour savoir si elles allaient pouvoir passer un peu de temps ensemble ou non.
Rien n'est embêtant, tout est banal. Du moins ce jour là rien de particulier de ne c'était passé et tu aimais bien ces jours. Ceux où tu n'as pas besoin de te prendre la tête, de trop réfléchir et de suivre l'eau qui coule dans le fleuve du temps. Tu aimes te contenter de ce que tu as parfois, sans chercher vraiment plus loin, tu te balades, tu mange tranquillement dans un parc et tu vas faire ton service au Charlie's bar. Réunissant tout les poivrots et les jeunes artistes de rue, il y a habituellement du monde à toutes heures, sauf le matin. Ça n'est pas plus mal, car le matin tout le monde est fatigué et personne n'a envie de parler. Tu ne parles même pas à ton oncle le matin, c'est pour dire. Tu es de très mauvaise compagnie parfois, il faut l'avouer. Cette après-midi au bar, tu étais plutôt de bonne humeur, les gens du quartiers et même les mal-polis ne te dérangeaient pas. Tu n'as même pas insulté dans ta tête un seul New Yorkais, et pourtant qu'est-ce que tu détestes les mauvaises manières des citadins et encore plus des New Yorkais. Pourtant la journée d'hier aurait pu grignoter sur celle d'aujourd'hui, parce qu'hier t'as failli faire une crise et t'avais pas ta seringue comme une cruche, heureusement que ton oncle t'as assommé d'un sacré coup sur l'occipital.
En lavant un verre de bière, tu aperçois une cliente entrer dans le bar et tu mets très peu de temps à la reconnaître. Une habitué des boissons non-alcoolisés. Elizabeth est une personne fort sympathique à tes yeux, bien qu'étrange. Avec son jeune âge il est peu commun de fréquenter les bars et pourtant elle y va pour faire ses devoirs. Il paraît que ça l'aide à se concentrer, soit, tu ne juge pas mais tu trouve ça drôle comme manière d'étudier. « Salut, comment tu vas? » Elle s'avance vers toi et vous faite une simple accolade, il faut dire qu'elle est ce qui se rapproche d'une amie pour toi. Elle te tiens compagnie certaines fin d'après-midi. « ça va bien, je te sers quelque chose ? » D'ailleurs il se faisait assez tard et il commençait à faire sombre. Tu lui adresse un regard amical, pour lui demander ce que tu devais lui servir. Une réponse arriva vite, « Je vais te prendre un sprite s'il te plait. » tu pose le verre propre que tu as fini d'essuyer et prends un autre que tu pose devant toi. « Tu as pas beaucoup de clients pour une fin de journée je trouve. » tu regarde autour de toi, elle n'a pas tort. Tu prends une bouteille de sprite et tu verse le liquide dans le verre tout en parlant, « C'est vrai, ça doit être une période de boulot intense ou un truc comme ça. » tu souriais en parlant, c'était pas plus mal d'avoir une soirée calme parfois. Tu étais pensive et ton amie te ramena à la réalité. « Tu finis à quelle heure ton service? » tu lève la tête et tu réfléchis un instat. Tu referme la bouteille de Sprite en réfléchissant, « Mon collègue prends le relais à vingt heure normalement. » normalement oui, parce qu'il lui arrivait assez souvent d'être en retard. Tu pose le verre de sprite devant la jeune femme, « peut-être vingt heure trente connaissant le bougre. » l'hypocrisie tu connaissais pas vraiment, mais il faut dire ce qui est, être en retard ça le dérange vraiment pas. Tu prends appuie sur le comptoir en face d'Elizabeth, et tu lui souris, heureuse d'avoir de la compagnie. « Et toi ? T'as un couvre feu pour ce soir ? » parce que peut-être tu lui proposerais de faire quelque chose de plus drôle que de rester assise dans un bar. L'emmener dans un des endroits que tu aimes tant, vous poser toute les deux dans un parc. Profiter vite fait d'une bonne journée.
Retrouver son amie, c'était toujours un plaisir pour Elizabeth. Elles ne se voyaient pas très souvent mais pour le peu, ça suffisait pour que la jeune fille soit ravie. L'entente était toujours au beau fixe entre elles et autant avouer qu'en ce moment, ça lui faisait du bien de pouvoir profiter de sa présence, de ses bons conseils, de son amitié tout simplement. C'était donc avec le sourire aux lèvres qu'elle passait la porte du Charlie's Bar, ne tardant pas à trouver la blonde derrière le bar à s'affairer. C'était plutôt calme aujourd'hui. Tant mieux, elle pourrait d'autant plus profiter de la présence et de la conversation de Mildred qu'elle n'aurait pas à diviser entre plusieurs clients. Vite assise au bar, elle lui demandait simplement un sprite, jetant un coup d’œil rapide au petit ramequin de cacahuètes qui trônait là. Elle ne savait pas comment les gens faisaient pour piocher là-dedans sans se poser de question. Entre les fumeurs, les gens qui ne se lavent pas les mains après être passés aux toilettes et ceux qui ne se lavent pas tout court, non vraiment, manger un truc qu'ils étaient susceptibles d'avoir touché, non merci. Une pensée qu'elle oubliait vite quand son amie lui donnait ses horaires. Vingt heures, peut-être vingt heure trente. Une heure que la brune trouvait idéale pour proposer l'évidence à Mildred. « Bah écoute, si ça te tente, étant donné que tu finis à l'heure du dîner, on pourra aller se manger un truc en ville. » Dans une restauration rapide ou un truc du genre parce que clairement, à seize ans, elle ne pensait pas à aller au restaurant et encore moins toute seule avec une amie.
Secouant doucement la tête, elle ajoutait quelques mots. « Non j'ai pas vraiment de couvre-feu. Tant que je préviens ma mère de temps en temps que je suis toujours en vie, c'est suffisant. » Bon évidemment, elle n'allait pas rentrer à trois heure du matin, elle se ferait clairement tuer par sa mère mais Evelyn faisait assez confiance à sa fille pour ne lui imposer de couvre-feu précis. Vingt-deux heure, vingt-deux heures trente... Elizabeth trouvait ça largement suffisant pour profiter de son amie et pour ne pas rentrer trop tard non plus. Elle connaissait sa mère par cœur, elle n'allait pas dormir tant que sa fille ne serait pas rentrée et Elizabeth ne comptait pas gâcher le sommeil de sa génitrice. S'armant de son téléphone portable, elle lui envoyait alors un message pour la prévenir d'avance. Je pense rentrer vers 22h30, on sort manger en ville avec Mildred. Relevant le visage vers son amie qui était maintenant de dos à faire elle-ne-savait-quoi, son regard se stoppait sur une tâche brune dans son cou - ou qui lui paraissait brune en tout cas avec le peu de lumière dans le bar. Prenant quelques secondes pour l'observer un peu mieux, ça ne faisait aucun doute. La tâche n'était pas brune mais bleu foncée. « Mildred... » Attendant qu'elle se retourne, elle touchait son propre cou pour lui indiquer de quoi elle parlait. « Tu es tombée? » Une question qui se voulait simple mais dans la tête d'Elizabeth, c'était tout autre. Elle se faisait forcément des films et ça impliquait l'oncle que Mildred avait accueilli récemment. Un bleu qui apparaît à la même période que son arrivée, à un endroit plutôt bien caché, c'était étrange tout de même... si Mildred n'avait pas eu les cheveux attachés, pour sûr qu'Elizabeth n'aurait rien remarqué.
Tu te sentais bien avec Elizabeth, tu avais une impression de confort. Bien qu'elle soit plus jeune, tu t'entendais parfaitement avec elle et tu la considérais comme une très bonne amie. Même si tu la voyais très peu à l’extérieur du bar. Elle était une fille étrange, venir faire ses devoirs dans les bars n'est pas commun, mais tu te portes garante. Tu ne laisserais aucun poivrot la toucher, tu ferais barrage du haut de ton mètre soixante-cinq. « Bah écoute, si ça te tente, étant donné que tu finis à l'heure du dîner, on pourra aller se manger un truc en ville. » ça te plaisait bien comme idée, sortir du bar avec ton amie. Manger quelque chose et discuter comme vous le faites au bar, mais sans être gênées par les interruptions des clients. Juste deux amies. Tu lui demandes jusqu'à quelle heure elle a pour sortir, toi tu es majeur tu fais comme tu veux, mais elle c'est différent. « Non j'ai pas vraiment de couvre-feu. Tant que je préviens ma mère de temps en temps que je suis toujours en vie, c'est suffisant. » c'est une mère plutôt gentille qu'elle a. Toi tu étais obligé de faire le mur pour sortir le soir parce que tes parents avaient trop peur de ta mutation. C'est vrai quoi, tu aurais pu faire peur, faire honte à ta famille. Au final ils auront eu raison, mais il en aura fallut du temps pour que leur maudite prophétie se réalise. Tu entends un client t'appeler, il attendait sur un coin du bar, un billet à la main. Tu l'écoutes et lui sert sa bouteille de Sköll, tu veilles à la décapsuler et à prendre le billet. Tu aimais ne pas avoir à rendre la monnaie, ça t'évitait de compter. Tu n'est pas fan de mathématiques, c'est bête pour une barmaid mais tu fais comme tu peux. Tu retourne voir Elizabeth, souriant, parce que tu voulais sourire avec elle. Pourtant elle avait pris un air plutôt inquiet, ton amie avait une mauvaise tête et tu répondais par un regard interrogateur. « Mildred... » tu fais une tête de canard qui n'a pas compris, une petite grimace qui rassure en général. « Oui ? » et t'attends juste qu'elle te réponde, tu vois qu'elle se touche le cou du coup tu fais pareil, pour voir de quoi elle parle. « Tu es tombée? » tomber ? Toi ? Tu n'as pas mentis, de toute manière tu n'en voyais pas l’intérêt sur le coup. « Non. » enfin, ça te paraissais étrange et là t'as réalisé. Merde, t'avais un bleu ? Il avait du y aller fort ton oncle hier. Merde, elle va penser quoi ? Merde, merde, merde. Tu souris pour faire passer la pilule, ça marchera non ? Tu pouvais plus mentir de toute manière. T'essayais de te rassurer en te disant que si c'était ton amie, elle réagirait pas mal si tu lui avouais que tu avais une mutation. Y a des nécessitées, se faire assommer en fait partie parfois. Tu penses que les seringues c'est quand même plus discret et moins douloureux. Pauvre tête vide que tu es tu les oublies parfois, c'est bête. « Non je ne suis pas tombé, mais ne t'en fais pas c'est rien. » tu rassures ton amie, comme si tu ressentais le besoin de lui faire comprendre qu'elle avait pas à s’inquiéter, alors que tu savais même pas si elle pouvait s’inquiéter pour si peu. C'est qu'un bleu, rien qu'un petit bleu.
Si jusque-là le sourire était de mise, l'inquiétude d'Elizabeth avait pris le dessus. Ce bleu qu'avait son amie n'avait rien de commun, d'autant plus à l'endroit où il se trouvait. Si elle n'était pas tombée, au regard de la brune, on l'avait forcément frappé. Déjà que ce n'était pas un endroit où l'on se cogne souvent - et heureusement d'ailleurs, ça serait plutôt dangereux - mais pour le coup, la jeune fille ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle ne s'était pas fait cela toute seule. Elle connaissait Mildred, c'était une bonne amie et quand elle lui disait qu'elle ne s'était en effet pas cogné, elle la croyait et ne pouvait s'empêcher de chercher dans sa tête ce qui avait pu provoqué un tel bleu. Selon son amie, c'était rien. Pour Elizabeth, c'était tout sauf rien, d'autant plus quand on arrivait à voir un bleu à la base de ses cheveux, c'est qu'il devait être d'une taille assez respectable et donc être d'autant plus suspect. L'inquiétude se lisait aisément dans les yeux et sur le visage de la jeune fille. « Tu peux pas me demander de ne pas m'en faire. » Parce qu'elle était son amie et que si même une amie ne se souciait pas d'elle, qui le ferait? Il était hors de question pour Elizabeth de laisser cette histoire sans conclusion.
D'autant plus qu'elle faisait le lien avec son oncle récemment arrivé chez Mildred. Evidemment, elle ne pouvait pas l'accuser sans aucune preuve, sa mère lui avait toujours appris à se méfier des apparences parfois trompeuses mais clairement, elle préférait porter de fausses accusations quitte à se tromper plutôt que de se taire et de découvrir qu'un jour, son oncle a été trop loin et qu'il sera trop tard pour sauver la vie de la blonde. « Est-ce que tu t'es fait agressée? Par qui que ce soit. » Elle ne voulait pas mettre le doigt sur son oncle pour le moment, elle n'avait pas spécialement envie de faire tomber la colère de Mildred sur elle si son oncle n'avait rien à voir avec ça ou sa peur si jamais c'était tout-à-fait ça justement. Finissant son verre de sprite, elle attendait la réponse de son amie avec une certaine appréhension. Si elle avait vu le bleu à la base de son cou, Mildred cachait peut-être d'autres blessures aux yeux de monde sous ses vêtements ou sous une bonne couche de maquillage, allez savoir. C'était le défaut principal de St John, elle se montait des films entiers dans sa tête parfois, autant joyeux que dramatiques et pour le coup, elle avait bien du mal à tourner son esprit de façon positive face à cela. « Tu peux me parler tu sais. Je suis pas là pour te juger, seulement pour t'aider si tu as besoin. » Et même si elle n'avait que seize ans, elle était capable de beaucoup de choses pour ses amis qui se comptaient sur les doigts de la main. Il était hors de question d'en perdre un, c'était inenvisageable.
Spoiler:
Je m'excuse, non seulement pour l'attente mais aussi pour cette bouse que je viens de te pondre. Je ferais mieux la prochaine fois, promis.