Léna poussa un soupir exaspéré et recula de quelques pas tout en passant ses mains dans ses cheveux dans une vaine tentative de se calmer en les maltraitant. Elle n'en pouvait plus. Vraiment. Elle était au bord de la crise de nerf et les soupirs désabusés de Damien étaient très loin d'arranger les choses.
Ça faisait deux jours qu'elle avait retrouvé Damien chez elle. Deux jours qu'ils passaient leur temps à se prendre la tête et à s'engueuler. La jeune femme avait espéré que la situation se calme au bout d'un moment, qu'ils arrivent finalement à discuter calmement mais absolument toutes les réactions de son petit ami la poussaient à bout.

Elle avait passée la journée hors de son appartement à marcher en espérant se calmer et ça avait été plutôt efficace mais dès son retour chez elle c'était complètement reparti en latte.
Pourquoi ils en arrivaient à une telle situation ? Et surtout comment ils en étaient arrivés à ce point ? Elle n'en savait rien. Elle ne comprenait pas.

Un nouveau soupir de Damien la tira de ses pensées et la brune leva une main devant elle, pointant son petit ami du doigt. « Non ! Ne recommence pas avec tes putains de soupirs ! » Le journaliste ouvrit la bouche pour répliquer mais se ravisa, l'air grave. Enfin ! Est ce qu'il avait finalement compris que ce n'était pas en soupirant qu'ils allaient régler leurs problèmes ? Ils avaient besoin de parler, il fallait qu'ils parlent s'ils voulaient pouvoir avancer. Dans le cas contraire elle allait très certainement finir par lui mettre une balle.

Ces disputes n'avaient aucun sens en plus ! Ce n'était pas comme si l'un d'eux avait trompé l'autre ou si ils avaient de vrais raisons de s'engueuler. Non, c'était juste... Qu'ils ne pouvaient pas s'en empêcher. Elle poussa un gémissement plaintif tout en se passant une main sur le visage et reposa son regard sur Damien, immobile, les bras le long du corps.
Alors quoi ? Ça y était ? Ils avaient atteint le point de non retour ? Tous les éléments étaient là pour prouver à la jeune femme qu'il n'y avait plus rien à faire entre eux et que d'essayer de continuer ne ferait que lui faire plus de mal mais elle ne pouvait pas s'y résigner. C'était contre sa nature tout simplement.

La jeune femme referma ses yeux, prenant une grande inspiration et expira bruyamment avant de relever les yeux vers Damien qui la fixait toujours. « Alors quoi ? » Elle haussa les épaules, son ton se faisant plus las alors qu'elle reprenait.« On en est là ? A se foutre sur la gueule à chaque fois qu'on se parle ou qu'on se voit ? » Damien acquiesça silencieusement. « J'en ai assez. J'ai pas envie de ça Damien. Je ne peux pas continuer comme ça. » Sa mâchoire se serra et elle baissa la tête alors que ses yeux commençaient à s'embuer. Et maintenant elle se mettait à chialer... Elle était vraiment à bout.

« Léna je... » Elle accrocha brusquement le regard de son petit ami. « Quoi Damien ?! Tu quoi ?! Tu vas me dire que ça va s'arranger ?! Qu'on va trouver une solution c'est ça ?! » Sa voix montait crescendo mais elle continua sur sa lancée sans s'en soucier. « Parce que moi je vois pas de solution ! Ok ?! » « Ecoute... Je rentre demain sur Paris et j'ai pas envie qu'on passe notre dernière nuit ensemble à se foutre sur la tronche alors... » Oh putain... Il avait intérêt à bien choisir ses mots. « Je préfère qu'on fasse un break et qu'on reparle de tout ça à tête reposée dès qu... » La jeune femme s'avança jusqu'à lui, parcourant rapidement les quelques mètres qui les séparaient et appuya son doigt sur son torse tout en lui coupant la parole. « Non ! Non tu ne t'en tireras pas en faisant le lâche comme d'habitude ! J'en ai marre Damien ! Tu peux le comprendre ça ?! » Sa voix s'érailla à ses derniers mots et elle fut secouée d'un sanglot l'empêchant de continuer. Le doigt toujours appuyé sur le torse de Damien se mua en un poing qui agrippa sa chemise alors qu'elle baissait la tête, le corps tremblant et elle parvint à murmurer un dernier. « J'en ai marre. »
Elle sentit les bras de son petit ami l'enserrer et se raidit immédiatement alors qu'il déposait un bref baiser sur son front. « Ça va aller ok ? On va s'en sortir Léna. » Elle releva la tête vers le jeune homme pour observer son visage et sentit immédiatement son cœur s'accélérer en le voyant approcher ses lèvres des siennes.
Non. Non. Non. Il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas s'en sortir comme ça. Il n'avait pas le droit de lui faire ça. Pas comme ça.

Elle se redressa brusquement et plaqua ses deux mains contre le torse du français, le repoussant en arrière en reprenant d'une voix forte. « Non ! » Il recula de quelques pas et la jeune femme s'immobilisa en le voyant trébucher et tomber en arrière. Elle se jeta vers lui, la main tendue pour le rattraper, espérant encore pouvoir l'empêcher de tomber à la renverse mais ne put rien faire et un cri mourut dans sa gorge au moment où l'arrière du crâne de Damien heurta violemment la table basse avant qu'il ne retombe inerte au sol.

Emportée par son élan, Léna tomba elle aussi au sol et se redressa le plus rapidement possible pour se rapprocher de Damien, prenant son visage dans ses mains tout en criant d'une voix paniquée. « Damien. Damien. S'il te plaît. » Le jeune homme ne réagit pas ce qui accentua encore plus la panique de la jeune femme qui le secoua doucement, rapprochant son oreille de sa bouche pour voir s'il respirait encore. Rien. Absolument rien.

Elle relâcha sa tête, relevant ses mains pour commencer à lui faire un massage cardiaque mais se raidit subitement en voyant le sang qui maculait ses mains, lui arrachant un haut le cœur. Son regard dévia sur la table basse, arrachant un nouvel haut le cœur quand elle remarqua le sang qui en recouvrait le coin.
Elle se recula d'un bond, rampant en arrière, paniquée, sa respiration commençant à s'emballer, jusqu'à ce que son dos ne heurte le mur, lui arrachant un petit cri.

La jeune femme resta immobile de longues secondes, recroquevillée sur elle même avec ses jambes repliée contre son torse, le regard braqué sur le corps sans vie à quelques mètres d'elle.
Qu'est ce qu'elle devait faire ? Qu'est ce qu'elle pouvait faire putain ? Est ce qu'elle devait appeler à l'aide ? Les secours ? Elle était incapable de bouger et de lâcher le corps des yeux.
Elle trouva tout de même la force de sortir son téléphone de sa poche et commença à écrire un message mais ses doigts tremblants l'empêchèrent d'écrire correctement. Elle poussa un cri de rage et lâcha le téléphone pour prendre son visage dans ses mains.

Il fallait qu'elle se calme. Qu'elle se calme et qu'elle réfléchisse à la meilleure chose à faire. Ce n'était sûrement pas en paniquant qu'elle arriverait à quoi que ce soit. Il fallait qu'elle arrête de paniquer. Elle était censée être forte putain ! Mais face à cette situation elle se sentait aussi impuissante que lors de l'attaque du convois. Elle se sentait impuissante et inutile.

La brune parvint finalement à se calmer et reprit son téléphone en main, luttant contre la panique et sa respiration qui recommençait à s'accélérer et chercha un numéro dans le répertoire. Elle lança l'appel et resta silencieuse, la respiration hachée.

Une sonnerie.
Léna ferma les yeux, murmurant pour elle même des « Décroche s'il te plaît. Décroche. »

Deux sonneries
Elle déglutit avec difficulté et cala un peu plus le téléphones dans ses mains moites. « Décroche. Décroche. Décroche. »

Trois sonneries.
Pourquoi est ce qu'il ne décrochait pas ? Il avait toujours été là pour elle et au moment où elle avait le plus besoin de lui il ne répondait pas ?

Quatre sonneries.
La jeune femme lâcha un « Putain ! » Sonore juste avant que la sonnerie ne se coupe et qu'une voix ne se fasse entendre.
Elle s'immobilisa, resta silencieuse pendant quelques secondes avant de déglutir difficilement et de prendre la parole d'une voix paniquée. « E... Eddie ? Il faut que tu viennes chez moi. » Un sanglot lui échappa mais elle parvint à se reprendre rapidement. « Tout de suite. »

Sans lui laisser le temps de répondre elle raccrocha et laissa le téléphone retomber au sol avant de passer ses bras autour de ses genoux toujours contre son corps.
Il fallait qu'il vienne. S'il ne venait pas elle allait devenir folle.

Depuis combien de temps est ce qu'elle se tenait là ? Elle ne savait pas combien de temps elle était restait recroquevillée contre son mur, le regard braqué sur le corps de Damien. Est ce que ça faisait des minutes ? Des heures ?
Elle n'avait plus aucune notion de quoi que ce soit.

Elle n'entendit pas la porte de son appartement s'ouvrir, ni les pas d'Eddie qui se rapprochèrent d'elle et ne réagit que lorsqu'elle le sentit d'asseoir à côté d'elle.
« Léna... » Un gémissement franchit les lèvres de Léna et elle le laissa l'attirer vers lui et enfouit son visage dans son cou pour se remettre à sangloter, ne pouvant empêcher son corps de trembler.

Il était là. Avec elle. Elle l'avait appelé en pleurant, sans lui expliquer la situation ni même lui laisser le choix mais il était venu. Il aurait pu ne pas répondre mais il avait décroché et était venu dans la foulée, sans poser de questions.
Il était venu pour elle.

Elle le sentit remuer légèrement son épaule et releva légèrement la tête pour l'observer silencieusement.
Elle le laissa se dégager de son étreinte et soutint son regard quand il se glissa devant elle, prenant son visage en coupe. « Léna. Tu as pleuré. Maintenant, raconte-moi ce qu'il s'est passé. » Elle ferma les yeux, déglutissant avec difficulté. Il avait raison. Évidemment qu'il avait raison mais est ce qu'elle était prête à parler ? C'était Eddie, il avait été là pour elle mais est ce qu'il était prêt à entendre ça ?
« Et n'omets rien. Je dois savoir. Si tu veux mon aide, tu dois tout me dire. » Léna hocha faiblement la tête, inspirant bruyamment, mais gardant le silence. Et elle lui dirait tout. Eddie comprendrait. Il comprendrait que ce n'était pas de sa faute, que ce n'était qu'un accident.
Elle allait tout lui raconter et il ne la jugerait pas.

« Je ne te jugerai pas. Jamais. » Un sourire en coin, presque imperceptible étira les lèvres de la jeune femme qui hocha une nouvelle fois la tête. Non il la jugerait jamais. Elle le savait, il n'avait pas besoin de le lui dire.

Léna essuya ses yeux gonflés d'un revers de main, reniflant bruyamment avant d'expirer lentement, essayant de calmer les tremblements qu'elle devinait déjà dans sa voix. « Je... » Un tremblement incontrôlable la saisit, lui faisant pousser un faible gémissement mais elle secoua la tête, se reconcentrant pour garder la tête froide et ne pas craquer une nouvelle fois. Il voulait qu'elle soit forte et elle le serait. Elle avait été faible bien trop de fois et il fallait qu'elle lui montre qu'elle méritait sa confiance.
« C-c'était un accident. On s'est disputé et il... » Elle tourna son regard vers le corps sans vie de Damien, sentant un nouveau frisson lui parcourir l'échine. « Ça faisait deux jours. D-deux jours qu'il était là et qu'on passait n-notre temps à s... » Elle ferma les yeux, inspirant profondément pour calmer les tremblements qui revenaient dans sa voix. « On arrêtait pas de se disputer et j-je... Il a essayé de m'embrasser. » Elle sentit sa colère envers Damien revenir d'un coup, lui provoquant un froncement de sourcils alors que son cœur se mettait à battre plus fort dans sa poitrine.

« Qui fait ça ? » Elle releva les yeux vers Eddie, le questionnant du regard. « Qui tente de faire ça pendant une dispute ? C-ça n'a aucun sens. Ça n'arrive que dans les films ça ! » Elle pouvait sentir un doute, presque imperceptible la saisir. Est ce que c'était vraiment de sa faute à elle ? Ça n'était qu'un accident bien sûr, mais c'était lui qui avait essayé de l'embrasser. C'était lui qui avait provoqué ça.

La jeune femme secoua vivement la tête, essayant de se débarrasser de ces pensées. Non ! Personne n'était fautif. Elle l'avait repoussé et il était tombé à la renverse, c'était tout ! Elle ne pouvait pas blâmer Damien pour ça. Elle n'avait pas le droit de faire ça !  

Elle reporta son attention sur Eddie qui restait silencieux. « Il... » Son regard passa une nouvelle fois sur le corps de son petit ami avant de revenir sur Eddie mais elle resta impassible cette fois. « Il a essayé de m'embrasser et je l'ai repoussé en arrière. Parce que ce n'était pas la chose à faire. Il n'avait pas le droit de faire ça. Pas comme ça. » Elle fronça brièvement les sourcils avant de reprendre d'une voix grave, pas assez paniquée, comme si elle avait enfin accepté la situation. « Il est tombé et s'est ouvert le crâne sur la table. Et je... Je crois qu'il est mort sur le coup. » Elle ne comprenait pas à quoi jouait sa santé mentale. Elle était passé d'un état de crise de panique à un calme presque impérial en l'espace de quelques secondes et sans la présence d'Eddie à ses côtés, elle aurait très certainement craquée complètement.  

Léna déglutit avec difficulté et se passa une nouvelle fois la main sur le visage pour essuyer ses larmes. Elle releva lentement les yeux vers Eddie, attendant de voir ce qu'il allait dire. Il n'avait pas prononcé un mot pendant toute son explication et elle appréhendait sa réaction.
Il lui avait dit qu'il ne la jugerait pas. Jamais. Mais elle avait peur. Peur qu'il la prenne pour une folle, qu'il l'abandonne et la laisse toute seule dans cette situation. Il était la seule personne qui pouvait l'aider et elle priait pour qu'il la croit.

Elle ferma un instant les yeux avant de plonger un regard implorant dans celui d'Eddie, saisissant une de ses mains dans la sienne, la serrant fermement. « Tu me crois ? » Elle baissa les yeux, répétant un « S'il te plaît dis moi que tu me crois. » Dans un murmure.

Est ce qu'elle était en train de craquer ? De perdre les pédales ? Tous les signes l'indiquaient. Elle était passée d'une crise de panique à un état de calme absolu en à peine quelques secondes et ne comprenait pas comment c'était possible.
Elle venait de tuer Damien. Par accident, bien sûr, mais elle l'avait tué et pourtant tout ce qu'elle ressentait c'était une colère sourde envers lui parce qu'il l'avait forcée à le repousser.

La main d'Eddie se posa sur sa joue, la faisant légèrement tressaillir. Et elle releva les yeux vers son partenaire  alors qu'il la forçait doucement à relever la tête. « Bien sûr que je te crois. Il n'aurait jamais dû agir de la sorte. » Elle le laissa l'attirer contre lui, fermant les yeux, savourant ce contact et enfouit son visage contre son torse.

Il finit par la libérer et replongea son regard dans le sien. « Tu as fait ce qu'il fallait. En m'appelant. » La jeune femme hocha la tête, gardant le silence. Elle ne savait même pas pourquoi elle l'avait appelé lui. Elle aurait pu appeler les autorités, des secours. Même Amadeus aurait pu l'aider mais c'était Eddie qu'elle avait appelé. Lui et personne d'autre. « C'est pas ta faute, Léna, okay ? C'est pas ta faute. » Il la comprenait lui. Il ne la jugeait pas à cause de ce qu'elle avait fait. Il comprenait son geste.

Eddie se releva, gardant la main de Léna dans la sienne et l'aida à se relever. Elle s'accrocha à lui, ses jambes tremblants encore bien trop pour qu'elle puisse tenir toute seule debout et ils se rapprochèrent du corps sans vie, la brune déglutissant avec difficulté quand elle y posa son regard.
« Qu'est-ce que tu veux faire, maintenant ? » Elle releva les yeux vers Eddie, l'air presque perdue par sa question. « Si tu veux appeler les autorités, je peux. Si tu veux partir et me laisser m'occuper de ça, je peux. Si tu veux qu'on s'en occupe ensemble, on peut. » Elle baissa son regard vers le corps, déglutissant une nouvelle fois et se surprit à s'accrocher un peu plus à Eddie, s'agrippant à lui.

Qu'est ce qu'elle voulait faire ? Elle n'en savait rien. Elle ne savait absolument pas ce qu'elle était censée faire. Elle avait appelée Eddie sans réfléchir à la suite des événements et se sentait encore plus perdu à présent. « Juste, dis-moi, et je ferais ce qu'il faut. »

Son regard resta un moment posé sur Damien, perdu, mais elle le releva vers le visage d'Eddie. Elle secoua doucement la tête, lui indiquant bien qu'elle ne comptait pas se défiler et prit la parole d'une voix éraillée mais sans une once d'hésitation. « Non. Je ne te laisse pas. Je ne te laisserai pas gérer ça tout seul. C'est moi qui t'ai demandée de venir et je refuse de partir. » Sa main serra un peu plus celle d'Eddie dans la sienne et un sourire contrit apparut sur ses lèvres avant qu'elle ne reprenne. « Je t'ai embarqué là dedans. On fait ça ensemble. »

Pourquoi est ce qu'elle souriait à présent ? Certes ce sourire n'était pas volontaire et était plus nerveux qu'autre chose mais elle n'avait aucune raison de sourire ! Et surtout pas dans cette situation !
Mais elle pouvait sentir, dans les tréfonds de son être, qu'elle était heureuse d'avoir Eddie à ses côtés pour l'aider et la soutenir. Il n'avait pas hésité à lui proposer son aide ni à venir alors qu'elle l'avait appelé.
Il était là pour elle.

« Qu'est ce que tu veux faire ? » Son regard repassa sur le corps de Damien. « Qu'est ce qu'on f... » La brune s'interrompit subitement et lâcha la main d'Eddie avant de se reculer d'un pas de son partenaire, portant sa main à sa bouche, étouffant un sanglot.

Est ce que c'était vraiment elle qui parlait comme ça ? Avec ce ton aussi détaché ? Non, quelque chose clochait. Elle ne pouvait pas se montrer aussi froide. Elle n'avait pas le droit.
Elle devait être en train de craquer, elle ne voyait que ça.
« Pourquoi est ce que je réagis comme ça ? » Elle leva un regard paniqué, implorant vers Eddie. « Est ce que je suis un monstre ? Je... » Son regard repassa de Damien au brun. « Je comprends pas Eddie. Je comprends pas. » Un nouveau sanglot lui échappa alors qu'elle reprenait. « Pourquoi est ce que je ressens rien ? » Elle pointa Damien du doigt et reprit d'une voix paniquée. « Pourquoi ça ne me fait rien ? »

Il fallait qu'il l'aide, qu'il la calme. S'il ne le faisait pas elle allait devenir folle.

Les mains d’Eddie se posèrent sur ses épaules pour la secouer doucement, la ramenant à la réalité.

Léna écarquilla légèrement les yeux, clignant plusieurs fois des paupières et observa Eddie sans prononcer un mot, la bouche entrouverte sous l’effet de la surprise. « Eh, eh ! T'es pas un monstre, Léna. » Il ouvrit un peu plus la bouche pour répliquer mais le brun reprit rapidement la parole, la coupant dans son élan. « T'auras toute ta vie pour être triste. Mais là, il y a plus urgent. On doit se débarrasser du corps. » Oui, elle s’en rendait bien compte, elle n’avait plus le choix à présent, elle devait se débarrasser du corps. Mais malgré tout, en sachant tout ça, elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’elle était en train de faire une énorme connerie.

Elle décala légèrement la tête sur le côté pour observer le corps de Damien mais Eddie s’interposa en venant se placer devant elle pour l’empêcher de voir le corps tout en saisissant sa mâchoire. « Regarde-moi. » Léna manqua de sursauter face au ton de son coéquipier et releva son regard vers celui d’Eddie, sentant son souffle se bloquer dans sa gorge quand elle croisa ses yeux uniformément blanc qui la fixaient. C’était le même regard que celui qu’elle avait vu le soir où il avait été blessé, la même voix aussi. Est ce que c’était dû à sa mutation ? Elle s’était déjà fait cette réflexion et s’était promis de poser la question à Eddie mais n’en avait jamais eue l’occasion. Et ce n’était pas encore aujourd’hui qu’elle pourrait lui demander. Elle avait d’autres problèmes plus urgent à gérer.

« Ressaisis-toi et va chercher de quoi l'enrouler. » La jeune femme baissa son regard et hocha faiblement la tête. Oui, il fallait qu’elle arrête de paniquer comme ça. Ils avaient des choses à faire et ce n’était pas en continuant de se poser des questions qu’ils régleraient le problème. « Drap, couverture, tapis, bâche... Ce que tu as de grand et solide, amène-le. Tu n'auras pas à le toucher. Je l'enroulerai, je le porterai, je conduirai la voiture. Ce n'est pas un problème. » Il rapprocha son visage du sien et Léna se surprit à frissonner en le sentant si proche d’elle. « Mais j'ai besoin que tu te ressaisisses. » Il avait raison. Bien sûr qu’il avait raison. Mais elle ne parvenait pas à se sortir de la tête que c’était tout sauf normal qu’elle ne ressente absolument rien vis à vis de la mort de Damien. Elle voulait comprendre sa réaction, ou plutôt son absence de réaction mais Eddie ne la laisserait pas faire. Et il avait raison de le faire. Il fallait d’abord qu’ils se débarrassent du corps.

La jeune femme hocha la tête, montrant son approbation. Elle se recula d’un pas de son collègue et cligna plusieurs fois des yeux, essayant de se remettre les idées en place avant de secouer vivement la tête.
Il fallait qu’elle se concentre sur ce qu’elle avait à faire. Le temps pressait. Elle s’éloigna rapidement du brun à la recherche d’un tapis assez grand et s’immobilisa en réalisant que le seul qui pourrait faire l’affaire était celui placé sous sa table basse, celui là même sur lequel était allongé son petit ami.
Elle bégaya une volée de mots incompréhensibles alors que les larmes lui remontaient aux yeux. Elle secoua à nouveau la tête pour tenter de se reconcentrer mais recommença immédiatement à perdre ses moyens en reposant son regard sur le corps sans vie de Damien.

Elle tourna la tête vers Eddie, lui lançant un regard implorant, espérant qu’il comprenne qu’elle ne pourrait pas le faire sans son aide mais se reconcentra presque immédiatement sur le corps. Non. Il fallait qu’elle le fasse toute seule. Elle voulait qu’il soit fier d’elle et qu’il voit qu’elle était forte et tout à fait capable de le faire sans son aide. Elle prit une grande inspiration et murmura pour elle même un « Il faut que je le fasse toute seule. » Sur un ton se voulant assuré.

Retenant un haut le cœur, elle se saisit de la table pour la tirer de quelques mètres en arrière, la retirant du tapis et s’immobilisa une nouvelle fois quand il ne resta plus que le corps reposant sur le tapis.
Elle referma un instant ses yeux, calmant sa respiration et attrapa son petit ami par un pan de sa chemise pour le mettre dans une position plus adaptée à ce qu’ils s’apprêtaient à faire.
Elle parvint à l’aligner avec le bord du tapis, retenant plusieurs haut le cœur et ses larmes le mieux qu’elle pouvait avant de le lâcher pour observer son œuvre.
Elle avait réussi. Elle y était arrivée sans l’aide d’Eddie et sans perdre ses moyens.

La jeune femme reporta son attention sur le brun, lui offrant un léger sourire, emprunt de fierté et lâcha un « J’ai réussi. T’as vu ? J’ai réussi. » D’une petite voix.
Elle se baissa pour attraper un pan du tapis mais se raidit subitement, incapable de poursuivre son geste et secoua la tête avant de s’éloigner de quelques pas du cadavre. « J-je... Je préférerais que ce soit toi qui... » Elle ne parvint pas à terminer sa phrase mais désigna rapidement le corps et le tapis d’un geste du doigt pour lui faire comprendre qu’elle ne serait pas capable de l’enrouler dedans.

Elle se recula un peu plus et croisa les bras contre sa poitrine, l’air grave, attendant qu’Eddie ne termine, gardant son regard posé sur son partenaire.
Elle avait fait preuve de courage pour faire ce qu’Eddie lui avait demandé mais elle savait qu’elle ne serait pas sereine avant que Damien ne soit complètement enveloppé.

« Qu... Qu'est ce que tu veux qu'on fasse de lui après ? » Son était presque implorant, comme si elle avait peur de la suite des événements. « Tu veux qu'on s'en débarrasse où... » La suite de sa phrase se bloqua dans sa gorge et elle se contenta de regarder silencieusement Eddie, attendant de voir ce qu'il comptait faire.