« ACTE I. »
« Tu vas.. tu vas rester dans cette école, d’accord ma chérie ? C’est pour ton bien parce que le monde n’est pas encore prêt.. juste le temps de faire des tests.. » L’accident était survenu trois ans plus tôt, sans que personne n’en ait eu vent. Richard Rice était un éminent chercheur en génétique, spécialiste des maladies rares, désireux de trouver des vaccins aux affections les plus rares mais le pauvre homme avait perdu l’une de ses filles. Skylar avait eu une jumelle, décédée d’une morsure de serpent, avait-on entendu, terrible drame pour la famille. Version officielle pour préserver une carrière et un train de vie. Silver était morte, Madisyn Rice ne s’en était jamais remise, Skylar ne comprenait pas encore tout à fait ce qu’il s’était passé ; seul Richard était lucide. Il avait été témoin de ce qui avait entraîné le petit cocon vers l’implosion. « Tu m’aimes plus, papa ? » avait demandé la fillette, du haut de ses neuf ans. Bien sûr, il l’aimait, seulement chaque fois qu’il observait les grands yeux mordoré de la petite, il revoyait les bocaux se briser, le serpent ramper sur le sol, les scorpions courir dans la pièce fermée. Il revoyait les réactions chimiques, la vapeurs, la toxicité ambiante. Il n’avait tourné le dos que deux minutes, pour répondre au téléphone. Deux petites minutes. Ca avait changé toute son existence. Silver avait toujours été la plus fragile des deux, métabolisme moins solide qui n’avait pas pu supporter le choc, le venin. Cauchemar trop réel. « Si je t’aime, il faut seulement.. tu fais du mal aux gens mon ange.. » Elle n’y pouvait rien. Son contact rendait malade. Ca avait commencé avec des vertiges, Richard s’était pensé malade, puis ce fut au tour de Madisyn et des camarades de classe, et ça s’était aggravé. Difficultés respiratoires, inconscience, incapacité à aligner les mots ou vue floue, les effets étaient aléatoires, certes temporaires mais douloureux. Il ne pouvait pas laisser sa propre fille gangréner son entourage, se faire véritable insecte venimeux. Charles Xavier aurait forcément une solution. Si lui n’en avait pas, personne n’en aurait.
Et Sky embrassa l’existence des homos superiors.



« Selkis ? C’est ça ton nom, j’me trompe ? » Elle rougit. Peau de porcelaine et chevelure incandescente, regard fuyant et sourire gêné. Elle était craintive, insecte sauvage qui piquait trop aisément. Ca n’était pas qu’elle était asociale ou inapte à la communication, simplement il était difficile pour elle de parler aux garçons, elle se sentait presque illégitime dans cet environnement joyeux. Son sourire s’offrait en petit comité et son rire existait auprès de ceux qui comprenaient l’importance de la distance. Non, elle ne concevait pas l’idée de devoir vivre intégralement couverte. Mitaines, gants longs, autres fantaisies avaient été acceptée pour protéger les autres de ses mains mais elle avait refusé de se promener en pull de décembre à août pour éradiquer les risques. Elle était mutante, à elle de faire attention pour les autres, à elle de les protéger par ses propres moyens. A quinze ans, elle avait décidé que la meilleure façon de contrôler était de se confronter à la réalité, au défis, à la menace permanente. Elle ne voulait pas être prisonnière de son propre venin. Les expériences de son père lui avaient sauvé la vie, permettant à son corps de s’imprégner au contact du scorpion qui avait menacé sa santé et si elle ignorait encore la réalité des faits, elle avait été associée à la bestiole, lui donnant par la même occasion l’espoir d’un jour pouvoir décider de l’injection venimeuse. Le secret était de s’accepter, elle en était persuadée. « Hé, j’vais pas te manger. C’est pas que t’es pas à croquer, hein, si mais- » « J’dois aller en cours. » Travailler avant tout, pour réussir, pour avoir un avenir qui rende son père fier. Il avait sombré dans l’alcoolisme après le décès de son épouse, une maladie incurable qu’il n’avait pas su soigner. L’Institut était devenu sa famille, la sienne désintégrée par la malchance, elle ne s’était cependant jamais laissée abattre, d’un caractère bien trempé quand elle le voulait. Sky savait quels étaient ses objectifs et rien ne l’en détournerait. La X-Mansion n’était qu’une étape.


La vie heureuse atteinte, enfin, le diplôme en poche et la presque maîtrise totale de sa mutation. Le monde s’ouvrait à elle, dans une joie immense. Elle avait été contactée par le SHIELD, organisation de prestige, secrète et en adéquation totale avec sa façon de voir les choses. La X-Mansion n’était pas tout à fait quittée, elle y avait ses amis, ceux qu’elle considérait désormais comme sa famille, quand bien même elle ne soit pas une homo superior tel qu’on l’entend. Sa mutation n’était pas naturelle, c’était un accident qui avait causé le décès de sa soeur, soit. Elle n’avait jamais voulu se voir comme victime de quoique ce soit, elle n’avait jamais voulu se laisser abattre. Déprimer n’était pas son genre, trop travailleuse pour s’autoriser un instant perdu pour une baisse de moral, trop amoureuse de l’existence pour laisser tomber. Le SHIELD, ça n’était pas rien ! Elle n’était pas certaine cependant que Tornade et les autres approuvent tout à fait les faits mais Sky avait une idée en tête : l’équipe BRAVO, un objectif qu’elle voulait atteindre, aider les mutants, se battre pour la paix. Petite idéaliste à la chevelure rousse. Beaucoup trouvaient que le passé était un fardeau, elle voyait cela comme une force. Une grande force. On apprenait de ses erreurs afin de ne pas les reproduire. Toujours craintive du contact, cependant, elle ne s’était jamais autorisée une relation sérieuse. Tout juste un baiser avant de reculer. Tout juste le tremblement du coeur avant de se raisonner. Rien ne lui prouvait qu’un contact aussi prolongé serait sans conséquence, même si elle savait désormais que la dose injectée était plus ou moins importante, même si elle en sentait les fluctuations. Elle maîtrisait, oui, dans le raisonnable. Assez pour ne pas tuer le premier qui la frôle, comme autrefois, comme dans sa prime adolescence. Etudier là-bas, c’était l’occasion rêvée d’apprendre, toujours plus, de savoir se défendre, d’arrêter les dégénérés qui foulaient la terre. Toujours lovée dans sa zone de confort. Le scorpion détestait sentir les vibrations du danger vriller ses sens, agresser son rationnel - c’était ainsi, au début, à l’Institut, elle fuyait par instinct de survie. Elle devait lutter contre cela. Elle devait lutter contre une étrange seconde nature. Trop jeune peut-être pour se défaire des réflexes premiers.


Troisième année. Année chaotique. Tout aurait pu bien se passer si la société ne rentrait pas dans une nouvelle crise de racisme, de méfiance et de cruauté. Les émeutes, les attaques, les évasions, ces fichus Watchers qui ne comprennent rien. Assise à un café, elle se souvient nettement de ce qu’on lui a enseigné, au sein de l’école du professeur Xavier, elle se rappelle ses mots de tolérance, de contrôle. Elle n’est plus certaine que ce soit possible, elle n’est même plus certaine que le S.H.I.E.L.D puisse encore agir pour un bien commun qui part dans tous les sens - le bien de qui ? L’humanité, le gouvernement, les homo sapiens ? Skylar s’était toujours considérée comme partie intégrante des mutants, son accident remontant à un âge où les homo superior commencent à goûter à l’amertume de la différence. Se battre n’était pas un problème, en revanche elle voulait savoir pourquoi se battre. Il était fini le temps de l’idéalisme, le temps où son projet d’avenir consistait à protéger, à servir, à obéir. L’organisation était toute sa vie, elle n’avait plus que cela, perdue dans son éternel travail, refusant toute implication sentimentale - elle ne voulait pas devenir un danger pour un homme, pour une famille qui n’avait rien demandé. Les heures étaient sombres. Être muté à cette époque supposait, peut-être, d’être un jour traqué, d’être rejeté. A qui infliger ça ? Sky était trop jeune, de toute manière, pour ce type de préoccupations. Mieux valait se concentrer sur chaque seconde, vivre au jour le jour. Survivre bientôt, si rien ne s’arrangeait, si même les Avengers ne parvenaient pas à redresser la barre. Elle perdait foi en tous ces super-héros qui étaient aussi décriés qu’admirés. Que pouvaient-ils faire ? Un bon coup de communication by Tony Stark ne suffirait pas, sur ce coup là. Dissimulée dans l’anonymat et la banalité, elle observait un monde s’autodétruire. Super sujet d’examen, n’est-ce pas ? Comment sauver la Terre de sa propre bêtise ? Vous avez quatre heures.