A nice walk in the park

Daisy a pris l’habitude de courir depuis qu’elle s’est un peu sédentarisée. Une heure tous les matins pour bien commencer la journée. Elle se lève, prend son petit déjeuner, saute dans son jogging, descend dans la rue et profite du petit matin. Certains méditent, elle c’est en faisant marcher ses jambes qu’elle se fait le vide. Elle en profite pour passer en revue les actions du jour. Les missions, les rapports, les réunions. Les gens à voir. Elle en profite aussi pour apprécier vraiment sa nouvelle vie. L’année passée ne l’a pas épargnée en matière de changement mais elle lui a aussi apporté les réponses qu’elle cherchait. Des parents. Une date de naissance. L’année dernière a aussi ajouté deux chiffres au lieu d’un à son âge. 1988. Rien qu’à y penser, Daisy a presque le vertige. Et son nom.

En passant sur la boîte aux lettres, la jeune femme toque son nom de l’ongle pour le simple plaisir d’apprécier le son de la kératine contre le plastique où l’on peut lire Daisy Johnson. Certains jugent que l’initiative n’est peut-être pas très maline mais l’Inhumaine n’en pouvait plus de se contenter des locaux du S.H.I.E.L.D. comme seul foyer. Elle avait eu besoin d’un chez elle. Par la force de l’habitude, elle avait envisagé un moment de reprendre un van mais à présent elle avait un compte en banque et un salaire versé tous les mois. Pas de raisons de vivre sur la route. Elle était intégrée dans la société. Elle pouvait faire s’effondrer des buildings et appartenait à une agence de super espions mais elle avait aussi des horaires normaux et un appartement à son nom. Au cours d’une soirée navrante, elle avait même envisagé de fêter le fait qu’elle payait désormais ses factures.

L’un de ses voisins lui adresse un sourire poli comme elle lui tenait la porte pour entrer dans le hall et elle se dit encore une fois qu’elle aimait cette vie. Elle s’y sent chez elle. Elle se sent en sécurité. Elle se sent presque comme une personne normale et cette sensation là n’a pas de prix. Collant ses écouteurs sur ses oreilles la jeune femme se propulse dans les rues de Manhattan avec le sourire aux lèvres.

Elle pourrait faire le trajet les yeux fermés. Prendre à gauche, puis à droite, suivre l’avenue sur un pâté de maison et plonger dans Central Park. Daisy inspire un grand bol d’air plus frais et essaye d’ignorer que derrière les premières rangées d’arbre il y a New York et sa vie cosmopolite. Une heure. Une heure qui n’appartient qu’à elle dans un parc presque désert. Il n’y a  pas grand monde pour faire du jogging dès l’aube. Et l’Inhumaine savoure la sensation de solitude. Il y a bien deux ou trois lève-tôt comme elle mais rapidement, ces inconnus là sont devenus des éléments du décor. Lorsqu’elle les croise, l’agent les salue d’un signe de tête et d’un sourire. Ils ne l’inquiètent pas.

A vrai dire, plus grand-chose ne l’inquiète dans la vie urbaine désormais. Elle est capable de déclencher des tremblements de terre d’une simple pensée, May l’a bien entraînée et, en définitive, si tout le reste échoue, elle a planqué une arme à feu à l’arrière de son pantalon dont elle sait parfaitement se servir. Mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsqu’on travaille pour le S.H.I.E.L.D., et Daisy n’est pas assez bête pour ne pas avoir deux ou trois portes de sortie. Même pendant son heure bénie de jogging, la jeune femme n’oublie pas les principes de base de la sécurité. A la minute où elle entre dans le parc, une alarme s’active dans son crâne. Quelque chose ne colle pas. Le paysage pourtant familier se charge d’une aura de menace. Elle ralentit, enlève ses écouteurs et fait un tour d’horizon sans rien distinguer d’inhabituel. Fronçant le nez, elle se demande si ses sens ne sont tout simplement pas en train de lui jouer un tour. Après une ou deux minutes de tension, Daisy se décide à repartir. Le mieux esy de continuer comme si rien n’était. La réponse se présentera d’elle-même et elle gérera à ce moment là.

Elle n’a pas fait vingt mètres qu’une impression d’horreur vient lui nouer les entrailles. Oh mon dieu. De deux choses l’une. Ou la paranoïa rampante de certains agents est en train de la contaminer et elle ferait mieux de prendre rendez-vous avec Andrew pour un bilan complet. Ou il est quelque part en train de l’observer. Il n’est pas mort, elle le sait. Et elle sait le reconnaître. Comme elle sait reconnaître la présence froide et détachée en apparence de May ou celle plus positive et pétillante – quoique les choses aient aussi changé de ce côté-là – de Fitz ou Simmons. Comme le reste du monde, les gens ont une vibration et Daisy a quelques longueurs d’avance pour les capter. Il est quelque part, il l’a retrouvée. La sensation de sécurité vole en éclats et inconsciemment, la jeune femme se prépare à l’affrontement. Le menton levé en signe de défi, elle jette un regard circulaire autour d’elle. « Pas la peine de te planquer, Ward. Je sais que c’est toi. »

Si elle s’est plantée, elle aura l’air d’une idiote à engueuler ainsi les moineaux et les écureuils. Elle peut encaisser le ridicule. Laisser un agent d'Hydra lui tomber dessus par surprise, même son ancien S.O., en revanche est une chose dont elle est presque sûre qu'elle ne se remettrait pas. Elle est presque sûre d’avoir raison. Elle est raisonnablement sûre d’avoir raison. Ou de ne pas s’être trompée. Bref. Le poing serré et l’estomac noué, Daisy attend.