La justice... oh oui, la justice... Je ne réponds rien. Peut-être qu'un jour, elle et moi nous nous retrouverons, chacun à défendre nos valeurs qui font verser le sang. Nous nous retrouverons, et nous reconnaîtrons le son de nos voix et dès lors, tous ces mots feront écho. Les siens, j'en suis sûr, seront les mêmes. Elle ne changera pas son discours, elle n'a aucune raison de me mentir. Mais moi, je ne serai plus à l'abri de mon Église. Je serai prêt à apporter une nouvelle vague de désolation contraire à tous ces principes qui me protègent ici. Dès que j'aurai quitté cet endroit empreint de paix et de raison, je changerai de discours.
Si maintenant, je lui dis que chaque vie compte, demain, ce sera différent. Plus aucune. Ni la sienne, ni la mienne, ni celles de nos victimes. Elle sacrifie le mal pour sauver les justes, je sacrifie les justes pour atteindre le mal. Est-ce bien différent ? Oui... Tellement. Je suis sans doute ces gens qu'elle recherche, je suis ces animaux qu'elle traque pour apporter un peu plus de paix au monde. Est-ce que je suis un fanatique, complètement perdu comme il le pense ? Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne vois pas ? Je laisse l'une de mes jambes pendre dans le vide puis ramène l'autre contre moi, posant le menton sur mon genou. Pourrais-je un jour ouvrir les yeux et savoir si je suis dans le vrai ? En attendant, je n'ai que la Foi. Je suis mis à l'épreuve, tout simplement. Mais je serai plus fort que les doutes qui m'habitent. Je serai plus fort que ces messages qu'elle véhicule. Je passerai outre.
Oui, elle et moi, nous nous reverrons. C'est certain. Nos mains couvertes de sang, et pourtant en face à face. Nous nous reconnaîtrons, elle et moi... sans s'être jamais vus. Nous saurons ce qu'il nous reste à faire. Parce que j'ai aperçu ce qu'elle est et quand elle me verra, si elle sonde mon regard, elle saura aussi ce que moi je suis. Ce n'est pas grave... Les paix... Elle a raison, il ne devrait y en avoir qu'une mais c'est impossible. Les Hommes ne savent que se battre, quelle que soit la cause. La survie, le pouvoir, la supériorité, la richesse, les terres, l'honneur, et tous ce qu'on veut faire passer pour de belles valeurs. La légitime défense ? Foutaise !
Je me dirai aussi que j'agis pour la paix quand j'atteindrai le cœur de la Confrérie. En attendant, chaque victoire est un pas vers eux, chaque mutant mort est un pas vers cet idéal que je poursuis sauvagement. « Car je pleure autant la mort de mes victimes que les être que j'ai perdus. » Est-ce qu'elle est là, la différence ? Si j'ai prié pour mes propres victimes, les innocents, puis-je me dire que je saurai être sauvé ? Je pers sa silhouette, pense un moment qu'elle part mais plus de mouvement. Je cherche les traits de son visage entrecoupé sans plus bouger, toujours dans la même position. Elle se tait, puis me demande de garder le silence le temps de terminer de confier le fil de ses pensées. Je ne voudrais pas brisé ce fil. Apporté une paix qu'ils ont eux-mêmes brisée. Sommes-nous en paix ? L'étions-nous avant février, vraiment ? Je ne l'ai pas vu comme ça, ce sont des soldats qui sont morts dans l'hôpital, dans le centre commercial, dans l'Église. Quand la petite fille m'a demandé de veiller sur sa peluche et de la lui ramener plus tard, je l'ai prise en sacahant qu'elle ne la récupèrerait jamais. Me suis-je retourné sur mes victimes ? Qu'aurais-je dû faire ? Je soupire silencieusement... Ces hommes et ces femmes qu'elle combat, à qui elle reproche d'avoir calmé un chaos qu'ils ont engendré, qui sont-ils ? Je pense à ces monstres venus du ciel lorsque Loki chercha à attaquer la Terre. Des morts, des tas, qui n'avaient rien demandé. Le sacrifice débile d'un enfant en armure, la lutte de ceux qui laissèrent les créatures entrer jadis... Des monstres verts qui dévastent tout et à qui on pardonne parce que quoi ? Parce qu'après il a frappé des aliens qu'ils laissèrent entrer ? Je passe une main sur ma nuque puis dis simplement à la femme : « Je suis désolé. » Puisse-t-elle comprendre ce qu'elle voudra comprendre. Désolé pour votre perte. Désolé d'être ce genre de personnes que vous combattez. Mais j'ai aussi mes propres luttes. Et je les mènerai jusqu'au bout. Je repose ma seconde jambe puis perds mon regard sur un point invisible, près du rideau que j'ai poussé du bras pour entrer dans le confessionnal : « Sauvez-les. » Je laisse passer quelques secondes. « Promettez-moi de les sauver, quel que soit celui que vous aurez en face de vous. Sauvez les innocents. » On se reverra. Si c'est trop tard, puisse-t-elle m'abattre.
La paix était un but presque impossible à atteindre, une utopie que certains recherchaient mais que personne n'avaient jamais réellement trouvé. Il y aura toujours des jaloux qui voudront ce que le voisin possède et il y aura toujours des gens qui n'auront rien demandé et qui en seront des victimes. La tâche que Zora s'était donnée n'était pas facile, elle en était consciente, persuadée même de ne pas y arriver de son vivant. Mais si d'autre embrassaient sa foi pour la continuer alors peut-être qu'un jour. Il fallait pour ça faire comprendre, apporter un message d'espoir. C'était ce qu'elle faisait, sous son rôle d'ambassadrice, elle se battait, non pas avec ses couteaux, non pas pour tuer des ennemis de la paix qu'elle défendait, mais pour ouvrir les yeux des autres peuples sur les tragédies qui avait frappé son pays. Et cela portait ses fruits car elle recevait de plus en plus de vivres et d'autres aides pour ce peuple qui avait souffert. Bien entendu, les principaux intéressés n'avaient pas montré de l'intérêt pour son travail et étaient restés silencieux. Elle se battait avec des mots, avec des discours pour sensibiliser les gens et leur demander de réfléchir à ce qui c'était réellement passé. De l'autre côté du globe, elle était une héroïne, comme son père avant elle. Elle était présente aussi souvent qu'elle le pouvait, pour aider à la reconstruction et pour distribuer vêtements et nourritures. Elle prenait des vies pour arriver à ses fins mais elle en aidait beaucoup d'autre. Et si elle prenait des vie au fond, ce n'était pas pour son peuple, ce n'était pas une vengeance, non, c'était pour éviter qu'un jour, un autre pays ne soit pas victime de leur folie une fois encore.
Il s'excusait, visiblement, les derniers mots de l'ambassadrice avaient réussi à le faire changer, comme s'il s'était mis à relativiser quelque chose. A présent, plus qu'une remontrance, plus que des questions, il lui offrait de l'encouragement. Sauvez-les voilà ses paroles. Zora n'aurait su dire à cet instant si elle parlait toujours au pasteur ou si, pour cette phrase, elle avait été témoin d'une intervention divine. Elle baissa la tête, pensive. "Je vous le promet, mon père." Elle allait continuer son combat, ses combats, ceux que ses deux facettes lui imposent. Elle donnerait la mort de sa main droite mais sauverait des vies de la main gauche. Pour la paix, pour les innocents. "Je vous remercie." Elle patienta encore quelques instants, attendant les dernières paroles de cette personne de l'autre côté de la planche de bois, l'absolution, si elle le méritait encore et le nombre de prières qu'elle allait devoir faire pour atteindre le pardon. Elle voulut presque conclure en lui disant à une prochaine fois, mais ce n'était pas nécessaire, ils finiront bien par se retrouver de nouveau ici ou ailleurs, pour d'autres péchés. Zora se leva, après avoir dit au revoir et poussa le rideau qui la séparait de l'église. Se tournant vers la statue du Fils de Dieu, trônant au fond de l'église, elle fit un dernier signe de croix. Elle quitta alors ce lieu saint pour se retrouver dans la rue. La pluie s'était estompé mais continuait à tomber malgré tout. Ses péchés avaient été apaisé, mais pas assez. Elle leva la main pour appeler l'un des taxis afin de retourner à l'ambassade de Sokovie.