Au fond d'un bois, une personne se concentrait sur sa tâche. Le clan des fées était venu le trouvé, paniqué. L'une des leurs avait été attaquée par un démon, arrachant une de ses ailes, et son clan était venu lui demander de l'aide. S'éloignant de sa marmite où il était entrain de concocter une remède pour un jeune garçon qui était venu, paniqué, lui demander de l'aide pour sa mère malade - son grand cœur le perdra -, il s'approcha du corps évanoui de la pauvre créature. Ses congénères la déposèrent dans ses mains ouvertes et il l'apporta près du feu, les fées l'entourant. Poussant un soupire agacé, il se tourna vers le clan et prit la parole. « Pourriez-vous vous éloigner ? J'ai besoin de place pour me concentrer. » Pas s'il vous plait, rien. Ils sont venus le voir pour qu'il les aide, il n'a pas à être poli.
Déposant doucement le corps, il s'agenouilla à côté avant de tendre ses mains au dessus d'elle. Récitant des paroles dans un dialecte oublié de tous depuis des années, il sentit sa magie se réveiller, se concentrer sur ses mains et se diriger vers le bas. Le corps de la fée commença à agrandir atteignant la taille d'un humain lambda et les fées hurlèrent déjà, prêt à l'attaquer, disant qu'il avait modifié l'essence même de leur amie. Soupirant, le druide Cavanagh fronça les sourcils avant de reprendre la parole d'une voix qui ne laissait place à aucune protestation. « Silence ! Je n'ai en aucun cas changé sa nature. Elle est toujours une fée, regardez. » Il désigna rapidement l'aile qui n'avait pas été arraché durant l'attaque tandis que l'autre pendait mollement au bout de l'omoplate de la créature. « J'ai simplement agrandi son corps afin d'avoir une meilleure vision de sa blessure. Je suis peut-être un druide mais je n'ai pas encore une vision accrue. » C'est plus ou moins un mensonge. Car s'il le voulait vraiment, il pourrait utiliser une espèce de sort afin de modifier ses yeux et utiliser la vision accru d'un animal mais, comme ce n'est pas sa spécialité, cela lui demanderait trop d'énergie.
Le silence reprit sa place dans la forêt, uniquement troublé par le vent dans les feuilles. Cela lui prit plusieurs heures avant d'arriver à soigner la fée. Il se sentit légèrement fatigué. Bien sûr il était apte à soigner les gens comme n'importe quel druide, mais sa spécialité était le temps. Ce n'était pas pour rien que l'on ne le surnomme Timelord. Plus de gens le connaissaient sous ce surnom qui lui avait été attribué le jour où il avait réussi à arrêter une guerre en remontant le temps et en sauvant la princesse de l'un des Royaumes, évènement qui avait déclenché la guerre. Les gens savaient, connaissaient les légendes à son propos : certaines étaient vraies, d'autres n'étaient que des extrapolations d'actions qu'il avait fait. Il ne souhaitait pas toute cette notoriété mais il était capable d'aider les gens et, même si son rôle premier était d'aider la nature, les animaux, si quelqu'un venait à lui, il ne le refusait pas ou seulement dans des cas rares où il savait que son intervention ne ferait qu'empirer les choses ou qu'il ne pourrait jamais rien faire.
Il avait mal au dos de s'être penché si longtemps sur cette blessure. Il se redressa, faisant craquer ses lombaires douloureuses avant d'essuyer la sueur qui perlait à son front. Il se concentra une dernière fois et mis ses mains au dessus du corps avant de marmonner dans l'ancien dialecte. Les fées observaient, fascinées, tandis que le corps de leur « sœur » reprenait sa taille initiale. Doucement, il attrapa la petite créature ainsi qu'une bouteille contenant un liquide verdâtre et les tendit aux autres qui l'attrapèrent avec délicatesse. « Badigeonnez la plaie deux fois par jour et l'aile devrait aller bien. Si vous voyez qu'il y a un problème, revenez me chercher. » Les fées s'inclinèrent, le remercièrent mille fois avant de partir.
Danny se permit de soupirer un grand coup. Il se sentait fatigué alors qu'il n'était que le milieu de la journée. Il avait utilisé beaucoup d'énergie rien que pour soigner la fée. La magie de guérison n'était pas quelque chose et, à moins que ce ne soit quelque chose de simple, il devait utiliser plus d'énergie que nécessaire pour l'utiliser - surtout quand il entendait le bruit d'ailes incessant tourner autour de lui. Rien de plus agaçant que des fées. Elles n'étaient pas méchantes, enfin quand elles avaient besoin de toi, seulement le bruit de leurs ailes pouvait être très énervant pour le druide qui supportait seulement ceux de la forêt. Mais avoir des fées comme alliés pouvait être utile quand on avait besoin de poudre de fée pour certaines de vos décoctions. Et on ne peut pas dire que ces petites créatures étaient assez gentille pour donner à n'importe qui cette substance.
Il porta une potion revigorante à ses lèvres et le bruit d'une branche cassé le ramena sur terre. Il bloqua le temps, par réflexe, et se retourna rapidement. Il vit une jeune femme, figée dans le geste d'enlever une branche loin de son visage. Elle avait son regard rivé sur lui. Depuis combien de temps l'observait-elle ? Habituellement, il était plutôt sur ses gardes mais là, toute sa concentration avait été sur sa patiente et, la fatigue aidant, il ne l'avait pas remarqué après. Il s'approcha doucement d'elle, bloquant toujours le temps grâce à ses pouvoirs. Il l'observa longuement : humaine, fin de la vingtaine, plutôt jolie si on aimait le côté renfrognée. Et puis, il sentit quelque chose d'autre, quelque chose de malfaisant qui tournait autour d'elle, quelque chose de démoniaque. Étrange... Il fronça les sourcils et se recula mais ne retourna pas à sa place initiale. Il voulait lui faire comprendre de quoi il était capable, qu'il pouvait la figer à n'importe quel moment si elle tentait quelque chose contre lui. Okay, peut-être qu'elle s'était simplement perdu et que jamais elle n'avait eu l'intention de tomber sur lui, mais Danny a appris, avec le temps, qu'il ne peut pas faire confiance au hasard et que ce putain de destin est toujours là, derrière, prêt à intervenir. Quand il avait commencé à maîtriser ses pouvoirs, il avait eu la visite de soldat de divinité, ne supportant pas le petit jeu qu'il jouait avec le temps comme ça. Il était jeune et découvrait ses pouvoirs et aucun maître n'était là pour lui apprendre les règles. Mais maintenant, il y avait comme un accord tacite avec ces divinités : ils lui transféraient les évènements importants du temps durant lesquels il ne devait pas intervenir et lui, leur obéissait, plus ou moins - et surtout s'il en avait envie. Mais au final, il ne les avait pas revu depuis un certain temps. Et il ne savait pas pourquoi mais il sentait que cette jeune femme allait changer les choses et il n'aimait pas ça. Au fond, il aimait sa petite vie tranquille dans les bois, tel l'ermite qu'il était.
Inspirant profondément, il finit par expirer avant de libérer le temps d'un geste de la main. Il l'observa pendant à peine une seconde d'un regard dur avant de prendre la parole. « Je pourrais croire que tu t'es perdu, que tu n'es juste qu'une pauvre fille qui cherche son chemin dans la forêt. Mais... » Il interrompit sa phrase, ayant marché pendant quelque temps vers elle, les bras croisés, mais gardant une distance de quelques pas entre eux. « Mais le temps m'a appris certaines choses. Et cette puanteur de démon que je sens autour de toi n'est pas pour me donner confiance, je dois l'avouer. » Il l'observa, le regard perçant, comme s'il voulait découvrir tous ses secrets. Il pencha la tête sur le côté, perplexe. « Je pense que tu es venue pour me parler. Dis moi tout, jeune fille, et je verrais si je peux t'aider. » Il sait qu'il paraît à peine vingt ans, mais qu'elle ne se fit pas aux apparence, il est le maître du temps depuis longtemps, depuis des siècles et on ne l'appelait pas Timelord pour rien. Personne ne connaissait son véritable âge et beaucoup n'y avait pas cru et s'en était mordu les doigts de l'avoir sous-estimé à cause de son apparence physique.
Elle n'aurait pas dû quitter son village en pleine nuit. On l'avait avertie, pourtant. Sa mère, son père, lorsqu'ils étaient encore en vie, lui racontaient les histoires de démons qui rôdaient dans les bois alentours, la nuit tombée. Ils obéissaient à la lune, buvaient le sang de leurs victimes, dévoraient leurs cœurs, arrachaient leurs organes. Des histoires qui terrifieraient n'importe quelle petite fille. Anna avait grandi, depuis. Et elle commençait à se lasser de son village, et des frontières invisibles qu'elle s'imposait sans arrêt. Elle voulait voir du pays. Entrer dans les bois pour regarder les étoiles. Trouver l'amour en la personne d'un chevalier, venu d'une autre contrée, qui la déroberait en passant dans le village et l'emmènerait vivre une vie de princesse. Elle voulait que les choses changent, de l'imprévu. C'était la raison pour laquelle elle s'était aventurée dans la forêt, sous couvert de l'obscurité. Ce qui l'avait conduite à affronter un démon. Un être abominable, aux cornes ensanglantées, à la peau poisseuse et grasse, qui se lécha les babines en la voyant. Allait-il lui arracher les ongles ? Lui ôter les orbites ? Elle imaginait mille morts, toutes plus terribles les unes que les autres.
Le démon, pourtant, ne fit que poser un doigt sur son front. La lune brilla plus fort, et elle sombra dans un sommeil profond, dont elle ne se réveilla que le lendemain. Inquiète et confuse, elle essaya de se convaincre que la rencontre faite la veille n'était qu'un cauchemar, un sordide fantasme qu'elle devait aux histoires rocambolesques de ses parents. Anna retourna au village, pressée de raconter qu'elle avait survécu à une nuit dans la forêt ! Sans nul doute, ce récit lui apporterait l'attention d'un beau jeune homme. Enfin, sa vie pourrait démarrer. Mais en arrivant dans le petit hameau, elle n'eut qu'à toucher l'une de ses amies pour que celle-ci tombe, raide morte. De peur, elle partit chercher le forgeron, pour qu'il prévienne le chef du village ; mais elle n'eut qu'à effleurer sa peau, pour qu'à son tour, il s'effondre. Alors Anna comprit. Le démon l'avait marquée. Elle portait la mort au bout de ses doigts.
Terrifiée, elle rentra chez elle, fit un petit baluchon, et prit la route. La forêt ne l'inquiétait plus. Si quelque démon l'approchait de nouveau, elle le supplierait de mettre fin à ses jours – car une vie en tant que faucheuse, n'était pas une vie pour elle. Épuisée, après des jours de marche qu'elle avait tenté de passer loin de toute civilisation, elle entendit à l'orée d'un chemin, une conversation entre deux jeunes hommes. Ils parlaient d'un druide, capable de guérir presque n'importe quel mal. « Excusez-moi ! Où se trouve ce druide ? » Ils la toisèrent, prêts à l'ignorer. Quelque chose dans son regard, peut-être, ou dans l'état physique général dans lequel elle se trouvait, les poussa à lui répondre malgré tout. Elle les remercia grassement, puis s'enfonça dans les bois. Il était un ermite, dissimulé par la nature. A cela, elle devait comprendre qu'il vivait dans une grotte. Anna longea les montagnes et falaises, cherchant les cavités poreuses qui pourraient abriter un homme. C'était long, laborieux, et elle faillit abandonner à plusieurs reprises. Finalement, la voix d'un garçon l'interpella. Elle approcha, lentement, de l'entrée d'une grotte. Un adolescent s'y trouvait. Un instant, il lui tournait le dos, la seconde suivante il lui faisait face, se tenant à un endroit éloigné de quelques pas du premier. Comme si il s'était téléporté ; de la magie ! Un druide ! LE DRUIDE !
Anna fit un pas en avant, ravie de l'avoir enfin trouvé, mais il fit un pas en arrière et garda ses distances. Il était sur ses gardes. « Je pourrais croire que tu t'es perdue, que tu n'es juste qu'une pauvre fille qui cherche son chemin dans la forêt. Mais... » Il fit quelques pas vers elle, et croisa les bras sur sa poitrine. « Mais le temps m'a appris certaines choses. Et cette puanteur de démon que je sens autour de toi n'est pas pour me donner confiance, je dois l'avouer. » Elle baissa les yeux, regardant le tapis de feuilles sur le sol. Ainsi donc, elle avait aussi une odeur particulière. Décidément, elle avait été bien stupide, de sortir de chez elle en pleine nuit. « Je pense que tu es venue pour me parler. Dis-moi tout, jeune fille, et je verrais si je peux t'aider. » Ses grands yeux fixèrent le garçon de nouveau. Ils étaient brillants d'espoir. « Vous pouvez m'aider, c'est vrai ? » Elle papillonna des paupières un moment, puis s'éclaircit la gorge. « En effet, vous seriez mieux aisé de m'aider si je vous racontais ma mésaventure. » Elle passa une main dans ses cheveux, délicatement. Ses doigts étaient recouverts de tissu, qu'elle avait déchirée de sa tunique et accroché à ses phalanges, pour éviter de tuer quelqu'un par mégarde. « Je suis partie de chez moi, alors que la nuit était tombée, pour une promenade sous les étoiles, et je suis idiote parce que mes parents disaient toujours, ne va pas dans le bois quand la lune est haute mais ils étaient âgés, superstitieux, et je pensais que les démons n'étaient qu'une légende, une vieille légende qu'on raconte pour effrayer les enfants, j'aurai dû être plus vigilante. Alors j'ai traversé la place du village, là où se trouve la statue du chef, et j'ai profité de l'obscurité pour me glisser dans la forêt, mais au bout de quelques pas j'ai croisé ce démon, il avait de longues cornes aux pointes écarlates, il sentait mauvais, très mauvais, et son doigt m'a touché juste là, sur le front. Après je me suis endormie, je pense, car à mon réveil, plus de démon et plus de lune, c'était le matin donc j'ai couru jusqu'au village, j'avais survécu à une nuit dans le bois, j'étais presque une héroïne, mais j'ai tué la première amie que j'ai croisée, dès que je l'ai touché, donc j'ai couru voir le forgeron pour qu'il prévienne le chef du village mais quand mes doigts ont effleuré sa peau, il est mort aussi et je, je, je.. » Sa voix s'était mise à trembler au milieu de son récit, mais elle avait continué, à un rythme effréné, jusqu'à ce que les sanglots la rattrapent. Elle tomba sur ses genoux, et pleura la bouche ouverte, geignant comme une enfant. « AIDEZ-MOIIIIIIIII ! S'IL VOUS PLAAAAAAAAAIT ! »
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Sam 2 Avr - 21:57
