« Il ne faut pas que vous abandonniez. - Je ne veux pas aller plus loin, c'est comme ça. - Rebecca, si vous arrêtez maintenant, ils vont s'en sortir, c'est vraiment ce que vous voulez ? - Tout ce que je veux c'est avoir une vie tranquille et je ne serai tranquille que si je les laisse tranquilles. - Non, vous savez que non. - Je ne changerai pas d'avis. Désolée. »
Et sur quoi, ma cliente se lève et s'éloigne pour finalement claquer la porte derrière elle en me laissant là, assis à mon bureau, tout seul. Seul face à mon échec et l'échec, je n'aime pas ça. Je n'aime tellement pas ça que je me lève soudainement et envoie valser ma chaise plus loin dans le bureau avant d'envoyer valdinguer tous les papiers qui se trouvent sur mon bureau. J'envoie aussi la lampe de bureau contre le mur qui n'en demandait pas tant. Je ne pense pas au fait que le moindre matériel ici est précieux et que le moindre matériel cassé est un trou supplémentaire dans notre budget qui ressemble déjà terriblement à du gruyère mais je n'y peux rien, je ne peux pas m'en empêcher, la colère m'empêchant tout simplement d'y voir clair. C'est une douleur sur mon côté gauche qui m'empêche de causer davantage de dégâts, un petit rappel à l'ordre d'une séance musclée de la veille au soir avec un type qui, par manque de chance, était plutôt doué en arts martiaux. Il me semble qu'ils sont de plus en plus nombreux à savoir bien se défendre ce qui ne fait que me rendre les choses plus difficiles mais cela ne m'empêche pas de continuer : il n'y aura que mon cercueil qui m'empêchera de continuer à faire le bien. Je m'arrête donc, reste un instant debout puis finalement termine par m'asseoir directement au sol. Je plie mes genoux, pose mes mains dessus et frotte nerveusement mes poignets. Je ne cesse de me repasser les conversations que j'ai pu avoir ma cliente. Qu'est-ce qui a fait qu'elle n'a pas eu assez confiance en moi pour ne pas aller jusqu'au bout ? Je sais que ceux contre lesquels elle était décidée à se battre l'ont menacée, il était certain que ça allait arriver mais je lui ai promis qu'elle allait être protégée et que rien n'allait lui arriver. J'ai fait en sorte que mon autre moi veille sur elle et j'y suis parvenu, personne ne s'est introduit chez elle, personne ne l'a agressée, alors quoi ? Aurait-elle reçu ces menaces par écrit ou par téléphone ? C'est possible oui, elle ne m'a clairement pas tout dit et moi, j'ai échoué. Je n'ai pas réussi à la convaincre qu'elle pouvait aller jusqu'au bout pour mettre ces salopards hors d'état de nuire et elle a filé. Elle a filé pour ne plus jamais revenir, j'en suis convaincu.
Alors quoi maintenant ?
Eh bien puisque la justice ne pourra rien faire pour stopper ces hommes, c'est mon autre moi qui va devoir le faire. Ce soir. Dès que la nuit sera tombée. En attendant... En attendant rien du tout. J'enrage, voilà. Je soupire et baisse la tête puis je reste là. Je ne bouge plus. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Quelques heures ? Je ne sais pas mais cela me semble long et lorsque je perçois des bruits de pas dans le couloir je garde la tête baissée tout en tendant l'oreille. L'allure, la souplesse, la légèreté : c'est Karen. Je devrais relever la tête, me relever complètement même mais je n'y arrive pas. En fait, je n'ai tout simplement pas la force de me redresser et de faire comme s'il ne s'était rien passé, comme si tout allait bien car tout ne va pas bien non. J'ai perdu une cliente parce que je n'ai pas su assez la protéger et ça me bouffe de l'intérieur alors oui, je reste là, assis par terre, alors que j'ai fait des dégâts dans le bureau et je suis conscient dans le fond que cela va inquiéter Karen mais je ne suis pas capable de faire un effort là tout de suite. Ce n'est finalement que quand la porte s'ouvre que je daigne relever le visage et le tourner vers la porte d'entrée où je sais que se trouve Karen. Je reste un instant silencieux.
« J'ai un peu perdu mon sang-froid. » je me justifie finalement à voix basse avant de baisser de nouveau le visage, honteux.
Honteux d'avoir perdu mon sang-froid, honteux d'avoir perdu notre cliente, honteux pour tout un tas d'autres choses aussi. Vraiment honteux mais s'il est une personne dont je peux accepter la présence et le regard en cet instant c'est Karen. En fait, cela va bien au-delà de ce que je peux accepter : c'est ce dont j'ai besoin.
Elle. Maintenant. Toujours. Matthew, il ne faut pas.
e sens la ville s'activer avec pression. Avec tous ces bruits concernant les mutants, leurs attaques et la crainte visible sur les visages de toutes ces personnes qui passent devant moi, la population se mouvait maintenant au rythme de mon coeur qui s'accélérait depuis quelques temps. Contrairement à eux, je ne me pensais pas avoir peur, enfin, je n’avais plus l’impression d’avoir peur puisque quelque part, une blessure ouverte en moi me faisait douter moi-même de ma propre intégrité. En ce moment, les médias montrent l’angoisse de l’opinion par rapport à ces sur-humains qui semblent faire régner la terreur sur leur passage, mais une pensée bien plus inquiétante me noircissait l’esprit, valais-je mieux qu’eux en ayant abattu un homme de mes propres mains ? Bien souvent, cette réflexion me torturait l’esprit, si bien que des fois, ma force mentale s’en retrouvait considérablement réduite. J’aurais pu en parler autour de moi, avec mes parents, ou bien à Matt ou Foggy, mais à quoi bon me montrer faible une nouvelle fois ? Tuer un homme sans défense, même s’il me pensait incapable d’appuyer sur la détente, cela n’a rien de bien glorieux, jamais je n’aurais même pensé en arriver là. Je devrais en parler avant que cela ne me ronge de l’intérieur, mais je n’en ai pas la force. Alors, je me reconcentrais sur autre chose, sur mon travail et sur la suite de ma vie, même si cette ombre est toujours présente, même si, autour de moi, le danger rôde encore. J’en avais conscience contrairement à d’autres personnes, plus méfiante et sur mes gardes, j’aurais peut-être plus de chances de rester en vie, bien que je sache pertinemment que celle-ci ne tenait qu’à un seul et minuscule fil. En effet, je n’avais malheureusement rien d’une personne qui sache tant soit peu se défendre seule, pas de formation du Shield, et encore moins de don inné tel un mutant. Non, j’étais juste moi avec mon passé, mon histoire, quelques accroches peut-être pour le futur, mais rien faisant de moi l’un de ces êtres si extraordinaires.
L
e temps que Matthew se fut retrouvé affairé avec son rendez-vous avec l’une de nos clientes, j’avais simplement continué mon travail d’archivage et de gestion de comptes alors que j’étais seule dans la toute petite pièce d’entrée de notre cabinet. Je m’étais bien accommodée à mon travail mine de rien, et je faisais toujours de mon mieux pour que mes collègues s’en montrent satisfaits. Du peu que je le sache, mon efficacité semblait les contenter et cela me comblait quelque peu, bien que je ne considérais pas forcément cela assez pour rendre l’appareil de toutes ces choses qu’ils ont fait pour moi, alors, en plus de mon professionnalisme, j’appliquais des petits gestes plus personnels sans trop m’imposer, comme passer du temps avec eux après le travail s’ils voulaient bien de moi, faire la fermeture du cabinet aussi. Et aujourd’hui, alors que j’avais fini de classer une pile de dossiers, j’avais eu l’idée de sortir un instant acheter du café dans une certaine boutique spécialisée à quelques rues d’ici, pour changer un peu de cette machine qui nous faisait clairement de la boisson de mauvaise qualité, pour rester courtoise. J’étais sortie une dizaine de minutes, le temps de prendre l’air et passer commande, espérant que Matthew allait apprécier mon geste qui se voulait purement sans arrière-pensée aucune, juste casser un peu la routine du travail et rendre cela plus agréable. Le froid d’hiver qui régnait sur la ville n’avait même pas eu raison de ma bonne intention, et ce fut donc couverte d’un long manteau pourpre et d’un bonnet sombre que j’étais rendue dehors, sur le chemin du retour avec deux cafés bien fumants, prêt à retrouver Matt qui devait sans doute être encore occupé. Je ne connaissais que trop bien sa profonde passion pour la justice et donc le fait de toujours sceller son devoir d’avocat à la perfection, sa volonté me laissait souvent rêveuse et je l’admirais secrètement pour cela, en plus d’autres choses que je ne voulais pas forcément m’avouer.
C
hassant ces pensées quelque peu déroutantes, je m’empressais de pénétrer dans le couloir d’entrée, appréciant de retrouver un peu de chaleur, il faut dire que les deux cafés dans mes mains n’étaient pas suffisant en guise de bouillotte. Cependant, mon instinct fut quelque peu interloqué en voyant la porte du cabinet entrouverte. Matthew refermait toujours derrière lui, que ce soit en quittant l’établissement ou accompagnant ses clients. C’était un petit détail qu’elle avait remarqué et qui pour une raison inconnue lui était revenu en mémoire en voyant pendant quelques instants cette porte entrebâillée. Naturellement inquiète, je décidai d’entrer doucement, piquée de curiosité à la simple idée d’un problème. Un silence se trouvait dans le cabinet, un silence quelque peu pesant. « matt ? » M’annonçais-je en direction de son bureau. Pas de réponse, définitivement, cela ne lui ressemblait pas. Oubliant un instant les cafés que je déposais sur mon propre office, je tournais les talons pour rejoindre le bureau de l’avocat aveugle, et ce fut avec étonnement que je découvris la lampe brisée au pied du mur, et Matthew lui-même assis contre l’autre en face. Mon visage finit alors par se transformer en véritable signe de détresse. « j'ai un peu perdu mon sang-froid. » Je pouvais lire sa honte sur son visage, ce ressenti qui montrait clairement qu’il avait mal agi, qu’il n’avait sans doute pas réussi ce qu’il voulait entreprendre avec Rebecca et cela ne manqua pas de me fendre un peu le cœur. Plissant les lèvres de compassion et résolue à vouloir lui apporter mon soutien, je m’approchais doucement pour m’agenouiller face à lui, perdant mon regard océan dans le sombre de ses lunettes noires. Son teint si abattu me touchait, je ne pouvais pas me permettre longtemps de le laisser ainsi. « ce n’est rien, je peux comprendre ta frustration matt … » Je n’avais pas forcément envie de rajouter qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait, même si j’en étais intimement certaine. Matthew Murdock ne considérait jamais avoir tout fait si cela la menait tout droit à l’échec, et je ne voulais pas risquer de le froisser un peu plus en voulant simplement bien faire. Réfléchissant quelques instants, je repris simplement, avec un fait, une certitude qui montrait quel malgré tout, beaucoup de gens croyaient en lui, moi y compris bien évidemment, me demandant si cela allait le consoler un minimum. « cela ne doit pas remettre en doute le fait que tu es un bon avocat, tu es même sans doute le meilleur de la ville avec foggy. rebecca, elle ne l’a sans doute pas encore compris … » Au fond de moi, je ne pouvais pas vraiment la blâmer, quelques temps plus tôt, j’avais eu du mal à avoir foi à ces deux avocats qui débutaient tout juste leur carrière en me défendant contre Union Allied. Mais contrairement à elle, j’étais allée jusqu’au bout, ou plutôt, ils ne m’avaient pas laissée tomber et à présent j’étais libre et heureuse quelque part, sentiment que Rebecca n’allait sans doute pas avoir, malheureusement. Sans doute me serais-je retrouvée dans le même état à la place de Matt mais je ne préférais pas vraiment y penser, pour le moment, je souhaitais m’employer à ce que Matthew reprenne confiance en lui, ce qui n’allait peut-être pas être chose si aisée le connaissant.
Je sais à quel point je peux être trop entier, trop excessif dans ma façon de réagir quand les choses me touchent directement ou même indirectement comme ce qu’il se passe avec Rebecca. Le fait qu’elle ait décidé d’abandonner et de retirer sa plainte ne changera rien pour moi, je continuerai à faire ce que je fais que ce soit le jour en tant qu’avocat ou la nuit en tant que justicier. Ma vie ne changera pas parce qu’elle a abandonné mais celui que je suis va en être changé, au moins un peu. Avec le temps, je finirai par accepter mais cela m’aura changé, c’est certain. L’échec change en tout cas moi, il me change parce que j’aimerais tant réussir à faire le bien autour de moi, j’aimerais tant succéder dans cette périlleuse mission que je me suis fixé… Et là, pas de succès : échec cuisant et cela va me ronger pendant longtemps. Je déteste me sentir impuissant de cette façon, je déteste véritablement ça et c’est parce que je déteste ça que j’ai réagi aussi violemment. C’est parce que je déteste ça que la honte me fait finalement de nouveau baisser le visage lorsque Karen s’approche de moi avant de s’agenouiller à mes côtés. C’est étrange… La savoir à mes côtés me fait beaucoup de bien et en même temps, cela ne fait jamais qu’amplifier ma honte parce que finalement, échouer avec Rebecca c’est décevoir Karen également, c’est faillir dans ce rôle que je me suis donné et que je lui montre au quotidien. En tout cas, c’est bien ainsi que je ressens les choses. Et elle… Elle, elle est tout simplement adorable, comme d’habitude. Elle me dit que ce n’est rien et qu’elle peut comprendre ma frustration et je sais, je sais qu’elle dit vrai, je sais qu’elle pense véritablement ce qu’elle dit. Elle me comprend et c’est merveilleusement agréable de se sentir compris mais malheureusement, cela ne change rien à ce que je ressens. En fait, je n’en suis que plus contrarié encore parce que si Karen comprend ma frustration, elle doit la ressentir également, non ? J’ai donc bien échoué avec elle aussi en échouant avec Rebecca.
Un silence s’installe uniquement ponctué par les bruits provenant de l’extérieur et quand Karen brise le silence, je tourne doucement mon regard vers elle. J’écoute, j’entends ce qu’elle me dit mais cela ne me console pas parce que j’ai tout simplement du mal à croire en ses paroles. Je laisse échapper un bref rire amer tout en secouant négativement la tête : le meilleur avocat de la ville avec Foggy ? Ah bon ? Je n'ai pourtant pas du tout cette impression. Foggy encore oui parce qu'il a le sens des affaires, l'esprit pratique et qu'il sait garder son sang-froid alors que moi... Je me dis que Foggy, lui, aurait sans doute réussi à convaincre Rebecca, il aurait su trouver les bons mots mais pas moi, pas moi. Je détourne mon visage et porte mon attention vers la fenêtre de mon bureau, toujours enfermé dans mon silence. Le meilleur avocat de la ville n'échouerait pas, il n'échouerait jamais. Mes poings se serrent, ma mâchoire se crispe tandis que je repense à Rebecca, à sa voix tremblante, à sa peur. Je l'ai laissée tomber...
« Je suis vraiment un incapable. » je dis soudain les dents serrées, de nouveau au bord de l'explosion en fait. « Et loin d'être le meilleur avocat dans cette ville. » j'ajoute finalement en me retournant de nouveau vers Karen.
Mes poings sont tellement crispés qu'ils en tremblent.
« Si j'étais vraiment le meilleur comme tu le dis, elle ne serait pas partie, elle m'aurait fait confiance et elle aurait été jusqu'au bout mais elle a abandonné et c'est ma faute. Je n'ai pas réussi. Je n'ai pas été un assez bon avocat et elle a préféré prendre la fuite. Cela ne fait pas de moi le meilleur avocat Karen, cela fait de moi le moins bon. Si je ne sais pas donner à mes clients ce sentiment de sécurité dont ils ont besoin, je suis un mauvais avocat et un mauvais protecteur... »
Ces derniers mots je ne devrais pas les prononcer mais ils sortent tous seuls sans que je ne puisse vraiment le contrôler. Je ne fais ceci dit pas uniquement allusion au costume que je porte la nuit : pour moi, être avocat, c'est défendre les personnes dans le besoin mais aussi les protéger, cela va de paire et c'est indissociable. Donc, si je suis un mauvais avocat, je suis un mauvais protecteur, voilà tout. Je marque un silence, observe Karen et me reviennent alors nos premiers moments passés ensemble dans mon appartement. Au début, elle non plus ne m'a pas fait confiance, pas à moi, c'est l'intervention de mon autre moi qui lui a fait changer d'avis alors qu'est-ce que ça dit sur moi, hein ?...
« Toi non plus tu ne m'as pas fait confiance au début... Tu m'as caché l'existence de la clé USB... Pourquoi ? » Difficile d'échapper à la petite pointe de désespoir que l'on peut percevoir dans ma voix. « Qu'est-ce qu'il y a chez moi qui fait qu'on ne peut pas me faire confiance dès le départ ? »
Parce que si Karen m'explique je serai peut-être capable de corriger cela et d'arranger les choses avec Rebecca mais aussi de faire en sorte que ça ne se reproduise plus jamais
l ne s’en rendait sûrement pas compte, Matt, mais le voir ainsi, avachi au sol, écrasé par son sentiment d’impuissance, me faisait mal, d’une façon que je ne pouvais vraiment m’expliquer. Sans doute parce que j’étais si habituée à le voir entier, fort et ayant une confiance totale de ses actes et de ses paroles, il a toujours été ce modèle de force bien que je le comprenais, un être humain normal avait aussi le droit à ses moments de faiblesses, et c’était sans doute pour cela que finalement, je me sentais aussi proche de lui, silencieusement, car nous étions complémentaires, en quelque sorte. Il était la force de conviction, cette ténacité de fer alors que je n’étais qu’humanité et douceur. Un alliage parfait, à mon sens, mais si loin de moi, car j’avais tout simplement peur qu’il n’en suive pas le même avis que le mien. Je ne voulais pas non plus briser cette confiance, cette amitié tout aussi bien professionnelle et humaine qui nous liait tous les deux, était très importante pour moi alors, je me réduisais au silence, envers et contre tout. Mais je tenais à me montrer la plus compatissante possible, car il le méritait amplement, même avec cette moue si tendue et résignée sur le visage.
«
Je suis vraiment un incapable. » Son si sévère jugement résonnait dans mon esprit comme les images assassines d’un mauvais rêve. Je n’en croyais sûrement pas un mot, ou alors, je me refusais tout simplement de m’en rendre compte. A mes yeux, il était loin d’en être un, je cherchais même des mots pour tenter de l’en dissuader, des paroles rassurantes pour qu’il ne se sente ainsi plus comme tel. Et pourtant, sa réaction prouvait tellement à quel point il voulait être parfait dans son travail, chose qui n’était pas non plus à mettre de côté, mais je ne me sentais pas capable de le blâmer, de continuer dans son sens, risquer de le décourager encore plus que nécessaire. Non, je n’étais pas assez forte pour cela, ce n’est même pas dans ma nature. « Et loin d’être le meilleur avocat dans cette ville. » Le ton de sa voix était si marqué, montrant bien à quel point il en était convaincu. Pour le coup, je ne pus que baisser le regard, quelque peu touchée, ne sachant pas vraiment quoi lui répondre. Je me doutais bien que si je continuais sur la négative, m’entêter à répéter les mêmes paroles, il finirait par ne plus y croire du tout, et peut-être même ne plus vouloir m’écouter. Me résignant dans mon triste silence, je devinais alors ses mains qui se mirent à trembler sous sa crispation. Matt était tellement frustré, à raison, alors pour tenter tant soit peu de l’apaiser, je me risquais à nouer une main aux siennes, comme cette dernière fois où devant la porte de notre cabinet, il m’avait promis que l’on traverserait tout, ensemble. Simple contact de ma part pour lui renvoyer l’ascenseur, lui souffler que ce moment était loin d’être oublié et que malgré toutes les difficultés, je serais là pour me battre aussi à ses côtés s’il me le demandait, ou l’épauler quoi qu’il arrive.
«
Si j'étais vraiment le meilleur comme tu le dis, elle ne serait pas partie, elle m'aurait fait confiance et elle aurait été jusqu'au bout mais elle a abandonné et c'est ma faute. Je n'ai pas réussi. Je n'ai pas été un assez bon avocat et elle a préféré prendre la fuite. Cela ne fait pas de moi le meilleur avocat Karen, cela fait de moi le moins bon. Si je ne sais pas donner à mes clients ce sentiment de sécurité dont ils ont besoin, je suis un mauvais avocat et un mauvais protecteur... » Et voici un argumentaire bien rôdé signé Matthew Murdock. C’était triste de voir que pour se dévaloriser, il pouvait se retrouver champion du barreau. Je me devais bien être forcée de l’admettre, avec un tel raisonnement c’était tentant d’accepter ses paroles, mais je me battais toujours intérieurement pour me persuader aussi que je ne voulais pas le voir ainsi. Tout serait question d’expérience, si Matthew ne se considérait pas capable de défendre les personnes, il apprendrait sur le terrain. Il en avait toutes les forces, le mental, la capacité, chose que moi-même je ne me pense clairement pas capable. « mais, matt, si tu étais un si mauvais protecteur, un si mauvais avocat … si tu ne m’avais pas cru la première fois que nous nous sommes rencontrés, je n’aurais jamais eu la force de me battre, je ne serais sans doute pas avec toi aujourd’hui. » Je ne savais pas vraiment s’il allait s’en rendre compte, on savait très bien lui et moi que Daredevil était aussi de mèche à ma sécurité, mais j’étais persuadée que si Matthew n’avait pas été là pour moi comme il l’a été, Fisk aurait gagné juridiquement parlant, et sans doute aurais-je été enfermée dans un cercueil, il fallait que Matt réussisse à le comprendre, enfin, s’il acceptait simplement de l’entendre. « Toi non plus tu ne m'as pas fait confiance au début... Tu m'as caché l'existence de la clé USB... Pourquoi ? » Encore un point de marqué, me faisant étirer une grimace de détresse sur mes lèvres. Sur ce point-là, il avait encore raison, je n’avais pas eu confiance en lui et aujourd’hui, je pourrais sans doute l’ajouter à ma longue liste des culpabilités. Je ne voulais pas lui mentir, et ne pas me dérober devant une erreur que j’avais pu faire, je me suis toujours promise d’être honnête envers moi tout autant qu’envers les autres, ce n’était pas maintenant que cela allait changer : « parce … parce que j’avais peur … ce n’était pas une question de confiance, c’est ce sentiment qui nous fait faire n’importe quoi … » Je venais de soulever un point que Matt ne s’apprécierait évidemment pas. Mais il voulait savoir alors autant le lui dire, je me sentais ne pas avoir le droit de lui cacher cela à présent, même si je pense qu’au fond de lui, il l’a toujours su, que j’avais eu peur de toutes ces représailles, un peu comme Rebecca avait eu peur aujourd’hui. « Qu'est-ce qu'il y a chez moi qui fait qu'on ne peut pas me faire confiance dès le départ ? » Je relevais mon regard bleu dans le sien, encore une fois interdite face à sa question. Je ne savais pas vraiment comment lui répondre, pour ma part, la confiance aveugle que j’avais en lui était née naturellement, sans doute était-ce tout ce temps que l’on avait passé ensemble qui a forgé cela. Bien sûr, il ne pouvait sans doute pas donner à tout le monde tout ce qu’il avait fait pour moi, même si je connais bien Matt, il le ferait sans hésiter si cela honorerait son travail de faire entendre la justice. « je t’avoue que je ne peux pas te répondre, je ne vois que du positif dans ton travail. tu as pourtant une parfaite morale, un sens et une envie de défendre la justice plus forte que n’importe qui. à mon sens, ce sont juste les gens qui ont du mal à le voir, comme j’ai eu du mal au début, mais au final j’ai su ouvrir les yeux, la confiance a grandi et je ne regrette pas de t’avoir écouté. » Sans doute ne répondais-je pas vraiment à ses questions, sans doute étais-je trop subjective pour lui et qu’il ne donnerait pas de crédit à ce que je venais de lui dire. Je ne voyais pas d’autre solution que de lui dire clairement ce que je pensais au lieu de me murer dans un silence qui aurait fini par l’angoisser. J’espérais que la sincérité de mes mots allaient tout de même faire un effet, même un tout petit, car je tenais quand même à me battre afin qu’il s’en relève plus fort. Sans doute n’étais-je pas meilleure défenseure qu’i ne l’était, mais en tout cas, si je pouvais l’aider avec ma tempérance et mon optimisme, au moins, j’aurais utilisé mes armes sans abandonner dès la première difficulté.
mon dieu, j'ai terriblement hésité en écrivant. et puis je suis vraiment désolée du retard, je suis impardonnable. j'espère que tu n'es pas démotivée ...