Les arabesques de fumée dessinaient sa réflexion aux yeux du monde. La blondeur de ses cheveux la rendait candide, presque apaisante. Ses yeux bleus entourés de noir n'en étaient que davantage resplendissants. La pâleur de sa peau accentuait l'effet bonbon de ses lèvres naturellement rosées légèrement pigmentées d'une couleur framboise à peine visible. Elle serait à croquer si la vie n'avait pas fait d'elle le loup. La douceur de son regard cachait bien des scènes d'horreur qu'elle avait elle-même engendré. Sa légère commissure au coin des lèvres dissimulait un sourire carnassier. Joliment empoissonnée. Pourtant, dans cette rue, personne ne la craignait vraiment. L'incandescence au bout des lippes, presque à lui brûler les doigts, elle passait inaperçue au milieu de ses semblables. Depuis des mois, elle semblait avoir trouvé une forme d'équilibre précaire dans la solitude et le silence, comme une bulle protectrice, bien que fragile. Mieux valait être seule que mal entourée, n'est-ce pas? Alors qu'est-ce qu'elle foutait là? Elle se le demandait encore quand elle écrasait le mégot de sa clope sous le talon de sa bottine, laissant la fumée s'échapper lentement du seuil de ses lèvres, profitant encore un peu des bienfaits de la nicotine sur son corps dopé à cette merde.
Quand les derniers traits grisâtres se répandaient dans l'air, elle décollait son dos du poteau contre lequel elle était appuyée, observant une sentinelle faire sa ronde du quartier jusqu'à ce que son champs de vision ne soit coupé par l'encadrement de la porte qu'elle passait. Une petite fourmilière de personnes se présentait à ses yeux et elle retrouvait sa place qu'elle avait délaissé pour fumer. Une vingtaine de minutes plus tard, le regard de l'agent sur elle ne trompait pas: c'était enfin à son tour. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était là. Elle aurait pu se barrer à tout moment, personne ne l'aurait retenue mais maintenant qu'elle était au guichet, elle avait la sensation d'un retour en arrière impossible. L'homme qui lui faisait face savait très bien ce qu'elle faisait là, ils en avaient déjà parler. En silence, elle fouillait dans son sac pour en extirper un papier soigneusement plié en deux qu'elle lui tendait. Il vérifiait quelques informations, se concentrait sur sa tâche jusqu'à ce que le tintement de sa voix se fasse entendre. « Ça sera effectif dans un jour ou deux, le temps de vérifier. Ça vous sera rendu, sauf en cas de fuite. » Un simple hochement de tête de la blonde et elle s'armait d'une nouvelle clope qu'elle coinçait entre ses lèvres le temps de signer la décharge. Peut-être qu'elle serait débitée de cinq-cents-mille dollars ou peut-être pas. A présent, tout était entre les mains de Jeremiah qui allait retrouver sa liberté jusqu'au procès sans jamais savoir de qui venait cet argent.