Malheureusement je ne peux pas dire que je suis surpris. Pourquoi est-ce que j'aurais pu me dire que ce serait simple? Après tout ça? Je ne suis pas naïf, je ne l'avais jamais été. L'inexistence et la mort m'en avait dispensé. Je vois son regard fuyant, détourné, je vois son pas en arrière. J'essaye d'être compréhensif et conciliant mais à l'évidence ça n'a que l'effet inverse. La faire revenir en arrière, me faire passer pour quelqu'un de piégé dans un passé révolu. Ce n'est pas le cas, elle n'en a pas conscience. Et je ne peux pas non plus prétendre tout comprendre dés la première heure après l'avoir retrouvé. Lorsqu'elle évoque la mort de sa mère je ne suis pas surpris non plus, comme soulagé plutôt, car le souvenir est toujours dans ma tête quelque part, il m'aide à ne pas douter. Et puis... - « Tu as appris à une fillette qui t’en sera toujours reconnaissante mais ne crois-tu pas que je sois simplement faite pour un aspect moins doux de ton élément ? » - Je souris, amusé. - Loin de moi l'idée d'en douter, tu n'es pas moi. Je n'ai fais que te montrer, le reste n'a jamais dépendu que de toi. La question n'est pas de ce dont tu es faites, mais de ce que tu peux faire. - Ma glace avait toujours été belle et faite d'émerveillement, même lorsque je m'en servais pour des choses plus sombre. La sienne semble plus neutre, plus brute et malgré tout j'y vois une forme de beauté peut être manipulée par la subjectivité.

Lorsqu'elle considère les châteaux de princesse comme un cliché dépassé j'affiche un air contrarié, un faux, et finalement elle fait disparaitre la structure qui nous entourait et je souris devant la neige cristalline qui tombe. - Pas aujourd'hui. - Dis-je doucement avant de tourner la tête. Les enfants sont toujours là, moins nombreux, plus curieux. - Aujourd'hui jeune fille, on en a assez fait. - Ne poussons pas les limites trop loin. Mon regard suivit la glace jusqu'au sommet du promontoire gelé, là où mon bâton était resté, et je souris. - Quoi que... - Le vent secoue les cheveux de Snow lorsque je m'envole et mes pieds se posent sur la glace en équilibre sans jamais la faire vaciller. - Mon bâton... - Je m'en saisi et une vague de froid se répand. Puis une autre. Douces, fraîches puis froides. Il ne faut pas plus de quelques secondes pour que la neige ne tombe, et pas plus que le temps de sauter dans le vide et de planer jusqu'au sol pour que l'herbe ne se recouvre d'une épaisse couche de neige parfaitement blanche. - Première leçon, la bataille de boule de neige. - Des munitions apparaissent un peu partout, les enfants sont déjà lancés, je n'ai qu'à.. Oui, je n'ai qu'à attaquer Prudence d'une boule bien dosée. Et voilà qui est fait. Maintenant, fuyons.

Cette journée avait commencé plutôt moyennement. J'étais perdu entre confusion et sommeil. Le froid engourdi les sens mais pas les miens, et pourtant ils étaient en sommeil. Assommés par l'absence et l'inconnue. N'avez-vous jamais eu cette impression, de savoir que vous oubliez quelque chose mais que cette chose vous reste inaccessible? C'est cette impression qui me hantait depuis des années, cette impression dont j'ai enfin réussi à me défaire aujourd'hui. Il y a encore bien des choses que ma mémoire garde pour elle, mais ça? Elle? Ces souvenirs sont de nouveau miens. Du moment précis où j'avais pu la ressentir à nouveau, où j'avais pu la retrouver, où mon regard s'était enfin posé sur elle, tout avait changé. Une trace de mon passé, une preuve de ce que j'avais été. Brisée, abîmée, mais vivante et digne d'être sauvée. Elle n'a foi en ce monde, pas foi en elle-même, mais qui peut  bien l'en blâmer? Ce n'est peut être qu'une image erronée qui me donne la certitude que le pardon peut lui être accordé, mais je m'y raccroche, car même si elle ne le voit pas, moi je la voie, Prudence, au fond de ses yeux trop bleus. Elle est là.